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MÉMOIRES BLESSEES

 De la concurrence des victimes au partage des mémoires

 Source :

Journées de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité. Mémoires blessées. 

Théâtre Saint Gervais, 7-27 janvier 2009 – Rue du Temple 5 CH-1201 Genève

 

 

Tandis que s’estompent les grands récits nationaux proposant une histoire linéaire, téléologique de marche vers le progrès et de fabrication d’une identification à l’objet national, l’énonciation d’un discours unificateur devient difficile. La prolifération des petits récits de groupes sociaux, religieux ou politiques revendiquant l’inclusion de leur(s) mémoire(s) dans l’histoire nationale complique la définition d’une identité commune et d’une « vérité » historique. Cette multiplication des échelles rend plus complexes les polémiques à propos du passé.

Face à ces controverses, le discours des historiens apparaît comme une parole secondaire dans l’espace public. Il tend même à être instrumentalisé, le travail de l’historien pouvant à la fois servir d’outil de lutte ou de légitimation de groupes sociaux insatisfaits. La parole première est détenue par les médias et les témoins directs du passé, auxquels ces mêmes médias servent de tribune. Cette configuration met en tension la mémoire portée par les acteurs du passé et l’histoire en tant que récit interprétatif de ce même passé. Une des forces de l’histoire est pourtant de permettre une mise en dialogue pertinente des mémoires concurrentielles à propos du passé.

 

Travail d’histoire, travail de mémoire

 Qu’est-ce qui différencie l’histoire et la mémoire ? Pour l’historien Antoine Prost, quatre tensions sont identifiables entre les devoirs d’histoire et de mémoire : la mémoire porte a priori sur des faits précis et clairement désignés ; le devoir de mémoire semble proscrire l’oubli ; la demande de mémoire est largement affective ; elle correspond d’abord à la vision d’un groupe social particulier, dans une perspective identitaire. Il y a pourtant une interaction nécessaire entre l’histoire, qui tend à l’unité, et la mémoire, nécessairement plurielle et divisée. En outre, il ne s’agit pas de stigmatiser la mémoire pour valoriser la seule histoire : d’où l’idée de l’utilité d’un véritable travail de mémoire ; d’où aussi la pertinence de toujours tendre à remettre de l’histoire dans la mémoire pour nos perceptions du passé.

Gardons-nous cependant de confiner la mémoire dans des récits individuels. Il existe en effet des conditions de réception, des cadres sociaux de la mémoire qui concernent sa dimension collective. La mémoire collective, étudiée notamment par le sociologue Maurice Halbwachs, se situe au cœur de l’identité des sociétés.

Elle contribue à la consolidation du lien social en mettant en évidence dans l’espace public certains éléments particuliers du passé plutôt que d’autres. Son analyse mène à s’interroger sur certaines zones d’oubli, sur ce qui a justifié la mise en marge de pans entiers de l’histoire. Elle pose aussi la question du rapport entre la mémoire et le territoire, de la dimension universelle ou spécifique des contenus de cette mémoire collective.

Un autre aspect concerne la distance temporelle qui nous sépare des événements ramenés à notre mémoire. Il s’agit ainsi de distinguer la mémoire biographique que nous avons des événements les plus récents, ceux pour lesquels existent encore des témoins directs, voire leurs descendants immédiats, et la mémoire culturelle que nous avons des événements plus anciens, séparés de nous de plus d’un siècle, qui sont souvent des événements fondateurs ou des mythes d’origine. En ce qui concerne la mémoire biographique, c’est le rapport entre le témoin et le document qui est souvent interrogé, parfois dans des termes de complémentarité, parfois dans des termes de concurrence. Par ailleurs, la perspective de la disparition prochaine des témoins provoque une dramatisation de leur fonction, une intensification de leur présence dans l’espace public. C’est bien ce que nous vivons aujourd’hui par rapport à la Shoah. Là encore, le travail d’histoire permet de contextualiser les propos des témoins, de rappeler qu’ils n’ont pas tous été des victimes, que leurs actes ne sont pas tous à situer sur le même plan.

Qu’est-ce que l’histoire peut nous apprendre de notre présent ? À partir d’informations diverses sur ce qui s’est passé lors d’époques antérieures, la question se pose de savoir ce qui se répète d’une période à l’autre et ce qui doit être considéré comme différent. Ce travail de comparaison est au cœur même de la pensée historique. Il nous fait comprendre que les faits ne se répètent qu’en partie, mais qu’ils se déroulent dans des contextes qui les ont rendus possibles, ce que l’analyse historique peut nous aider à mettre en évidence.

Le plus important, si l’on se réfère à une histoire critique et honnête, c’est de bien reconstruire le présent du passé, c’est-à-dire de savoir rendre compte des incertitudes et des errements de ce passé. L’histoire s’intéresse en effet à des êtres et à des acteurs qui avaient leur propre expérience du passé, leur propre horizon d’attente tourné vers un avenir fait de craintes et d’espoirs, leur propre univers mental. Il s’agit donc de tenter de faire surgir ces rapports au passé et à l’avenir, de les reconstruire, pour contextualiser les choix et les gestes de ceux qui ont fait l’histoire, en tenant compte de la marge de manœuvre dont ils disposaient réellement, mais sans oublier que, contrairement à nous, ils ne connaissaient pas la suite des événements.

 

 

Travail de mémoire, travail d’histoire. Il s’agit d’abord de partir de la connaissance des faits, d’avoir la curiosité du passé et de prendre le temps de cette curiosité. Sans cela, des actes absurdes pourraient se reproduire sans conscience ; les mêmes questions pourraient se reposer à des êtres et à des acteurs enfermés dans leur présent. Au contraire, en étant inscrite dans une perspective historique, chaque situation de la vie sociale pourrait alors être abordée de manière plus ouverte, ou au moins plus lucide. Un temps de réflexion serait ainsi rendu possible en amont de l’action humaine.

Le travail de mémoire permet notamment la réminiscence de faits qui ont été oubliés, parfois occultés. Quant à l’histoire, elle sert à reconstruire, dans un récit synthétique, mais non moins centré sur des problèmes et des hypothèses, des aspects du passé qui donnent à voir sa complexité et ses grandes lignes de force.

Ce passé est si riche que l’éventail des questions que l’on peut lui poser est immense, sans cesse renouvelé. Ce qui permet d’aiguiser notre regard critique sur nos actions aujourd’hui.

Cette introduction reprend des textes de Nadine Fink & Charles Heimberg (2008), et de Nadine Fink (2008).

 

Quelques références bibliographiques

 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou le métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1993 (1949).

 Jean-Michel Chaumont, La concurrence des victimes. Génocides, identité, reconnaissance, Paris, La Découverte, 1997.

 Nadine Fink, Histoire et mémoire dans l’enseignement secondaire genevois. Témoignage oral et pensée historique scolaire à propos de la Seconde Guerre mondiale en Suisse, thèse de doctorat, Genève, Université de Genève, 2008.

 Nadine Fink & Charles Heimberg, « Transmettre la critique de la mémoire », in Carola Hähnel-Mesnard & al.(dir.), Culture et mémoire. Représentations contemporaines de la mémoire dans les espaces mémoriels, les arts du visuel, la littérature et le théâtre, PalaiseauÉditions de l’École Polytechnique, 2008, pp. 63-71.

 Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994 (1925).

 Maurice Halbwachs, La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997 (1950).

 Charles Heimberg, Entendre des témoins et apprendre l’histoire de la Shoah, Cahier pédagogique du DVD Survivre et témoigner : rescapés de la Shoah en Suisse, Genève, Éditions IES/Haute École de Travail Social, 2007.

 Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’ÉHÉSS, 1990 (1979).

 Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil (points-Histoire), 1996.

 Antoine Prost, « Comment l’histoire fait-elle l’historien ? », Vingtième Siècle, n°65, Paris, Presses de Science Po, janvier-mars 2000, pp. 3-12.

 Enzo Traverso, Le passé, modes d’emploi. Histoire, mémoire, politique, Paris, La Fabrique, 2005.

 

Une autre ressource importante et utile : Monique Eckmann & Michèle Fleury (éd.), Racismes et citoyennetés. Un outil pour la réflexion et l’action, Genève, ies-éditions & Fondation pour l’éducation à la tolérance, 2005.

 

LA FRONTIÈRE EXISTE-T-ELLE POUR LES HISTORIENS ?

La frontière franco-espagnole au 20e siècle

 

Jean-François Berdah

Université Toulouse II-Le Mirail

 

Source :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00143933

 

A golfer hits a tee shot as African migrants sit atop a border fence during an attempt to cross into Spanish territories between Morocco and Spain’s north African enclave of Melilla October 22, 2014. Around 400 migrants attempted to cross the border into Spain, according to local media. Picture taken October 22, 2014. REUTERS/Jose Palazon (SPAIN – Tags: SPORT GOLF SOCIETY IMMIGRATION TPX IMAGES OF THE DAY) – RTR4BABH

 

La frontière existe-t-elle pour l’historien ? Question délicate qu’on ne saurait trancher de façon probante d’une simple affirmation ou négation. Les débats actuels qui portent sur les limites de l’Europe montrent bien combien la frontière demeure un objet polémique, notamment dans le cas de la Turquie qui pour beaucoup ne pourrait intégrer l’Union européenne en raison de son appartenance au continent asiatique ou proche-oriental. Cette analyse repose pout l’essentiel sur l’existence de « frontières naturelles », notion qui s’est imposée à la Renaissance par le biais de la cartographie, celle de Mercator notamment, à des fins politiques et militaires. Politiques, en fixant, par exemple, les limites théoriques de la monarchie française, celle des Bourbons, et militaires, en justifiant par avance les conquêtes visant à préserver le « pré carré », c’est-à-dire le territoire légitime et « naturel » garant de l’harmonie intérieure du royaume 1.

A l’évidence, la frontière est donc une création humaine qui a pour objet de définir et de distinguer ces constructions politiques et territoriales que sont les États modernes. Contrairement à ce que l’on a longtemps cru ou affirmé, la notion de « frontière naturelle » n’exprime donc pas une réalité intangible, celle d’une limite géographique qui s’imposerait d’elle-même et constituerait du même coup le critère infaillible des politiques nationales. Pourtant, la question mérite d’être posée dans le cas des massifs montagneux comme les Alpes et les Pyrénées, notamment dans ce dernier cas en raison du cloisonnement qu’ils semblent créer entre la France et l’Espagne, et de l’obstacle apparent qu’ils semblent représenter aux échanges humains de part et d’autre de la frontière.

Apparent est bien le mot, car il serait facile de démontrer que les Pyrénées n’ont jamais représenté cette extrémité, ces marges infranchissables comme on pourrait le penser, et ce depuis les temps les plus reculés. Qu’il soit permis de rappeler, que les Pyrénées offrent de nombreux points de passage entre la France et l’Espagne, tout d’abord les plaines côtières du Pays basque et de la Catalogne, mais aussi les cols de montagne qui empruntent des vallées toutes orientées, à quelques exceptions près, selon un axe nord- sud, et que les exemples historiques depuis les Wisigoths et les Vandales jusqu’aux temps les plus récents abondent qui démontrent que loin d’avoir été une frontière imperméable, les Pyrénées ont toujours été considérés comme un espace de peuplement et de transition. Cela est d’autant plus vrai que les raisons de franchir cette « frontière naturelle » dans un sens ou dans l’autre n’ont pas manqué, ne saurait-ce qu’à l’époque contemporaine depuis le début du 19e siècle. Raisons politiques tout d’abord avec l’émigration vers la France des libéraux espagnols sous le règne de Ferdinand VII de 1814 à 1833, puis celle des carlistes opposés à la jeune reine Isabelle II lors des première et seconde guerre carliste (1833- 1839, 1846-1848) et encore au lendemain de la troisième guerre carliste (1873-1875) lors de la Restauration des Bourbons. Il faudrait aussi ajouter le premier exil des républicains sous la Restauration en 1874, et surtout le second de 1923 à 1930 sous la dictature de Manuel Primo de Rivera qui devait profondément influer sur le devenir de l’Espagne au cours des années trente 2. Raisons économiques également, à cela près qu’au cours du 19e siècle le courant migratoire est orienté nord-sud, c’est-à-dire de la France vers l’Espagne, en provenance notamment d’Auvergne 3.

Si, comme on a pu le voir, la frontière franco- espagnole a été amenée à jouer un rôle prépondérant dans les relations entre les deux États riverains depuis fort longtemps, c’est toutefois avec la fin de la guerre civile espagnole que celle-ci va devenir un enjeu crucial pour les populations concernées pour au moins trois raisons. Tout d’abord, parce que la guerre d’Espagne fut à l’origine d’un exil de population massif à partir de 1939, et surtout durant l’hiver 1939, un exil politique qui a eu en France de profondes répercussions du point de vue politique et économique. Ensuite, parce que cette frontière va constituer une ligne de démarcation idéologique entre la dictature du général Franco et la troisième République finissante. Enfin parce que la frontière devient un enjeu stratégique durant la Seconde Guerre mondiale pour la résistance intérieure et les forces alliées tandis que la France et l’Espagne sont dominées par deux régimes dictatoriaux.

 

 

De toutes les tragédies humaines que l’Europe a traversées au cours du 20e siècle, la guerre d’Espagne figure hélas en bonne place parmi celles qui ont le plus fortement marqué notre destin collectif. Plus que tout autre pays, la France a fait l’expérience indirecte de ce drame historique en devenant la terre d’accueil de quatre vagues migratoires successives entre 1936 et 1939. De ces quatre vagues la plus importante numériquement et la plus lourde de conséquences fut la dernière. Elle se produisit lors de l’effondrement final du front de Catalogne en décembre 1938 quand les possibilités de résister étaient presque épuisées pour des raisons matérielles, financières et politiques, ou encore par suite du pessimisme ambiant.

Entre la fin janvier et le début de février 1939 ce sont près de 465 000 réfugiés qui entrent en France, dont 170 000 civils et 295 000 militaires, affamés, dépourvus de tout, parfois sans chaussures ni couvertures au cœur de l’hiver, une population chassée toujours plus loin par les forces rebelles du général Franco qui n’a d’autre choix en définitive que de franchir les Pyrénées par tous les moyens et quels qu’en soient les risques. Cette réalité terrible entraîne une remise en question immédiate de la politique gouvernementale pratiquée à l’égard des républicains espagnols. De fait, l’idéal de solidarité du Front populaire défendu par Léon Blum n’avait pas tardé à voler en éclat lors de l’adoption de mesures administratives strictes au mois d’avril 1937 qui avaient eu pour conséquence le renforcement des contrôles sur la frontière pyrénéenne et surtout le rétablissement du visa consulaire, qui autorisait le refoulement des personnes qui en sont dépourvues. Un mois plus tard, en mai, l’adoption de l’instruction sur l’hébergement des réfugiés espagnols allait durcir la politique d’accueil de la troisième République en introduisant des limitations certaines à l’exercice de cette liberté individuelle. On affirmait certes toujours la volonté de l’État de « remplir complètement ses devoirs d’humanité », mais aussi celle de « maintenir strictement l’ordre public sur son territoire », d’interdire la libre mobilité des populations hors des départements d’accueil, notamment vers l’un des départements frontaliers, et de refuser le financement officiel des camps d’hébergement 4. Cette politique de durcissement ne se ralentit pas avec le changement de gouvernement, bien au contraire, car ce dernier n’affecta pas le ministre de l’Intérieur en poste, Marx Dormoy, ni ses orientations restrictives. Ainsi, le « rapatriement obligatoire de

tous les réfugiés espagnols, les malades exceptés », c’est-à-dire non plus seulement les hommes, mais aussi les femmes et les enfants, fut -il mis en œuvre le 29 septembre 1937 sans attendre. L’explication tient sans doute au nombre élevé de républicains espagnols installés en France, de 50 à 60 000 au début de l’automne, dont au moins 10 000 enfants, qui représentent une lourde charge pour l’État français et les municipalités chargées d’accueillir de gré ou de force ces réfugiés. Déjà 13 millions de francs avaient été débloqués par le gouvernement Blum en faveur des républicains espagnols auxquels s’ajoutèrent 55 millions supplémentaires au cours de l’année 1937 5. Toutefois, les réactions d’hostilité à un tel recul des principes républicains venus des rangs pro-gouvernementaux contribuent à adoucir ces mesures radicales grâce à une nouvelle directive, en date du 27 novembre, qui autorise les réfugiés à résider en France sous réserve qu’ils disposent de ressources pécuniaires suffisantes ou soient recueillis par des personnes tierces, « exception faite toutefois pour les femmes, les enfants, les vieillards et les malades qui peuvent encore être hébergés aux frais des collectivités publiques. » 6

Ce drame aurait-il pu être évité ? Sans doute pas ; mais les souffrances qu’il généra auraient pu être atténuées avec un minimum d’anticipation. Les mises en garde répétées du gouvernement républicain de Barcelone n’avaient pas manqué, en effet, depuis 1938, ainsi que des offres de financement pour l’hébergement des réfugiés. De sorte que l’impréparation des autorités françaises face au déluge humain ne peut s’expliquer que par un choix délivéré du gouvernement, celui de ne pas heurter une opinion publique de plus en plus ouvertement xénophobe et hostile à l’accueil des populations étrangères, attitude qui d’ailleurs n’est pas spécifique à la France puisque les autres pays européens et les États-Unis n’étaient pas disposés à partager le poids d’une immigration si massive, à l’exception des enfants qui purent être rapatriés vers l’Angleterre, la Suisse, la Belgique ou la Russie grâce à des organismes de secours ou le soutien direct des pays concernés.

Il n’est pas utile d’insister ici sur les conséquences désastreuses de cet exil forcé pour la population espagnole, surtout pour les militaires séparés des autres réfugiés qui terminèrent leur voyage dans des camps d’internement ou de concentration, selon la terminologie officielle, improvisés 7. En réalité, nombre de ces Républicains n’avaient pas d’autre choix que de rester en France, même si le gouvernement français faisait tout son possible pour forcer leur retour en Espagne, en particulier parce qu’une mort immédiate attendait tous ceux dont les responsabilités politiques ou l’engagement idéologique avaient un lien quelconque avec le Frente popular, avec le camp des “rouges”.

Ce qu’il importe de dire ici, c’est que toute la politique frontalière de la France fut remise en cause par cette avalanche humaine. La norme en vigueur, depuis le 14 avril 1862, était dictée par le traité bilatéral signé entre Napoléon III et Isabelle II, à propos des frontières et des échanges de population, dont le contenu était finalement assez vague puisque ce dernier ne faisait pas explicitement référence ni aux ouvriers agricoles et industriels, de loin les plus nombreux parmi les réfugiés espagnols, ni aux exilés politiques. Cependant, la France avait souscrit au cours des décennies suivantes plusieurs engagements internationaux qui lui enjoignaient d’accueillir les ressortissants étrangers et de surseoir à toute mesure de refoulement ou d’expulsion, ce que les premières instructions envoyées aux préfets des départements frontaliers les 20 juillet et 6 août 1936 avaient d’ailleurs confirmé.

En réalité, comme le note Javier Rubio, ces premiers pas réglementaires permirent au gouvernement français de fixer dès les premières semaines les deux principes fondamentaux auxquels la politique d’accueil des réfugiés espagnols sera soumise au cours des années ultérieures. Le premier visait à favoriser le plus possible le retour en Espagne de tous celles et ceux qui le désiraient, en leur laissant même la liberté de choisir l’endroit par lequel s’effectuera le franchissement de la frontière. Mais la possibilité de résider provisoirement en France était aussi garantie par ce même principe pour des raisons humanitaires et parce qu’il devait être tenu compte des non combattants, notamment les femmes, les enfants et les vieillards, extérieurs, si l’on peut dire, à la guerre civile. Le second principe, qui rappelle la jurisprudence en application depuis les guerres carlistes, visait à éloigner les populations réfugiées de la zone frontalière pour des raisons à la fois politiques et matérielles. En effet, la présence d’opposants politiques aux portes de l’Espagne, qu’il s’agisse des partisans de Don Carlos au 19e siècle 8, des républicains et anarchistes espagnols jusqu’en 1931 ou maintenant des combattants du Front populaire, tout devait être fait pour éviter le moindre différent avec les autorités espagnoles en place ou toute implication directe dans le conflit. Mais l’éloignement de la frontière répondait aussi tout bonnement à des considérations pratiques, principalement la nécessité de distribuer plus équitablement le poids de l’exil espagnol pour éviter que les départements frontaliers assument seuls cette charge nouvelle 9.

 

 

Plus tard, c’est la signature des accords de Nyon, le 14 septembre 1937, qui entraîne un nouveau changement de stratégie vis-à-vis de la frontière. En effet, la crise provoquée par le bombardement du croiseur allemand Leipzig, les 15 et 18 juin précédents, qui faillit entraîner l’Allemagne nazie dans une guerre ouverte contre la Républiques espagnole et du même coup provoquer un enchaînement guerrier incontrôlable, pousse les grandes puissances à neutraliser, ou plus exactement à circonscrire, la guerre civile espagnole, et à éviter que violations répétées du droit international en Méditerranée ne conduisent à une déflagration mondiale 10. Or, si ce « plan méditerranéen » a surtout des implications maritimes, il est clair que la contrebande de guerre et le passage de volontaires s’effectuent aussi par voie terrestre, ce qui conduit dès le mois de novembre à l’installation d’un véritable plan de barrage destiné, selon son promoteur Marx Dormoy, à assurer la plus parfaite étanchéité des frontières. Dans le cas de l’Ariège, directement concerné par cette mesure, les autorités militaires et civiles se répartissent les rôles pour garantir l’efficacité des décisions ministérielles avec la mobilisation des gardes républicains mobiles, des unités d’infanterie et des réserves mobiles au sein d’un réseau maillé profond de 80 kilomètres 11.

Le problème des réfugiés espagnols ne va pas cependant trouver de remède au cours de l’année 1937, ni même l’année suivante en 1938, en dépit des reconduites à la frontière forcées ou imposées. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’attitude des autorités françaises. Peut-elle se justifier, comme le pense Bartolomé Bennassar, par la liberté de passage de la frontière ou parce que « l’issue du conflit demeure très incertaine » [sic] 12 ? Cela reste très discutable, notamment à lire les intentions de Marx Dormoy qui affirme en septembre 1937 : « J’ai décidé de les mettre en demeure de quitter notre territoire ». Au reste, il n’était pas nécessaire le plus souvent de forcer les choses tant l’esprit combatif était encore présent chez la plupart des hommes, notamment les éléments révolutionnaires les plus actifs et aussi les plus indésirables. Par ailleurs, le passage de la frontière ne s’avère pas si facile depuis que le gouvernement républicain pratique un strict contrôle des entrées destiné à éradiquer la cinquième colonne » nationaliste :

À la sortie comme à l’entrée, il faut franchir maintenant cinq ou six barrages avec de multiples vérifications douanières, administratives, policières, etc. Dans une zone de vingt kilomètres depuis la frontière française, la population a été évacuée. Nul n’a le droit de circuler sans les justifications les plus complètes et sous peine des sanctions les plus graves. Le départ de l’Espagne des ressortissants espagnols est pratiquement interdit. L’entrée des étrangers est subordonnée à de multiples enquêtes et des instructions presque prohibitives ont été adressées aux ambassades et aux consulats. À la sortie, l’on doit se présenter maintenant au commissariat général des ports et des frontières cinq jours avant la date de départ proposée, et, uniquement pour toute l’Espagne, à Barcelone. » 13

 

 

La “question espagnole” reste donc entière au début de l’année 1938, non seulement parce que les volontaires étrangers ne peuvent quitter la zone républicaine, mais aussi parce qu’il serait périlleux de les pousser à partir tandis que les Allemands et les Italiens n’ont aucune intention d’agir de même… si ce n’est après la victoire finale de Franco ! Plus grave encore, l’offensive qui se produit en Aragon à partir de l’hiver 1937 et culmine avec la bataille de Teruel en janvier- février 1938 14 conduit à une troisième vague d’exode vers la France de la part d’une partie de l’armée républicaine, notamment la 43e division rejetée dans la poche de Bielsa par l’armée nationaliste qui compte près de 7 000 hommes. En contradiction avec les ordres officiels qui imposent toujours le barrage de la frontière, les solidarités s’organisent côté français pour venir en aide aux soldats et surtout aux populations civiles de la vallée de la Cinca, notamment au sein de l’union départementale de la CGT. Des convois sont organisés pour expédier en territoire espagnol denrées alimentaires et médicaments, mais les bombardements perpétrés par l’aviation franquiste poussent finalement miliciens et civils à se réfugier dans les Hautes-Pyrénées françaises, notamment à Arreau, Argelès-Gazost et Luz-Saint-Sauveur 15.

C’est pourtant dans ce contexte (ou plutôt en raison de ce dernier) que le gouvernement de Front populaire accepte le 17 mars de réouvrir la frontière à la demande du président du Conseil socialiste, Juan Negrín, venu plaider la cause de l’Espagne républicaine.

La frontière avait été fermée par Camille Chautemps après le départ des ministres socialistes et la constitution d’un nouveau cabinet le 19 janvier 1938, et l’on pouvait mesurer clairement les conséquences catastrophiques de cette décision sur la capacité de résistance de

l’armée républicaine en Aragon dès lors que les livraisons d’armes en provenance d’Union soviétique se trouvaient brutalement taries 16. Le revirement surprenant des autorités françaises s’expliquait fondamentalement par le retour de Léon Blum à la tête du   gouvernement depuis le 13 mars et la volonté exprimée par ce dernier de répondre à la politique expansionniste de l’Allemagne nazie par un geste de solidarité à l’égard de l’Espagne. En d’autres termes, s’il était trop tard pour sauver l’Autriche, il était encore possible de faire quelque chose pour l’Espagne et la Tchécoslovaquie, également menacée 17.

L’ouverture de la frontière n’eut pas d’effets concrets ni durables. D’une part, parce que l’approvisionnement en armes des forces légalistes ne s’améliora nullement, d’autre part, parce que la seconde expérience Blum était vouée à l’échec dès le départ – le président Lebrun n’avait- il pas exprimé son désir de mettre un terme final au Front populaire dès le mois de janvier ? – et que ces jours étaient comptés. De fait, la pression sociale grandissante, les divisions politiques et l’hostilité manifeste du Sénat à l’égard des projets financiers de Léon Blum allaient précipiter sa chute le 10 avril et ouvrir la voie à un second gouvernement Daladier deux jours plus tard 18.

Cette nouvelle crise gouvernementale, outre qu’elle mit fin de façon définitive à l’expérience du Front populaire, annonçait un net revirement d’attitude vis-à-vis de la République espagnole avec la disparition des éléments socialistes au sein du nouveau cabinet et le déplacement de son centre de gravité vers la droite. La nomination de Georges Bonnet à la tête du ministère des Affaires étrangères ne fit que confirmer les appréhensions légitimes de Barcelone à ce propos, car son antipathie peu douteuse pour le Front populaire alliée à la conviction de la faiblesse française face à l’Allemagne ne pouvaient qu’induire des décisions contraires aux intérêts de la République 19. En outre, la signature des accords anglo-italiens du 16 avril 1938 signifiant la reconnaissance de jure de l’annexion italienne de l’Éthiopie et la présence en zone nationaliste d’un agent diplomatique britannique depuis le mois de novembre 1937 20 ne pouvaient qu’encourager le ministre radical à suivre cet exemple. La rupture territoriale du camp républicain depuis le 14 avril, avec l’arrivée à Vinaroz de l’avant-garde nationaliste, permet justement d’envisager discrètement l’abandon de la République espagnole au bénéfice d’un rapprochement avec l’Espagne de Franco.

 

 

Dans ces conditions, et pratiquement accusé par Londres, « de prolonger inutilement une guerre cruelle avec toutes ses terribles conséquences » 21, le gouvernement français, en la personne de Daladier et Bonnet, devait décider la fermeture de la frontière franco-espagnole le 26 mai. Concrètement, celle-ci ne devint complètement étanche que le 13 juin suivant, par crainte de réactions hostiles de l’opinion publique et aussi parce qu’il était peu concevable « que la France fût seule à agir si l’Italie ne prenait pas elle-même des mesures établissant clairement sa bonne foi et son intention de renoncer définitivement à son emprise sur l’Espagne. » 22 ; mais le mal était fait, et comme l’envisageait le consul Lamastres la chute du front de Catalogne et de Barcelone, sans approvisionnements extérieurs en armes, n’était plus qu’une question de semaines. En prenant une telle décision, le gouvernement Daladier s’exposait pourtant à un autre risque, celui de voir le camp républicain se replier en masse vers ses frontières et d’engendrer ainsi un mouvement de population sans précédent. Déjà le 19 avril l’ambassadeur de France, Erik Labonne, avait conclu que :

« Si donc une telle lutte devait se dérouler à nos portes, si l’incendie devait faire rage à quelques kilomètres de notre frontière, les risques que la France a déjà encourus dans l’affaire espagnole n’en seraient point diminués, non plus que les possibles complications internationales. De même si la lutte devait prendre un tel caractère, les exodes de population et de troupes, qui ont eu lieu déjà dans les Hautes-Pyrénées et dans l’Ariège, se reproduiraient sans doute dans les Pyrénées-Orientales et sur une tout autre échelle. » 23

Le préfet des Pyrénées-Orientales ne dit pas autre chose le 23 avril lorsqu’il évoque « l’exode en masse qui se produira vers la frontière française », ajoutant « que l’exode sera massif » et son ampleur « difficile d’évaluer d’avance » 24. On sait pourtant ce qu’il advint de telles mises en garde et du manque de préparation criant qui caractérisa la politique française en janvier-février 1939. Dès le 27 janvier, ce sont des milliers de personnes qui se présentent aux postes-frontière, mais les ordres sont appliqués de manière absolue et toute entrée en territoire français reste prohibée par un double rideau composé de gardes mobiles et de tirailleurs sénégalais, notamment à Cerbère et au Perthus. Devant la masse de civils qui s’agglutine à la frontière, le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, n’a d’autre choix que de laisser passer les civils, soit « 60 000 femmes, 13 000 enfants et 2 000 hommes âgés de plus de cinquante-cinq ans » 25. Au total, selon les chiffres officiels, ce sont en fait 114 000 réfugiés qui franchissent la frontière entre le 27 et le 31 janvier 1939 par Cerbère, Le Perthus, le col d’Ares et Bourg-Madame, et encore 126 000 personnes entre le 2 et le 4 février 26.

La grande question demeure cependant celle des militaires. Dans un rapport en date du 30 janvier, le lieutenant-colonel Morel s’interroge sur l’importance des forces républicaines qu’il estime entre 50 et 100 000 hommes, et surtout sur le risque de voir ces troupes franchir de force la frontière sous l’effet de la terreur et des bombardements ennemis ; risque auquel il faut se préparer quitte soit à « engager une véritable bataille pour leur interdire le passage », soit à « laisser entrer en France des détachements armés. » 27 La dégradation de la situation est telle cependant le 5 février que le reflux de l’armée républicaine vers la France devient inévitable et c’est sur le constat attristé d’Álvarez del Vayo que Georges Bonnet donne finalement l’ordre d’ouvrir la frontière aux soldats espagnols, non sans avoir négocié au préalable la libération de quelque 800 prisonniers nationalistes détenus à Olot et Figueras 28. Encore faut-il dire que la générosité française se veut très provisoire dans la mesure où l’on escompte un rapatriement rapide des soldats républicains dans la zone Centre où les combats doivent se poursuivre. Par ailleurs, l’état-major espagnol est très optimiste quand il « n’évalue les effectifs susceptibles de passer en France qu’à 60 ou 80 000 ». Il n’en demeure pas moins que l’hébergement forcé de l’armée républicaine tombe au plus mal lors même que l’envoyé du gouvernement, Léon Bérard, se trouve déjà sur place depuis le 3 février pour négocier l’accréditation d’un agent général sur le modèle britannique, c’est-à-dire une reconnaissance de facto du gouvernement de Burgos 29. On comprend dès lors pourquoi Jules Henry, l’ambassadeur de France à Barcelone, insiste autant auprès d’Álvarez del Vayo pour obtenir la libération des prisonniers nationalistes, condition sine qua non à l’entrée des troupes républicaines sur le territoire français 30.

Très concrètement, le passage de la frontière, tout d’abord des populations civiles, ensuite des militaires, marquait non pas la fin d’une tragédie, mais le début d’un nouveau calvaire, celui de l’emprisonnement dans les camps d’internement ou de concentration improvisés par les autorités françaises, après des opérations de contrôle et de tri humiliantes et une marche forcée qui s’étire parfois sur vingt-cinq kilomètres ou plus. Ce sera tout à bord le cas à Argelès, puis à Saint- Cyprien et au Barcarès, quelques kilomètres au sud de Perpignan, où sont érigés des sortes de camps qui n’ont de camps que le nom 31.

 

 

Dans les semaines et les mois qui vont suivre, concrètement jusqu’à l’effondrement militaire de la France en mai 1940, la frontière sera traversée en sens inverse par près de 340 000 des 465 000 réfugiés espagnols, bon gré mal gré, pour la plupart des femmes, des enfants et des civils non impliqués politiquement, mais aussi tous ceux qui ont cru sincèrement à l’appel de Franco les invitant à rentrer sans crainte en Espagne. Mais désormais la frontière demeure une zone très sensible, étroitement surveillée de part et d’autre. Car comme l’écrit Émilienne Eychenne, « Franco ne laisse pas la montagne seule surveiller la frontière », non seulement parce que ce dernier n’a aucune confiance dans le gouvernement de la Troisième République qui a, selon lui, largement contribué à prolonger la durée de la guerre civile en soutenant la république espagnole, mais aussi parce que la France est devenue la terre d’acueil de centaines de milliers d’opposants politiques et qu’il convient de contrôler tous les cols pyrénéens afin d’éviter les infiltrations d’agents ennemis 32. Les craintes de Franco ne sont pas infondées, car même si la plupart des républicains espagnols sont internés dans les camps du sud-ouest et que beaucoup d’autres n’aspirent qu’à retrouver un semblant de normalité en s’intégrant par le travail, certains combattants de la guerre d’Espagne n’ont aucune intention de déposer les armes. C’est le cas notamment de Francisco Ponzán, militant anarcho-syndicaliste de la première heure et membre du groupe Libertador de la 127e brigade de guerrilleros internés au camp du Vernet d’Ariège en février 1939, qui met sur pied « les premiers groupes d’action qui retournèrent en Espagne pour combattre le régime franquiste et sauver des compagnons en danger de mort. » 33 C’est à Varilhes en Ariège, là où il travaille – officiellement – après avoir été libéré en août 1939, qu’il installe sa base d’action et organise les premières opérations d’infiltration en territoire espagnol via l’Aragon. Quelques semaines plus tard, il entre en contact avec le service action de l’Intelligence Service en France par le biais d’un agent britannique installé près de Foix (Ariège), un certain Marshall, alors que la menace d’un rapprochement militaire entre Franco et Hitler se fait de plus en plus sentir. Ce que les agents britanniques cherchent à obtenir, ce sont des renseignements sur l’Espagne et sa capacité à intervenir dans le conflit européen, mais l’effondrement militaire de la France en juin 1940 contraint ces derniers à quitter le territoire français et à rejoindre Londres au plus vite. L’important toutefois, c’est que des contacts ont été pris entre les républicains espagnols et l’IS, et qu’ils pourront être réactivés dans un autre contexte, celui de la lutte contre l’Allemagne nazie et la France de Vichy. Aux dires des services secrets français, informés par les Britanniques, ces derniers « avaient recruté les éléments les plus irréductibles et les plus idéalistes des réfugiés antifascistes espagnols », des éléments qui « étaient décidés à continuer la lutte contre Franco et disposés à ruiner par tous les moyens les activités des nazis en France et en Espagne, et par conséquent [qui] pouvaient leur être très utiles. » 34

 

 

 C’est à l’été 1940, précisément au mois d’août, après une incursion en Andorre, que les résistants français prennent contact avec Ponzán, dit François Vidal, par l’intermédiaire du lieutenant Tessier qui opère à partir de Toulouse où s’organise peu à peu l’opposition à l’occupation allemande et au gouvernement de Vichy 35. Après Marseille, où fut créé le premier réseau d’évasion en décembre 1940, sous l’égide de Ian Garrow, c’est Toulouse qui devient la principale plaque tournante des évasions pour des centaines de pilotes alliés tombés en France, pour les Juifs persécutés et menacés de déportation, pour les agents de la France libre et de très nombreux jeunes désireux de rejoindre le combat contre l’Allemagne nazie. Le maître d’œuvre en est Pat O’Leary, de son vrai nom Albert-Marie Guérisse, capitaine-médecin belge qui fait du réseau toulousain», comme l’écrit Robert Belot, l’un « des plus grands réseaux d’évasion vers l’Espagne. » 36 Ce qui est moins connu, c’est que le groupe Ponzán, suspendu par l’IS en avril 1941, est réactivé par ce biais au printemps 1941 et devient l’élément fondamental de ce réseau d’évasion 37.

Mais pour un Ponzán, combien de républicains espagnols anonymes qui ont servi de passeurs tout au long de la guerre et tout le long des Pyrénées. Certes, tous n’ont pas le même idéal que ce dernier et beaucoup, Espagnols comme Français, n’hésitent pas à monnayer leurs services contre des sommes parfois très substantielles. « Croire que la chose serait gratuite pendant la guerre – écrit Émilienne Eychenne – alors que, si elle était découverte par les autorités, elle allait vous conduire pour deux ou trois mois en prison, avec une belle amende par dessus le marché, relève, et relevait d’une magnifique utopie. » 38 Cela ne vaut pourtant que pour les passeurs français, les passeurs espagnols risquant, quant à eux, d’être internés dans les camps du sud de la France, voire d’être déportés vers le Reich allemand, à Mauthausen ou Buchenwald, ou livrés à la police de Franco. Faute d’une étude exhaustive ou synthétique de la question 39, on doit s’en tenir aux rares témoignages qui ont pu être recueillis, souvent très tardivement. Ce sont encore les républicains espagnols qui jouent un rôle moteur dans le réseau Vic dirigé par le Catalan Josep Rovira, organisateur et commandant de la 29e brigade en Aragon et ancien responsable du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) . C’est à l’automne 1941 qu’il est contacté par René Jeanson, dit « René » dans le but de faciliter son retour vers Londres après une mission d’information sur l’état des forces ennemies en France. Grâce aux militants restés en Espagne et à ceux opérant en exil, Rovira va mettre sur pied le groupe Martin chargé d’assurer un passage régulier à travers les Pyrénées pour les résistants, parachutistes et aviateurs alliés et français désireux ou contraints de rejoindre la Grande-Bretagne. Ce groupe demeurera actif tout au long de la guerre, en dépit des tentatives de noyautage de la Gestapo, notamment à l’automne 1943 40.

 

 

Si ces groupes de passeurs, ces résistants espagnols ont pu s’organiser et se structurer au cours de la guerre, ils le doivent paradoxalement à la politique d’internement et d’encadrement des républicains mise en œuvre par le gouvernement Daladier en mars-avril 1939. Cette politique, qui affecte tous les ressortissants étrangers et plus particulièrement les réfugiés espagnols en raison de leur nombre, résulte pour partie du coût considérable des dépenses financières consenties par l’État français depuis 1936, une somme estimée à 88 millions de francs en décembre 1938 et surtout de la nécessité de compenser la mobilisation partielle, puis totale des Français en prévision de la guerre contre l’Allemagne, soit plus de 4,7 millions d’hommes sous les drapeaux en septembre 1939.

Autant de considérations qui amènent les autorités françaises à trouver une solution alternative à l’accueil en masse des réfugiés espagnols sur le territoire national 41. En réalité, il s’agit tout autant de faire participer les réfugiés de gré et souvent de force au coût d’entretien de plus en plus élevé de leur hébergement en France que de surveiller des populations que l’on considère par essence dangereuse. De s’agit-il pas là pour la plupart d’ « éléments dangereux », de « Rouges espagnols » dont on peut craindre le pire ? C’est dans cet esprit que sont créées les premières structures destinées à encadrer la main-d´oeuvre étrangère dès le 12 avril 1939 par un décret-loi qui élargit les mesures obligatoires liées au service militaire à tous les hommes de nationalité étrangère âgés de 20 à 48 ans bénéficiaires du droit d´asile, mais sans revêtir pour autant un caractère obligatoire, de sorte que cette politique demeura globalement inefficace 42. Ce n’est qu’avec la déclaration de guerre contre l’Allemagne et la mobilisation de l’armée française en septembre 1939 que le recrutement des volontaires espagnols fut fortement encouragé par les autorités civiles. En quelques mois, les camps d’internement se vidèrent au profit des Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) Au total, 227 compagnies avec 15.000 volontaires et 40.000 incorporés parmi les miliciens espagnols voient le jour jusqu’au juin 1940 (soit 55 000 environ), encadrés par des Gendarmes mobiles et soumises à une discipline militaire43.

 

 

Ce qu’il importe de souligner ici, c’est que si une certaine partie des réfugiés espagnols est mobilisée dans les régiments de prestataires dans le nord de la France comme au service des entreprises travaillant pour la défense nationale, sur les chantiers de la ligne Maginot, la plupart des Espagnols sont versés dans des compagnies de travailleurs destinées à soutenir l’effort économique de guerre soit dans l’agriculture, soit dans le cadre des entreprises minières et industrielles, soit encore dans l’exploitation forestière. C’est le cas par exemple des compagnies de travailleurs de l’Ariège, la CTE n°558 de Tarascon-sur-Ariège, ainsi que les CTE n°721 et 145 créées à Saint-Jean-de-Verges, entre Foix et Pamiers, et à Quérigut qui se situent très près de la frontière pyrénéenne 44. De manière générale 45, et surtout dans les Pyrénées, les CTE vont créer les conditions idéales au regroupement des républicains espagnols et à l’organisation des premiers noyaux de résistance. La disparition des CTE en juin 1940, après l’effondrement militaire de la France, signifiait certes « le retour au statut administratif qui avait été le leur lors de leur entrée en France et plus concrètement leur réinternement dans les camps » 46, mais « le concept des CTE est repris officiellement en septembre 1940 de façon à répondre aux exigences de la « Révolution nationale », c’est-à-dire au redressement de la France, et à limiter la mainmise de l’Allemagne sur la main d’œuvre étrangère » 47. La conséquence en est que la structure d’encadrement des CTE est tout bonnement remplacée par celle des GTE (Groupements ou Groupes de Travailleurs Étrangers) dès septembre 1940 et que les camps se vident à nouveau au profit de l’économie nationale. Une grande partie des réfugiés espagnols échappe cependant à l’internement par le biais des contrats de travail individuels qui, comme on l’a vu pour Francisco Ponzán, permettent parfois, grâce aux solidarités locales, d’échapper au contrôle strict des forces de police de Vichy.

Même si d’autres nationalités sont représentées au sein des GTE (Polonais, Russes, Tchèques, Roumains, etc.), les Espagnols constituent de très loin l’effectif le plus nombreux, comme dans les CTE, au point que l’on pourrait évoquer leur caractère “mononational” 48. Souligner ce fait, c’est expliquer par anticipation le rôle prépondérant que les GTE vont jouer partir de 1941 dans la résistance, d’une part dans le cadre de la réquisition forcée au service de l’Organisation Todt sur la côte atlantique, avec le sabotage du matériel et des installations techniques, par exemple à La Pallice, près de La Rochelle, et à Bordeaux, où ils participent à la construction des bases sous-marines, et plus encore dans les zones montagneuses, notamment dans les Pyrénées, en servant de noyaux à la création des maquis 49. Dans ce contexte, et plus encore après le déclenchement de l’opération Barbarossa en juin 1941, les luttes clandestines se développent dans tous les camps d’internement, ainsi que dans les GTE, en raison de l’engagement communiste désormais acquis à la lutte antinazie. La création de la Unión Nacional Española (UNE) est en effet directement liée à l’entrée en guerre de l’URSS, la stratégie allemande en Méditerranée et bien sûr aux menaces qui pèsent sur les républicains espagnols, notamment la réquisition forcée dans la zone occupée ou pire encore en Allemagne. L’objectif de la UNE est simple, il consiste à grouper « tous les Espagnols, depuis les royalistes et catholiques jusqu’aux anarchistes et communistes » de manière à constituer un front commun contre toute alliance de l’Espagne avec l’Allemagne et s’opposer par tous les moyens au travail forcé en Allemagne avec ce slogan « Pas un homme, pas une arme, pas un grain de blé pour Hitler » 50.

 

 

Si les débuts de la résistance espagnole sont caractérisés, comme dans les autres groupements clandestins, par la réalisation et la diffusion de tracts et de journaux clandestins, notamment l’organe des guérilleros Reconquista de España, les actions de sabotage se développent en zone sud à partir de l’été 1941 dans le cadre d’organisations autonomes et parfois aussi dans des réseaux français par refus de la suprématie communiste au sein de l’UNE 51. Les chantiers de bûcherons et les exploitations forestières constituent alors autant de couvertures légales aux groupes de résistance espagnols, à l’image de l’entreprise de José Antonio Valledor d’abord implantée dans l’Aude puis transférée dans l’Ariège en août 1942 52. Les postes de commandement des guérilleros sont en étroite liaison avec les GTE dans ce qui devient la région R4 des FFI, notamment sur la ligne des Pyrénées (Ariège, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne notamment). C’est de là que partent les opérations armées les plus importantes contre les forces d’occupation allemandes, mais aussi les infiltrations en Espagne, qui permettent de transférer hommes et matériel vers les maquis de l’intérieur de l’Espagne. C’est le cas par exemple de Jesús Monzón, l’un des membres fondateurs de la UNE, qui quitte la France pour s’installer à Madrid dès 1943 afin de mettre sur pied la résistance clandestine contre Franco et organiser son bras armé : l’Ejército Guerrillero 53.

Il n’est pas dans notre propos d’évoquer plus avant l’action des républicains espagnols dans la Résistance en France, sujet important qui a fait l’objet de plusieurs publications récentes 54. On ne peut pourtant négliger le fait que les maquis espagnols ont servi de centres d’accueil pour nombre de réfractaires du STO cherchant à échapper aux réquisitions de l’Allemagne et surtout de bases de formation pour tous ceux, républicains espagnols ou non, qui, au lendemain de la zone sud par les forces allemandes, en novembre 1942, décident de rejoindre la lutte armée. C’est le cas notamment des réfugiés espagnols isolés ou regroupés dans la 526e GTE affectée au chantier de construction de la centrale hydro-électrique de la vallée d’Ossau dans le Béarn, autre région frontalière, qui s’organisent au sein du 14e corps des guérilleros en août 1942 55. C’est ce même 14e corps qui se transforme en mai 1944 pour devenir la Agrupación de Guerrilleros Españoles (AGE), sous le commandement de Luis Fernández et Joan Blásquez, qui soutient la libération du Sud-ouest aux côtés des FFI. C’est lui encore qui envisage la reconquête de l’Espagne en septembre 1944 après avoir rallié plusieurs milliers de résistants espagnols. L’opération militaire vise à franchir les Pyrénées dans le Val d’Aran, puis d’y installer une base arrière où l’UNE espère établir une enclave républicaine susceptible d’abriter le gouvernement républicain en exil. Cette manœuvre audacieuse ne fait pas l’unanimité parmi les chefs de l’AGE, y compris le lieutenant-colonel Vicente López Tovar chargé de commander les guérilleros, mais elle a tout de même lieu pour des raisons politiques et stratégiques. Le 19 octobre, plusieurs milliers d’hommes armés franchissent les cols pyrénéens en plusieurs endroits et occupent plusieurs villages, mais la résistance des forces franquistes, bien informées et préparées, la fragilité logistique de l’opération et la passivité des populations libérées, peu enclines à revivre une guerre civile, contraignent les guérilleros à se replier et à abandonner le terrain conquis 56. La fin de la Seconde Guerre mondiale annonce des temps difficiles pour les républicains espagnols et la fin de leurs illusions quant à un rapide effondrement du régime franquiste. Les nouvelles autorités françaises, celle du GPRF, bien que très reconnaissantes en raison des services rendus lors de la Libération, n’entendent pas tolérer une force armée, qui plus est composée de communistes et d’anarchistes espagnols, opérer à partir de son territoire et mettre à mal ses relations déjà très difficiles avec l’État franquiste. Comme l’écrit Jean Chauvel, le 15 décembre 1944 : « Les autorités locales françaises ont fait montre de sympathie pour les maquis espagnols qui s’inspirent du même idéal démocratique que notre peuple. Elles n’entendent pas pour autant favoriser la multiplication d’incidents de nature à compromettre les relations que nous entretenons avec l’Espagne gouvernementale. Si la France n’a aucune raison de favoriser le maintien du régime du général Franco, elle ne désire pas non plus que se crée à sa frontière un foyer de troubles chroniques. » 57

L’isolement international de la dictature espagnole, le développement des maquis en Espagne, l’appel croissant d’une partie de l’opinion à s’opposer par tous les moyens à Franco et surtout l’exécution d’un des chefs historiques de la résistance espagnole en France, Cristino García et de plusieurs autres guérilleros, en février 1946, entraînent cependant la décision officielle de fermer la frontière avec l’Espagne. Décision de courte durée et sans grande conséquence, puisque la frontière sera réouverte deux ans plus tard, en février 1948, sous la pression des intérêts économiques et des élus locaux frontaliers, autrement dit par “réalisme”, avec le secret espoir, très vite déçu, de voir la démocratie enfin triompher de l’autre côté des Pyrénées. L’amertume sera vive chez les républicains espagnols, parce que de provisoire leur exil devient progressivement définitif, mais aussi pour une grande partie de l’opinion, de gauche notamment, qui condamne la politique de courte vue d’un gouvernement obsédé par le communisme et à la remorque des Etats-Unis 58. Reste que l’ouverture de la frontière pyrénéenne traduit la normalisation à venir des relations franco-espagnoles et la reprise des échanges de personnes et de marchandises à travers les Pyrénées. Il faudra attendre la libéralisation de la politique économique franquiste dans les années 1950, le développement du tourisme en Espagne et l’essor de l’immigration économique en France dans les années 1960, et enfin l’intégration de l’Espagne à l’Union Européenne lors de la transition démocratique en 1985 pour que cette « frontière naturelle » disparaisse réellement et ouvre la voie à la construction d’espaces ou d’organismes transpyrénéens, à l’exemple de la Communauté de Travail des Pyrénées (CTP) qui réunit aujourd’hui les régions frontalières françaises et espagnoles dans un esprit de concertation et de coopération.

 

 

 


 

1 Voir le livre désormais classique de Yves Lacoste, La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre, Paris, Maspero, 1976 (rééd. La Découverte, 1985) et Alfred Fierro-Domenech, Le pré carré. Géographie historique de la France, Paris, Robert Laffont, 1986.

2 Voir Rafael Sánchez-Montero, “L’émigration politique en France pendant le règne de Ferdinand VII”, Exil politique et migration économique. Espagnols et Français aux XIXe-XXe siècles, Éditions du CNRS, Paris, 1991, pp. 17-29 ; Louis Urrutia, “Les Espagnols carlistes ou isabelinos au Pays basque français”, Ibid., pp. 53- et surtout Vicente LLorens, La emigración republicana, Vol. 1, Madrid, Taurus, 1976, pp. 41-94.

3 Rose Duroux, Les Auvergnats de Castille : renaissance et mort d’une migration au XIXe siècle, Clermont-Ferrand, APFLC, 1992, 479 p.

4 Pierre-Jean Deschodt et François Huguenin, La république xénophobe, 1917-1939. De la machine d’État au « crime de bureau » : les révélations des archives, Jean-Claude Lattès, Paris, 2001, p.146.

Javier Rubio, “La politique française d’accueil : les camps d’internement”, Exils et migration. Italiens et Espagnols en France, 1938-1946 (Pierre Milza et Denis Peschanski, Ed.), L’Harmattan, Paris, 1994, p. 114 ; Geneviève Dreyfus-Armand, L’exil des républicains espagnols en France. De la Guerre civile à la mort de Franco, Albin Michel, Paris, 1999, p.38-39.

6 Deschodt et Huguenin, op. cit., p. 150.

 7 On se reportera à l’ouvrage essentiel de Geneviève Dreyfus-Armand, ibid, pp. 41-101 et à Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, pp. 36-71. Pour une vision synthétique des choses voir aussi Jean-François Berdah, “L’exil des républicains espagnols durant et après la guerre civile (1936-1945), Réfugiés espagnols dans l’Aude 1939-1940, Actes du colloque international de Carcassonne, Archives départmentales de l’Aude, Carcassonne, 2005, pp. 35-43.

8 La loi promulguée par Louis-Philippe en juillet 1839 interdisait précisément l’installation des Carlistes dans vingt-huit départements du sud de la France. Seule une partie des réfugiés espagnols avaient eu l’autorisation de « se rapprocher des départements de deuxième et de troisième ligne des Pyrénées ». Gérard Noiriel, ibid., p. 54.

9 Rubio, op. cit., pp. 113-114.

 10 Berdah, La démocratie assassinée. La république espagnole et les grandes puissances, 1931-1939, Berg International, Paris, 2000, pp. 314-315 ; L’Illustration, 18 septembre 1937.

 11 François Martin, Les Républicains espagnols en Ariège (1939-1945), Maîtrise, Université de Toulouse II-Le Mirail, 1999, pp. 11-14.

12 Bartolomé Bennassar, La guerre d’Espagne et ses lendemains, Perrin, Paris, 2004, p. 360.

13  DDF, Tome VIII, 12 février 1938, document n°150, p. 311.

 14 César Vidal, La guerra de Franco. Historia militar de la guerra civil española, Planeta, Barcelone, 1996, pp. 307-324.

 15 José Cubero, Les Républicains espagnols, Cairn, Pau, 2003, pp. 37, 40-42.

 16 Édouard Bonnefous Histoire politique de la Troisième République T.6. Vers la guerre : Du Front populaire à la conférence de Munich (1936-1938), PUF, Paris, 1965, p. 213-229, 236-246.

17 Le chef des informations au Quai d’Orsay, Pierre Comert, alla jusqu’à dire publiquement : « Nous vengerons l’Autriche en Espagne ». Cité dans Hugh Thomas, La guerre d’Espagne, Robert Laffont “Bouquins”, Paris, 1985, p. 617.

18 Bonnefous, op. cit., pp. 289-305.

 19 Berdah, op. cit., pp. 384-386.

 20 Berdah, op. cit., pp. 287-289 ; 386-387.

 21 Ángel Viñas, “Las relaciones hispano-francesas, el gobierno Daladier y la crisis de Munich”, Españoles y Franceses en la primera mitad del siglo XX, CSIC, Madrid, 1986, p. 175.

 22 Berdah, op. cit., pp. 395-396 ; DDF, Tome IX, 31 mai 1938, document n°490.

23 DDF, Tome IX, 19 avril 1938, document n°205.

 24 Jordi Planes, “Les Français jugés par les réfugiés catalans”, Les Français et la guerre d’Espagne. Actes du colloque de Perpignan (Jean Sagnes et Sylvie Caucanas, Ed.), CREPF, Université de Perpignan, 1990, p. 392.

 25 L’Illustration, 11 février 1939.

 26 Emmanuelle Salgas, “L’opinion publique et les représentations des réfugiés espagnols dans les Pyrénées-Orientales (janvier-septembre 1939)”, Les Français et la guerre d’Espagne. Actes du colloque de Perpignan, op. cit., p. 186-187.

 27 DDF, Tome XIII, 30 janvier 1939, document n°463.

 28 DDF, Tome XIV, 5 février 1939, document n°41.

 29oir la longue note de voyage rédigée par Léon Bérard entre le 3 et le 6 février 1939 dans DDF, Tome XIV, 7 février 1939, document n°74. Léon Bérard était sénateur des Basses-Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques aujourd’hui), « n’avait pas d’ennemis », selon Georges Bonnet, et « était aussi très connu et estimé en Espagne. » Georges Bonnet, Fin d’une Europe. De Munich à la guerre, Bibliothèque du Cheval Ailé, Genève, 1948, p. 84.

 30DF, Tome XIV, 7 février 1939, document n°53.

31 Voir notamment Geneviève Dreyfus-Armand et Émile Témime, Les Camps sur la plage, un exil espagnol, Autrement, Paris, 1995 ; Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Gallimard, Paris, 2003.

32 Émilienne Eychenne, Pyrénées de la liberté. Les évasions par l’Espagne, 1939-1945, Toulouse, Privat, 1998, p. 43-44.

33 Antonio Téllez Sola, “Francisco Ponzán Vidal dir François Vidal (1911-1944), Républicains espagnols en Midi-Pyrénées. Exil, histoire et mémoire, PUM, Toulouse, 2004, rééd. 2005, p. 164 et du même auteur, La Red de evasión del grupo Ponzán. Anarquistas en la guerra secreta contra el franquismo y el nazismo (1936-1944), Barcelone, Virus, 1996 ; Dreyfus-Armand, op. cit., pp. 159-161.

34 Cité in Téllez Solá, op. cit., p. 165.

 35oir Jean-Louis Cuvelliez, “Les débuts de la Résistance à Toulouse et dans la région”, Mémoire et Histoire : la Résistance (Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie, Eds.), Privat, Toulouse, 1995, pp. 121-136.

 36obert Belot, Aux frontières de la liberté. Vichy-Madrid-Alger-Londres. S’évader de France sous l’Occupation, Paris, Fayard, 1998, p. 107.

37 Téllez Solá, ibid.

 38    Eychenne, op. cit., p. 147.

 39 Ce que soulignait déjà Émile Témime en 1996. Émile Témime, “Les Espagnols dans la Résistance. Revenir aux réalités ?”, Mémoire et Histoire : la Résistance, ibid., p. 106.

 40 Dreyfus-Armand, op. cit., p. 162.

41 Thomas, op.cit., p. 671.

 42 «  Article 3 : Les étrangers sans nationalité et les autres étrangers bénéficiaires du droit d´asile, sont soumis à toutes les obligations imposés aux Français (…). Journal officiel, Décret-loi du 12 avril 1939.

 43 L’étude des Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) et des Groupes de Travailleurs Étrangers (GTE) fait partie d’une recherche en cours.

44 Jean-François Berdah, “L’Ariège et la question espagnole, 1936-1945”, Républicains espagnols en Midi-Pyrénées, op. cit., pp. 281-282.

45 Les CTE se répartissent sur tout le territoire de la France dite libre et sont particulièrement nombreux dans les départements du Midi pyrénéen ou méditerranéen.

46 Berdah, ““L’Ariège et la question espagnole…”, ibid.

47 Jean-François Berdah, “Le Gers et les réfugiés espagnols”, Républicains espagnols en Midi-Pyrénées, op. cit., pp. 304.

 48elon un rapport officiel en date du mois de juin 1943, plus de 30 000 des 36 000 travailleurs engagés dans les GTE, soit 84% du total sont d’origine espagnole. AN AJ72 1262, Rapport spécial n°4 du 24 juin 1943 de l’inspection de la commission allemande d´armistice, p. 10. Voir aussi Émile Témime, Exils et migration…, op. cit., p. 29, qui donne des chiffres assez similaires sur la base d’un autre document.

49 La Haute-Vienne, la Haute-Savoie, le Massif-Central seront des zones priviliégiées de l’action résistante sous l’égide des Républicains espagnols dès 1940.

50 Cité dans François Martin, op. cit., p. 119.

 51 C’est le cas dans le Gers avec l’intégration des guerrilleros espagnols commandés par Tomas Guerrero Ortega, plus connu sous le pseudonyme de “Camilo”, qui se rallient au bataillon de l’Armagnac du capitaine Maurice Parisot. Cf. Berdah, “Le Gers et les réfugiés espagnols”, op. cit., pp. 307-308.

 52 Geneviève Dreyfus-Armand, “Les Espagnols dans la Résistance : incertitude et spécificités”, Mémoire et Histoire : la Résistance, op. cit., p. 224.

53 Sur ce personnage important de la résistance espagnole voir Manuel Martorell, Jesús Monzón, el líder comunista olvidado por la Historia, Pampelune, Pamiela., 2000.

 54 Voir par exemple Sixto Agudo, Los Españoles en la Resistencia Francesa, Saragosse, Unaluna, 2003 ; Narcis Falguera (Ed.), Guérilleros en terre de France : Les républicains espagnols et la Résistance française, Amicale des Anciens Guérilleros et LeTemps des cerises, Pantin, 2000 ; Eduardo Pons Prades, Republicanos españoles en la Segunda Guerra mundial, Madrid, La Esfera de los Libros, 2003.

 55 José Cubero, La Résistance à Toulouse et dans la Région 4, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2005, pp. 115-116.

 56 Sur l’opération du Val d’Aran voir par exemple Francisco Moreno Gómez,Agustí Ferrán Sánchez, Maquis y Pirineos, la gran invasión (1944-1945), Lérida (Lleida), Milenio, 2003.

57 Cité dans Anne Dulphy, La politique de la France à l’égard de l’Espagne de 1945 à 1955. Entre ideologie et réalisme, Paris, Direction des Archives, Ministère des Affaires étrangères, 2002, p. 35.

 58 Sur la question de l’ouverture et de la fermeture de la frontière voir Dulphy, op. cit., pp. 235-262, 373-376.

 

 

LA PRIMERA REPÚBLICA

République éphémère :  seulement onze mois d’existence et quatre présidents de la république ! Estanislao Figueras, Francisco Pi i Margall, Nicolás Salmerón y Emilio Castelar se sont succédés. Période troublée par la guerre coloniale de Cuba,  la troisième guerre carliste, le mouvement cantonaliste, le déchirement entre unitaires et fédéralistes…

La deuxième est lâchée en pâture aux dictatures…

La troisième sera la bonne ! Elle ne peut être que fédéraliste…

A la tercera la vencida.

 

 

(Affiche de 1931)

 

Eco Republicano

El 11 de febrero de 1873, las Cortes proclaman la República

El 11 de febrero de 1873, las Cortes proclaman la República
El 11 de febrero de 1873 nacía la Primera República, una etapa histórica fundamental, al tratarse de la primera experiencia republicana y democrática en España.
Ante la abdicación del rey Amadeo I el 10 de enero de 1873, las Cortes, en sesión conjunta del Congreso y Senado, proclamaron la República por 285 votos contra 32 al día siguiente, pero este hecho no consiguió estabilizar la agitada vida política española, ya que a los problemas heredados – levantamiento carlista y guerra de Cuba-, se añadió en el seno del republicanismo la división entre unitarios y federalistas. Por otro lado, se agudizaron las diferencias entre los federalistas más moderados y los intransigentes a la hora de establecer el federalismo, ya fuera desde arriba, ya desde abajo. En esta etapa, además, hay que tener en cuenta la presión social que asociaba la República a la necesidad de reformas importantes en favor de las clases populares, como serían la eliminación de los consumos -impuestos indirectos-, o el sistema de quintas, sin olvidar las cuestiones salariales y de limitación de la jornada laboral. Fuera del ámbito republicano y democrático, los sectores contrarios al establecimiento de un sistema político plenamente democrático trabajaban para liquidar la República, ya fuera desde el extremismo carlista, ya desde las posiciones monárquicas alfonsinas.
La República tuvo cuatro presidentes: Estanislao Figueras, Francisco Pi i Margall, Nicolás Salmerón y Emilio Castelar.
En el período de Figueras se dio un pronunciamiento por parte de los radicales, aunque fracasó. Este hecho motivó que Martos y Serrano huyeran a Francia. En mayo se celebraron elecciones a Cortes Constituyentes en las que triunfaron los republicanos federalistas con una aplastante mayoría de 344 diputados sobre 391. En la primera votación se proclamó la República Democrática Federal.
Pi i Margall accedió a la presidencia de la República el día 11 de junio. El nuevo presidente fracasó a la hora de establecer desde arriba una estructura federal de forma ordenada. La insurrección cantonalista se extendió con gran rapidez en gran parte del este y sur peninsulares. Los cantones serían unidades políticas inferiores a partir de las cuales se debería formar la federación española, es decir, era un movimiento que pretendía montar la estructura federal desde la base. El cantonalismo tuvo un evidente componente social reivindicativo, por lo que debe ser entendido, a su vez, como una reacción ante la posible derechización de la República. Alcoy y Cartagena fueron las principales ciudades que se proclamaron cantones. Fue muy complicado reprimir el cantonalismo, no sólo por su extensión, sino, también porque coincidió con la presión carlista. Estos levantamientos provocaron la dimisión de Pi i Margall, a pesar de que intentó frenar el movimiento a través de una avanzada legislación social: regulación del trabajo infantil, abolición de la esclavitud en Cuba y un proyecto de reorganización del ejército.
Pi i Margall presentó a las Cortes un proyecto de Constitución para la República federal, aunque la discusión parlamentaria no comenzó hasta agosto, con Salmerón en el poder, cuando casi todos los cantones habían sido derrotados. Pero los graves problemas del período alargaron mucho el proceso constituyente. La Constitución de 1873 recogía una estructura federal del Estado: España se organizaría en municipios, estados regionales y el Estado federal o Nación. Además, se establecía la soberanía popular con sufragio universal. Por vez primera, se proclamaba la separación entre la Iglesia y el Estado. Esta Constitución nunca entró en vigor, pero tiene una gran trascendencia histórica porque diseñaba una democracia y un modelo de organización territorial no centralista.
Salmerón se convirtió en presidente en el mes de julio. Su objetivo fue restablecer el orden y envió el ejército para sofocar el movimiento cantonalista. La represión fue intensa. En agosto casi todos los cantones se rindieron, aunque Málaga resistió hasta mediados de septiembre y Cartagena hasta enero de 1874. Con Salmerón, la República inició un viraje hacia posiciones más moderadas. Pero no duró mucho en su cargo porque dimitió por problemas de conciencia al no querer firmar sentencias de muerte impuestas por la autoridad militar.
Castelar alcanzó la presidencia en septiembre, representando el triunfo de la República conservadora. Aunque fue el presidente que terminó el proyecto constitucional federal, era defensor de una República centralista, por lo que postergó la discusión y aprobación del texto. Movilizó a los reservistas para intentar acabar con las últimas resistencias cantonalistas y las guerras cubana y carlista. Además, firmó las penas de muerte que Salmerón había rechazado, y permitió el regreso al país de los dirigentes de los partidos radical y constitucional, Serrano entre ellos. El final de la República se precipitó cuando se reanudaron las sesiones de las Cortes el 2 de enero de 1874. Ese día, Castelar debía rendir cuentas de su labor de gobierno desarrollada desde su toma de posesión. El presidente defendió la importancia de separar la Iglesia del Estado pero no aludió a la necesidad de que se aprobase el proyecto constitucional. La cámara negó la confianza a Castelar y, por consiguiente, dimitió. La posibilidad de que el poder recayese de nuevo sobre los federalistas ofreció un pretexto para el golpe de estado de Pavía, capitán general de Madrid, que en la madrugada del día 3 ocupó el Congreso y disolvió la cámara. De esta manera se puso fin al régimen republicano, aunque oficialmente España siguió siendo una República hasta finales de año.
El general Serrano presidió un nuevo gobierno provisional (dictadura) que tuvo como objetivo restablecer el orden público, controlar a los carlistas y continuar la guerra en Cuba. En diciembre de 1874, el general Martínez Campos se sublevó en Sagunto y proclamó rey a Alfonso XII, hijo de Isabel II. Los intereses de la oligarquía española habían triunfado, aunque no a través del método que había diseñado Cánovas del Castillo para que regresara la monarquía a España.
 
Eduardo Montagut
Doctor en Historia Moderna y Contemporánea (UAM)

« L’AFFAIRE Michel del Castillo », UNE CAMPAGNE DE PROTESTATION CONTRE LES MAISONS DE REDRESSEMENT ESPAGNOLES (1957-1959)

 

 

En 1957, Michel del Castillo publie son premier roman, Tanguy, dans lequel il raconte les trois années d’horreur qu’il a passées dans la principale maison de redressement barcelonaise, l’Asilo Durán. La parution de l’ouvrage en France entraîne la naissance, en Espagne, d’une campagne de presse aigüe et circonscrite dans le temps (hiver 1958-1959). Ce mouvement de protestation est impulsé par une avocate féministe et pourtant proche du régime franquiste,  Mercedes Fórmica ; cette dernière donne la parole à del Castillo ainsi qu’à des spécialistes réformistes de l’enfance irrégulière, qui critiquent vigoureusement des méthodes et des établissements qu’ils jugent archaïques. Unique dans l’histoire de la prise en charge de l’enfance irrégulière en Espagne de 1939 à 1975, cette « affaire del Castillo » fait grand bruit mais n’a qu’une postérité limitée. Elle contribue cependant, à plus long terme, à noircir l’image déjà sombre des maisons de redressement espagnoles et de la plus sinistre d’entre elles, l’Asilo Durán.

Source :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01213457/document

 

La critique que dresse Michel del Castillo de l’Asilo Durán s’articule, autour de quatre points : la faim, le travail, la violence et la sexualité.

 

Tanguy 

 

 

Courant 1955, un jeune homme ténébreux et timide de vingt-deux ans apporte son manuscrit aux éditions Julliard. Il n’est en France que depuis peu. Le texte qu’il a écrit, Tanguy, du nom de son personnage central, est à la fois terrible et bouleversant. Terrible par ce qu’il raconte : l’histoire d’un enfant perdu dans les guerres, interné dans des camps, abandonné par sa mère et repoussé par son père ; bouleversant par la simplicité de la forme narrative, par l’absence de haine, par la tristesse désespérée du ton. A l’état civil, l’auteur s’appelle Michel Janicot, né de père français et de mère espagnole. Il a vu le jour à Madrid, où il est resté jusqu’à l’âge de cinq ans. Ensuite, il a vécu en France, puis, après le départ de sa mère — il avait alors neuf ans —, il a été emmené en Allemagne, où il a été détenu dans divers camps de concentration. Il a été renvoyé en Espagne après la seconde guerre mondiale et il y a séjourné, d’abord à Barcelone, dans une maison de redressement pour fils de républicains et jeunes condamnés de droit commun, dont il s’est évadé ; ensuite à Ubeda, dans un orphelinat tenu par des jésuites ; puis à nouveau en Catalogne et en Aragon. Sa langue quotidienne, celle de ses lectures, de ses études, de sa vie ordinaire, est l’espagnol. Pourtant, lorsqu’il se met à écrire, il le fait en français. En revanche, il abandonne son patronyme français pour signer du nom espagnol de sa mère : del Castillo. Lorsque Tanguy paraît, deux ans plus tard (1957), l’accueil est unanime. Un écrivain est né.

Tanguy est bien plus qu’un premier roman réussi, traduit dans le monde entier et désormais prescrit dans les écoles, c’est un livre fondateur, la pierre sur laquelle Castillo va bâtir son œuvre. Tout l’univers de l’écrivain y est inscrit plus ou moins explicitement. Tous les thèmes qu’il développera de livre en livre, jusqu’à aujourd’hui, y sont abordés. Lors de la réédition de Tanguy aux éditions Gallimard, Castillo commente ainsi son projet implicite d’alors, dont il n’a pris conscience qu’en continuant à creuser le pré carré de sa mémoire : « Je ne romançais pas ma vie, je biographais le roman. » Castillo n’écrit pas pour raconter ni se raconter, il écrit pour comprendre, pour que les mots lui donnent cette cohérence indispensable que la vie lui a toujours refusée. De l’écriture comme art de recoller les morceaux. Morceaux d’existence, certes, mais surtout morceaux de soi. L’œuvre de Castillo est une lente et patiente reconstruction de l’homme. Il faut la lire comme on regarde les fragments reconstitués d’une mosaïque qui, malgré des trous, des blancs, finissent par recomposer un paysage. Ici, le paysage est intérieur, et c’est celui d’un homme.

Partant, la démarche du romancier consiste à reprendre les uns après les autres les personnages et les lieux qui sont à l’origine de sa vie et de ses bouleversements. A mener l’enquête, à chercher derrière les figures plus ou moins familières, derrière les souvenirs et les apparences, quelque chose qui n’est pas la vérité — qu’est-ce que la vérité ? —, mais qui, dans la logique du roman, s’approche de la vraisemblance. Dans L’Adieu au siècle, journal de l’année 1999, écrit pour les éditions du Seuil, Castillo écrit : « Autobiographie ? Ecrire la vie de soi. Le mot s’applique mal. Quelle vie aurais-je pu écrire quand j’ignorais ce que j’avais vécu ? Je ne dis pas la vérité, je la fais. »

Faire la vérité. On peut lire cette phrase de bien des manières. Prenons-en deux, qui sans cesse cohabitent dans l’œuvre de Castillo : inventer la vérité ou faire la lumière sur la vérité.

Quelles que soient les métamorphoses qu’il fait subir à son personnage, Castillo ne traque qu’une seule et même vérité, la sienne. Qu’ils s’appellent Jean-Pierre Barjac dans Une Femme en soi, Alain Mavon dans Le Démon de l’oubli, Sandro dans La Gloire de Dina, Xavier dans Rue des archives, ils sont tous frères et étrangement jumeaux, à la recherche d’une enfance perdue, d’une mère défaillante, d’une identité. Ils veulent comprendre pour pouvoir vivre ou mourir, et pour cela ils doivent élucider le mystère de leur génitrice.

Car la mère est la figure centrale, celle autour de laquelle tout tourne, ou plus exactement celle à cause de qui le monde s’est un jour arrêté de tourner. Qu’il la nomme Dina, Fina ou Candida, elle est celle que l’enfant aime passionnément, dont il partage parfois la couche, dont il attend, seul et dans l’angoisse, le retour dans une chambre obscure, une salle de cinéma, une salle de classe, alors qu’à l’extérieur le monde est hostile et menaçant. Passion amoureuse d’un gamin sans père présent pour celle qui, séductrice plus que mère, veut être admirée par les yeux de « son petit homme ». La crainte est toujours présente qu’elle ne revienne pas, qu’elle se perde, qu’on l’emmène. De fait, un jour, la mère disparaît. L’enfant a neuf ans. Plus rien ne lui importe que ce sentiment de vide qui l’habite. Il n’existe plus. En un sens, il est mort et il le restera jusqu’au jour où, par l’écriture, il renaîtra des cendres de sa vraie vie. Janicot est né en 1933, Castillo en 1957. Il est le fils de ses livres. Partant, hors des livres, point de salut.

La lecture, les livres, le besoin de lire sont indissociables de la figure de la mère. Livre fondateur, mythique, qui résume à lui seul tous les livres lus dans l’enfance et ceux écrits à l’âge adulte : Les Mille et une nuits. A l’âge de six ans, le jeune Michel reçoit en cadeau Les Mille et une nuits. Soixante ans plus tard, il écrit dans L’Adieu au siècle : « J’étais ébloui. Je fus encore plus bouleversé par la cause de ces récits fabuleux. Une nuit après l’autre, la jeune favorite sauvait sa tête en récitant ses fables ; de mon côté j’écoutais sa voix alors que je sentais partout autour de moi planer la menace de la mort. Elle parlait pour retarder sa mort et je lisais pour survivre » (c’est moi qui souligne). Plus tard, Castillo écrira à son tour pour survivre.

On ne peut pas lire l’œuvre de Castillo sans regarder du côté de ses lectures. A défaut de foyer, il a une bibliothèque ; à défaut de parents, il a des amis, des compagnons d’encre et de papier. L’image de Shéhérazade, envoûtante et fragile, se superpose volontiers à celle de sa mère qui, elle aussi, journaliste et républicaine dans l’Espagne franquiste, se bat avec des mots. La narratrice des Mille et une nuits et Fina-Dina-Candida ont en commun le courage, la conscience du pouvoir de la fiction, le sens des mots.

Michèle Gazier.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mich%C3%A8le_Gazier

 

Source de l’article :

Gazier Michèle, « Michel del Castillo. L’écriture, c’est la vie », Études, 1/2001 (Tome 394), p. 93-101.

http://URL : http://www.cairn.info/revue-etudes-2001-1-page-93.htm

 


 

Article similaire en espagnol 

Tanguy. Historia de un niño de hoy.

Autor: Michel del Castillo

Título: Tanguy. Historia de un niño de hoy

Edita: Ikusager. Vitoria-Gasteiz, 2004

En 1957, Michel del Castillo escribe Tanguy, una novela de carácter autobiográfico donde relata la vivencia de bandono y desarraigo de un niño en el marco de la Guerra Civil Española, la Segunda Guerra Mundial y la posguerra en la España franquista.

Todo empieza cuando Tanguy tiene que huir a Francia con su madre desde Valencia, en el momento en que el ejército rebelde está muy cerca de entrar en la ciudad. Llegados a Francia, la madre lo abandona y el padre, que ha iniciado otra relación, no se hace cargo de él. Tanguy es detenido y concentrado en el tristemente famoso Velódromo de Invierno (estadio donde el régimen colaboracionista de Vichy encerró en 1942 a unas 7000 personas que, posteriormente, serían deportadas a los campos de concentración nazis). Es enviado a un campo de concentración y después de una estancia de tres años en él, es devuelto a España, donde lo internan en el asilo Toribio Durán de Barcelona. La estancia en esta institución representa una experiencia dramática por la crueldad del sistema asilar. Huye hacia Madrid y, finalmente, termina en Úbeda, en otra institución que, pese a seguir un modelo tradicional de protección, es donde por primera vez encuentra a alguien que realmente se preocupa de él. Después de la estancia en Úbeda regresa a Barcelona y, finalmente, a Francia donde reencuentra al padre y a la madre, con los que mantendrá unas dificiles relaciones. A pesar de no ser específicamente una novela pedagógica, tiene suficientes elementos para ser leída en clave de la educación social. Básicamente, podemos remarcar los siguientes aspectos:

 

En primer lugar, el análisis de la vida institucional de los centros de protección de la España franquista. En principio, se presentan dos modelos. Por un lado, la vertiente más dura, represiva, siniestra y antieducativa representada en la permanencia en el asilo Toribio Durán (y que también ha sido muy bien representada en clave humorística por los cómicos de Carlos Jiménez en la serie Paracuellos del Jarama).

 

La rééducation des jeunes déviants dans les maisons de redressement de l’Espagne franquiste (1939-1975), page 293. Cf infra.

 

La segunda está representada por la estancia en Úbeda, donde se aplica un modelo tradicional pero respetuoso con el interno al que realmente se le da apoyo para que pueda iniciar una vida lo más autónoma posible. Las dos instituciones están muy contrastadas y muestran claramente las dos caras del modelo tradicional de protección.

En segundo lugar, en esta obra pueden analizarse las características de la relación educativa. Mientras que en el asilo Durán ésta es prácticamente inexistente (si pensamos estrictamente en acciones educativas), en Úbeda, Tanguy recibirá el apoyo del padre Pardo, un jesuita que lo orientará en el proceso de tomar decisiones para orientar su vida. La relación que establecen se basa en el respeto, en la no imposición, en la orientación y en la comprensión que el adulto es capaz de hacer respecto a los sufrimientos del adolescente. También es el reconocimiento consciente de las limitaciones de las instituciones: « me hubiese gustado poderte ofrecer más. Pero esto, pese a todo, sólo es un colegio. Tú necesitabas un hogar, un verdadero hogar… i Y yo tengo que ocuparme de todos! . Mientras que en el primer recurso Tanguy termina huyendo, del segundo marchará con el soporte de la institución.

En tercer lugar, es interesante analizar el sentimiento de desarraigo y soledad del protagonista. Los diferentes personajes que desfilan por la vida del protagonista van desapareciendo de forma absoluta. Su amigo Fermín, el padre Pardo, Sebastiana… todos van quedando atrás, perdidos en el pasado. Tanguy es un ser solitario que no tiene ataduras. Sabe relacionarse con las personas (no es un antisocial) pero su lógica vital es la soledad. Además, es joven, pero anifiesta una especie de cansancio existencial profundo. Como le dice el padre Pardo (que irónicamente explica que su mejor amigo es Filiston, un esqueleto que tiene en su despacho), « lo que hace envejecer una persona, tenla por seguro, son los adioses; cuantos s adioses has dado durante tu vida más viejo eres. Envejecer es dejar a alguien o algo

Te sentirás viejo… Quizá no te entenderán del todo ». La vida de Tanguy es una permanente separación, una pérdida constante que seguramente le hace adoptar una posición de observador distante de las personas, como si fuera un mecanismo de protección frente a estas rupturas (como el protagonista de la novela de Delibes, La sombra del ciprés es alargada, cuando afirma que lo mejor para no perder es no llegar a tener).

Seguramente, éste es un aspecto muy interesante de tener en cuenta en el trabajo educativo con personas vulnerables; analizar hasta que punto las experiencias más traumáticas de exclusión social posibilitan o impiden el desarrollo del sentimiento de prosocialidad, más allá de lo más simple estar correctamente socializado.

Como se puede ver, Tanguy puede leerse en clave literaria pero también se puede leer en clave pedagógica. De hecho, aun siendo una obra relativamente desconocida en nuestro país, en otros países ha sido un texto utilizado en la ormación de los educadores y educadoras.

Jesús Vilar Educación Social 34

 

 

PHOTOS DE L’ASILE DURÁN, Barcelone.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Pour approfondir :

La rééducation des jeunes déviants dans les maisons de redressement de l’Espagne franquiste (1939-1975).

Thèse d’Amélie Nuq, soutenue en 2012. Université Aix-Marseille. Directeur de thèse : Gérard CHASTAGNARET

 

Ce travail de thèse porte sur le destin des enfants et des adolescents envoyés en maisons de redressement (reformatorios) de 1939 à 1975. Il confronte la norme produite par l’État franquiste en matière de déviance juvénile aux réalités de la prise en charge des mineurs dans trois institutions particulières : l’Asilo Durán de Barcelone, la Colonia San Vicente Ferrer de Valence et, dans une moindre mesure, la Casa tutelar San Francisco de Paula de Séville. L’histoire heurtée et le caractère archaïque des reformatorios révèlent les carences de l’État espagnol (manque structurel de moyens, place considérable de l’Eglise catholique). Dans le domaine de la prise en charge de la déviance juvénile, le franquisme n’invente rien ou presque : il se contente d’abroger les réformes limitées mises en place par la Seconde République pour en revenir au dispositif de la Dictature de Primo de Rivera. Les pensionnaires de maison de redressement sont internés pour deux motifs principaux : le vol et l’indiscipline. Ils ne viennent pas majoritairement de quartiers populaires dans lesquels une population ouvrière est installée depuis longtemps : c’est plutôt le déracinement, lié à la guerre et aux mutations profondes de la société espagnole, qui provoque la fragilité et favorise la déviance. Il apparaît que les enfants de « rouges » ne représentent qu’une minorité des pensionnaires de l’Asilo Durán et de la Colonia San Vicente Ferrer. Néanmoins, les reformatorios constituent un des maillons de la chaîne répressive, de contrôle social et de bienfaisance mise en place par la dictature franquiste avec l’appui de l’Eglise catholique.

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01213642/document

LES INTELLECTUELLES EUROPÉENNES ET LA GUERRE D’ESPAGNE : de l’engagement personnel à la défense de la République espagnole.

 

Allison Taillot est agrégée d’espagnol et maîtresse de conférences à l’université Paris- Ouest- Nanterre- La Défense.

Ouvrage remanié à partir de sa thèse soutenue en 2012. Présidente du jury : Mercédès Yusta Rodrigo.

 

La défense de la République espagnole pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) a constitué un point de cristallisation de l’engagement des intellectuels européens et un catalyseur de la mobilisation des femmes en faveur d’un régime qui leur avait reconnu des droits dans la Constitution de 1931. A la croisée de ces deux communautés, seize femmes se sont impliquées dans cet épisode majeur de l’histoire européenne du XXème siècle en apportant leur soutien actif au gouvernement républicain. En mettant en regard ces huit Espagnoles (Rosa Chacel, Ernestina de Champourcin, Carmen Conde, María Teresa León, Concha Méndez Cuesta, Margarita Nelken, Isabel Oyarzábal de Palencia et María Zambrano) et ces huit étrangères (Valentine Ackland, Agnia Barto, Nancy Cunard, Clara Malraux, Anna Sehers, Sylvia Townsend Warner, Andrée Viollis, Simone Weil), cette thèse prétend mettre au jour des personnalités et des trajectoires individuelles méconnues – voire inconnues – et apporter sur le conflit un éclairage nouveau. A travers la prise en compte des prémices de leur engagement commun contre le fascisme entre 1936 et 1939, l’analyse de leur contribution directe à l’effort de guerre et l’étude de leur participation à la défense de la culture, il s’agit de montrer que la guerre d’Espagne fut pour toutes un espace d’affirmation et de revendication d’elles-mêmes comme femmes, comme antifascistes et comme femmes de lettres.

Dans ce sens, nous tenons ici à préciser et à justifier la composition de notre panel en termes de nationalité. Il nous a semblé judicieux, dans un souci de cohérence, de nous concentrer sur des femmes issues du continent européen. Nous n’inclurons par conséquent pas l’Argentine Delia del Carril (1884-1989), les Mexicaines Blanca Lydia Trejo (1906-1970) et Elena Garro (1920- 1998) ou encore la Franco-cubaine Anaïs Nin (1903-1977) dont la présence en territoire républicain ou parmi les signataires de manifestes favorables au gouvernement légal a néanmoins retenu notre attention et que nous projetons d’étudier dans l’avenir.

Les femmes sélectionnées pour la thèse sont originaires de cinq pays : l’Espagne, la France, l’Angleterre, l’Allemagne et l’URSS. Comme nous aurons l’occasion de l’expliquer plus en détails dans le premier chapitre de la thèse, huit sont Espagnoles :

Isabel Oyarzábal de Palencia (1878-1974)

 

Margarita Nelken (1894-1968)

 

Rosa Chacel (1898-1994)

 

Concha Méndez Cuesta (1898-1986)

María Teresa León (1903-1988)

María Zambrano (1904-1991)

 

Ernestina de Champourcin (1905-1999)

 

Carmen Conde (1907-1996)

 

Les huit autres sont étrangères : les Anglaises

Sylvia Townsend Warner (1893-1978)

 

Nancy Cunard (1896-1965)

 

Valentine Ackland (1906-1969) – il s’agit bien d’elle –

 

les Françaises :

Andrée Viollis (1870-1950)

 

Clara Malraux (1897-1982)

 

Simone Weil (1909-1943)

 

l’Allemande Anna Seghers (1900-1983)

 

et la Russe Agnia Barto (1906-1981).

 

Cette répartition n’est pas anodine. Elle témoigne d’une part de la prépondérance logique des Espagnols parmi les intellectuels mobilisés.

 

 

Avant-Propos

Table des sigles et des abréviations

Introduction

Les prémices de l’engagement

Introduction
Les origines
Formation et premières préoccupations

Le choix de l’écriture dans les années 1920
L’écriture : vocation ou fruit des circonstances ?
Les premières œuvres
Sociabilité, stimulation intellectuelle et visibilité

Les premières causes défendues
La condition féminine
Les opprimés
De la paix à l’antifascisme
Vers une définition de l’intellectuel(le)

L’effort de guerre

Introduction

La lutte au front
Les intellectuelles européennes et la lutte armée
Les « faits d’armes » des intellectuelles européennes
Le front : espace de transgression et de révélation pour les intellectuelles

La lutte à l’arrière
Les victimes et les blessés
Les enfants
Les civils

Les intellectuelles européennes et la mobilisation antifasciste
Les outils oraux de la mobilisation antifasciste
Les outils écrits de la mobilisation antifasciste

La défense de la culture

Introduction

Le combat pour la culture
La protection de la culture
La promotion de la culture
La culture en termes de représentation

Le IIe Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture (juillet 1937)
Origine, antécédents et organisation du Congrès
Le Congrès comme acte de solidarité : mythe ou réalité ?
Les interventions à la tribune des intellectuelles déléguées
La tribune comme espace de transition du politique à l’esthétique

Le Congrès de Valence dans les écrits de la guerre des intellectuelles
Le Congrès de Valence dans les écrits de presse des intellectuelles européennes
Le Congrès de Valence dans les poèmes des intellectuelles européennes
Le Congrès de Valence dans la prose de fiction
des intellectuelles européennes

Conclusion

Sources bibliographiques
Archives
Presse
Bibliographie

Éditeur Presses universitaires de Paris Nanterre

Livre broché
Nb de pages 324 p. Bibliographie . Notes .
ISBN-10 2840162342
ISBN-13 9782840162346
 Version en pdf :

https://bdr.u-paris10.fr/theses/internet/2012PA100184_diff.pdf

 

CANCIÓN DE LOS REFUGIADOS

 

Chanson écrite par les réfugiés du camp d’Argelès-sur-Mer, archives de M. Vincent Arbiol. Des variantes existent, v. notamment Serge Salaün, Les voix de l’exil. La poésie espagnole en France : 1938-1946, in Pierre Milza; Denis Peschanski (sous la direction de), Italiens et Espagnols en France, 1938-1946, Paris, IHTP, 1992, p.424 ; v. également Max Aub, Manuscrit corbeau, Narbonne, Mare Nostrum, 1998 (1ère édition 1955), pp. 93-95.

 

Nul doute que ces paroles, crues sous tous les aspects, aient été écrites par des hommes. Des hommes en souffrance et en désespérance..

La chanson :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=YAfZK17IeCY]

 

CANCION DE LOS REFUGIADOS

Somos los tristes refugiados
a este campo llegados
después de mucho andar,
hemos cruzado la frontera
a pie y por carretera
con nuestro ajuar

Mantas, macutos y matelas
dos latas de conservas
y algo de humor,
es lo que hemos podido salvar
después tanto luchar
contra el fascio invasor.

Y en la playa de Argelès sur Mer,
nos fueron a meter
¡ pa no comer!

Y pensar que hace tres años
España entera
era una nación feliz,
libre y prospera;
abundaba la comida,
no digamos la bebida,
el tabaco y el “parné”.

Había muchas ilusiones
la paz en los corazones
y mujeres a granel…
Y hoy, que ni cagar podemos
sin que venga un “Mohamet”,
nos tratan como a penados
y nos gritan los soldados…
¡ Allez!… Allez!

Vientos, chabolas incompletas,
ladrones de maletas,
¡ arena y mal olor!
mierda, por todos los rincones,
sarna hasta los cojones,
¡ Fiebre y dolor!
Y alambradas para tropezar,
de noche al caminar
buscando tu “chalet”
y por todas partes donde vas,
te gritan por detrás…
¡ Allez!… ¡ Allez!…
Y si vas al “barrio chino”,
estas “copado”,
Te quedas sin un real…
¡ y cabreado!

Tres cigarros mil pesetas
y en el juego no te metas
porque la puedes “palmar”
y si tu vientre te apura
y a la playa vas, oscura,
te pueden asesinar…
En mal año hemos venido,
no sabemos ya que hacer,
cada día sale un “bulo”
y al final de dan por el c…

¡ Allez!… ¡ Allez!…

 

CHANSON DES REFUGIES

Nous sommes les tristes réfugiés
Dans ce  camp  arrivés
Après avoir beaucoup marché
La frontière avons passé 
A pied et par la route
Avec notre balluchon.

Couvertures, sac à dos et matelas,
Deux boites de conserve
Et un peu d’humour,
C’est tout ce que nous avons pu sauver
Après tant de lutte
Contre l’envahisseur fasciste.

Et ils nous ont parqués sur la plage d’Argelès-sur-Mer
Sans rien à bouffer!

Et dire qu’il y a trois ans
L’Espagne était un pays heureux, 
libre et prospère ;
La nourriture était bonne, 
sans parler des boissons, 
du tabac et du pognon.

Nous avions tant de rêves,
La paix dans nos cœurs
Et des femmes à gogo…
Et maintenant, on ne peut même pas aller chier
Sans qu’un « Mohamed »
Ne nous traite comme des condamnés
Et que des soldats nous crient
Allez, allez !!

Vent, cabanes délabrées,
Voleurs de valises,
Le sable et les odeurs insupportables !
De la merde partout,
La gale jusqu’aux cou...,
Fièvre et douleur !

Les barbelés qui s’accrochent
La nuit quand tu cherches ton « pavillon »,
Et où que tu ailles
On te crie par derrière
Allez, allez !!

Et si tu vas au "quartier chinois",
T'es foutu
Tu t'retrouves sans un sou
T'es emmerdé !


Trois cigarettes mille pesetas,
Ne te lance pas dans les jeux
Parce que tu peux passer l'arme à gauche, 
Et si ton ventre a des besoins
Ne t'aventure pas sur la plage obscure
Car tu te fait trucider...


Nous ne sommes pas venus au bon moment,
On ne sait pas quoi faire, 
Chaque jour un ragot
Et à la fin tu l'as dans le c...
Allez, allez !!



 

 

Source :

La liberté d’expression dans les camps de concentration français : le cas des réfugiés espagnols en 1939. Dossier de recherche DEA de Valérie Lanier, sous la direction de M. Rafaël Encinas de Munagorri
Séminaire de Droit et Histoire, Droit de la personne et Protection de l’Humanité, Mention Sciences Politiques, Université de Bourgogne, 2000. Texte en pdf :

http://credespo.u-bourgogne.fr/images/stories/liberte_expression_camps_%20concentrationfranais_camps_%20rfugies_espagnols_1939%20.pdf

QUI A FINANCÉ LE COUP D’ÉTAT DU 18 JUILLET 1936 ?

Un ouvrage de l’économiste Ángel Sánchez Asiaín, La financiación de la Guerra Civil española (Crítica), 1 328 p, publié en 2013, récompensé par le Prix National d’histoire de l’Espagne, met au jour les différentes sources de financement de coup d’état qui a ensanglanté l’Espagne pendant trois ans.

On peut citer :
– Juan March, le plus connu, banquier, homme le plus riche d’Espagne qui aurait fourni un milliard de pesetas et quinze millions de livres sterling. Il a facilité également l’achat de pétrole via la compagnie américaine Texaco.
– Le président du Portugal Salazar a permis le transfert d’armes mais aussi l’octroi de crédits bancaires.
– La députation de Navarre par un impôt de guerre à hauteur d’environ quatorze millions de pts.
– Des dons de richissimes carlistes.
– Le conservateur catalan Francesc Cambó, fondateur de la Ligue Regionaliste Catalane, a collecté 410 millions de pts ainsi que des crédits à hauteur de 35 millions de dollars.
– D’importantes familles juives de Melilla.
– L’Italie fasciste pour une valeur d’environ sept milliards de lires, essentiellement en matériels de guerre .
– L’Allemagne nazie, qui estime à 372 millions de marks la dette espagnole ainsi qu’à 99 millions de marks le coût de la Légion Condor. Un accord signé en 1941 permet à l’Espagne de rembourser en nature par des minerais, huile, oranges, etc.
– Une holding d’entreprises portugaises pour 175 000 livres sterling prêtés à 5,5%.
– La Compagnie Générale des Tabacs des Philippines pour un million de dollars sans intérêts.
– La banque anglaise Kleinwort, Sons and Co, un crédit de 800 000 livres à 4% puis un autre de 1, 5 millions à 3%.
– La Société de Banque Suisse, un million de livres sterling.
– La Caixa Geral de Depósitos, entité bancaire portugaise à hauteur de cinquante millions d’escudos.
– Un consortium de banques italiennes pour un crédit de 125 millions de lires puis 300 millions.

Adolf Hitler y Benito Mussolini prestaron dinero a los franquistas para que ganaran la Guerra Civil

Adolf Hitler y Benito Mussolini prestaron dinero a los franquistas para que ganaran la Guerra Civil

MADRID.- El 18 de julio de 1936 se produjo un golpe de Estado militar contra el Gobierno de la II República, cuya legitimidad procedía de las urnas, que condujo a España a una brutal y sanguinaria Guerra Civil. Y este es un dato clave e imposible de pasar por alto: el conflicto estalla y España se desangra durante tres largos años porque un grupo de militares con el apoyo de civiles monárquicos y de la Italia de Mussolini, entre otros, deciden dar un golpe de Estado para imponer su voluntad por encima de las urnas.

Pero un golpe de Estado no se perpetra de la noche a la mañana. Y sobre todo, un golpe de Estado no triunfa sin un apoyo financiero sólido detrás tanto para el armamento necesario, el mantenimiento de las tropas y, sobre todo, el sostenimiento del nuevo Estado que nace después de una Guerra Civil tan devastadora como la que sufrió España.

El economista, banquero, marqués y un sinfín de epítetos más José Ángel Sánchez Asiaín (Barakaldo, 1929) publicó en 2013 la obra La financiación de la Guerra Civil española (Crítica), que, además de ser premiada con el Premio Nacional de Historia de España de ese año, recoge al detalle los apoyos económicos y financieros que obtuvieron por un lado los golpistas del 18 de julio, y, por otro, una vez comenzada la Guerra Civil, los respaldos financieros que obtuvo la República y los franquistas. 

Prácticamente nadie salvo la URSS y de una manera muy discreta Francia se atrevió a comerciar con la República

En este sentido, cabe destacar que una de las principales conclusiones que se puede obtener de la detenida lectura de la obra es que prácticamente nadie salvo la URSS y de una manera muy discreta Francia se atrevió a comerciar con la República ya sea por miedo al comunismo o a los aliados nazi-fascistas. Mientras que, por otro lado, el golpe de Estado que provocó la Guerra Civil y que tuvo su única justificación en la consigna de « salvar a España » estuvo financiado prácticamente en su integridad por capital extranjero que impuso altos intereses. Por lo que el autodenominado Movimiento Nacional no era tan Nacional como alardeaba.

Cuando se cumplen 80 años del golpe de Estado militar que arrastró a España a la Guerra Civil, Público recupera la obra de Sánchez Asiaín poniendo el foco en aquellos países, bancos y personajes que financiaron el golpe de Estado del 18 de julio y que le dieron soporte financiero en sus primeros meses, a pesar de haber fracasado en buena parte del territorio y de saber que ese dinero estaba destinado a la destrucción del país. 

Juan March

El banquero y contrabandista Juan March, cuya familia sigue disponiendo de una amplia fortuna, era el hombre más rico e influyente de la España de 1936 y no tuvo ningún reparo en financiar todo tipo de acciones para socavar la República. Primero, alentando la « conspiración ». Después, facilitando medios para que la rebelión fuera una realidad en 1936 y,  posteriormente, siendo generoso con su dinero especialmente en los primeros momentos a la hora de financiar la compra de todo tipo de material de guerra.

 

Juan March

Es imposible cuantificar cuánto dinero puso March a disposición de los militares sublevados. Las cifras de historiadores y periodistas han oscilado entre los mil millones de pesetas y los 15 millones de libras esterlinas más la financiación de buena parte de la intervención italiana en Mallorca. De cualquier modo, sí está claro que ya March en los primeros días del golpe de Estado puso a disposición del general Mola 600 millones de pesetas de la época a través de una cartera de Valores. Así, también pagó el alquiler del avión inglés que llevó a Franco de Canarias a Marruecos y en avalar cuantos créditos fueran necesarios para la causa franquista, no sin antes establecer unos intereses beneficiosos para él y sus socios.

El banquero, asegura la obra de Sánchez Asiaín, también se ocupó de dar solución a una cuestión de tanta importancia para un conflicto militar como el suministro y financiación del petróleo que utilizó el llamado ‘Gobierno de Burgos’. March ofreció las garantías suficientes a la empresa norteamericana Texaco para financiar los primeros envíos de petróleo a los sublevados, que dejaron de suministrar petróleo a la República, a pesar de los acuerdos firmados con ésta. El autor, además, añade: « No está documentado pero parece también claro que España recibió petróleo de Portugal siendo también March el financiador de esas compras ». 

El dinero de Juan March también sirvió para sufragar las escuálidas arcas de Falange. El propio José Antonio Primo Rivera había afirmado en 1934 que « uno de los primeros actos del Gobierno de la Falange será colgar al multimillonario contrabandista Juan March« . Sin embargo, 1936 el dinero de March ya fluía en las arcas revolucionarias de los falangistas, primero a disgusto de José Antonio y después con su aprobación.

La Portugal de Salazar

Escribe Sánchez Asiaín que « la ayuda de Portugal a la sublevación fue realmente importante y generosa. Aunque dada la limitación de recursos que Portugal disponía, esa ayuda fue, en su volumen y regularidad, muy inferior a la ayuda prestada por italianos y alemanes« . La importancia de la ayuda de Portugal fue que se produjo en los primeros días del golpe cuando los sublevados estaban en una situación de inferioridad.

Antonio de Oliveira Salazar

El país luso se convirtió, de hecho, en el receptor formal de armas por cuenta de Franco. El país pasó de prácticamente no existir en la lista de receptores de armas a ocupar el tercer lugar mundial en la lista de clientes de la industria bélica de la Alemania nazi y la primera europea. El apoyo fue clave para salvar el pacto de no-intervención y como retaguardia de apoyo logístico ya que servía de comunicación de la zona franquista, que había quedado partida en dos tras el fallido golpe de Estado.

La obra acredita además que el gobierno de la dictadura portuguesa puso a disposición de los franquistas todo tipo de recursos financieros, créditos de bancos portugueses y una amplia protección política y diplomática. « Así, queda constancia de que en 1937 y desde el Banco Espíritu Santo de Lisboa se comunicaba a 37 representantes diplomáticos españoles que les remitían unas determinadas cantidades económicas ».

La Diputación Foral de Navarra

Navarra gozaba de un régimen foral que otorgaba a la Diputación Foral el control económico y fiscal del territorio. El economista y banquero acredita que la Diputación Foral de Navarra mantuvo una « importante, generosa y constante ayuda institucional a los sublevados ». El mismo 24 de julio de 1936, el general Mola dio orden a la Diputación para que le habilitara un crédito por dos millones de pesetas para hacer frente a los gastos originados por « el movimiento emprendido para salvar España », crédito que posteriormente sería liquidado sin ser abonado.

La Diputación de Navarra también creó una serie de impuestos de guerra que sirvieron para recaudar 13.942.813 pesetas que fueron puestos a disposición de la « causa nacional ». Este dinero sirvió para, entre otras cosas, adquirir aviones para la defensa de Pamplona, cancelar el crédito a Mola, poner un coche blindado a disposición de Franco, motocicletas para el general Varela, una pensión de 1.840 pesetas a las hijas de Mola para gastos educativos o el pago de la factura de 4.700 pesetas presentada por el Colegio de Arquitectos vasco-navarro por la confección del proyecto del chalet para la viuda del General Mola.

Carlistas

Otra importante fuente de financiación de la sublevación fueron los donativos que hizo un grupo muy selecto de carlistas, económicamente bien situados, entre los que pueden citarse Joaquín Baleztena, Miguel María Zozaya y Fernando Contreras. Pero lo que constituyó una excepcional fuente de financiación, explica el autor, fue el sistema regular de cuotas que los carlistas tenían establecidos desde 1934, de acuerdo con el cual todos los afiliados debían pagar al « Tesoro de la Tradición » una suma, « por lo menos igual a la pagada en imposición directa al Estado ».

Francesc Cambó

Francesc Cambó

El político catalán, cofundador y líder de la Liga Regionalista, descrito por Romanones como « el mejor político del siglo XX », ayudó a recaudar en el extranjero 410 millones de pesetas para financiar la sublevación de los militares golpistas. Asimismo, avaló o ayudó a conseguir créditos que pudieron ascender a 35 millones de dólares.

Aportaciones judías

A pesar de las amenazantes frases lanzadas en Radio Sevilla por Queipo de Llano, las grandes familias judías de Melilla « destinaron cuantiosas sumas de dinero a la causa rebelde ». Franco, que estaba gestionando créditos con la banca judía de Tetuán y Tánger, se vio obligado a desautorizar estas emisiones antisemitas y el 15 de agosto de 1936 dirigió una carta al Consejo Comunal Israelita de Tetuán pidiéndoles que no prestarán atención alguna a las emisiones antisemitas.

La Italia fascista

El autor argumenta que hay dos tipos de razones que justifican la ayuda de Mussolini a los franquistas con la intensidad con la que lo hizo. Unas son razones de tipo político y económico, y se refieren a la voluntad de Mussolini de dominar como fuera el Mediterráneo y, en todo caso, impedir su bloqueo mediante un pacto hispano-francés. Las otras se refieren a la creencia de Mussolini de que su misión en la Historia era luchar contra el comunismo. « En todo caso, también influyó el hecho de que España ofrecía un buen campo de experimentación para el nuevo armamento », añade el autor.

El Gobierno italiano propuso fijar en 5.000 millones de liras la deuda total del Gobierno español por suministro de material de guerra de todas clases

Más allá de la cuantiosa ayuda militar que Italia destinó a España en forma de aviones Savoia y cazas Fiat, armas y militares de las que el historiador Ángel Viñas ha dado buena cuenta, cabe destacar que una vez acabada la guerra, representantes italianos y españoles, valoraron que el total del crédito que Italia había puesto a disposición de los golpistas ascendía a 6.926 millones de liras.

No obstante, el Gobierno italiano, mucho más generoso que el alemán, propuso fijar en 5.000 millones de liras la deuda total del Gobierno español por suministro de material de guerra de todas clases y diferentes gastos hechos hasta el 31 de diciembre de 1939. El resto quedaba condonado.

La Alemania nazi

El proceso oficial de petición de ayuda de los sublevados a Alemania comenzó el 21 de julio de 1936, cuando Franco, tratando de llegar a Hitler de la forma más directa posible y rápida, recibió a Johannes Bernhard, del que se sabía que estaba en condiciones de contactar con facilidad y sin trámites administrativos con el dictador nazi.

Cuando la petición de ayuda llegó a Hitler, los ministros del Aire, Goering, y de Guerra, Blomberg, animaron a Hitler a prestar ayuda e involucrarse en la operación tanto « por simpatía hacia sus planteamientos anticomunistas, como para utilizar el conflicto español como un laboratorio para mejorar las técnicas de los ejércitos alemanes ». Goering también recordó a Hitler que, a cambio de los aviones, Alemania podría obtener de España los minerales que tanto necesitaba.

Adolf Hitler

Adolf Hitler

De tal manera que la intervención alemana en la Guerra Civil española, dice el autor, no puede entenderse sin tener en cuenta la política de aprovisionamiento de materias primas, especialmente de minerales aplicados a las necesidades de la guerra. Sobre esta base, los rebeldes firmaron con Hitler el 20 de marzo de 1937 un Protocolo de Amistad. Las operaciones entre ambos países durante la guerra fueron múltiples, todas con « olvido sistemático » de las opiniones españolas imponiéndose en todo momento el deseo alemán.

Una parte considerable de la deuda que España contrajo con Alemania fue pagadas por compensación, es decir, con exportaciones españolas a Alemania, sobre todo de minerales. Una vez terminada la guerra Alemania fijó la deuda en 372 millones de marcos, incluyendo el coste de la Legión Cóndor, que los alemanes cifraron en 99 millones de marcos.

No obstante, la dictadura de Franco y la de Hitler jamás llegaron a un acuerdo para calcular el importe de la deuda aunque sí que encontraron una solución política de entendimiento mutuo para demorar el problema. Esta solución fue firmada en 1941 y permitía a los alemanes hacer compras en España sin pagar su importe. « Y minerales, aceite y naranjas, entre otras cosas, fueron enviados a Alemania sin generar divisas para la economía española », añade el autor.

Sociedade Geral de Comércio, Industria e Transportes Limitada

Este holding de empresas portugués dispuso de un crédito de hasta 175.000 libras esterlinas para los golpistas el 8 de agosto de 1936 con un interés del 5,5% anual.

Compañía General de Tabacos de Filipinas

Dispuso un crédito de un millón de dólares, ampliado en 200.000 dólares más. Fue otorgado el 22 octubre de 1936. Sin intereses.

Kleinwort, Sons & Co

El banco inglés otorgó un crédito de 800.000 libras con una remuneración del 4% anual el 15 de septiembre de 1937. Apenas un mes después, la misma entidad concedió otro crédito de hasta 1.500.000 libras esterlinas con un interés del 3% anual.

Société de Banque Suisse

Concedió otro crédito de hasta un millón de libras esterlinas el 20 de octubre de 1938.

Caixa Geral de Depósitos

La entidad bancaria portuguesa concedió un crédito hasta el límite de 50 millones de escudos portugueses el 28 de febrero de 1939 con un interés del 4% anual.

Consorcio bancos italianos

Independientemente de la ayuda prestada por el Estado italiano, un consorcio de bancos italianos que presidía el Banco de Italia, con la colaboración de los bancos Hispano Americano y Español de Crédito puso a disposición de los sublevados un crédito de hasta 125 millones de liras el 20 de noviembre de 1937 alcanzando un total de 300 millones de liras en 1939.

ALEJANDRO TORRÚS

Source :

http://www.publico.es/politica/financiadores-del-golpe-da-inicio.html

 

 

ESPAGNOLS EN BRETAGNE

APRES SEPTEMBRE 1939 – LA RESISTANCE ET LA LIBERATION

En fin de page un article sur  Ángel Rodríguez Leira alias Angel Cariño López personne chère à Mar-y-Luz, notre vice-présidente.

 

 

LE MUR DE L’ATLANTIQUE:

 

LA DEPORTATION

                

   Construction du Mur de l’Atlantique

 

La carrière de Mauthausen.

De septembre à décembre 1939, 1.307 réfugiés auront quitté le Morbihan. Restent essentiellement les hommes valides affectés aux Compagnies de Travailleurs Étrangers qui seront utilisés par l’organisation Todt pour construire le mur de l’Atlantique, les bases sous-marines. Par exemple, au fort Montbarey à Saint Pierre et Quilbignon près de Brest, ou ils sont prisonniers et ils sont amenés à construire de blockhaus et des bases soumarinnes comme celle des Quatre Pompes à Brest. Il y a plusieurs témoignages, notamment celui Emilio Pérez qui donne le chiffre de 1500 espagnols internés, ou d’ Antonio Muñoz (Almeria), tous les deux ont participé dans la résistance et furent déportés à Mauthausen.

Beaucoup d’espagnols arrivent dans les années 40 dans le Finistère. Par exemple, on sait que cent dix huit travailleurs furent embauchés par l’entreprise Dodin à Brest, soixante huit autres par l’entreprise du bâtiment Marc.

De nombreux espagnols furent également employés à la construction de la base de Lorient. Lors des bombardements qui détruisirent la ville et les localités voisines, parmi les nombreuses victimes civiles, citons les ouvriers espagnols, belges, hollandais du Camp Indochine à Beg er Men (Lanester): 80 d’entre eux succombèrent et furent enterrés dans des fosses communes au cimetière de Kérentrech (6-7 mai 1941.

Pour beaucoup d’autres, ce sera après un regroupement au camp de Montreuil-Bellay, comme l’atteste un document des Archives municipales de Vannes; le chemin de la déportation en Allemagne ou en Autriche à Mauthausen, camp de travail extrêmement dur où les déportés devaient travailler dans des carrières de granit et construire des usines souterraines; sur 7.000 espagnols, plus de 5.000 y perdront la vie.

Autre camp, celui de Buchenwald situé près de Weimar, la ville de Goethe, Bach, Beethoven … C’est là que fut interné Jorge Semprun alors âgé de 20 ans. Après sa libération en 1945, il milite au parti communiste espagnol dont il est exclu en 1964. Il se consacre alors à son travail d’écrivain et de scénariste. Il devient ministre de la Culture en 1988 dans le gouvernement de Felipe Gonzalez.

Un site estime à 53 le nombre d’espagnols déportés à partir de la Bretagne:

http://pagesperso-orange.fr/memoiredeguerre/deportation/espagnols.htm

Site amicale de Mauthausen: www.campmauthausen.org

6.737 espagnols ont été déportés, près de 60% d’entre eux ne sont pas revenus. Comme si cela n’avait pas suffit, de nombreux survivants, après avoir combattu dans les rangs de l’armée républicaine ou dans la Résistance, se retrouvèrent dans les goulags sibériens ou victimes des purges staliniennes; Staline poursuivant impitoyablement cette « guerre civile dans la guerre civile » qui fut l’une des causes de l’affaiblissement et de la défaite de la République.

 

LLUIS COMPANYS A LA BAULE

 

Lluis Companys en prison

 

 

Hendaye, livré aux fanquistes.

 

Affiche pour l’annulation de son  jugement.

 

Lluis Companys I Jover, avocat, fut président de la Généralité de Catalogne de 1934 à sa mort. Exilé en France après la Retirada, il s’installe à La Baule en 1939 avec quelques autres responsables catalans. Il résidait villa « Ker imor vad » (maison de la bonne humeur) sur la route de Ploermel. Plutôt que de fuir l’avancée nazi et de partir pour l’Irlande, il a pris le risque de rester car son fils gravement malade était soigné au Croisic.  Arrêté par la Gestapo le 13 août 1940 il est extradé vers l’Espagne et à l’issu d’un procès bâclé condamné à mort et fusillé le 15 octobre à Barcelone. Ses derniers mots furent « Per Catalunya!  » (« Pour la Catalogne ! »). Un mouvement est actuellement engagé dans le but d’annuler le procès qui a conduit à son exécution..

 

LES ESPAGNOLS DANS LA RESISTANCE

Les espagnols ont pris une part active à la Résistance.

L’Affiche Rouge, entre autres documents, en témoigne.

 

 

Roque Carrion

 

Ramon Garrido

 

Dans le Morbihan, signalons l’activité de Roque CARRION. En 1936, il est officier de l’armée de l’Air espagnole. Il se réfugie en France en 1939 après la défaite de la République espagnole et est interné dans différents camps du sud de la France. Embauché sur le chantier de construction de la base de sous-marins de Lorient, il y développe un réseau de sabotage. Contraint à la fuite, il rejoint le maquis de Ty Glas à Plouray. Son pseudonyme est Icare. Le 14 juillet 1944, la 2e compagnie du bataillon Koenig du commandant Icare défile dans le bourg de Kergrist-Moelou alors que les Allemands se trouvent toujours près de là, à Rostrenen. Ce bataillon FTP devenu 11e bataillon FFI du Morbihan commandé par Icare libère Rostrenen et Pontivy. Il meurt en 1995 et est inhumé à  Lanester.

 

Ramon GARRIDO est né à O’Grove en Galice (le port d’où partit le Novo Emden). Egalement passioné d’aviation, il participe aux combats contre les troupes franquistes.

Lors de la Retirada, en février 1939, Ramon GARRIDO franchit la frontière pour être aussitôt désarmé et interné dans le camp de concentration d’Argelès. En juin 1939, il est transféré à Barcarès où il est responsable clandestin de 4 baraques de prisonniers. Le 1er janvier 1940, il part avec la 211eme Compagnie de Travailleurs Etrangers (CTE) à St Médard en Jalles. Il est alors responsable clandestin de la compagnie. En juin 1940, il repart pour Argelès puis à Elne. Le 30 juillet 1941, la Compagnie est livrée aux allemands par les gendarmes français et se retrouve internée au camp de St Pierre à Brest pour travailler dans la base de sous-marins (organisation Todt). Ramon GARRIDO devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise aussi les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants.

En janvier 1942, il reçoit l’ordre de la Direction du PCE de s’évader et de rejoindre Lorient avec pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les espagnols de cette ville chargés des travaux dans la base de sous-marins. Ce qu’il fait, après avoir coupé les barbelés du camp, il rejoint Lorient à pied, sans argent ni papiers.

A Lorient, Ramon GARRIDO demeure au 73, rue Ratier, avec Inigo PORTILLO PASTHEUROS, fusillé dans les derniers jours de l’Occupation. Il y organise les premiers groupes de combat et de sabotage avec Juan SANCHEZ CASTILLO, Maurice THEUILLON, Georges LE SANT (Buchenwald), Albert Le BAIL (Mauthausen), Jean Louis PRIMAS, ancien combattant des Brigades internationales, fusillé le 7 septembre 1943 à Fresnes, et Roque CARRION MARTINEZ, futur chef du 2eme bataillon FTP de Lorient, puis du 11eme Bataillon FFI.

A la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de « Groupes d’Action » sont constitués. Ils ont pour responsables quelques jeunes lorientais qui ont combattu pendant la guerre 1939-1940 et des étrangers ayant combattu pendant la guerre d’Espagne. A partir du 15 mars 1942, les actions contre l’occupant se multiplieront à une cadence rapide. Les sources d’énergie électrique sont surtout visées; plus de dix transformateurs sont ainsi mis hors de service en ce 15 mars 1942.

Le 17 juillet 1942, Ramon GARRIDO s’enfuit de Lorient pour se réfugier à Rennes. Il était responsable des 450 Résistants espagnols des départements du Finistère, des Côtes du Nord, du Morbihan, de la Sarthe et de la Loire Inférieure, avec le grade de capitaine FTPF. Arrêté en novembre 1942, il est jugé par la Section Spéciale du Tribunal de Paris, avec 53 républicains espagnols dont beaucoup étaient originaires de la région de Nantes-St Nazaire. Il fut condamné à 2 ans de prison et à 1.200 F d’amende pour « activités communistes ».

Il est décédé le 14 janvier 1995 aux Lilas (Seine St Denis). Ses cendres reposent dans le cimetière municipal de son village natal, El Grove.

L’action des résistants espagnols en Bretagne est relaté sur le site du Bataillon FFI de la centrale d’Eysses retrace leur combat: http://bteysses.free.frcliquer sur « Le coin des espagnols ».

 

José Belisario MELON MARTINEZ, également galicien connut également la Retirada. D’abord interné au camp d’Argelès il gagna la Bretagne en 1940. Recruté de force sur le chantier de la base sous-marine de Lorient, il entra très tôt dans la Résistance.

A Nantes en novembre 1942, 88 espagnols sont arrêtés, lors d’un procès qui se déroule en janvier 1943, sur les 42 condamnés, 5 sont espagnols.

A Rennes:

Le 8 juin 1944, 32 résistants dont un morbihannais, Emile LE GREVELLEC de Baden et 9 espagnols avaient été sortis des geôles de la prison Jacques Cartier à Rennes pour être exécutés:

Antonio BARRIOS-UREZ, âgé de 29 ans environ, né à Madrid, Pedro FLORES-CANO, né le 2 février 1917 à Carolina, capitaine FFI, responsable des groupes armés espagnols pour la région Bretagne. A une rue à Hennebont. Dionisto GARCIA-RUBIO, né le 19 octobre 1918 à Don Pedro. Tomas HERNANDEZ-DIAZ, âgé de 24 ans environ, né à Badajoz. Léoncio MOLINA-CABRE, né le 17 avril 1915 à Pétroga. Lorenzo MONTORI-ROMEO, né le 10 août 1918 à Saragosse. Ramon NIETO-GRANERO, né le 14 mai 1914 à Oviala. Antonio SEBASTIAN-MOLINA, né le 20 février 1917 à Madrid. Téofilo TURCADO-ARENAS, né le 8 janvier 1917 à Tolède. (Antonio MORENO qui faisait parti du groupe de Brest, sera fusillé à Quimper en avril 1944.)

 

 BELLE ILE: LES TRACES DES ESPAGNOLS DANS LA CITADELLE

En août 2007, Madame Renée Le Hérissé a présenté une exposition « Mémoire de la Citadelle ». Elle a retrouvé les traces des espagnols qui y ont vécu, traces gravées dans les parois telles de dramatiques peintures rupestres …

« Je travaille surtout sur la mémoire, sur la trace, en particulier sur la trace écrite et aussi sur la trace au sol: labyrinthes, plans, cartes, itinéraires … J’ai travaillé effectivement sur les traces laissées par les réfugiés espagnols à la citadelle Vauban à Belle-Ile dans la cadre d’une exposition dans la poudrière de l’avancée qui avait pour thème la citadelle elle-même et en particulier les messages trouvés dans les cellules de la prison militaires qui existent toujours, contrairement aux écrits laissés par les Espagnols qui ont été détruits lors des travaux de restauration. Une employée du musée a pris des photos avant la destruction complète de ces témoignages et me les a confiées. Pour faire les gravures (17), j’ai respecté de mon mieux la forme même de l’écriture pour témoigner au mieux des messages.
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« Les traces laissées par les réfugiés espagnols qui ont séjourné dans la citadelle n’ont pas pu être conservées sur la surface tendre du plâtre. Le médium de la photographie les a sauvées de l’oubli,  on retrouve des noms, des dates mais aussi le comptage du temps qu’il faut bien occuper pour tenter de survivre. Ces signes dont les réfugiés n’ont pas pu assurer la pérennité, je les ai gravés sur des plaques de métal en m’efforçant de restituer fidèlement leur forme afin de redonner à voir (et peut-être à entendre) la force de leur désespoir ».

L’ensemble du travail de Madame le Hérissé peut être consulté sur son site http://reneeleherisse.canalblog.com

 

LA LIBERATION

 

 

  La participation des républicains espagnols dans les combats pour la libération fut décisive dans certaines régions de la France, dont l’Ariège, les Basses-Pyrénées, le Gers, le Tarn, les Pyrénées-Orientales et bien sûr la Bretagne. Ce sont les chars portant des noms ibériques et conduits par des Espagnols qui seront les premiers à entrer dans Paris libéré à la tête de la 9° Compagnie de Marche du Tchad commandée par le capitaine Raymond Dronne, composante de la 2e Division Blindée de Leclerc. Un livre de Evelyn Mesquida retrace leur épopée.

Parmi les nombreux combattants espagnols de la Résistance, nous pouvons également citer Manuel Ramos Escariz, natif de Saint Jacques de Compostelle, militant du syndicat des pêcheurs CNT du port de Cariño. Il participa à la lutte contre le coup d’état franquiste mais dû s’exiler à bord du bateau Arkale (Cf page « Boat people »). Il rejoignit l’armée républicaine, combattit dans les Asturies.

 

 

Un autre galicien connu un parcours extraordinaire. Ángel Rodríguez Leira, pêcheur de pousse-pieds de Cariño fût obligé de s’enrôler dans l’armée franquiste mais bien vite il déserta et rejoignit l’armée républicaine sous le nom de Angel Cariño López. A la fin de la guerre, à bord d’une patera il quitte Guardamar (Alicante) et rejoint Beni-Saf près d’Oran. Engagé dans la Légion étrangère, il part pour le Tchad et s’engage dans la division Leclerc. Il fit partie de la Nueve et participa à la libération de Paris ou il entre sur le blindé Guernica ce qui lui valu d’être décoré de la Croix de guerre avec palme par le général de Gaulle. Puis ce fut la bataille d’Allemagne, la prise du « nid d’aigle » d’Hitler le 5 mai 1945 avec les troupes du général Patton. La guerre achevée, il vécut en France, simple ouvrier d’usine et mourût en 1975 quelques jours avant Franco sans avoir revu sa patrie. Son histoire est rapportée sur le site de la commune de Cariño : http://carinho1978.blogspot.com/

A la fin de la guerre, leur espoir de libérer aussi l’Espagne du fascisme et de rentrer au pays, s’effondrent, devant la reconnaissance par les alliés du régime franquiste. Un exil qu’ils croyaient bientôt fini, allait encore durer jusqu’à la mort de Franco en 1975 et pour beaucoup d’entre eux allait être définitif.

 

Source :

https://sites.google.com/site/espagnolsenbretagne19371939/LE-CONTEXTE/les-boats-peoples-de-1937/la-premiere-vague—1937/1939—la-retirada/1939-la-grande-vague-d-arrivees/finistere/cotes-du-nord/morbihan/ille-et-vilaine/loire-inferieure/apres-septembre-1939—la-resistance-et-la-liberation