Ce film documentaire a été réalisé par de jeunes collégiens. C’est bon de voir que l’enseignement de l’Histoire montre bien l’intérêt qu’ils portent sur ce sujet particulier. Bravo à eux et à leurs enseignants !
Archives de catégorie : Histoire
ESPAGNOLS EN BRETAGNE
APRES SEPTEMBRE 1939 – LA RESISTANCE ET LA LIBERATION
En fin de page un article sur Ángel Rodríguez Leira alias Angel Cariño López personne chère à Mar-y-Luz, notre vice-présidente.
LE MUR DE L’ATLANTIQUE:
LA DEPORTATION
Construction du Mur de l’Atlantique
La carrière de Mauthausen. De septembre à décembre 1939, 1.307 réfugiés auront quitté le Morbihan. Restent essentiellement les hommes valides affectés aux Compagnies de Travailleurs Étrangers qui seront utilisés par l’organisation Todt pour construire le mur de l’Atlantique, les bases sous-marines. Par exemple, au fort Montbarey à Saint Pierre et Quilbignon près de Brest, ou ils sont prisonniers et ils sont amenés à construire de blockhaus et des bases soumarinnes comme celle des Quatre Pompes à Brest. Il y a plusieurs témoignages, notamment celui Emilio Pérez qui donne le chiffre de 1500 espagnols internés, ou d’ Antonio Muñoz (Almeria), tous les deux ont participé dans la résistance et furent déportés à Mauthausen. Beaucoup d’espagnols arrivent dans les années 40 dans le Finistère. Par exemple, on sait que cent dix huit travailleurs furent embauchés par l’entreprise Dodin à Brest, soixante huit autres par l’entreprise du bâtiment Marc. De nombreux espagnols furent également employés à la construction de la base de Lorient. Lors des bombardements qui détruisirent la ville et les localités voisines, parmi les nombreuses victimes civiles, citons les ouvriers espagnols, belges, hollandais du Camp Indochine à Beg er Men (Lanester): 80 d’entre eux succombèrent et furent enterrés dans des fosses communes au cimetière de Kérentrech (6-7 mai 1941. Pour beaucoup d’autres, ce sera après un regroupement au camp de Montreuil-Bellay, comme l’atteste un document des Archives municipales de Vannes; le chemin de la déportation en Allemagne ou en Autriche à Mauthausen, camp de travail extrêmement dur où les déportés devaient travailler dans des carrières de granit et construire des usines souterraines; sur 7.000 espagnols, plus de 5.000 y perdront la vie. Autre camp, celui de Buchenwald situé près de Weimar, la ville de Goethe, Bach, Beethoven … C’est là que fut interné Jorge Semprun alors âgé de 20 ans. Après sa libération en 1945, il milite au parti communiste espagnol dont il est exclu en 1964. Il se consacre alors à son travail d’écrivain et de scénariste. Il devient ministre de la Culture en 1988 dans le gouvernement de Felipe Gonzalez. Un site estime à 53 le nombre d’espagnols déportés à partir de la Bretagne: http://pagesperso-orange.fr/memoiredeguerre/deportation/espagnols.htm Site amicale de Mauthausen: www.campmauthausen.org 6.737 espagnols ont été déportés, près de 60% d’entre eux ne sont pas revenus. Comme si cela n’avait pas suffit, de nombreux survivants, après avoir combattu dans les rangs de l’armée républicaine ou dans la Résistance, se retrouvèrent dans les goulags sibériens ou victimes des purges staliniennes; Staline poursuivant impitoyablement cette « guerre civile dans la guerre civile » qui fut l’une des causes de l’affaiblissement et de la défaite de la République.
LLUIS COMPANYS A LA BAULE
Lluis Companys en prison
Hendaye, livré aux fanquistes.
Affiche pour l’annulation de son jugement.
Lluis Companys I Jover, avocat, fut président de la Généralité de Catalogne de 1934 à sa mort. Exilé en France après la Retirada, il s’installe à La Baule en 1939 avec quelques autres responsables catalans. Il résidait villa « Ker imor vad » (maison de la bonne humeur) sur la route de Ploermel. Plutôt que de fuir l’avancée nazi et de partir pour l’Irlande, il a pris le risque de rester car son fils gravement malade était soigné au Croisic. Arrêté par la Gestapo le 13 août 1940 il est extradé vers l’Espagne et à l’issu d’un procès bâclé condamné à mort et fusillé le 15 octobre à Barcelone. Ses derniers mots furent « Per Catalunya! » (« Pour la Catalogne ! »). Un mouvement est actuellement engagé dans le but d’annuler le procès qui a conduit à son exécution..
LES ESPAGNOLS DANS LA RESISTANCE Les espagnols ont pris une part active à la Résistance. L’Affiche Rouge, entre autres documents, en témoigne.
Roque Carrion
Ramon Garrido
Dans le Morbihan, signalons l’activité de Roque CARRION. En 1936, il est officier de l’armée de l’Air espagnole. Il se réfugie en France en 1939 après la défaite de la République espagnole et est interné dans différents camps du sud de la France. Embauché sur le chantier de construction de la base de sous-marins de Lorient, il y développe un réseau de sabotage. Contraint à la fuite, il rejoint le maquis de Ty Glas à Plouray. Son pseudonyme est Icare. Le 14 juillet 1944, la 2e compagnie du bataillon Koenig du commandant Icare défile dans le bourg de Kergrist-Moelou alors que les Allemands se trouvent toujours près de là, à Rostrenen. Ce bataillon FTP devenu 11e bataillon FFI du Morbihan commandé par Icare libère Rostrenen et Pontivy. Il meurt en 1995 et est inhumé à Lanester.
Ramon GARRIDO est né à O’Grove en Galice (le port d’où partit le Novo Emden). Egalement passioné d’aviation, il participe aux combats contre les troupes franquistes. Lors de la Retirada, en février 1939, Ramon GARRIDO franchit la frontière pour être aussitôt désarmé et interné dans le camp de concentration d’Argelès. En juin 1939, il est transféré à Barcarès où il est responsable clandestin de 4 baraques de prisonniers. Le 1er janvier 1940, il part avec la 211eme Compagnie de Travailleurs Etrangers (CTE) à St Médard en Jalles. Il est alors responsable clandestin de la compagnie. En juin 1940, il repart pour Argelès puis à Elne. Le 30 juillet 1941, la Compagnie est livrée aux allemands par les gendarmes français et se retrouve internée au camp de St Pierre à Brest pour travailler dans la base de sous-marins (organisation Todt). Ramon GARRIDO devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise aussi les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants. En janvier 1942, il reçoit l’ordre de la Direction du PCE de s’évader et de rejoindre Lorient avec pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les espagnols de cette ville chargés des travaux dans la base de sous-marins. Ce qu’il fait, après avoir coupé les barbelés du camp, il rejoint Lorient à pied, sans argent ni papiers. A Lorient, Ramon GARRIDO demeure au 73, rue Ratier, avec Inigo PORTILLO PASTHEUROS, fusillé dans les derniers jours de l’Occupation. Il y organise les premiers groupes de combat et de sabotage avec Juan SANCHEZ CASTILLO, Maurice THEUILLON, Georges LE SANT (Buchenwald), Albert Le BAIL (Mauthausen), Jean Louis PRIMAS, ancien combattant des Brigades internationales, fusillé le 7 septembre 1943 à Fresnes, et Roque CARRION MARTINEZ, futur chef du 2eme bataillon FTP de Lorient, puis du 11eme Bataillon FFI. A la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de « Groupes d’Action » sont constitués. Ils ont pour responsables quelques jeunes lorientais qui ont combattu pendant la guerre 1939-1940 et des étrangers ayant combattu pendant la guerre d’Espagne. A partir du 15 mars 1942, les actions contre l’occupant se multiplieront à une cadence rapide. Les sources d’énergie électrique sont surtout visées; plus de dix transformateurs sont ainsi mis hors de service en ce 15 mars 1942. Le 17 juillet 1942, Ramon GARRIDO s’enfuit de Lorient pour se réfugier à Rennes. Il était responsable des 450 Résistants espagnols des départements du Finistère, des Côtes du Nord, du Morbihan, de la Sarthe et de la Loire Inférieure, avec le grade de capitaine FTPF. Arrêté en novembre 1942, il est jugé par la Section Spéciale du Tribunal de Paris, avec 53 républicains espagnols dont beaucoup étaient originaires de la région de Nantes-St Nazaire. Il fut condamné à 2 ans de prison et à 1.200 F d’amende pour « activités communistes ». Il est décédé le 14 janvier 1995 aux Lilas (Seine St Denis). Ses cendres reposent dans le cimetière municipal de son village natal, El Grove. L’action des résistants espagnols en Bretagne est relaté sur le site du Bataillon FFI de la centrale d’Eysses retrace leur combat: http://bteysses.free.frcliquer sur « Le coin des espagnols ».
José Belisario MELON MARTINEZ, également galicien connut également la Retirada. D’abord interné au camp d’Argelès il gagna la Bretagne en 1940. Recruté de force sur le chantier de la base sous-marine de Lorient, il entra très tôt dans la Résistance. A Nantes en novembre 1942, 88 espagnols sont arrêtés, lors d’un procès qui se déroule en janvier 1943, sur les 42 condamnés, 5 sont espagnols. A Rennes: Le 8 juin 1944, 32 résistants dont un morbihannais, Emile LE GREVELLEC de Baden et 9 espagnols avaient été sortis des geôles de la prison Jacques Cartier à Rennes pour être exécutés: Antonio BARRIOS-UREZ, âgé de 29 ans environ, né à Madrid, Pedro FLORES-CANO, né le 2 février 1917 à Carolina, capitaine FFI, responsable des groupes armés espagnols pour la région Bretagne. A une rue à Hennebont. Dionisto GARCIA-RUBIO, né le 19 octobre 1918 à Don Pedro. Tomas HERNANDEZ-DIAZ, âgé de 24 ans environ, né à Badajoz. Léoncio MOLINA-CABRE, né le 17 avril 1915 à Pétroga. Lorenzo MONTORI-ROMEO, né le 10 août 1918 à Saragosse. Ramon NIETO-GRANERO, né le 14 mai 1914 à Oviala. Antonio SEBASTIAN-MOLINA, né le 20 février 1917 à Madrid. Téofilo TURCADO-ARENAS, né le 8 janvier 1917 à Tolède. (Antonio MORENO qui faisait parti du groupe de Brest, sera fusillé à Quimper en avril 1944.)
BELLE ILE: LES TRACES DES ESPAGNOLS DANS LA CITADELLE En août 2007, Madame Renée Le Hérissé a présenté une exposition « Mémoire de la Citadelle ». Elle a retrouvé les traces des espagnols qui y ont vécu, traces gravées dans les parois telles de dramatiques peintures rupestres … « Je travaille surtout sur la mémoire, sur la trace, en particulier sur la trace écrite et aussi sur la trace au sol: labyrinthes, plans, cartes, itinéraires … J’ai travaillé effectivement sur les traces laissées par les réfugiés espagnols à la citadelle Vauban à Belle-Ile dans la cadre d’une exposition dans la poudrière de l’avancée qui avait pour thème la citadelle elle-même et en particulier les messages trouvés dans les cellules de la prison militaires qui existent toujours, contrairement aux écrits laissés par les Espagnols qui ont été détruits lors des travaux de restauration. Une employée du musée a pris des photos avant la destruction complète de ces témoignages et me les a confiées. Pour faire les gravures (17), j’ai respecté de mon mieux la forme même de l’écriture pour témoigner au mieux des messages.
« Les traces laissées par les réfugiés espagnols qui ont séjourné dans la citadelle n’ont pas pu être conservées sur la surface tendre du plâtre. Le médium de la photographie les a sauvées de l’oubli, on retrouve des noms, des dates mais aussi le comptage du temps qu’il faut bien occuper pour tenter de survivre. Ces signes dont les réfugiés n’ont pas pu assurer la pérennité, je les ai gravés sur des plaques de métal en m’efforçant de restituer fidèlement leur forme afin de redonner à voir (et peut-être à entendre) la force de leur désespoir ». L’ensemble du travail de Madame le Hérissé peut être consulté sur son site http://reneeleherisse.canalblog.com
LA LIBERATION
La participation des républicains espagnols dans les combats pour la libération fut décisive dans certaines régions de la France, dont l’Ariège, les Basses-Pyrénées, le Gers, le Tarn, les Pyrénées-Orientales et bien sûr la Bretagne. Ce sont les chars portant des noms ibériques et conduits par des Espagnols qui seront les premiers à entrer dans Paris libéré à la tête de la 9° Compagnie de Marche du Tchad commandée par le capitaine Raymond Dronne, composante de la 2e Division Blindée de Leclerc. Un livre de Evelyn Mesquida retrace leur épopée. Parmi les nombreux combattants espagnols de la Résistance, nous pouvons également citer Manuel Ramos Escariz, natif de Saint Jacques de Compostelle, militant du syndicat des pêcheurs CNT du port de Cariño. Il participa à la lutte contre le coup d’état franquiste mais dû s’exiler à bord du bateau Arkale (Cf page « Boat people »). Il rejoignit l’armée républicaine, combattit dans les Asturies.
Un autre galicien connu un parcours extraordinaire. Ángel Rodríguez Leira, pêcheur de pousse-pieds de Cariño fût obligé de s’enrôler dans l’armée franquiste mais bien vite il déserta et rejoignit l’armée républicaine sous le nom de Angel Cariño López. A la fin de la guerre, à bord d’une patera il quitte Guardamar (Alicante) et rejoint Beni-Saf près d’Oran. Engagé dans la Légion étrangère, il part pour le Tchad et s’engage dans la division Leclerc. Il fit partie de la Nueve et participa à la libération de Paris ou il entre sur le blindé Guernica ce qui lui valu d’être décoré de la Croix de guerre avec palme par le général de Gaulle. Puis ce fut la bataille d’Allemagne, la prise du « nid d’aigle » d’Hitler le 5 mai 1945 avec les troupes du général Patton. La guerre achevée, il vécut en France, simple ouvrier d’usine et mourût en 1975 quelques jours avant Franco sans avoir revu sa patrie. Son histoire est rapportée sur le site de la commune de Cariño : http://carinho1978.blogspot.com/ A la fin de la guerre, leur espoir de libérer aussi l’Espagne du fascisme et de rentrer au pays, s’effondrent, devant la reconnaissance par les alliés du régime franquiste. Un exil qu’ils croyaient bientôt fini, allait encore durer jusqu’à la mort de Franco en 1975 et pour beaucoup d’entre eux allait être définitif.
Source :
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Machisme des années 50 : Le guide de la parfaite épouse.
Pilar Primo de Rivera
Le Service Social était obligatoire pour les femmes célibataires de 17 à 35 ans. Il durait 6 mois : trois d’éducation théorique (bonne mère, bonne épouse, soumise, catholique et patriote) et trois de service obligatoire et gratuit dans des cantines, hôpitaux, bureaux, colonies, etc. Le Service Social était nécessaire pour trouver un emploi ou pour sortir du territoire.
Où sont les acquis sociaux de la femme de la Deuxième République ?
2) Sois belle ! Prépare-toi cinq minutes avant son arrivée afin qu’il te trouve fraîche et belle. Retouche ton maquillage, mets un ruban dans tes cheveux et fais au mieux pour lui faire plaisir. Pense qu’il a eu une dure journée et qu’il n’a été qu’en présence de ses collègues de travail.
6) Prépare les enfants : Prends quelques minutes pour que les enfants soient présentables. Coiffe-les, qu’ils aient les mains propres, change leurs vêtements si besoin. Ce sont ses petits trésors et il veut les voir impeccables.
9) Écoute-le : Laisse-le parler avant, pense que ses centres d’intérêt sont plus importants que les tiens. Il est possible que tu aies des milliers de choses importantes à lui dire, mais quand il rentre ce n’est pas le meilleur moment pour en parler.
11) Arrête de te plaindre : Ne l’agace pas avec de menus détails. Tes propres soucis sont accessoires par rapport aux siens.
Une bonne épouse sait où est sa place.
Deux ouvrages autour de la maternité d’Elne (66)
1939. La Retirada pousse sur les routes de France les Républicains espagnols fuyant la dictature de Franco. Parquées dans des camps de concentration tels qu’on les appelait alors notamment dans les Pyrénées-Orientales, de nombreuses femmes internées accouchent dans des conditions terribles. Une maternité créée par l’institutrice Elisabeth Eidenbez, collaboratrice du Secours suisse aux enfants, leur vient en aide, installée dans le château d’En Bardou. Elle accueillera de nombreuses femmes pendant la Seconde Guerre mondiale, espagnoles, juives, françaises, tziganes, d’au moins quinze nationalités différentes. Entre 1939 et 1944, près de 600 enfants voient le jour dans cet havre de paix au milieu d’un océan de souffrances. Oubliée jusqu’au milieu des années 1990, la Maternité est restaurée et acquise par la ville d’Elne en 2005. Protégée depuis 2012 comme monument historique, elle est aujourd’hui un lieu permanent de mémoire. C’est en partant de cette histoire longtemps méconnue, que ce numéro spécial de la revue Exils et migrations ibériques associé à la revue Riveneuve Continents explore l’action humanitaire menée notamment en direction des enfants victimes des conflits, depuis la guerre d’Espagne jusqu’à nos jours.
Geneviève Dreyfus-Armand et Rose Duroux (coordination), Autour de la maternité d’Elne : L’action humanitaire de la guerre d’Espagne à nos jours, éd. Riveneuve, collection Riveneuve Continents n°20, 2016, 292 p. Numéro spécial de Exils et migrations ibériques au XXe siècle (n°7 nouvelle série)
En espagnol :
La maternidad de Elna es el testimonio emocionante de unas mujeres que, estando a punto de dar a luz, fueron rescatadas de los campos de concentración republicanos de Sant Cebrià de Rosselló, Argelers y Ribesaltes, donde vivían en lamentables condiciones, y fueron acogidas en una maternidad que fundó la maestra suiza Elisabeth Eidenbenz. Allí pudieron ver nacer y alimentar a sus bebés en condiciones excepcionales. La maternidad de Elna es pues la heroica historia de una mujer que salvó a 597 recién nacidos de una muerte segura.
«Había una madre que no tenía leche y el niño lloraba de hambre día y noche. Cuando se agotaba de tanto llorar, se dormía y ella le daba calor con su erpo.
Cuando salía el sol, enterraba al bebé en la arena hasta que le dejaba fuera sólo la cabecita. La arena le servía de manta. Pero al cabo de unos días el niño se murió de frío y de hambre. Yo estaba embarazada y con sólo pensar que mi hijo nacería en aquel infierno me desesperaba.»
Montellá Assumpta, La maternidad d’Elna, La historia de la mujer que salvó la vida a 597 niños, Badalona, Ara Llibres, 2006, 167 p. Une 3è édition en 2013.
Rappel : le très bon article d’Alice sur la maternité (site Retirada 37).
El caminar hacia el último viaje (Le chemin vers le dernier voyage)
Toujours à propos d’António MACHADO : un petit livre qui relate le dernier voyage de Don Antonio MACHADO, de Madrid à Collioure où il décèdera.
Antonio MACHADO. Le chemin vers le dernier voyage. De Monique ALONSO et António TELLO. Edition bilingue français/castillan. Editions Mare Nostrum Perpignan.
UN HÉROE DESCONOCIDO: FRANCISCO PONZÁN, « EL MAESTRO DE HUESCA »
Francisco Ponzán Vidal, conocido como « el maestro de Huesca » (también « François Vidal », « Paco », « Gurriato » y » El gafas »), fue el más legendario de los resistentes españoles que, durante la Segunda Guerra Mundial, organizaron desde Francia redes de evasión a España a través de los Pirineos. Estas redes, a las que dediqué mi artículo anterior en estas páginas, permitieron a miles de personas escapar del horror nazi y evitar así la deportación y la muerte.
Aunque Ponzán nació en Oviedo en 1911, se crió en Huesca, de donde su madre era originaria. Estudió magisterio en la capital oscense y ejerció como maestro en Castejón de Monegros y otros pueblos de la provincia. Militante anarquista desde muy joven, tuvo a Ramón Acín (fusilado en 1936) como profesor de dibujo, y junto a él se inició en el activismo político que le ocasionó varias detenciones en los años anteriores a la Guerra Civil. Durante la contienda, perteneció al Servicio de Inteligencia Militar y fue responsable de Transportes y Comunicaciones en el Consejo de Aragón. Luchó en la 127 Brigada (« Roja y Negra »), luego 28 División, principalmente en el frente de Zuera. Mariano Constante, que tiene para Ponzán un emocionado recuerdo en uno de sus libros, rememora cómo éste, pese a las pocas simpatías que anarquistas y comunistas se profesaban, ayudó a sacar de la prisión de La Seo de Urgel a un comisario comunista injustamente encarcelado. Una de las características que se destaca del « maestro de Huesca » es su saber estar por encima de los sectarismos imperantes en la época. Al parecer, la decisión de poner su red al servicio de los aliados no fue muy bien aceptada por algunos de sus correligionarios anarquistas.
En los libros « La red de evasión del grupo Ponzán: anarquistas en la guerra secreta contra el franquismo y el nazismo, (1936 – 1944) » y « Francisco Ponzán Vidal y la red de evasión Pat O’Leary (1940-1944) » (Ediciones Virus, 1996 y 1998), Antonio Téllez Solá trata sobre la actividad de nuestro personaje. También Sixto Agudo hizo una breve semblanza biográfica de Ponzán en el congreso « La España exiliada de 1939 », celebrado en Huesca en 1999 y cuyas actas han sido editadas por el Instituto de Estudios Altoaragoneses y la Institución Fernando el Católico.
Pilar Ponzán, hermana de Francisco, era maestra en Jaca cuando se produjo el alzamiento militar de 1936. Fue detenida y encarcelada junto a la madre de Mariano Constante en el fuerte Rapitán de la capital jacetana. Logró salir de la prisión en un canje de prisioneros gracias a la intervención de su cuñado, militar participante en la sublevación contra la República. Tras la Guerra Civil, pasó a Francia donde conoció la decepción y la incomodidad de los campos de internamiento para los exiliados españoles. Durante la Segunda Guerra Mundial, luchó activamente contra los alemanes, colaboró con su hermano en la organización de las cadenas de evasión y recibió tras la contienda la Cruz de Guerra como reconocimiento a su labor. Plasmó por escrito sus experiencias en el libro « Lucha y muerte por la libertad (1936-1945) », editado en Barcelona en 1998.
Francisco pasó también a Francia después de la derrota republicana de 1939 y fue internado en el campo de Vernet d’Ariège. Pudo salir de allí gracias al contrato de trabajo que le ofreció el dueño de un garaje. Poco después del inicio de la Segunda Guerra Mundial, entró en contacto con los servicios de inteligencia británicos y empezó a organizar, desde Toulouse y junto a su hermana Pilar, la más importante de las redes que facilitaban el paso de evadidos de Francia a España. Se trataba de una amplia tela de araña que comenzaba en Bruselas y terminaba en Lisboa, tenía como centro Toulouse y se ramificaba hacia los Pirineos franceses y Andorra y, en la costa mediterránea, llegaba hasta Banyuls, muy cerca ya de la frontera española. Ponzán contó con la colaboración de sus contactos anarquistas españoles y sus hombres guiaban a los evadidos hasta los consulados del Reino Unido, Bélgica o Estados Unidos en Barcelona y Madrid, desde donde se les facilitaba el viaje hasta Lisboa o Gibraltar y la salida de la península hacia sus nuevos destinos. Entre 1941 y 1943, esta red salvó a numerosos franceses, ingleses, polacos, belgas y judíos. Según Ferran Sánchez Agustí -de cuyo libro « Espías, contrabando, maquis y evasión. La II Guerra Mundial en los Pirineos » (Milenio, Lérida, 2003) extraigo bastantes datos de este artículo-, fueron unos 2000 los aliados evadidos, de los cuales unos 200 eran aviadores británicos de la RAF. Una de las anillas de evasión vinculadas a la red de Ponzán era la del médico y general belga Albert Guérisse (« Pat O’Leary » y « Josep Catier »), que sobrevivió a los campos de exterminio de Dachau y Mauthausen. Entre los personajes salvados por la red puede destacarse al príncipe Werner de Merode, nacido en Bélgica y piloto de la RAF durante la guerra. Fue derribado en 1941 en Boulogne-sur-Mer y se le sacó de Francia por Banyuls, desde donde pudo llegar al consulado belga de Barcelona y volver a cruzar la frontera en 1943.
Fueron muchos los colaboradores de Ponzán en su cadena de evasión, y bastantes de ellos eran altoaragoneses. Es el caso de Prudencio Iguacel Piedrafita, nacido en Botaya (Jaca) en 1913 y muerto en Burdeos en 1979, que había coincidido con Ponzán en la Guerra Civil y en el campo de internamiento francés de Vernet. También Antonio Saura y Carmen Mur, de Calasanz; y los hermanos Rafael, Eusebio (« Coteno ») y Pascual (« Sixto ») López Laguarta, naturales de Fontanelles, cerca de Ayerbe. El castellonés Josep Albalat Ripollés, carpintero de oficio, pasó con Ponzán a España en mayo de 1940 con la intención de liberar a presos anarquistas en Zaragoza. Ponzán resultó herido y tuvieron que refugiarse en Boltaña. Ambos compartieron prisión en Vernet en 1942; Albalat es un caso excepcional pues consiguió sobrevivir al paso por cinco campos de exterminio. Floreal Barberà trabajó en la red y en una ocasión ayudó a cruzar a España por Viella y Esterri d’Àneu a un grupo excepcionalmente numeroso de 62 judíos. Entre los expedicionarios hubo dos bajas: un anciano que murió de agotamiento y un joven que se despeñó. Barberà fue detenido en España durante una misión y tras una breve estancia en la cárcel logró salir en libertad. Junto a otros miembros de la Asociación General Francesa de Antiguos Combatientes y Resistentes Españoles reivindicó la figura de Ponzán, en cuya memoria se colocó en Montjuïc una placa en el monumento a los voluntarios españoles muertos en la guerra europea. No tenemos espacio aquí para nombrar a otros muchos compatriotas que colaboraron con « el maestro de Huesca », gran número de los cuales sufrió deportación a los campos de exterminio nazis.
Mención aparte merece Josep Ester Borrás, natural de Berga, íntimo colaborador de Ponzán. Su mujer, Alfonsina Bueno Vila, era natural de Moros, en la provincia de Zaragoza. Ester fue enviado a Mauthausen de donde salió con vida. Fue condecorado por los gobiernos británico, francés y estadounidense, y entre 1947 y 1965 fue secretario general de la Federación Española de Deportados e Internados Políticos Víctimas del Fascismo. Murió en Francia en 1980. Su mujer, Alfonsina, también sobrevivió al campo de mujeres de Ravensbrük, aunque, a causa de un experimento que los fanáticos médicos nazis le practicaron durante su internamiento, contrajo una enfermedad crónica y perdió la salud hasta su muerte en 1979. Su padre, Miguel Bueno Gil, murió en Mauthausen como consecuencia de esos terroríficos experimentos.
La red dirigida por Ponzán, financiada por los aliados, además de ayudarlos a salir de Francia, facilitaba a los evadidos una impecable documentación falsa. En su casa de Toulouse había abundante material para realizar falsificaciones: matrices metálicas, sellos de administraciones, pasaportes, certificados de casamiento británicos, documentos oficiales, etc. Hay que destacar la enorme inteligencia y capacidad que demostró Ponzán en los años que estuvo al frente de esa extensa organización clandestina. Destacable es también su tolerancia política y su visión global del conflicto que vivía Europa. Sánchez Agustí recoge en su libro unas palabras, pronunciadas por « el maestro de Huesca » en una reunión celebrada en septiembre de 1940 en su domicilio de la calle Montplisir de Toulouse, que reproduzco: « No es hora de lamentarse de nada, señores, sino el momento de las decisiones. No es la patria francesa la que está en juego; es la libertad, la cultura, la paz…No somos nosotros quienes estamos en peligro; es el mundo. Y no olviden que cuando se fusila a un hombre existe la posibilidad de que un día se fusile a toda la humanidad ». Como muchos otros españoles que lucharon en Francia, estaba convencido de que ayudando a los aliados éstos precipitarían después la caída del régimen de Franco.
Ponzán fue arrestado en 1942 e internado de nuevo en el campo de Vernet, del que logró escapar con varios miembros de su red. Se instaló en el hotel París de Toulouse, centro de actividades de la Resistencia, que le proporcionó medios para continuar con su labor de ayuda a los evadidos. Detenido nuevamente en abril de 1943, fue encerrado en la prisión de Saint-Michel y condenado a seis meses de reclusión por indocumentado. Localizado por la Gestapo, fue sometido a nuevos interrogatorios y a un nuevo juicio que le condenó a nueve meses de cárcel. Cumplidos éstos, los nazis se negaron a ponerlo en libertad. Cuando Toulouse estaba a punto de ser liberada, Ponzán fue sacado de la prisión de Saint-Michel junto a otros 52 detenidos. Todos ellos fueron ejecutados en el bosque de Buzet sur Tarn, a 27 km de la ciudad. Los cuerpos de los prisioneros fueron arrojados a tres enormes hogueras, sin que se haya podido saber si fueron lanzados a ellas aún con vida o habían sido previamente fusilados. Sus cenizas fueron depositadas en tres féretros en un mausoleo de Buzet donde en una placa puede leerse: « A nuestro hermano Francisco Pozán Vidal, exiliado político español, Gran Resistente muerto por Francia el 17-8-1944 a la edad de 33 años ».
Francisco Ponzán recibió a título póstumo las más altas consideraciones por parte de los gobiernos aliados. La distinción de Su Majestad británica por « su valiente conducta y el servicio prestado » con el emblema de la Hoja de Laurel de la Corona y la « Medalla por la libertad » del Reino Unido, el grado de capitán de las Fuerzas Francesas, la Medalla de la Resistencia, la Cruz de Guerra y el « reconocimiento y la admiración de las naciones aliadas ». Además del Certificado de Gratitud firmado por el presidente de Estados Unidos Dwight D. Eisenhower, que también recibió su hermana Pilar. Contó siempre con el respeto y la admiración de sus colaboradores y de todas las fuerzas aliadas, y su labor permitió salvar muchas vidas, aunque en ese empeño sacrificara la suya. Su contribución, junto a la de muchos otros españoles, fue decisiva en la victoria sobre el fascismo que amenazaba al mundo. Es de justicia que en la provincia en la que pasó buena parte de sus primeros años y de la que era originario también recordemos su abnegación y su humanitarismo ejemplares.
Carlos Bravo Suárez
(Artículo publicado en Diario del Alto Aragón, el 27 de noviembre de 2005)
Fuente :
http://carlosbravosuarez.blogspot.fr/2008/02/un-hroe-desconocido-francisco-ponzn-el_28.html
Téllez Solá, Antonio, Le réseau d’évasion du groupe Ponzan – Anarchistes dans la guerre secrète contre le franquisme et le nazisme, Toulouse, Ed. du Coquelicot, 2008, 405 p.
Les écrivains et la mémoire :
10 Mars
Anarchistes français en Espagne
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=xnTZm7-4eNA]
LA DISOLUCIÓN DE LAS CORTES EN ENERO DE 1936
El 7 de enero de 1936 el presidente de la República, Niceto Alcalá-Zamora, disolvió las Cortes y convocó elecciones generales para el 16 de febrero. ¿Por qué? Intentemos dar algunas claves sobre esta trascendental disolución en la Historia de la Segunda República.
Primer Consejo de Ministros presidido por Chapaprieta, 25 de septiembre de 1935.
En septiembre de 1935 se formaba un nuevo gobierno presidido por el independiente Joaquín Chapaprieta Torregrosa. Alcalá-Zamora destituía a Alejandro Lerroux, que había llegado a presidir seis gobiernos, aprovechando una crisis. Ante el temor de una disolución de las Cortes, el que hasta entonces había sido ministro de Hacienda aceptó el complicado encargo. Chapaprieta era consciente de la necesidad de contar con un respaldo claro en el parlamento de las fuerzas del centro y de la derecha, algo harto complicado dadas las distintas posturas de las dos fuerzas fundamentales, el Partido Radical y la CEDA. Recordemos que, según la Constitución de 1931, el presidente del Consejo de Ministros necesitaba la doble confianza, la del presidente de la República, y la de las Cortes. Por eso, continuó la línea de los gobiernos radical-cedistas anteriores. Designó a Lerroux para Estado (Asuntos Exteriores), y nombró tres ministros de la CEDA. Gil Robles era encargado de la cartera de la Guerra, Luis Lucía fue nombrado ministro de Obras Públicas, y Federico Salmón pasaría a Trabajo, Sanidad y Justicia. Por su parte, Chapaprieta mantuvo la cartera de Hacienda.
El primer gobierno de Chapaprieta duró hasta finales de octubre. El escándalo del Estraperlo provocó que Lerroux saliera del gobierno. El posterior caso de corrupción, el denominado Asunto Nombela, hundió para siempre al radicalismo español. Alcalá-Zamora volvió a encargar a Chapaprieta formar un nuevo ejecutivo. Pero su segundo gobierno cayó el 14 de diciembre. Gil Robles estaba presionando dentro de su estrategia para hacerse con el poder. Sin el apoyo de la CEDA, y con un radicalismo desprestigiado, el ejecutivo no podía continuar. La excusa presentada por la derecha para retirar el apoyo a Chapaprieta fue el asunto de la reforma fiscal. Gil Robles quería la presidencia del gobierno, pero Alcalá-Zamora, a pesar de su evidente conservadurismo, recelaba intensamente de la CEDA porque consideraba que no era una formación política completamente leal a la República, que sólo había aceptado el juego político desde un calculado accidentalismo. Pero el presidente de la República tampoco quería ir a elecciones, y decidió encargar la responsabilidad de formar gobierno a Manuel Portela Valladares, otro político independiente y que gozaba de la confianza y aprecio de Alcalá-Zamora. Esto ocurría el 15 diciembre. Pero era una solución muerta de antemano porque la CEDA no iba apoyar al nuevo ejecutivo, por lo que faltaba la confianza parlamentaria imprescindible. Alcalá-Zamora se vio obligado a disolver las Cortes. La Constitución permitía hacerlo al jefe del Estado, aunque solamente dos veces en su mandato. En el segundo caso, las nuevas Cortes debían examinar si la segunda disolución había sido adecuada. Esta obligación fue aprovechada por la izquierda para destituir en la primavera de 1936 a Alcalá-Zamora gracias a su mayoría parlamentaria. Recordemos que, efectivamente, esta era la segunda disolución, ya que hubo una anterior que permitió la celebración de las elecciones de noviembre de 1933.
Mientras se desarrollaba esta crisis política en el seno del centro y la derecha españolas en el ejecutivo y las Cortes, la izquierda comprendió, aunque desde distintas interpretaciones, que debía tender a la unión si quería volver al poder, en un clima nacional e internacional cada día más radicalizado. En ese tiempo se fue gestando, no sin grandes dificultades, el Frente Popular.
Eduardo Montagut
Fuente :
http://www.nuevatribuna.es/articulo/historia/disolucion-cortes-enero-1936/20170107125611135422.html
A Luna-Park, Blum tente de justifier aux militants sa politique de non intervention en Espagne
Ce discours prononcé par Léon Blum le 6 septembre 1936 à la fête commémorative de la République organisée par la fédération de la Seine au stade de Luna Park (sur l’emplacement actuel de la Porte Maillot – Paris 17è) a été publié dans Le Populaire le lendemain. Il a, quelques semaines plus tard, été diffusé sous forme de brochure sous le titre Les événements d’Espagne (Imprimerie du commerce et des postes, Paris, 1936, 19 p, au prix de 0,30 F). Comme il le dit d’entrée, Léon Blum s’est invité à cette manifestation pour répondre aux interrogations de ses camarades sur sa politique. Son intervention garde encore une grande puissance d’émotion.
Blum intervient en tribun, discours emphatique propre aux politiciens de la IIIè République. Le discours dure environ 50 minutes. Une source « première » pour comprendre le dilemme de Blum.
Un extrait audio (12′) :
Transcription fidèle et intégrale de cette brochure de 19 pages.
Léon Blum et les événements d’Espagne
Luna Park, le 6 septembre 1936
Publié dans Recherche socialiste 6 septembre 2006 p. 75-83 (d’après la brochure Les événements d’Espagne, 1936).
Je n’étais pas inscrit au programme de cette fête. C’est moi qui, hier soir, à la fin d’une assez dure journée et après m’être entretenu avec nos camarades délégués des usines métallurgiques de la région parisienne, ai pris le parti soudain de demander à la fédération socialiste de la Seine de m’accorder aujourd’hui son hospitalité. Je m’étais entretenu avec nos camarades des usines. J’éprouvais le besoin de m’entretenir ensuite avec mes camarades et mes amis de la fédération.
Je n’ai pas besoin de vous dire longuement maintenant pourquoi. Je ne ferme pas les yeux, croyez-le bien, à la réalité. Je ne voulais pas laisser s’installer un malentendu cruel entre le gouvernement de Front populaire que je préside, et une partie tout au moins des masses ouvrières sans m’expliquer, parce que je ne veux à aucun prix le laisser subsister.
CHEF DE GOUVERNEMENT ET MILITANT
On se demandera peut-être si je parle en qualité de chef du gouvernement ou en qualité de militant socialiste. Qu’on se pose ailleurs la question, si l’on veut, mais pas ici. Du reste, je vous avoue que je n’arrive pas à distinguer très bien en ce qui me concerne entre les deux qualités.
En tant que chef du gouvernement, je ne pourrai pas bien entendu vous dire ici plus que je pourrai dire ailleurs. Comme militant, il n’y a pas une seule de mes pensées que j’entende aujourd’hui dissimuler.
Tout d’abord, je vais vous poser une question que chacun de vous pourrait se poser à lui-même. Est-ce qu’il y a ici un seul homme, en accord ou en désaccord avec moi sur la question que je vais traiter, qui croit que j’ai changé depuis trois mois ?
« JE N’AI PAS CHANGE »
Trois mois d’exercice du pouvoir auraient-ils fait de moi un homme autre que celui que vous connaissez depuis tant d’années ? Car, il y a trois mois aujourd’hui même que nous nous sommes présentés devant les Chambres.
Et je vous assure que ces trois mois me paraissent à moi, en ce moment, aussi longs que je ne sais combien d’années, non pas peut-être seulement par l’œuvre accomplie, mais parce que cette suite de jours sans répit et de nuits sans sommeil font trouver la course du temps étrangement lente.
Vous savez bien que je n’ai pas changé et que je suis toujours le même. Est-ce que vous croyez qu’ici il y a un seul de vos sentiments que je n’éprouve pas et que je ne comprenne pas?
Vous avez entendu l’autre soir, au Vélodrome d’hiver, les délégués du Front populaire espagnol ; je les avais vus le matin même. Croyez-vous que je les aie entendus avec moins d’émotion que vous ? (Applaudissements)
« QUAND JE LISAIS LES DÉPÊCHES… »
Quand je lisais comme vous dans les dépêches le récit de la prise d’Irun et de l’agonie des derniers miliciens, croyez-vous par hasard que mon cœur n’était pas avec eux ? Et est-ce que vous croyez, d’autre part, que j’ai été subitement destitué de toute intelligence, de toute faculté de réflexion et de prévision, de tout don de peser dans leurs rapports et dans leurs conséquences les événements auxquels j’assiste ?
Vous ne croyez rien de tout cela, n’est-ce pas ?
Alors?
Si j’ai agi comme j’ai agi, si j’agis encore comme j’estime qu’il est nécessaire d’agir, alors il faut qu’il y ait des raisons à cela, il faut bien qu’il y ait tout de même à cette conduite des motifs peut-être valables. Je les crois en tout cas intelligibles.
« JE NE VOUS DEMANDE PAS UNE CONFIANCE AVEUGLE »
Je ne vous demande pas une confiance aveugle, une confiance personnelle. Mais cette confiance, du fait de ma constance avec moi-même, du fait de ma conscience de militant et de cette faculté, après tout, de jeter sur les événements un regard empreint de quelque clairvoyance raisonnable, cette double confiance, je crois que vous pouvez tout de même l’avoir pour moi.
Alors, ces motifs ? Dans toute la mesure où cela est possible, je veux essayer de vous les faire comprendre maintenant, vous parlant face à face, moi chef du gouvernement, et vous militants du Front populaire. (Applaudissements)
Vous pensez bien qu’aucun des arguments qui vous sont familiers ne m’échappe.
L’INTERET NATIONAL DE LA FRANCE
Je sais très bien, en cette affreuse aventure, quels souhaits doivent nous imposer l’intérêt national, l’intérêt de notre pays, en dehors de toute espèce d’affinité ou de passion politique. Je suis obligé ici de mesurer mes mots, et vous le comprendrez.
Je sais que le maintien du gouvernement légal de la République espagnole garantirait à la France, en cas de complications européennes, la sûreté de sa frontière pyrénéenne, la sûreté de ses communications avec l’Afrique du Nord et, sans que je me permette aucune prévision sur un avenir que nul ne connaît exactement, je peux pour le moins dire que du côté du gouvernement militaire, il nous est impossible de prévoir avec certitude quelles seraient ou les obligations ou les ambitions de ses chefs.
Je dis que d’un côté, il y a pour nous une sécurité et, de l’autre, qu’il subsiste pour le moins un risque.
L’INTERET IMMEDIAT DE LA FRANCE
Quiconque se place au point de vue de l’intérêt immédiat du pays doit sentir cela et je le sens comme chacun de vous. Et, si quelque chose aujourd’hui doit être aux yeux de tous un affreux scandale, c’est que cet intérêt évident de la France ait été à tel point méconnu par une presse partiale jusqu’au crime et jusqu’à la trahison (applaudissements), faisant passer par-dessus tout certain esprit personnel de représailles ou certain égoïsme collectif de classe. Je ne veux pas chercher les mobiles qui, d’ailleurs, diffèrent selon les individus. Je ne sais pas comment, dans d’autres pays, cette campagne aurait été accueillie, ni jusqu’à quel endroit précis elle aurait pu conduire leurs auteurs ?
Dès la rentrée des Chambres, nous tâcherons de trouver le moyen de mettre fin à cela. (Applaudissements)
Mais, sur le fond des choses, je le répète, je n’ai pas plus de doute que vous.
LE DROIT PUBLIC
La question du droit public n’est pas plus douteuse que la question de l’intérêt direct et national de la France.
Comme nous l’avons dit nous-mêmes dans un document public, le gouvernement constitué par le président de la République Azaña, conformément aux directions tracées par le suffrage universel consulté, est le gouvernement régulier d’une nation amie.
Quand il s’agit de ces mots : gouvernement légal, gouvernement régulier, j’aime mieux y ajouter, quant à moi, les mots ou la formule de « gouvernement issu du suffrage universel et correspondant à la volonté et à la souveraineté populaires ».
Car, camarades, je ne veux chercher que dans notre propre Histoire. Notre Histoire de France nous enseigne que certains gouvernements, en dépit de la légalité formelle, ont pu ne pas représenter exactement la volonté et la souveraineté populaires et que peut-être cette volonté et cette souveraineté résidaient plus exactement dans les mouvements qui les ont renversés.
PAS DE DOUTE LA-DESSUS
Je peux aussi vous signaler qu’en Espagne le gouvernement légal est en face d’une rébellion militaire. Mais je m’adresse ici à votre imagination, pas à autre chose qu’à votre imagination. Vous pourriez, à la rigueur, concevoir des cas où, contre tel gouvernement, qui n’existe pas, mais qui pourrait exister, comme tel gouvernement disposant de la légalité formelle, un mouvement militaire pourrait recueillir et attirer et justifier vos sympathies profondes. Par conséquent, employons de préférence les formules dont je me suis servi : gouvernement issu du suffrage universel, gouvernement répondant à la volonté et à la souveraineté populaire, selon la règle des majorités qui est la loi dernière des démocraties.
Pas de doute là-dessus. Pas de doute que si nous nous plaçons sur le terrain strict du droit international, du droit public, seul le gouvernement légal aurait le droit de recevoir de l’étranger des livraisons d’armes, alors que ce droit devrait être refusé sévèrement aux chefs de la rébellion militaire. (Applaudissements)
Oui, vous avez raison de m’applaudir, mais je crois que vous aurez raison aussi d’écouter et de méditer les paroles que je vais ajouter. Dans la rigueur du droit international, si c’est une rigueur qu’on invoque comme on l’a fait dans un grand nombre d’ordres du jour dont le gouvernement a été saisi, laissez-moi vous dire que le droit international permettrait demain aux gouvernements qui jugeraient cette mesure commode, de reconnaître comme gouvernement de fait la junte rebelle de Burgos, et qu’à partir de cette renaissance de fait, sur le terrain du droit international (terrain moins solide que vous ne le pensez) des livraisons d’armes pourraient être faites à ce gouvernement rebelle aussi bien qu’au Gouvernement régulier.
« CELA EST CONTRAIRE AU DROIT INTERNATIONAL »
Cette reconnaissance de fait, il y a eu des moments où elle a paru possible, dans certaines éventualités ; elle le deviendrait encore demain. En tout cas, dans la réalité des choses, tout s’est passé comme si certaines puissances avaient reconnu le Gouvernement rebelle comme un Gouvernement de fait et s’étaient jugées en droit de livrer des armes à ce soi-disant Gouvernement de fait aussi bien que d’autres pouvaient le faire au Gouvernement régulier.
Vous me dites : « Cela est contraire au droit international. » Peut-être. Pour assurer alors l’observation stricte du droit international, que d’ailleurs il devient si aisé de tourner, quel autre moyen auriez-vous que la force ?
Quel autre moyen auriez-vous vu que la sommation, que l’ultimatum, avec toutes ses conséquences possibles ?
CE QUE CHACUN SOUHAITE
Camarades, je vous parle gravement, je le sais, je suis venu ici pour cela. Je sais bien ce que chacun de vous souhaite au fond de lui-même. Je le sais très bien. Je le comprends très bien. Vous voudriez qu’on arrivât à une situation telle que les livraisons d’armes puissent être faites au profit du gouvernement régulier et ne puissent pas l’être au profit des forces rebelles. Naturellement, vous désirez cela. Dans d’autres pays, on désire exactement l’inverse.
Je vous le répète, c’est bien ce que vous pensez, j’ai traduit votre pensée ! Mais vous comprenez également qu’ailleurs on veuille agir de telle sorte que les rebelles soient munis sans que le gouvernement régulier reçoive quelque chose.
Alors, à moins de faire triompher la rigueur du droit international par la force et à moins aussi que l’égalité même sur le plan du droit international ne soit rétablie par la reconnaissance de fait, alors ? Devant quelle situation se trouve-t-on ? N’espérez dans la possibilité d’aucune combinaison qui, sur le plan européen, permette d’assister les uns, sans qu’on assiste par contre les autres.
LA CONCURRENCE DES ARMEMENTS
Demandez-vous aussi qui peut fournir dans le secret, par la concentration des pouvoirs dans la même main, par l’intensité des armements, par le potentiel industriel, comme on dit ; demandez-vous aussi qui peut s’assurer l’avantage dans une telle concurrence. Demandez-vous cela ! Une fois la concurrence des armements installée, car elle est fatale dans cette hypothèse, elle ne restera jamais unilatérale. Une fois la concurrence des armements installée, sur le sol espagnol, quelles peuvent être les conséquences pour l’Europe entière, cela dans la situation d’aujourd’hui ?
Et alors, si ces pensées sont maintenant suffisamment claires et suffisamment présentes devant votre esprit, ne vous étonnez pas trop, mes amis, si le gouvernement a agi ainsi. Je dis le gouvernement, mais je pourrais aussi bien parler à la première personne, car j’assume toutes les responsabilités. (Vifs applaudissements)
LE GOUVERNEMENT SOLIDAIRE
Au nom du gouvernement que je préside, je n’accepte pas d’exception de personne ou d’exception de parti. Si nous avons mal agi aujourd’hui, je serais aussi coupable en ayant laissé faire qu’en le faisant moi-même ; je n’accepte pas ces distinctions…
Ne vous étonnez pas si nous sommes venus à cette idée. La solution, ce qui permettrait peut-être à la fois d’assurer le salut de l’Espagne et le salut de la paix, c’est la conclusion d’une convention internationale par laquelle toutes les puissances s’engageraient, non pas à la neutralité – il ne s’agit pas de ce mot qui n’a rien à faire en l’espèce – mais à l’abstention, en ce qui concerne les livraisons d’armes, et s’engageraient à interdire l’exportation en Espagne du matériel de guerre.
Nous sommes donc arrivés à cette idée par le chemin que je vous trace, chemin sur lequel nous avons connu, je vous l’assure, nous aussi, quelques stations assez cruelles. Je ne dis pas que nous n’ayons pas commis d’erreurs, je ne veux pas nous laver de toute faute possible. Qui n’en commet pas ?
LE 8 AOUT
Le 8 août, nous avions, en conseil des ministres, décidé de suspendre les autorisations d’exportations au profit du gouvernement régulier d’une nation amie. C’étaient les termes mêmes de notre communiqué officiel. Nous l’avons fait, nous avons dit pourquoi, en espérant par cet exemple piquer d’honneur les autres puissances et préparer ainsi la conclusion très rapide de cette convention générale qui nous paraissait le seul moyen de salut.
Seul moyen de salut ? Excusez-moi, je ne voudrais pas que les paroles que je vais prononcer puissent sembler cruelles ou amères à mes amis d’Espagne qui, je le sais, et je ne m’en étonne pas, jugent quelquefois notre conduite avec dureté ; cela est naturel. Je ne voudrais pas avoir l’air d’apprécier ici mieux qu’eux leurs intérêts propres et les intérêts de leur pays.
Mais nous avions pensé, c’était notre conviction, que même pour l’Espagne, au lieu d’ouvrir une lutte et une concurrence nécessairement inégale, la conduite finalement la meilleure, celle qui contenait le secours le plus réel était d’obtenir cette sorte d’abstention internationale qui, alors, malgré l’inégalité criante et blessante du départ, aurait permis malgré tout à la volonté nationale, à la souveraineté nationale de reprendre et d’assurer peu à peu sa prévalence. Nous l’avions fait pour cela, et nous l’avions fait pour éviter des complications internationales dont la gravité et l’imminence ne pouvaient pas nous échapper.
UNE INJUSTICE QUI A FAIT SOUFFRIR
Il en est résulté que, pendant un trop long temps, beaucoup plus long que nous l’avions prévu, beaucoup plus long que nous ne l’aurions voulu, en raison de cette offre peut-être trop confiante, nous nous sommes trouvés, nous, les mains liées, tandis que les autres puissances gardaient juridiquement, gardaient politiquement, jusqu’à ce que leurs engagements fussent souscrits, jusqu’à ce que les mesures d’exécution fussent promulguées, l’aisance que nous nous étions interdite à nous mêmes. C’est cette injustice, cette inégalité qui vous a fait souffrir comme nous pouvions en souffrir nous-mêmes.
Mais, malgré tout, sans vouloir défendre chacun de nos actes – car, encore une fois, j’en prends la responsabilité entière, j’admets que sur tel ou tel point on me blâme –, voulez-vous mesurer la contrepartie ? Voulez-vous vous demander : si nous n’avions pas fait l’offre du 8 août, si nous n’avions pas aussitôt après recueilli – alors que notre suspension des autorisations était conditionnelle – des adhésions sans réserve d’un certain nombre de puissances, si nous n’avions pas recueilli de leur part et de la part des plus importantes, un assentiment de principe, voulez-vous vous demander ce que serait devenu alors un incident comme celui du « Kamerun » ?
UNE REDOUTABLE INTERVIEW
Avez-vous oublié la redoutable interview publiée, il y a déjà un mois, où l’un des chefs des rebelles déclarait aux représentants de la presse internationale que, plutôt que d’accepter la défaite, il n’hésiterait pas à jeter l’Europe dans les pires difficultés internationales ? Demandez-vous cela en toute conscience ; demandez-vous-le en toute bonne foi et dites-vous que cette conduite qu’on nous reproche, qui a comporté de votre part des critiques que je comprends, qui a blessé en vous des sentiments que je fais mieux que comprendre, a peut-être, en une ou des heures particulièrement critiques, écarté de l’Europe, le danger d’une conflagration générale.
Et si on me dit : « Non, vous exagérez le danger », eh bien, écoutez-moi. Je vous demanderai de m’en croire sur parole, de vous en référer à la parole d’un homme qui ne vous a jamais trompés. (Applaudissements)
LA SITUATION D’AUJOURD’HUI
Et maintenant, aujourd’hui, devant quelle situation nous trouvons-nous ? J’ai reçu hier, je vous l’ai dit, les délégués de puissantes sections syndicales qui venaient demander au gouvernement de revenir sur sa position, d’entreprendre une autre politique, une politique déclarée de secours à l’Espagne. Je vous répondrai aussi franchement et aussi clairement que je leur ai répondu hier à eux-mêmes. Aujourd’hui, toutes les puissances ont non seulement donné leur assentiment, mais promulgué des mesures d’exécution. Il n’existe pas, à ma connaissance, une seule preuve ni même une seule présomption solide que, depuis la promulgation des mesures d’exécution par les différents gouvernements, aucun d’eux ait violé les engagements qu’il a souscrits. Je le répète, s’il le faut, et en pesant chacun de mes mots, ce que je viens de dire.
Et vous pensez que, dans ces conditions, nous pouvons, nous, alors, déchirer le papier que nous avons, nous-mêmes, demandé aux autres de signer alors qu’il est tout frais de leurs signatures, alors que nous sommes hors d’état de prouver que par l’un quelconque des contractants, la signature en ait été violée !
JE REPONDS : NON !
Camarades, c’est une question trop grave pour qu’on la raisonne par des interruptions ou par des mouvements de séance. Je vous apporte ici matière à réflexion pour vous-mêmes, et ce n’est pas votre assentiment du moment que je vous demande ; ce que je vous demande, c’est tout à l’heure, ce soir, demain, la réflexion grave et sincère sur ce que je vous aurai dit.
Si on me demande de revenir sur les positions du gouvernement et de déchirer le papier que nous avons signé, aujourd’hui comme hier, je réponds : « Non ! » Cela ne nous serait possible que si nous étions devant la certitude prouvée que la signature d’autres puissances a été violée. Nous ne pouvons pas retirer la nôtre, et nous pouvons encore moins faire quelque chose qui, à mes yeux, serait pire encore : la trahir en fait, sans avoir le courage de la retirer.
IMPOSSIBLE !
Je vous répète : impossible à mes yeux, et je parle ici, cette fois, à la première personne, impossible à mes yeux en l’heure présente d’agir autrement. Impossible d’agir autrement sans ouvrir en Europe une crise dont il serait difficile ou dont il serait malheureusement trop facile de prévoir les conséquences. (Applaudissements. Cris : « Vive la paix ! ») Camarades, je répète que dans une occasion semblable, je ne demande d’applaudissements de personne, mais que je réclame, que je revendique comme un droit l’attention de tous.
Maintenant, je veux conclure. J’ai, je peux le dire, évité le pouvoir de mon mieux pendant une assez longue suite d’années. Je l’exerce aujourd’hui dans des conditions qui ne peuvent guère faire envie à personne, et vous savez, moi, quand je dis cela, c’est vrai !
DEUX DEVOIRS
J’ai deux devoirs à remplir : un devoir à remplir envers le Parti dont je suis le délégué au gouvernement, et j’ai, comme chef de gouvernement, à remplir des devoirs vis-à-vis de la collectivité nationale auprès de laquelle, nous, Parti, nous avons contracté des obligations.
Le jour où je ne pourrai plus concilier ces deux devoirs, le jour où je ne pourrai plus, sans manquer à ma solidarité disciplinée à l’égard de mon parti, pourvoir aux grands intérêts nationaux dont j’ai la charge, ce jour-là, le pouvoir pour moi deviendra impossible.
LE GOUVERNEMENT DE FRONT POPULAIRE
J’ajoute encore quelque chose. Je suis au gouvernement non pas à la tête d’un gouvernement socialiste, non pas à la tête d’un cabinet prolétarien, mais à la tête d’un gouvernement de coalition dont le contrat a été formé par le programme commun du Rassemblement populaire. Le programme de notre gouvernement et le programme du Front populaire doivent compter pour une large part dans la direction de la politique quotidienne intérieure ou extérieure.
Cependant, nous n’avons pu tout régler par le contrat.
L’ADHESION DE L’URSS
La politique que nous venons de suivre n’a pas trouvé d’objection, de la part d’autres puissances. La convention à laquelle je déclare aujourd’hui impossible de refuser ou de soustraire la signature de la France, porte par exemple la signature de l’Union des républiques soviétiques. (Applaudissements)
Je ne puis donc pas croire que la conduite que nous avons suivie soit contraire aux principes du Rassemblement populaire et aux lignes générales du programme qu’il avait rédigé.
SI L’UN DES PARTIS N’EST PAS D’ACCORD
Mais si l’un des partis ou l’un des groupements qui ont adhéré dès sa fondation au Rassemblement populaire, qui ont apposé leur signature au bas du programme, qui, dans le Parlement ou en dehors du Parlement, sont un des éléments nécessaires de notre majorité, juge notre conduite en contradiction avec les déclarations communes, le programme commun, les engagements communs, eh bien, qu’il le dise ! (Applaudissements)
Qu’il le dise franchement, qu’il le dise tout haut, et je vous l’assure : nous examinerons aussitôt ensemble quelles conséquences nous devons tirer de cette dénonciation du contrat.
Et maintenant, un mot encore, peut-être celui auquel je tiens le plus, celui que je vous dirai du plus profond de moi-même : tant que je resterai au pouvoir, je veux vous dire à côté de ce que je ferai ou de ce que j’ai fait, ce que je ne ferai pas, ce que je me refuse à faire.
LA VRAI DIGNITE NATIONALE
Nous avons des amis qui traitent la conduite du gouvernement de débile et de périlleuse par sa débilité même. Ils parlent de notre faiblesse, de nos capitulations. C’est, disent-ils, par cette habitude, cette molle habitude de concessions aux puissances belliqueuses qu’on crée, en Europe, de véritables dangers de guerre. Ils nous disent qu’il faut, au contraire, résister, raidir et exalter la volonté nationale, que c’est par la fierté, l’exaltation du sentiment patriotique qu’on peut aujourd’hui assurer la paix.
Mes amis, mes amis !… je connais ce langage, je l’ai déjà entendu. Je l’ai entendu il y a vingt-quatre ans. Je suis un Français – car je suis Français – fier de son pays, fier de son histoire, nourri autant que quiconque, malgré ma race, de sa tradition. (Applaudissements)
Je ne consentirai à rien qui altère la dignité de la France républicaine, de la France du Front populaire. Je ne négligerai rien pour assurer la sécurité de sa défense. Mais quand nous parlons de dignité nationale, de fierté nationale, d’honneur national, oublierons-nous, les uns et les autres, que, par une propagande incessante depuis quinze ans, nous avons appris à ce peuple qu’un des éléments constitutifs nécessaires de l’honneur national était la volonté pacifique ? (Ovation prolongée)
LE SPECTACLE DE CERTAINES HEURES…
Est-ce que nous lui laisserons oublier que la garantie peut-être la plus solide de la sécurité matérielle, il la trouvera dans ces engagements internationaux, dans l’organisation internationale de l’assistance et du désarmement ? Est-ce que nous avons oublié cela ? Je crois que vous ne l’avez pas oublié. En tout cas, moi je vous le répète, j’ai vécu trop près d’un homme et j’ai reçu trop profondément de lui un enseignement, et j’ai gardé trop présent et trop vivant devant mes yeux le souvenir et le spectacle de certaines heures, j’ai tout cela en moi trop profondément pour l’oublier jamais, et y manquer jamais.
Tout ce qui resserre entre Français le sentiment de la solidarité vis-à-vis d’un danger possible, je le conçois ; mais l’excitation du sentiment patriotique, mais l’espèce de rassemblement préventif en vue d’un conflit qu’au fond de soi on considère comme fatal et inévitable, cela non ! Pour cela, il n’y aura jamais, je le dis tout haut, à tout risque, ni mon concours ni mon aveu. Je ne crois pas, je n’admettrai jamais que la guerre soit inévitable et fatale. Jusqu’à la dernière limite de mon pouvoir et jusqu’au dernier souffle de ma vie, s’il le faut, je ferai tout pour la détourner de ce pays.
JUSQU’AU BOUT… LA PAIX !
Vous m’entendez bien : tout pour écarter le risque prochain, présent de la guerre. Je refuse de considérer comme possible la guerre aujourd’hui parce qu’elle serait nécessaire ou fatale demain. La guerre est possible quand on l’admet comme possible ; fatale, quand on la proclame fatale. Et moi, jusqu’au bout, je me refuse à désespérer de la paix et de l’action de la nation française pour la pacification.
Eh bien ! mes amis, c’était pour moi un besoin, non seulement de conscience, mais un besoin presque physique de vous parler aujourd’hui comme je l’ai fait.
Je me suis demandé gravement, amèrement, dans notre Conseil national, si je trouverais en moi la volonté, la substance d’un chef. Je n’en sais rien. Quand je reprends avec quelque sévérité critique l’histoire de ces trois mois, il peut y avoir bien des circonstances où je ne suis pas pleinement satisfait de moi-même, où un autre aurait pu faire mieux que je n’ai fait. (Cris : « Non ! ») Oui, je sais ce que je dis, je le sais mieux que vous ! (Rires) Seulement, il y a deux choses qu’on ne pourra jamais me reprocher : le manque de courage et le manque de fidélité.
Je crois qu’en étant ici à cette heure, et en vous parlant comme je viens de le faire, je vous ai donné un témoignage du premier. (Applaudissements)
Ma fidélité, elle, ne faillira pas davantage : fidélité aux engagements pris envers mon Parti, fidélité aux engagements pris envers la majorité électorale, fidélité aux engagements souscrits par les autres éléments du Rassemblement populaire, fidélité aussi, laissez-moi vous le dire, à moi-même, aux pensées, aux convictions, a la foi qui ont été celles de toute ma vie et dans lesquelles j’ai grandi et vécu comme vous – comme vous et avec vous. (Ovation prolongée. La salle, debout, applaudit et crie : « Vive Blum ! » et chante l’Internationale.)