Archives de catégorie : Témoignages et récits

L’exil des Anarchistes espagnols en Algérie.

Un aspect moins connu de la retirada, par Miguel Martinez.

Le 19 mars 1939, la victoire des troupes franquistes obligea mon père à fuir l’Espagne. Il était suivi par sa compagne et ses deux fils , fait exceptionnel puisque l’immense majorité des fugitifs avaient été forcés de partir seuls, obéissant par là à des consignes syndicales ou, plus rarement, à des motivations personnelles.

J’avais alors sept ans. La guerre qui se terminait avec la défaite des anti-franquistes s’estompe pour moi sur la toile de fond de mon enfance. Je ne garde en mémoire que quelques fulgurants éclats. Par contre, j’ai vécu le long exil qui s’en est suivi, entouré, tout le temps de mon enfance et de ma prime jeunesse, de compagnons qui avaient eux aussi débarqué d’un chalutier de fortune en mars 1939 à Oran, port colonial français à l’époque.

Avec le débarquement commence pour nous l’exil. La police française nous attendait sur le quai. Nous nous voyons traités, non pas comme des combattants contre des régimes fascistes, mais comme de vulgaires criminels. Nous sommes soumis à la fouille pour être répartis dans des camps de concentration, desquels certains ne devaient plus revenir. Colomb-Béchar, Boghar, Djelfa ne furent pas autre chose que des centres disciplinaires. Mon père resta six mois à Boghari, au bout desquels il fut transféré à Carnot où l’attendaient, depuis leur sortie de la prison d’Oran, sa femme et ses deux enfants. Carnot était un camp de regroupement familial qui, il faut le dire, n’avait rien de comparable avec ceux de sinistre mémoire évoqués plus haut. Mon père ayant fini par décrocher un certificat de travail chez un coiffeur d’Orléanville, on nous laissa sortir de Carnot, après un séjour forcé de plus d’un an. Fuyant le paludisme qui sévissait dans la plaine du Chéliff, nous rejoignîmes dans la capitale, Alger, une pléiade de compagnons qui s’y étaient également réfugiés.

C’est à Alger que j’ai grandi. Que j’ai partagé la vie des exilés, mes aînés, en butte aux difficultés de toute sorte réservés aux étrangers, et animés par un seul espoir : celui du retour en Espagne une fois celle-ci débarrassée de Franco. Cette espèce d’obsession expliquerait à elle seule leur mise à l’écart, en tant que groupe culturel, des évènements qui vont marquer l’histoire de l’Algérie. Mais il existe aussi des raisons d’ordre idéologique qui ont motivé l’indiscutable distanciation (des libertaires tout au moins) vis à vis d’une terre considéré par eux, jusqu’à la fin, comme uniquement de passage, et de ses habitants.

En effet, lorsqu’en novembre 1954 éclate, violente, la révolte des colonisés contre leurs colonisateurs, il s’ensuivra une guerre féroce de sept ans. Au cours de laquelle le terrorisme et sa suite de deuils, de haines et de désirs de vengeance seront érigés en pratique courante. Les libertaires  » réfugiés espagnols  » ne s’impliqueront pas dans le conflit, bien qu’ils considèrent dès le départ avec sympathie le fait que les opprimés aient fini par se rebeller contre le pouvoir colonial. Mais il conçoivent mal que leur lutte se limite à l’indépendance nationale pour créer un état algérien. Au cours des rares contacts avec les responsables locaux du Front de Libération, les compagnons s’efforcent de les convaincre que leur peuple n’aura fait alors que changer de maître, substituer l’exploiteur français par un homologue algérien. Ils critiquent également la complaisance avec laquelle le Mouvement traîne derrière soi le boulet de la religion musulmane. Et désapprouvent de surcroît la tactique adoptée par les rebelles, celle de l’attentat terroriste en tant que pratique de combat, ce qui les conduira à supprimer plus d’un de nos compagnons sous prétexte qu’il s’agissait d’un  » roumi « , d’un européen parmi tant d’autres. Expression d’une conduite bassement raciste, inhumaine, comme celle qui anime leurs adversaires colonialistes. Bref, les libertaires espagnols ne découvrent pas dans cette lutte le moindre objectif capable de les mobiliser. En Espagne, ils s’étaient battus pour en finir avec la société capitaliste et instaurer un régime de justice exemplaire pour tous les peuples de la terre.

D’autre part, dans l’hypothèse où ils auraient décidé malgré tout d’apporter leur aide d’une quelconque manière à l’insurrection, il s’agissait d’Espagnols, c’est-à-dire d’étrangers pour qui se mêler de la politique intérieure du gouvernement français restait absolument interdit. Enfreindre cette consigne revenait à commettre un délit d’ingérence, ce qui aurait mis en péril leur statut de résident privilégié leur donnant le droit de continuer à vivre en Algérie, autrement en dit en France.

Enfin, dernier mais incontestable facteur de désengagement envers le mouvement insurrectionnel, le fait déjà souligné que leur unique préoccupation restait le retour en Espagne. Après vingt années passées en exil, une illusion toujours vivace les poussait à consacrer tous leurs efforts à la réalisation de ce projet.

Tout cela explique sans doute qu’on ne trouve pas d’histoire de la guerre d’Algérie, à ma connaissance tout au moins, où soit mentionnée l’existence des réfugiés espagnols, ni envisagée leur attitude face aux événements algériens. Ceci n’implique pas pour autant qu’il faille les confondre avec la masse des  » Français d’Algérie  » ? difficilement admissible, s’agissant de  » réfugiés espagnols  » ? ni les assimiler à celle des pieds noirs . Car, si pour les raisons avancées, les libertaires n’ont pas adhéré à la cause de l’Algérie algérienne, il est également exact qu’ils ont opposé une résistance active aux agissements criminels de l’Organisation Armée Secrète. Certains au péril de leur vie, comme ce fut le cas pour le camarade Suria qui vendait la presse anarchiste dans un bar de Bab-el-Oued : il fut assassiné par les sbires de l’OAS et ses restes furent abandonnés dans un sac avec l’inscription  » ainsi finissent les traîtres « . Mais là encore, pour les libertaires, s’opposer à l’OAS qui avait trouvé des appuis en Espagne revenait à combattre le franquisme, et certainement pas à participer à la lutte de libération nationale du peuple algérien. Même s’il est d’autre part exact qu’ils ont toujours manifesté dans l’ensemble une franche hostilité à l’égard de la population coloniale, considérée par eux comme politiquement réactionnaire, leur attitude fut celle de la non-intervention. Cette lutte n’était pas la leur. Ni pro-Algérie française ni pro-Algérie algérienne.

Après la déclaration d’indépendance (accords d’Evian en 1962) la grande majorité des  » réfugiés espagnols en Algérie « choisit de s’exiler à nouveau en métropole.
En ce qui me concerne, ayant acquis la nationalité française, devenu instituteur, je suis resté en Algérie au titre de la coopération. Ce qui m’a permis d’assister à la naissance de l’état algérien, et de vérifier la justesse des analyses formulées jadis par les compagnons libertaires. Le peuple fellah de la Mitidja, ouvriers de Belcourt ou de Bab-el-Oued, adoraient toujours Allah, et connaissaient de nouveaux maîtres. Sauf que les uns et les autres étaient à présent citoyens d’une Algérie devenue algérienne.

1936 : les premiers réfugiés espagnols arrivent

Ci- dessous, la reproduction d’une série d’articles parus dans « La Nouvelle République » (édition du Loir et Cher) entre juillet et août 2017 :

CARTE POSTALE PLACE DE LA REPUBLIQUE


La Halle aux grains de Blois abrita 160 petits Madrilènes – (Archives départementales de Loir-et-Cher)
Été 1936. La guerre civile éclate en Espagne et l’exil commence pour beaucoup d’habitants. Les premiers réfugiés, surtout des enfants, arrivent à Blois.

Grâce au Front populaire arrivé au pouvoir au printemps 1936, les Français profitent pour la première fois des congés payés. Au même moment, l’Espagne plonge dans la tourmente. La guerre civile éclate à la mi-juillet suite au soulèvement militaire dirigé par le général Franco contre la jeune République. Dans les semaines qui suivent, les combats autour de Madrid et au Pays Basque coupent pratiquement le pays en deux, entraînant les premiers départs de réfugiés vers la France. Dès le 18 août, comme l’indique Jeanine Sodigne Lostau dans sa thèse (*) , des réfugiés arrivent seuls ou par petits groupes en Loir-et-Cher et se présentent aux services de police.
Le dimanche 13 septembre 1936, plus de 160 enfants madrilènes sont accueillis en tenue de plage avec leurs accompagnateurs, en gare de Blois. Ils appartiennent à une colonie de vacances de Santander sur la côte cantabrique qui a été évacuée en urgence. Les autorités préfectorales et municipales leur proposent un repas servi au buffet de la gare et offert par le Bureau de bienfaisance. Puis les enfants sont conduits à la Halle aux grains où l’armée a installé des couchages. Le lendemain, les petits Madrilènes partent en promenade dans les rues de la ville puis sont répartis dans des lieux d’hébergement en l’occurrence l’hôtel d’Angleterre et son annexe située rue Foulerie ainsi qu’une ancienne école de garçons, place Louis-XII.

Un Blésois s’inquiète particulièrement de leur sort. Il s’agit de l’avocat Hubert Fillay qui, le 16 septembre, écrit au préfet : « En voyant passer les petits Espagnols réfugiés à Blois, il est impossible de ne pas éprouver un sentiment de pitié pour ces malheureux innocents et de ne pas se demander, aux approches de l’hiver, comment on subviendra à tous leurs besoins en vêtements chauds, linge, chaussures, aliments etc. »

Et le juriste de suggérer au représentant de l’État de réunir un comité d’accueil précédemment créé pour la venue de Canadiens et de lui faire lancer un appel à la population en faveur des petits réfugiés. Un couple d’origine espagnole et domicilié à Saint-Lubin (l’homme exerce la profession de carrier) se propose d’accueillir des enfants à son domicile. La communauté de la Providence à Blois se déclare, elle aussi, prête à en héberger. Finalement, les combats s’interrompent temporairement et les enfants peuvent regagner Madrid via la Catalogne.

En prévision de l’arrivée de nouveaux réfugiés, le préfet s’adresse aux principales communes pour dresser un inventaire de leurs capacités d’hébergement. La ville de Blois dispose alors de 280 places, celle de Vendôme ne peut offrir qu’un hébergement « très provisoire » pour 50 personnes.
Une nouvelle vague de civils arrive en France après le déclenchement de l’offensive nationaliste dans le nord de l’Espagne au printemps 1937. Cet afflux oblige les pouvoirs publics à rechercher d’autres lieux d’accueil. Ce seront principalement les communs du château de La Gaudinière à La Ville-aux-Clercs et le camp de Remonte de Selles-sur-Cher, deux sites qui accueilleront près de 1.000 personnes durant l’été 1937.

La municipalité de Selles-sur-Cher propose un haras militaire désaffecté qui peut abriter jusqu’à 500 personnes. Le camp de Remonte se compose d’une caserne, de hangars et de deux écuries qui seront transformées en dortoirs. D’après les recherches de Jeanine Sodigné Lostau (*), le lieu est décrit comme un « abri sommaire et peu recommandable ». « L’air et la lumière ne pénètrent que par une grande porte fermant mal. » Les réfugiés dorment dans des couchages rudimentaires disposés sur un sol en terre battue.
(*) L’immigration politique espagnole en région Centre de 1936 à 1946, Université Paris 7.

Réfugiés espagnols : l’exode s’intensifie


Le château de la Gaudinière à La Ville-aux-Clercs abrita dans ses communs 300 réfugiés entre juin et septembre 1937.

Au printemps 1937, la guerre civile redouble d’intensité en Espagne. Le Loir-et-Cher doit faire face à un afflux de plusieurs centaines de réfugiés.

Si dans les premiers mois de la guerre civile qui éclate en Espagne en juillet 1936, la France a pu accueillir des réfugiés sans trop de difficultés, la situation se complique à partir du printemps 1937. L’offensive des troupes franquistes sur la Biscaye et Bilbao pousse des milliers de civils à fuir vers la mer et la France. Le 27 avril, jour de marché, la petite cité de Guernica est écrasée sous les bombes de la légion Condor.

Au début de juin 1937, des réfugiés, 476 personnes (dont seulement 16 hommes) arrivent à « pleins trains » (1) en gare de Selles-sur-Cher. La commune utilise alors l’annexe du camp de remonte, situé près du canal de Berry et de la route nationale 76, pour les installer. Beaucoup n’ont plus rien ou seulement quelques effets personnels. Le docteur René Massacré, à la tête de la municipalité socialiste alors en place, fait appel à la générosité de ses concitoyens pour leur fournir des vêtements. Le comité local d’accueil réunit 4.000 francs de dons.

Fin juillet, la population du camp atteint son maximum avec 679 personnes. Parmi elles, 327 enfants dont l’état sanitaire est préoccupant. L’hospice de Selles note de nombreux cas de rougeoles et de diarrhées. Une infirmerie sera ensuite installée dans le haras tandis que les cas les plus graves sont évacués vers les hôpitaux de Blois et de Romorantin.

En cette deuxième année de guerre civile, un autre lieu d’accueil se distingue dans le département. Il s’agit du château de la Gaudinière à La Ville-aux-Clercs.

Jean-Jacques Loisel a consacré un article très fouillé (2) à ce sujet. L’auteur évoque l’installation des réfugiés espagnols dans ce lieu qui fut, de 1924 à 1934, un centre d’accueil et d’apprentissage pour les orphelins du génocide arménien fondé par un mécène américain d’origine arménienne. Il aborde aussi le traitement journalistique de la guerre d’Espagne dans les deux titres de la presse locale, Le Progrès du Loir-et-Cher, favorable au Front populaire et à la cause républicaine, et Le Carillon de Vendôme, alors classé très à droite et hostile aux réfugiés espagnols considérés comme des « rouges » anticléricaux.
La Ville-aux-Clercs est en 1936 située dans un canton où le Parti communiste est bien représenté. L’ancien centre de vacances est pressenti une première fois pour accueillir des écoliers madrilènes arrivés à Blois et qui finalement repartent en Espagne sans y séjourner. Le château de la Gaudinière fut détruit par un incendie le 17 novembre 1934. La propriété était en vente et il ne restait guère que les gardiens quand furent accueillis en juin 1937 environ 300 réfugiés, essentiellement des femmes et des enfants ayant fui Bilbao et ses environs, qui s’établirent dans les communs du château. Leur séjour fut payé par la préfecture qui recruta un directeur, un économe, un cuisinier, un électricien, une infirmière et un instituteur. Le ravitaillement était assuré par les boulangers et les bouchers de la commune et des environs.

Le journal Le Progrès se fit l’écho de leur présence et lança un appel aux dons. Une chaîne de solidarité se mit en place.

Sur le front du nord, les nationalistes achèvent leur conquête du Pays basque durant l’automne 1937. Une grande partie des civils accueillis à Selles-sur-Cher et La Ville-aux-Clercs retournent au pays, souvent sous la pression des autorités françaises.

(1) Souvenir de Roger Blondeau rapporté dans « Le camp des Espagnols (1937-1939) » par Yves Tanguy et Michel Ollier. (2) « Les réfugiés espagnols de la Gaudinière », par Jean-Jacques Loisel, Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, 2009.

Bois-Brûlé de sinistre mémoire


A Boisseau, le camp de Bois-Brûlé ouvre ses portes le 1er septembre 1939. Il accueillera jusqu’à 1.600 personnes. – (Dessin réalisé par un réfugié et offert au préfet de l’époque en remerciement)
Début 1939. La République espagnole agonise. Le Loir-et-Cher se mobilise pour accueillir les réfugiés. Le camp de Bois-Brûlé est construit à Boisseau (4).

Dans les premières semaines de l’année 1939, la guerre civile espagnole touche à sa fin, la République est à l’agonie. Le 26 janvier, la prise de Barcelone par les troupes franquistes provoque un exode massif vers la frontière française. Plusieurs centaines de milliers de combattants et de civils fuient la répression des nationalistes et franchissent les Pyrénées. Les autorités françaises sont complètement débordées par l’ampleur de la Retirada (retraite). Des camps sont ouverts en urgence dans la région de Perpignan mais ils sont rapidement saturés. Les départements situés plus au nord sont appelés à la rescousse.

En prévision d’un afflux massif de civils, la préfecture du Loir-et-Cher charge la gendarmerie de repérer des lieux appropriés à l’aménagement d’un camp. Un site est repéré non loin de Oucques, en bordure de la départementale qui relie Blois à Châteaudun (D924). Le lieu-dit s’appelle Bois-Brûlé, non loin du bourg de Boisseau. Des appels d’offre sont passés aux entreprises locales pour fournir entre 15 et 30 baraquements en bois d’une longueur de 40 m sur 6 m de large. Au mois d’août, un directeur est recruté avec un traitement mensuel de 1.500 francs, ainsi qu’un secrétaire interprète, un enseignant, un cuisinier, un responsable d’atelier.

Le camp de Bois-Brûlé ouvre ses portes le 1er septembre 1939, le jour où les troupes nazies entrent en Pologne, déclenchant le second conflit mondial. Trois semaines plus tard, le site abrite 1.618 personnes, en majorité des femmes et des enfants, répartis en 28 baraques dépourvues de plafond. Les réfugiés sont placés sous la surveillance continuelle de gendarmes et d’hommes de troupe.
Les conditions de vie sont difficiles d’autant que l’hiver 1939-1940 est glacial. Jeannine Sodigné Loustau, dans sa thèse consacrée aux réfugiés espagnols dans la région (1), cite le témoignage du médecin affecté au centre. Celui-ci craint les incendies si on installe des poêles dans les baraquements : « Les Espagnols mettent leur linge dessus, les gosses se feront flamber, si on donne bois ou charbon pour 8 jours, il sera brûlé en 48 h d’où six jours sans feu. » Il faudra l’intervention de la Commission internationale d’aide aux enfants réfugiés pour que l’administration du camp installe en mars 1940 des plafonds, des lavabos et des douches. Le rapporteur de cette commission a décrit le camp comme l’un des pires qu’il ait visité. « Environ 250 réfugiés étaient installés dans des baraques sales, dans lesquelles la température était proche de zéro […] Le sol était maculé d’urine gelée. »

Originaire de la région de Saragosse, Carmen Martin née Lazaro a témoigné de son passage à Bois-Brûlé (2). Elle avait à peine 7 ans. « J’ai le souvenir qu’avec d’autres de nos compatriotes, nous avons été poussés dans des wagons à bestiaux. On a dit aux mères que nous allions nous diriger vers le camp de concentration du Bois-Brûlé. Dans ce train on nous vaccinait (avec des produits périmés !) et j’en ai été très malade. Nous avons donc attendu dans ce camp jusqu’en février 1940. Nous y avons souffert de froid car l’hiver fut très rude, et de malnutrition (un pain qui gelait dans la journée, pour 7 personnes et une boîte de conserve contenant un bouillon chaud) »

Un autre témoignage poignant, celui de Rosa Casany, évoque des conditions de vie « inhumaines ». « La construction des baraques n’avait pas été achevée et le froid passait entre le haut du mur et le toit. La nourriture… il n’y en avait pas. L’eau était gelée.

Pendant cette période, ma tante a accouché de son fils qui est mort quand il avait trois mois, faute de médicaments. »

Juste après le début de l’offensive allemande contre la France et le Bénélux, à la mi-mai 1940, le camp ne comptait plus que 21 personnes. Beaucoup de réfugiés avaient été répartis dans différentes communes ou renvoyés vers l’Espagne.

(1) L’immigration politique en région Centre de 1936 à 1946, Université Paris 7 (2) Mémoire Histoire des Républicains Espagnols de l’Yonne


Le triste sort des réfugiés espagnols

Une réfugiée espagnole. Le Loir-et-Cher accueillit en majorité des femmes et des enfants.

Les conditions de vie des réfugiés ayant fui la guerre civile espagnole étaient difficiles. Ils furent répartis dans une quarantaine de communes (5).

Entre 1936 et 1939, le département accueillit de nombreux réfugiés espagnols qui fuyaient les horreurs de la guerre civile. L’exode prit une ampleur particulière durant les derniers mois du conflit (janvier-avril 1939). Alors que les combattants républicains résistaient encore aux franquistes dans Barcelone, Madrid et Valence, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants trouvèrent refuge en France.

Durant cette période, environ 3.000 personnes furent réparties dans une quarantaine de communes. Leurs conditions de vie furent difficiles car les moyens alloués aux préfectures étaient limités. Des épidémies de typhoïde et de diphtérie touchèrent cette population fragile, surtout les enfants. Les pouvoirs publics se méfiaient de ces exilés qu’ils surveillaient en permanence. Les réfugiés n’avaient pas le droit de quitter leur lieu de résidence sans une autorisation qui leur était le plus souvent refusée.

Le rapport d’un gendarme de Mondoubleau datant de mars 1939 évoque l’escapade de femmes parties prendre un peu de bon temps au bal de Souday un dimanche soir. « Effectant une visite aux abords du camp de réfugiés, j’ai constaté que les locaux étaient ouverts et éclairés. Deux femmes gardaient les enfants, toutes les autres se trouvant au bal public installé sur la place à l’occasion de la fête locale. A notre vue, une quinzaine de femmes et de jeunes filles se sont précipitées vers la sortie pour regagner leur camp. »

 » Considérés comme des prisonniers  »

La nourriture fut souvent source de polémique. A Lamotte-Beuvron, un scandale éclate dans la salle à manger, les réfugiés se plaignent qu’« il y a surtout du gras et beaucoup d’os dans la viande », relève Jeanine Sodigné-Loustau (1).
En mars 1939, un habitant de Pontlevoy écrit au député socialiste Robert Mauger au sujet des réfugiés hébergés dans sa commune. « Ces pauvres gens sont considérés comme des prisonniers gardés par un garde champêtre qui fait de la propagande fasciste […] Ils n’ont pas le droit de sortir ni de recevoir des amis. […] La nourriture n’est pas ce qu’elle devrait être, dimanche dernier encore il y avait de la viande avariée. »

Bien des habitants se sont émus du sort qui leur réservé, en particulier les enfants. Telle cette institutrice de Lamotte-Beuvron, Mme Moreau, qui propose d’organiser une fête au sanatorium au profit des petits Espagnols. « Je crois qu’ils ont à peu près ce qui leur est nécessaire mais aucune gâterie et je suis navrée quand je les vois contempler les devantures », confie-t-elle dans une lettre adressée à M. Coursaget, conseiller général.Elle sollicite l’autorisation d’entrer dans le camp. Mais le préfet décline le projet qui lui paraît « peu opportun, pour l’instant tout au moins ».

Dans certains lieux d’hébergement, on s’accuse de favoritisme parce que des « douceurs » sont accordées à certains. Parfois des discussions houleuses opposent les sympathisants nationalistes et les pro-républicains. Dans une commune de la vallée du Cher, un délégué d’un comité d’accueil proteste contre le médecin qui, « appelé quatre fois, n’est venu qu’après la mort d’un enfant ».
Au début de l’année 1940, en pleine « Drôle de guerre », les autorités décident de fermer les centres et d’organiser le retour vers l’Espagne des « inaptes » au travail. Certains réfugiés choisissent de s’exiler en Amérique du Sud pour éviter les représailles franquistes. La mobilisation a cependant entraîné un besoin de main-d’œuvre dans l’agriculture et l’industrie (en particuliers les ateliers de chargement de munitions de Salbris) si bien que de nombreux hommes restent dans la région.

(1) L’immigration politique en région Centre de 1936 à 1946, Université Paris 7.
 à 1946, Université Paris 7.

Ces réfugiés espagnols résistants sous l’Occupation

Le 10 mai 1940, l’Allemagne lance une offensive foudroyante qui submerge rapidement le Benelux et la France. Après l’armistice du 22 juin 1940, le pays est coupé en deux. En Loir-et-Cher, les communes situées sur la rive sud du Cher se retrouvent en zone « libre ». Comme le précise Jeanine Sodigné Loustau dans sa thèse (1), les réfugiés espagnols, environ 1.000 personnes recensées dans le département, sont vite considérés comme indésirables par le maréchal Pétain, chef de l’État français installé à Vichy. En zone occupée, la police allemande, avec l’aide des autorités françaises, surveille de près les « Espagnols rouges ». Les hommes se retrouvent au chômage en raison du chaos entraîné par l’exode et la défaite, puis retrouvent progressivement du travail dans les fermes ou comme bûcherons.

La justice plus sévère avec ces réfugiés

L’occupant va par la suite en réintégrer un certain nombre dans des chantiers militaires comme à Pruniers ou Salbris au sein de groupement de travailleurs étrangers (GTE). À partir de 1943 et de l’instauration du service du travail obligatoire (STO), le Reich réquisitionne aussi des Espagnols pour les envoyer dans les usines allemandes. Les femmes se voient, quant à elles, proposer des emplois domestiques. Sous l’Occupation, la justice se montre plus sévère avec ces réfugiés : pour un Espagnol, le moindre délit est puni systématiquement d’un minimum 15 jours d’internement et d’une amende.

La présence de républicains espagnols dans les réseaux de Résistance est signalée dès 1941. Leur engagement constitue la poursuite sur le sol français de la guerre civile, l’occupant nazi ayant soutenu activement le général Franco. Il s’agit aussi pour eux d’exprimer leur gratitude envers leurs camarades français qui avaient défendu la République espagnole au sein des brigades internationales. Parmi les résistants espagnols, les communistes sont particulièrement actifs au sein de l’organisation MOI (Main d’œuvre immigrée).

Des groupes de combat

Des groupes de combat sont créés et intègrent des Espagnols dans leurs rangs pour effectuer des sabotages ou des attentats. Et lorsqu’ils sont capturés, ils partagent le même sort que leurs camarades français, à savoir la torture, la déportation, le peloton d’exécution.

Peu après le Débarquement du 6 juin 1944, le préfet du Loir-et-Cher fait prononcer l’internement de 19 personnes dont des Espagnols qui seront libérés le 16 août par les FFI.

La forêt domaniale de Chambord employait à l’époque des bûcherons, dont des réfugiés espagnols, qui cachèrent sous des fours à charbon de bois, des armes parachutées par les Alliés et qui furent utilisées lors des combats pour la libération de Blois et du département. Plusieurs dizaines de « guérilleros » étaient alors actifs au sein du maquis de Mont-près-Chambord où le drapeau espagnol flottait au côté du drapeau tricolore (2). Certains tombèrent lors des affrontements qui marquèrent la retraite des Allemands ou furent capturés et fusillés, à l’exemple de Juan Correas, exécuté le 21 août 1944 à La Ferté-Saint-Cyr avec deux de ses camarades

L’engagement des républicains espagnols dans la Résistance est, malheureusement, trop souvent oublié. Mais si la France retrouve la liberté et la paix en 1945, l’Espagne reste sous la férule de Franco jusqu’à sa mort en 1975. C’est pourquoi, dans les années d’après-guerre, bien d’autres Espagnols traversèrent les Pyrénées pour construire une nouvelle vie en France.

(1) « L’immigration politique espagnole en région Centre de 1936 à 1946 », Université Paris 7. (2) « La Résistance en Loir-et-Cher », par Lucien Jardel et Raymond Casas.

Lionel Oger

Un exemple de résilience personnelle

Un exemple de résilience

Suite à la réunion un peu chaotique du 10 mars dernier  sur mémoire et résilience, avec Mme Nègre, j’ai eu besoin de faire le point et notamment d’essayer de répondre à la question de l’intervenante sur quelques-unes des façons de parvenir à ce que je nommais jusqu’alors la « cicatrisation de la mémoire » (ou cicatrisation mémorielle).

Quelques mots de présentation. Je suis née en France, à la fin des années quarante et suis la fille d’un Espagnol originaire d’un petit bled de la province d’Albacete. Il est parti se battre à 17 ans, est devenu communiste au front. Puis Retirada, Camp d’Argelès, renforcement de la ligne Maginot, arrestation et envoi pour  4, 5 ans au camp de  Mauthausen. Un père que j’ai admiré et même adoré.

Pour suivre sa volonté de grand admirateur de l’URSS, je fais des études de russe, et voilà qu’un beau jour, en fac, le programme de littérature m’oblige à lire Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne et je découvre l’existence des camps de concentration en URSS. Mon père, dans un premier temps, nie leur existence, puis, poussé dans ses retranchements, finit par l’admettre et même l’approuver, disant que si le communisme avait triomphé en Espagne, il aurait été, lui, parfaitement d’accord pour envoyer ses « ennemis » (notion très élastique, car, certains jours, les anars étaient désignés par lui comme des agents de la CIA !) se rééduquer en camp. On se dispute moult fois et on finit par ne plus se voir qu’épisodiquement. Quelque chose s’est irrémédiablement, brisé en nous. Mes rêves de communisme en Espagne et sur la terre entière en sont aussi totalement ébranlés.

Voilà ce qui a été mon grand traumatisme : « mon père, ce héros au sourire si doux » est un affreux menteur, il m’a fait croire à une sorte de paradis sur terre, or ce paradis est un enfer ! Et comment cet homme qui a souffert durant tant d’années, loin d’être porté à la compassion pour autrui, peut-il souhaiter à ses ennemis ce qu’il a vécu de pire ? C’est inhumain

Vous voyez que je ne suis pas dans ce cas de figure évoqué à un moment par Mme Nègre : celui  d’une 2ème génération qui subit. Mais dans cet autre cas où, héritant des qualités de mon père comme le questionnement et la contestation, j’ai aussi retourné ses armes contre lui. Dans le même temps, et grâce à sa foi dans l’école (« el saber no ocupa lugar », nous répétait-il, le savoir ne prend pas de place), je me suis correctement intégrée à la société française, tout préservant la conscience d’une double appartenance.

Je crois pouvoir distinguer trois principaux jalons qui ont marqué ma « résilience ». Ces jalons ne sont pas que le fruit de ma volonté pour tenter de surmonter mon traumatisme. Ils ont aussi existé grâce à plusieurs hasards offerts par la vie. Mais l’essentiel pour moi a été de  trouver des mots de plus en plus riches et de plus en plus personnels pour formuler ce traumatisme.

  • La résilience grâce à des sortes de « pères de substitution »

J’en vois deux :

L’un s’appelle Fiodor Bilenko. Il est ukrainien.

Après  la mort de Staline, la correspondance avec l’Occident est moins sévèrement contrôlée, et un Ukrainien qui a été déporté à Mauthausen veut courageusement renouer avec ses meilleurs amis espagnols du camp, du moins de façon épistolaire. Il écrit en russe à un ami de mon père et moi, l’étudiante de russe, je traduis, puis je corresponds directement avec Fiodor. Bien sûr, il raconte ses souvenirs affreux du camp nazi, mais je découvre aussi grâce à cette correspondance, et fais découvrir à quelques amis espagnols la vie très dure de cet homme et la terrible réalité soviétique, particulièrement en Ukraine, pendant la collectivisation forcée des campagnes à partir de 1928 et durant une de ses conséquences, l’atroce famine de 1932-1933 (je creuserai la question et apprendrai qu’elle a fait plus de 5 millions de victimes). Quel choc après les lectures sur la vie radieuse des ouvriers et paysans d’Etudes soviétiques à laquelle ma famille est abonnée ! Fiodor décrit tout cela à mots couverts, je comprends aussi qu’il a encore peur de la censure. Plus tard, quand Soljenitsyne lancera un appel pour recueillir des souvenirs et Mémoires, je photocopierai pour lui les lettres les plus intéressantes de Fiodor. J’ai rencontré Fiodor à Kiev, une grand amitié nous a liés, et transmettre ce qu’il m’a appris m’a fait du bien.

Ce père de substitution était socialement proche de mon père par ses origines paysannes. Il était devenu mineur, puis technicien des mines (et mon père simple tailleur, puis chef d’atelier).

 

Mon autre père de substitution n’en était pas trop éloigné non plus par certains points : déporté, comme lui, mais à Buchenwald, membre du parti communiste comme lui, mais au comité central. Il était en outre doté d’un grand talent d’écriture. Je veux parler de Jorge Semprun. A un moment, il avait été vivement question de sa visite chez nous, car il devait venir discuter afin de rédiger la préface du bouquin que mon père et un groupe de ses camarades écrivaient sur le camp de Mauthausen. Ce livre est paru et s’intitule Le Triangle bleu (Gallimard, collection Témoins, 1969). L’année de parution peut sembler bien tardive, mais il faut savoir (et je l’ai appris aussi à l’occasion de mes études) que sous  Staline, et donc dans les autres partis communistes staliniens, revenir de camp paraissait suspect : comment ? on n’était-on pas mort en luttant contre les nazis ? Cette survie était-sans doute due à une collaboration ! Bien des fois, les prisonniers soviétiques des camps nazis ont enchaîné en rentrant en URSS camp nazi et  Goulag. Les communistes espagnols, eux, n’ont pas du tout été accueillis en héros, à leur retour de camp, ils ont été victimes d’un certain ostracisme. La rédaction autorisée du Triangle bleu était donc une forme de reconnaissance de leur probité et de leur fidélité à leurs idéaux. Et c’est pourquoi le livre veut montrer patte blanche et insiste beaucoup sur la constitution rapide à Mauthausen de groupes communistes tentant par tous les moyens de lutter contre les bourreaux nazis. Le livre sera  préfacé par Pierre Daix (déporté lui aussi à Mauthausen) et non par Semprun, exclu entre temps du PCE. Et l’interdit, évidemment, intrigue, pousse les jeunes à la curiosité ! La lecture de l’exclu a été très importante pour moi. Son Quel beau dimanche, qui se déroule à Buchenwald, avec ces mots justes et percutants, sa vision complexe et non mythifiée du camp et de l’organisation communiste dans le camp, est devenu en quelque sorte pour moi l’antidote du Triangle bleu. Ensuite, j’ai poursuivi mes lectures de cet écrivain, très intéressée notamment par sa connaissance interne du PCE. Et cela a motivé en partie mon propre désengagement des Jeunesses communistes espagnoles dont je faisais partie à Paris depuis l’âge de 15 ans.

Oui, la lecture de la littérature permet la résilience. On trouver en elle des héros auxquels on se raccroche, auxquels on s’identifie même. Car vivre sans plus croire en rien serait vraiment trop insupportable.

 

  • Résilience par l’action militante

Mon père était un militant, un lutteur, j’en conviens, et je suis bien consciente qu’il m’a transmis ce désir de se battre. Mais pas pour un idéal que de plus en plus, par mon échange épistolaire, par mes lectures,  je découvrais meurtrier. Est apparue pour moi (dans les années 80) la nécessité  d’un nouvel engagement.  Et nous avons choisi avec mon mari d’adhérer  à Amnesty International. Tandis que certaines personnes de notre groupe s’occupaient de prisonniers d’Amérique latine, nous nous sommes chargés du dossier  d’un Soviétique, prisonnier à cause de sa foi (cas fréquent pour les croyants  actifs en URSS). Il s’agissait d’un pentecôtiste. Mon père était d’un anticléricalisme primaire, il racontait notamment avec jubilation comment  les anarchistes mettaient le feu aux églises pendant la guerre civile ! Je reconnais que, comme pour évacuer le sentiment de culpabilité que cela avait créé en moi (dans l’incendie, il devait bien y avoir des paroissiens et des prêtres ?), ça m’a donné une forme d’apaisement de défendre un croyant, un « zek » (déporté d’un camp) dans la « patrie du socialisme triomphant ».

Autre acte de militantisme, à l’époque post-brejnévienne : la traduction régulière pour une revue (Les Cahiers du Samizdat) de ce que Soljenitsyne appelle des « voix sous les décombres ». Le Samizdat, ce sont des  publications circulant sous le manteau  en URSS : des témoignages par les personnes concernées ou proches sur la justice répressive, les internements psychiatriques, les camps de travail, les entraves au libre déplacement, à la liberté religieuse, aux mouvements nationaux, etc.

  • Résilience enfin grâce au passionnant travail de thèse de sociologie politique de mon mari

Jean-Marc Négrignat, mon mari, a effectué ses recherches sur la séduction de l’idéologie communiste et sur les processus d’adhésion, de remodelage de la personnalité, puis de désengagement vécus et analysés par certains écrivains, notamment par Arthur Koestler, Ignacio Silone et Eugen Löbel, dans leurs autobiographies. Quand il est prématurément décédé, j’ai fait une relecture approfondie et un certain remaniement de sa thèse pour qu’elle soit publiée et lisible par un plus grand nombre. Je crois me réapproprier en un certain sens ce travail, puis faire éditer Avoir été communiste (Editions des Archives contemporaines, que je peux vous prêter !) m’a fait surmonter vraiment le traumatisme profond de ma désillusion vis-à vis de mon père et du communisme.

J’ai parachevé, pour ainsi dire, cette époque en visitant très tardivement, au milieu des années 2000, le camp de Mauthausen (et j’en éprouve, là encore, de la culpabilité, car je ne l’ai pas fait avec lui). J’ai vu avec une intense émotion le lieu de son calvaire. Je me suis réconciliée, des années après sa mort, il est vrai, avec lui. Aujourd’hui, sa riche personnalité me semble déborder le cadre rigide de l’idéologie. Et je crois à nouveau le comprendre. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que notre haine était à la mesure de notre amour. Et, comme dirait le titre d’un film italien, « Nous nous sommes tant aimés ! ». Et ça, personne ne peut me l’enlever. « ¡Que me quiten lo bailado! », s’exclamait souvent Santiago Bonaque Martinez.

 

Calculez maintenant le nombre d’années que peut prendre chez un individu cette fameuse cicatrisation de la mémoire !

Mais  « el saber no ocupa lugar », et j’ajouterai : Gracias a la vida ! Je lui suis reconnaissante que, par le biais de cette terrible guerre civile espagnole, des univers se soient ouverts à moi.

 

Maria-Luisa Bonaque

 

(Tours, le 12 Mars 2017)