Jean Ortiz nous a quitté

Nous avons la tristesse d’apprendre le décès de Jean Ortiz. Ami de notre association Retirada37 il était venu à Saint-Pierre-des-Corps en février 2018 nous parler avec la passion qui le caractérisait des Brigades internationales et de bien autres choses. Il avait présenté en juin 2016 avec émotion son film Compañeras réalisé avec Dominique Gauthier. José Manuel Cano López touché par ce film, nous a raconté dans sa pièce de théâtre documentaire « Romancero des ombres » la vie de ces « femmes aujourd’hui âgées qui ont été plongées dans les horreurs de la guerre, ont connu la disparition d’êtres chers, l’exil vers la France. Ces témoignages bouleversants sont tirés du commentaire « Companeras » de Jean Ortiz et Dominique Gautier. »

l’Article dans l’Huma
Disparition : Jean Ortiz, rouge passion
Spécialiste de l’Espagne républicaine et de l’Amérique latine, l’ancien correspondant de l’Humanité à Cuba s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.
Publié le
Dimanche 23 juillet 2023
Patrick Apel-Muller314091.
«  L’ennemi s’est infiltré », disait-il de sa maladie et de ce « diable de scanner qui a marqué un avant et un après », rendant plus épisodiques ses textes sur son blog de l’humanite.fr. Mais, bien conscient de la « défaite à venir », Jean Ortiz était de ces « insomniaques qui guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche, chaque jour plus claudicante ». Pour ce « rojo, fils de rojo », une retirada n’interrompait pas le combat. Il s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

De l’histoire tragique de l’Espagne qui avait marqué sa famille, comme de la Résistance dans laquelle son père avait combattu dans l’Aveyron, Jean Ortiz tirait une leçon de courage et se faisait un devoir par ses livres d’enquêtes historiques et ses documentaires de rétablir l’ampleur du crime franquiste avec ses massacres, ses enfants volés, ses tombes effacées. En 2010, il avait vigoureusement appuyé le juge Garzon qui voulait que les crimes des partisans du Caudillo soient jugés, malgré la loi d’amnistie de 1977.

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine »

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine. » Cet enracinement de classe l’avait naturellement conduit à l’engagement communiste. Il fut même candidat du PCF à deux reprises, lors d’élections législatives dans ses terres tarnaises à Castres (1973), puis en 9 e position dans le Sud-Ouest lors des élections européennes de 2009.

« Être révolutionnaire, affirmait-il, c’est contribuer à faire de l’humanité le moteur d’une vie. » Il tissait son militantisme de tout ce qui faisait son être singulier – pouvait-il faire autrement ? –, de ses passions, de ses « provocations jamais gratuites », de son verbe enfiévré, de ses colères parfois injustes sur lesquelles il savait revenir, de ce sentiment d’urgence qui ne le quittait pas et qui le conduisait à téléphoner au beau milieu de la nuit au directeur de la rédaction de l’Humanité. Comment lui en vouloir de partager ses insomnies ? Sa sensibilité à vif mettait souvent le doigt sur une arête de l’actualité, sur le revers d’un fait ou une information incomplète.

Devenu correspondant de l’Humanité à Cuba de 1977 à 1981 – il succédait à José Fort et précédait Maité Pineiro –, Jean Ortiz réalise aussi de grands reportages en Amérique latine. Il est ainsi au cœur de la révolution au Nicaragua et accompagne une colonne de guérilleros sandinistes jusqu’à la prise de Managua. Épopée inoubliable.

Après un bref passage parisien comme collaborateur du comité central du PCF sur l’Amérique latine, il quitte le journalisme pour une carrière d’enseignant, même si l’écriture d’un « papier » le démangeait toujours et qu’il y revenait comme à une féconde addiction.

En 1982, Jean Ortiz soutient une thèse de troisième cycle et le jeune agrégé d’espagnol devient maître de conférences à l’université de Pau.

CulturAmerica, un festival devenu vite incontournable

Ses passions l’y accompagnent et il crée un festival, CulturAmerica, dont il fait un pont avec l’Amérique latine, accueillant les personnalités progressistes et les intellectuels du continent, questionnant les expériences citoyennes qui y naissent et nouant des amitiés, avec Evo Morales notamment.

Le rendez-vous devient vite incontournable pour les chercheurs comme pour les amoureux de cette région du monde. Devenu un spécialiste reconnu de l’Amérique centrale et du Sud, il produit plusieurs ouvrages – dont l’un consacré à Che Guevara (2) – et secoue les consciences sur les crimes de Pinochet avec l’avocat chilien, son ami, Eduardo Contreras.

Producteur d’articles universitaires, Jean Ortiz touche à de multiples domaines, scénariste et metteur en scène avec son ami Dominique Gautier (3), mais également aficionado averti. Dans l’Humanité, il rédige plusieurs articles de défense de la corrida et publie un ouvrage de référence, Tauromachie et représentation du monde en Amérique latine (éditions Atlantica, 2005).

Les équipes de l’Humanité expriment leurs condoléances et leur amitié à la famille de Jean et à ses proches.

(1) Lire notamment chez Atlantica : Mi guerra civil (2005) ; Rouges. Maquis de France et d’Espagne. les guérilleros (2006) ; Guérilleros en Béarn. Étranges « terroristes » étrangers(2007) ; chez la Librairie des territoires : Franco n’est pas mort culo al sol ! (2019). (2) Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999). (3) Rouge miroir(2005) ; Le Cri du silence (2007) ; Confidences cubaines (2007) ; Paroles d’anciens (2008) ; Fils de rojo (2009).

Poema a Jean Ortiz

Fallecido el 22 de julio de 2023.

Rojo camarada Juan Ortiz,

Rojo como la sangre de España.

Rojo como la solidaridad obrera,

La tuya, siempre con la mano tendida.

Con Eloi y el Comandante Robert

Quisiste echarnos una mano amiga,

Desde Pau hasta París.

Gracias, Rojo camarada indisciplinado Jean Ortiz.

Tu guerra civil fue la nuestra.

Rojos maquis de Francia y de España

Los Guerrilleros,

Rojas vidas, rojas memorias.

Rojo audaz de todos los combates,

Sindicales, universitarios,

Sociales, culturales, políticos

Sin olvidar al humilde obrero,

A tu padre Enrique, obrero,

Al mío, Daniel, obrero también,

Quienes en España,

En Francia soñaron con Lenin.

Tus nobles ideales : Cuba y el Che,

Chile, Evo Morales, Hugo Chaves,

Cecilio Gordillo, la reforma agraria en Andalucía.

Hijo de rojo, allez, allez !

Compañeras, Dominique Gautier.

La République est de retour

S í, como no, ya vuelve la Niña Bonita

Para tí, su gran paladín,

Para todos los rojos, para hombres nuevos, de ideales nuevos.

Rêvons, c’est pour bientôt, camarade Jean Ortiz.

Duerme en paz, camarada, amigo Juan Ortiz,

¡ Aquí, con nosotros, con la Tricolor,

Para siempre estás !

Rose-Marie Serrano

(Amis des Républicains Espagnols de RP, París 25/07/23).

Une vídeo de Jean Ortiz prise par Elizabeth Maugars lors de son passage à la bibliothèque de Saint-Pierre-des-Corps le 20 février 2018 à l’invitation de Retirada37 :

Une réflexion sur « Jean Ortiz nous a quitté »

  1. Drôle façon de Maugars pour faire son montage. Elle vire les questions faites à Jean et ne publie que ses réponses, ce qu’il fait qu’il répond mais à on ne sait qui… Notamment lorsqu’il s’agit de questions posées par un anarchiste ! Le début réponse de Jean est proprement censuré puisqu’il commence son argumentaire par « Pour répondre au camarade anarchiste… ». Si Jean Ortiz montre l’image d’un communiste non sectaire, ouvert au dialogue, Maugars montre l’exemple inverse, celle d’une communiste qui ne s’est pas encore remise de la mort de Staline !

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