Aux espagnols exilés – Version traduite en Français

Mensonges ….

Après leur entrée en France essentiellement en février 1939 (la « retirada ») et leur internement dans les différents camps installés à la hâte notamment sur les plages du Roussillon, les exilés républicains espagnols (environ 500 000) seront dispersés dans plus de 70 départements français.

L’arrivée d’autres réfugiés courant 1939 est telle que l’administration française poursuit la dispersion des Espagnols et les pousse au maximum à rentrer en Espagne.

En parallèle, des lettres de propagande de I ’Ambassade d’Espagne en France sont distribuées à cet effet. Franco promet d’accueillir sans poursuite les exilés.

C’est une traduction de ces lettres que nous publions aujourd’hui (cliquer sur le lien ci-dessus et utiliser le zoom pour une meilleure lecture).

Ceux qui retourneront en Espagne seront aussitôt internés dans les geôles du Caudillo. La répression sera féroce. Des milliers de prisonniers seront affectés à la construction de « La valle de los caidos » auprès de I ’Escorial. Ce chantier souterrain gigantesque (cathédrale taillée dans le roc) est un bagne terrible. Beaucoup de prisonniers mourront d’épuisement. FRANCO, à sa demande, y sera enterré en 1975.

« L’Estaca », un hymne à la liberté…

L’Estaca, une chanson symbole de la lutte anti Franquiste, n’est ni plus ni moins qu’une métaphore, un code que le public décrypte évidemment rapidement et auquel il s’identifie. La chanson sonne clairement comme un chant de résistance au fascisme en même temps qu’un chant d’espoir et une invitation à ne jamais cesser de lutter contre le pouvoir autoritaire car le temps peut remplacer la force quand celle-ci fait défaut. Au bout d’un an, cette chanson est censurée par Franco et interdite. Une décision qui intervient trop tard tant les paroles et la mélodie qui l’accompagne sont connues de tous. A aucun moment Lluis Llach ne reculera devant la pression et les menaces. Pour ne pas se mettre en danger, il lui arrive de jouer les notes sans paroles et de laisser à son public la liberté d’entonner le texte. En 1970, Llach se produit ainsi au Théâtre espagnol de Madrid. Sa popularité naissante lui attire les foudres du pouvoir et tous les textes interprétés en public doivent préalablement être soumis à la censure. Au garde à vous devant son micro, il explique alors la situation pendant que son pianiste continue à jouer le refrain de l’Estaca. Trois mille personnes se mettent à chanter. Lui reste muet…

Une version chantée par Luis Llach, en Catalan, en 1976 :

Une version en Français par Marc Robine :

Une version avec Serge Utgé-Royo, Marc Robine, Christiane Stefanski, Marek Mogilewicz au Festival de Barjac 2001 :

Une version étonnante d’actualité  par Emel Mathlouthi qui fut un des airs de la révolution de Tunisie de janvier 2011 :

( En septembre 2012, juste retour des choses, la chanteuse tunisienne Emel Mathlouthi interprète Dima dima de Yasser Jradi en public à Barcelone, sur les terres où Lluís Llach composa l’Estaca 44 ans plus tôt. Malheureusement, le son de cet enregistrement direct n’est pas excellent. Toutefois, l’émotion du chant et des symboles font plus que pallier à la mauvaise qualité auditive ).

 

Paroles et traduction de «L’estaca» (Du Catalan au français)

L’estaca (Le Pieu (1))

L’avi Siset em parlava
Grand-père Siset me parlait ainsi
De bon mati al portal
De bon matin sous le porche
Mentre el sol esperavem
Tandis qu’en attendant le soleil
I els carros veiem passar
Nous regardions passer les charettes

Siset, que no veus l’estaca
Siset, ne vois-tu pas le pieu
On estem tots lligats ?
Où nous sommes tous attachés ?
Si no podem desfer-nos-en
Si nous ne pouvons nous en défaire
Mai no podrem caminar !
Jamais nous ne pourrons nous échapper !

[Refrany]
[Refrain]
Si estirem tots, ella caurà
Si nous tirons tous, il tombera
I molt de temps no pot durar
Cela ne peut durer plus longtemps
Segur que tomba, tomba, tomba
C’est sûr il tombera, tombera, tombera
Ben corcada deu ser ja.
Bien vermoulu il doît être déjà.
Si tu l’estires fort per acqui
Si tu le tires fort par ici
I jo l’estiro fort per alla
Et que je le tire fort par là
Segur que tomba, tomba, tomba,
C’est sûr, il tombera, tombera, tombera,
I ens podrem alliberar.
Et nous pourrons nous libérer.

Pero Siset fa molt temps ja
Mais Siset, ça fait déjà bien longtemps
Les mans se’m van escorxant !
Mes mains à vif sont écorchées !
I quan la força se me’n va
Et alors que les forces me quittent
Ella és més ample i més gran.
Il est plus large et plus haut.

Ben cert sé que està podrida,
Bien sûr, je sais qu’il est pourri,
Pero és que, Siset, costa tant !
Mais, aussi, Siset, il est si lourd !
Que a cops la força m’oblida
Que parfois les forcent me manquent
Tornem a dir el teu cant :
Reprenons donc ton chant :

[Refrany]
[Refrain]

L’avi Siset ja no diu res
Grand-père Siset ne dit plus rien
Mal vent que se’l va emportar
Un mauvais vent l’a emporté
Ell qui sap cap a quin indret
Lui seul sait vers quel lieu
I jo a sota el portal
Et moi, je reste sous le porche

I quan passem els nous vailets
Et quand passent d’autres gens
Estiro el col per cantar
Je lève la tête pour chanter
El darrer cant d’en Siset,
Le dernier chant de Siset,
Lo darrer que em va ensenyar
Le dernier qu’il m’a appris :

[Refrany] (x2)
[Refrain] (x2)

En Espagnol :

El viejo Siset me hablaba
al amanecer, en el portal,
mientras esperábamos
la salida del sol
y veíamos pasar los carros.

Siset: ¿No ves la estaca
a la que estamos todos atados?
Si no conseguimos
liberarnos de ella
nunca podremos andar.

Si tiramos fuerte, la haremos caer.
Ya no puede durar mucho tiempo.
Seguro que cae, cae, cae,
pues debe estar ya bien podrida.

Si yo tiro fuerte por aquí,
y tú tiras fuerte por allí,
seguro que cae, cae, cae,
y podremos liberarnos.

¡ Pero, ha pasado tanto tiempo así !
Las manos se me están desollando,
y en cuanto abandono un instante,
se hace más gruesa y más grande.

Ya sé que está podrida,
pero es que, Siset, pesa tanto,
que a veces me abandonan
las fuerzas.
Repíteme tu canción.

Si tiramos fuerte …

Si yo tiro fuerte por aquí …

El viejo Siset ya no dice nada;
se lo llevó un mal viento.
– él sabe hacia donde -,
mientras yo continúo
bajo el portal.

Y cuando pasan
los nuevos muchachos,
alzo la voz para cantar
el último canto
que él me enseñó.

Si tiramos fuerte …

Si yo tiro fuerte por aquí,
y tú tiras fuerte por allí,
seguro que cae, cae, cae,
y podremos liberarnos