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France-Navigation – Une épopée rouge 1/5

Un épisode mal connu de la guerre d’Espagne et de la solidarité des communistes français en 5 articles de Gérard Streiff, journaliste, écrivain.
Alors que l’Espagne du Front Populaire est victime de la non-intervention, lâchée par Paris et Londres, les communistes mettent sur pied une compagnie maritime pour nourrir et armer les Républicains.

Le service des archives de la ville d’Ivry (piloté par Michele Rault) possède un beau fonds Georges Gosnat (1914/1982), qui fut à la Libération sous-secrétaire d’État à l’Armement puis député, succéd·ant à Maurice Thorez (ainsi que trésorier du PCF). Dans ce fonds il y a un carton intitulé « France-Navigation », deux mots qui désignent une étonnante aventure. 
« France-Navigation » fut une compagnie maritime communiste qui se chargea d’alimenter et d’armer la République espagnole. Deux livres (au moins) racontent cette histoire : À l’ombre des deux T (Thorez et Togliatti), de Giulio Ceretti (Julliard, 1973) et Les brigades de la mer de Dominique Grisoni et Gilles Herzog (Grasset, 1979) ; le lecteur pourra s’y référer avec profit.
Le carton « France-Navigation » comprend notamment plusieurs cahiers grand format qui constituent une sorte de journal de bord de l’aventure de cette société. Des dizaines de pages remplies d’une foultitude de données, toutes inscrites là dans l’urgence, dans un apparent désordre. Ce sont autant d’éléments d’un puzzle dramatique : des noms de bateaux (leur port de départ, leur date d’arrivée, le type de cargaisons), des additions, des rappels, des notes, des pense-bêtes, des conseils à suivre, des rendez-vous à ne pas manquer. Une masse de phrases rapides du genre « Gravelines, 23 avril 38, débarquement terminé, grandes caisses pas par routes, mais tunnel affaissé, réponse du ch de fer demain ». Ce genre d’annotations courent tout au long des années 1937/1938.
Petit rappel : le Front populaire l’emporte en Espagne en février 1936. Cinq mois plus tard, le putsch de Franco marque le déclenchement de la guerre civile. Une coalition internationale menée par la Grande-Bretagne choisit la « non-intervention » en Espagne, la France du gouvernement Blum se plie à ce choix malgré la pression des milieux populaires. Une posture hypocrite alors que le camp fasciste, l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler, va vite ouvertement soutenir les factieux. C’est en fait une manière d’abandonner, d’étrangler le Front populaire espagnol. Une politique lâche, suicidaire qui amorce le processus de la Seconde Guerre mondiale.
Les républicains espagnols appellent à l’aide. La solidarité internationale va se manifester de différentes formes, la plus spectaculaire étant la formation des Brigades internationales. Mais l’Espagne se retrouve victime d’un blocus ; des autorités républicaines souhaitent échapper à ce piège, notamment par la voie maritime. Ce n’est pas sans risque, les franquistes, à mesure qu’ils progressent, contrôlent ou ferment les ports. Et puis des navires de guerre allemands et italiens, des sous-marins surveillent certaines voies de passage. En même temps, l’opération n’est pas impossible non plus : on raconte alors qu’un bateau français vient de réussir à aller à Santander (en Cantabrie) au nez et à la barbe des fascistes.
L’appel de Madrid est entendu. À Paris, le communiste franco-italien -si l’on ose dire – Giulio Ceretti préside alors le Comité international pour l’aide à l’Espagne. Avec le soutien de la direction du PCF, de l’Internationale, il se voit chargé de cette mission : créer de toutes pièces une flottille de bateaux pour approvisionner l’Espagne, ce qui veut dire réunir des hommes, des équipages, des fonds, des technologies dans des délais incroyablement courts.
En deux ans, parti de zéro, la compagnie « France-Navigation » va compter 22 navires et 2 000 marins ; elle va effectuer un total de 227 voyages ! Et multiplier par trente son capital initial.
À l’origine de ce petit miracle, on trouve donc Giulio Ceretti (1903/1985), communiste italien chassé de son pays par le fascisme, militant de l’Internationale, devenu membre de la direction du PCF sous le nom de Pierre Allard (à la Libération de l’Italie, il deviendra ministre à Rome) ; Auguste Dumay (1888/1955) ex-secrétaire de la Fédération des marins de Marseille, chef mécanicien qui jouera un rôle clé dans l’armement des bateaux (voir sa longue bio dans le « Maîtron » où on dit de lui que c’était « un vieux militant de l’Internationale des marins, une tête de lard, un homme terrible mais un révolutionnaire ») ; Simon Pozner, qui apporte ses compétences d’homme d’affaires, intime du banquier rouge (et suédois) Olof Aschberg, qu’on dit lui proche des « finances soviétiques » et par ailleurs oncle de l’écrivain Vladimir Pozner (Simon Pozner trouvera la mort à Auschwitz) ; et Georges Gosnat (1914/1982), tout jeune officier qui devient secrétaire général (puis directeur) de France-Navigation ; il a 23 ans.
Gérard Streiff

République ou Monarchie : le peuple doit voter !

Affaire Juan Carlos :
l’ex-roi doit répondre de ses actes devant les Espagnols
République ou Monarchie : le peuple doit voter
Avec l’affaire Juan Carlos et ce qu’il faut appeler par son nom, à savoir une fuite, le cri
des associations mémorielles regroupant les descendants et amis des Républicains
espagnols, est plus que jamais d’actualité.
Ce cri, qui est aussi leur raison d’être, c’est « Vérité, justice et réparation ». Voilà
bien ce qui doit être appliqué aujourd’hui à l’endroit de l’ancien roi d’Espagne. Comme
nous réclamons que cela s’applique aussi au coup d’État du 18 juillet 1936 contre la 2ème
République issue d’un processus démocratique incontestable, à la Guerre d’Espagne et à
la longue et sanglante dictature de Franco.
Cette double exigence est d’autant plus légitime, pour l’Espagne et au regard de
l’Histoire, que Juan Carlos a été mis sur le trône par une décision unilatérale de Franco, à
la suite d’une interruption illégale-un coup d’Etat-du cours normal d’une démocratie. Dès
lors, de quelle légitimité Juan Carlos et la monarchie espagnole peuvent-ils se prévaloir ?
D’une décision découlant d’un acte antidémocratique, mais aussi et surtout illégal, prise
par l’auteur de cet acte illégal ?
Aujourd’hui, alors que des juges suisses et espagnols enquêtent notamment sur une
centaine de millions de dollars secrètement versés à Juan Carlos par l’Arabie saoudite,
l’ex-roi, soupçonné de corruption, quitte l’Espagne. Une décision indigne d’un ancien chef
d’État, dont on ne sait d’ailleurs quelle part y a pris son successeur et fils, l’actuel roi
Felipe VI. S’il respecte son pays, et ce qu’il doit encore considérer comme « son » peuple,
Juan Carlos doit répondre de ses actes en Espagne et devant tous les Espagnols.
Au-delà de ces aspects évidents, le judiciaire et celui de l’honneur d’un homme et d’un
pays, cette nouvelle affaire Juan Carlos, et sa fuite, venant après de multiples scandales
liés à l’ancien roi et à la monarchie, reposent la question de la légitimité de cette dernière.
Il est grand temps que les Espagnols, qui ont voté pour une République avant que le
processus ne soit illégalement stoppé par le coup d’État de juillet 1936, retournent aux
urnes pour redire, démocratiquement, s’ils veulent vivre dans une monarchie ou une
République. Eux qui ont dû livrer une terrible guerre face aux trois grands
fascismes/nazismes européens (Hitler, Mussolini et Salazar, alliés de Franco), puis subi
une dictature terrifiante pendant près de 40 ans, n’ont depuis jamais pu, à ce jour, se
prononcer sur cette question.
Caminar, coordination nationale des descendants et amis de l’Espagne
républicaine.

Quelques précisions sur « l’or de Moscou » par Jean Ortiz

L’OR DE MOSCOU

Lundi 27 Mai 2019

Jean Ortiz

Première partie.

L’expression a été usée jusqu’à la couenne pour discréditer les communistes. Inféodés à Moscou, ils n’auraient été, dans l’histoire, que des agents d’une puissance étrangère, diabolisée. Je ne sais pas si on l’a utilisée autant avant la Guerre d’Espagne, où elle a servi d’arme de division et de propagande anticommuniste lors de l’affaire dite de « l’or de  la République ».

Le 2 novembre 1936, à trois heures du matin, le convoi de l’or de la République espagnole (73% du total), qui avait pris la mer quelques jours plus tôt (le 25 octobre)[1], de Cartagena, accoste avec moult précautions, à Odessa, sur la côte soviétique de la Mer Noire. Trois bateaux : le « Neva », le « Kim » et le « Volgores ». Un quatrième, « l’Iruso », arrivera trois jours plus tard. C’est la huitième fois depuis leur évacuation de Madrid menacé, que sont déplacées ces 10.000 « cajas », les caisses au précieux chargement. Les cargaisons sont rapidement déchargées ; leur poids total de départ s’élevait à 510 079 529,3grammes.

Des caisses contenant une grande partie des réserves d’or de la Banque nationale d’Espagne, afin de les mettre à l’abri, les protéger au maximum des fascistes, mais pas seulement. Leur contenu est principalement destiné à financer la guerre contre les franquistes, et les énormes besoins immédiats de Républicains, victimes de la cruauté génocidaire des factieux, et d’une agression fasciste étrangère. Le camp fasciste reçoit, lui, des puissances de « l’Axe », une aide massive dès le premier jour, et qui devient régulière et largement supérieure à celle des « rouges ». L’aide va directement à Franco, général de confiance. Les franquistes disposent d’une supériorité militaire totale.

L’opération « transfert de l’or de la République espagnole » se déroule, sous haute protection, en présence de représentants des deux pays, de l’ambassadeur soviétique à Madrid, en contact permanent avec l’Ambassadeur de la République espagnole en URSS, le socialiste Marcelino Pascua. L’or était emballé dans des caisses de format standard, et placé dans des sacs sous scellés[2].

L’essentiel des réserves d’or du gouvernement espagnol (de Front populaire, avec deux ministres communistes), de la Banque d’Espagne accostent en secret, et entourées de mille précautions, au pays des soviets (même si un certain nombre de données avaient fuité) à bord de plusieurs navires. Un quatrième bateau arrive trois jours plus tard à Odessa. L’or sera entreposé à Moscou au Commissariat du peuple pour les Finances.

L’affaire paraît invraisemblable, mais elle permet de mesurer les motivations, les calculs, les engagements, des uns et des autres. Pour ses promoteurs, le socialiste Largo Caballero, président du Conseil, chef du gouvernement et son très impliqué ministre des Finances, le socialiste  Juan Negrin, qui portera jusqu’à sa mort l’accusation infondée « d’agent de l’Union soviétique ». Il restera longtemps « défiguré ». Désormais réhabilité par les siens, (le PSOE), Juan Negrin est considéré aujourd’hui par de nombreux historiens comme un chef d’Etat de grande envergure.

Le 21 juillet 1936, le gouvernement républicain modéré (de Giral) avait décidé de « mobiliser » les réserves d’or de la Banque d’Espagne.

Le comptage du contenu des 7 800 caisses convoyées fut long parce que minutieux et transparent . Il dura jusqu’au 24 janvier 1937. On a beaucoup brodé, menti, spéculé, fantasmé, sur cet or  de Moscou », l’or de la République espagnole, qui aurait été « volé », « séquestré », par les Soviétiques. Et d’en rajouter des louches… Depuis la fin des années 1960, des historiens sans a priori ont pourtant commencé à démolir ces mythes fondamentaux du franquisme, ces spéculations et mensonges qui ont encore la peau bien tannée. La littérature révisionniste telle que celle de Bartolomé Bennassar, Jonathan Beevor, etc. contribue à le répandre.

Celui qui m’apparaît comme l’un des historiens  les plus rigoureux, le professeur ÁNGEL VIÑAS, Professeur émérite de « la Complutense » de Madrid, n’a eu de cesse de réaliser un travail patient, acharné, critique, scrupuleusement documenté, notamment sur la question de « l’or de Moscou ». Ses recherches ont permis de commencer à démasquer, démonter, l’histoire officielle. Auteur d’une remarquable trilogie[3], il démolit le mythe passe-partout de « l’or de Moscou ». Le gouvernement de la IIe République espagnole avait, selon Largo Caballero et Juan Negrin, déposé l’or en Union soviétique en « dépôt de garantie » pour les achats en grande quantité d’armement soviétique, d’équipements etc. Madrid n’avait guère d’autre choix, et le réalisme l’emporta. Par contre on cache le plus souvent ce qui advint à « l’or de Mont-de-Marsan », laissé en dépôt en France, en 1931, par les Républicains espagnols. afin de couvrir une opération de crédit. Au nom toujours de la « non intervention », les autorités françaises refusèrent  de le rendre au gouvernement espagnol « rouge », mais s’empressèrent de l’offrir au pseudo gouvernement illégitime de Franco, à Burgos, un mois avant même la fin officielle de la guerre. (« Accords Bérard-Jordana » en février 1939).

Désormais, de nombreuses archives, notamment russes, se sont ouvertes et devenues accessibles aux chercheurs. Historiens et « grand public » disposent, au centime près, des dates, des prix, des échéanciers, des factures, des destinataires, du menu détaillé, des différentes opérations, transactions, réalisées (achat d’armement, de nourriture, d’équipements, change or en dollars, pesetas, livres, francs…) ainsi que les destinataires et destinations diverses. Aucun document, aucune archive, ne font référence à des « exigences soviétiques ». Une contre-vérité pourtant fort répandue. Pour l’historien VIÑAS le dépôt sera épuisé moins d’un an avant la fin de la guerre. Il aurait été dépensé intégralement en achats d’armement, de nourriture, etc., et les taux de change respectés. Rien n’accrédite donc la thèse d’une « escroquerie soviétique ». L’aide soviétique ne fut pas gratuite. Dans la situation de l’époque, l’Union Soviétique, engagée dans des efforts considérables d’industrialisation, de préparation à la guerre, n’avait pas les moyens d’aider gratuitement l’Espagne républicaine. Ce procès, nous semble-t-il, ne peut lui être fait. Par contre , il est vrai qu’au même moment où Madrid « tenait » et les modernes avions I-15 et I-16 (« chatos et « moscas ») contribuaient à sauver Madrid, redoublaient les grands procès de Moscou, et la sanglante répression stalinienne.

Ces premières semaines de l’été et de l’automne 1936 s’avèrent confuses mais décisives pour le gouvernement front-populiste de Largo Caballero.

[1] VIÑAS, Ángel, El escudo de la República: El oro de España, la apuesta soviética y los hechos de mayo de 1937, Ed. Crítica, Contrastes crítica, Barcelona, 2007, p. 253

[2] VIÑAS, Ángel, El escudo de la Repúblicaop. cit., Ed Crítica, Barcelona, 2007, p. 125

[3] VIÑAS, Ángel, La soledad de la República: El abandono de las democracias y el viraje hacia La Unión Soviética, Ed. Crítica, Contrastes critica, Barcelona, 2006.

El escudo de la República: El oro de España, la apuesta soviética y los hechos de mayo de 1937, Ed. Crítica, Contrastes crítica, Barcelona, 2007.

El honor de la República: Entre el acoso fascista, la hostilidad británica y la política de Stalin, Ed. Crítica Contrastes crítica, Barcelona, 2008.

Trilogie à laquelle on peut ajouter l’ouvrage suivant :

El oro de Moscú: Alfa y Omega de un mito franquista, Ed. Grijalbo, Barcelona, 1979.

L’OR DE MOSCOU

Mardi 28 Mai 2019

Jean Ortiz

Deuxième partie.

Le 21 juillet 1936, quelques heures après le coup d’Etat militaro-politique, d’une extrême violence, le plutôt mou gouvernement républicain (Giral) décide de « mobiliser » les réserves d’or de la banque d’Espagne (entité privée) afin de faire face aux besoins d’une situation convulse. A la mi-octobre, les fascistes sont aux portes de Madrid, qui menace de « tomber ». Pendant ce temps, le gouvernement français adopte et publie au J.O. une mesure interdisant le transit d’armes par son territoire. Au nom d’une « non intervention » en réalité fort interventionniste. Le gouvernement Blum n’ouvre pas ses arsenaux aux « front-populistes » espagnols, ne leur facilite pas le crédit, etc. Paris met des difficultés aux premières ventes et transactions républicaines, d’or converti en devises.

Le 14 septembre, le conseil (gouvernement) prend, en réunion « secrète », (vite fuitée) la décision d’évacuer de Madrid (vers la base navale de Cartagena) les réserves d’or de la Banque espagnole. Première étape d’un long et tourmenté périple  qui s’avèrera de plus très controversé. Dans son journal « Solidaridad Obrera » ; la CNT-FAI s’insurge contre cette « spoliation ». Les putschistes, à Burgos, sont sur les dents et veulent mettre à tout prix la main sur le « pactole ». Des remous agitent la fragile coalition gouvernementale.

L’Espagne possède d’importantes réserves d’or « mobilisables » : entre 715 et 719 millions de dollars de l’époque. Ce chiffre n’est pas secret.

La jeune République, agressée par Hitler, Mussolini, Salazar, lâchée par la France, confrontée à l’hostilité britannique, ne put compter, dès les premiers jours, sur l’aide militaire et financière qu’elle attendait de ses « alliés naturels » : l’Angleterre et surtout la France. Le « désengagement » de cette dernière renforce la solitude de Madrid. On peut se demander si, pour l’ensemble des  « démocraties » et des régimes fascistes, l’ennemi principal n’est pas en fait l’Union soviétique…. Le gouvernement républicain du socialiste Largo Caballero, que l’on appelait « le petit Lénine », isolé, en butte à mille obstacles, dut opérer un virage pragmatique vers l’Union Soviétique, surtout en termes financiers et militaires. Le dépôt de l’or apparait donc comme une « mesure de guerre » indispensable. Le 6 octobre se tient une réunion gouvernementale décisive qui parachève l’opération or. Il sera confié pour protection« à l’étranger »… Un document (voté à une forte majorité mandate Largo Caballero pour s’adresser par lettre (du 15 octobre), à Moscou, seul recours « de confiance » (qui accepte d’ouvrir ses arsenaux, ses comptoirs… La lettre demande au gouvernement soviétique (le « prie »), lui qui n’était ni informé ni demandeur, surpris, de recevoir et de protéger 780 caisses d’or de la Banque d’Espagne. « Mobilisées », converties, échangées en devises, dollars, pesetas-or ou simple pesetas, pesos divers, pour payer l’achat de tanks, d’avions, de fusils… La République disposera de 648 avions alors que les fascistes de 756, ainsi que d’équipements, de fournitures de toutes sortes, de facilités de crédit, de changes en devises…

 

On a aujourd’hui les factures à la peseta près de cette aide soviétique , massive, irrégulière, bien que très inférieure, malgré ce qu’assène la propagande franquiste, à la quantité d’armement que livrent Hitler et Mussolini  à Franco. On estime le poids de l’or fin envoyé en URSS à 460.516 851 grammes et à 1 586 222 D. sa valeur. Staline soutient les républicains mais ne souhaite pas une « République populaire » « avant la lettre » en Espagne. Il écrit à Largo Caballero que ses préférences, dans le contexte international de l’époque, vont à un régime parlementaire démocratique. Anxieux, préoccupé par la tournure prise par la guerre, il conteste même le slogan « no pasarán » parce que trop défensif selon lui.

Dans la « littérature révisionniste», y compris la plus récente ( Bennassar, Beevor, Payne…) ramènent l’affaire de l’or à des « visées expansionnistes » de l’URSS. La réécriture révisionniste demeure aveugle aux faits.

Selon l’historien Ángel Viñas, l’opération de vente de l’or républicain à Moscou ne peut être dissociée de la stratégie extérieure de la IIe République, de sa politique envers l’URSS[1].

Alors, « l’or de Moscou », non !, mais « l’or espagnol à Moscou », oui !, comme arme de guerre décidée par Madrid. Si la résistance dura près de trois ans, « l’aide de l’URSS », objet de mille spéculations et caricatures, de critiques tous azimuts, pas toutes infondées, y contribua, associée à l’héroïsme de tous les combattants antifascistes, à l’épopée des Brigades internationales et des volontaires par initiative personnelle, tous maillons du « no pasarán ». Et seule l’URSS, en tant que pays, malgré tous les malgré, répondit à l’appel internationaliste.

 

[1] VIÑAS, Ángel, Las armas y el oro. Palancas de la guerra, mitos del franquismo., Pasado & presente, Barcelona, 2013, p. 262.

 

Maldita historia de José de la Peña : Editions Amalthée

Il y a 80 ans‌ nous étions éjectés de notre propre pays par quelques militaires appuyés lourdement en armes et mercenaires par les pays totalitaires d’Hitler et Mussolini dans une agression  internationale inédite avec la complicité tacite des Etats démocratiques par leur laisser faire.
Ce livre a été écrit en se basant sur les souvenirs de ma famille et de moi-même. J’ai mis en exergue, sans être exhaustif, les faux clichés relayés par les médias.
Par exemple:
Comment imaginer qu’après la deuxième guerre mondiale des pays démocratiques aient protégé le régime fasciste de Franco?
Comment des partis politiques se revendiquant de la gauche aient sponsorisé un Roi imposé par Franco en lui ouvrant les portes du Marché Commun?
Par voie de conséquence le fait majeur de cette décision fut d’absoudre les crimes imprescriptibles contre l’humanité de type nazi commis par les franquistes. Ainsi sans contrainte les franquistes assassins et leurs descendants se sont renforcés et on eu tout loisir d’exhaler les odeurs malodorantes du fascisme. Cela crève les yeux aujourd’hui.
C’est ahurissant, lisez mon livre : EN ESPAGNE FRANCO SERAIT-IL IS BACK.

José de la Peña

Résumé : « Il revisite l’histoire familiale, ce qui forgera sa personnalité, à savoir la guerre, la Guerre d’Espagne, une guerre presque effacée de la mémoire de son pays de naissance, un pays qui a vécu sous la tutelle d’un dictateur pendant quatre décennies. Un pays où, pendant trop longtemps, seule pouvait être évoquée une mémoire réinventée par le vainqueur, laissant comme seule vérité le miroir du révisionnisme s’instituer aux côtés de la peur. » Préface de Carmen Negrín. Présidente du CIIMER Présidente d’honneur de la fondation Juan Negrin. Dans une République espagnole qu’on assassine lentement à l’ombre de la trahison, plus d’un demi-million d’Espagnols républicains deviennent apatrides, parias. À l’aube de la Seconde Guerre, c’est tout un peuple qui se voit privé de son droit fondamental de vivre et trouve refuge dans la terre de la « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais à quel prix ? Il y a exactement 80 ans, la famille de l’auteur a vécu cette tourmente, la guerre, la fuite, la peur. Une histoire banale qui ne saurait être effacée ni oubliée ; une histoire transmise de père en fils. L’Histoire de la honte qui se transforme en fierté. Notre histoire vers la liberté. À travers sa propre déchirure, cette saga familiale redonne vie aux héros oubliés de notre Histoire, à ces milliers de soldats et ces centaines de milliers d’exilés. Né à Barcelone lors du plus grand bombardement sur les civils en mars 1938, José de la Peña entre comme réfugié en France à l’âge de 11 mois avec la Retirada. Après des années à travailler sur les souvenirs de son père et son oncle au coeur de la Guerre d’Espagne, il retrace l’histoire de sa famille dans un récit poignant et cruellement réaliste.

lundi 18 mars de 17h à 19h à l’Université de Tours Conférence Juan Negrín

                     Nous avons le plaisir de vous inviter à la conférence de  Carmen NEGRIN

Titre de la conférence

L’œuvre de JUAN NEGRIN à la lueur des archives

Carmen NEGRIN, petite-fille de Juan NEGRIN, se propose de mettre en lumière à partir darchives privéesl’œuvre politique de celui qui futde 1937 à 1945, président du Conseil des ministres de lEspagne républicaine, puis chef du gouvernement républicain en exil.

Lundi 18 mars 2019 de 17 h à 19 h Salle TA 35

(site universitaire, 3 rue des Tanneurs. Tours)

Département d’Espagnol et de Portugais

et association Retirada37

Accès libre ‒ Ouvert à tous

Carmen Negrín

Née aux Etats-Unis (Trenton, NJ) en 47, de père espagnol, pilote républicain, de grand père espagnol, dernier président du gouvernement républicain en terre d’Espagne et premier président du gouvernement en exil, de grand mère paternelle russe exilée par la révolution, et de famille maternelle américaine, descendante de pèlerins arrivés dans le Mayflower.

En résumé, la somme d’un mélange d’exils, parfois contradictoires.

Comme beaucoup de descendants d’exilés, j’ai vécu aux Etats Unis, au Mexique, en France, en GB.

Etudes primaires en France, secondaires au Mexique, Université de Berkeley dans les années soixante, Université Paris-La Sorbonne et René Descartes (B.A. Littérature comparée, Licence de lettres, début de maîtrise en sciences de l’éducation).

Travail dans l’enseignement pour adultes, puis pendant 30 ans à l’UNESCO (motif de l’interruption des études universitaires), au Cabinet de trois Directeurs généraux de l’organisation, ainsi que dans les secteurs de l’éducation, des sciences sociales, de la culture et finalement au Centre du patrimoine mondial en tant que responsable du patrimoine mondial de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Ancienne membre du conseil de plusieurs associations concernées par les populations autochtones, et actuellement Présidente d’honneur de la fondation Juan Negrín, située à Las Palmas de Gran Canaria, patrie de la famille espagnole, et présidente du CIIMER (centre d’interprétation et d’investigation de la mémoire de l’Espagne républicaine), situé à Borredon et qui regroupe presque 50 associations de mémoire républicaine espagnole.

                                               Université de Tours

Lundi 18 mars 2019 de 17 h à 19 h Salle TA 35

(site universitaire, 3 rue des Tanneurs. Tours)

Conférence sur Archives Juan Negrin

Juan Negrin a été président du gouvernement de la République espagnole de 1937 à 1939 et jusqu’à 1945 dans l’exil. Il a été fortement attaqué par ses adversaires, les franquistes, mais aussi par les siens et fut exclu du PSOE en 1948 ; 60 ans après en juillet 2008 le parti socialiste le réhabilita. Ces accusations qui font partie de ce qui est appelé « la légende noire » sont sujettes à caution. L’historien Gabriel Jackson, par exemple, estime que 90% d’entre elles sont infondées. Carmen Negrin, à travers les archives, dans sa conférence, abordera des sujets comme la question de l’envoi de l’or de la République à Moscou, la résistance à l’ennemi jusqu’au bout, la position d’Indalecio Prieto chef du PSOE par rapport à Negrin, autant de sujets qui méritent que l’on porte un regard d’historien pour réhabiliter cette grande figure de la République espagnole. Une meilleure connaissance de l’Histoire de l’Espagne, sur la base d’archives et non de « fake news » comme on pourrait dire aujourd’hui, est utile pour aider les nouvelles générations à mieux comprendre leur actualité, qui voit les idéologies fascistes ressurgirent..

Déroulé de la conférence

Portrait du propriétaire des archives le Dr. Et Président du Conseil des Ministres de la IIème République de l’Espagne, Juan Negrin.

Parcours et circonstances de la sauvegarde des archives.

Importance historique des archives en tant que références et réponse à la « légende noire » sur la IIième République de l’Espagne et sur la guerre d’Espagne.

Conséquences de la transparence historique.

Réhabilitation en Espagne de l’image de Juan Negrin et de la République espagnole

Mardi 12 février à 18h30 à la Bibliothèque de Saint-Pierre-des-Corps Conférence par Enrique Lister Lopez sur « Un épisode peu connu de l’Histoire de France: l’interdiction du P.C. espagnol en France en 1950 »

Enrique Li­ster Lopez est né à  Moscou en 1941. Il a vécu en France, Hongrie, Tchécoslovaquie et URSS. Il est Docteur en Lettres et diplômé en Histoire moderne de l’Université Lomonosov de Moscou et titulaire d’un DEA de la Faculté de Sciences Humaines de Poitiers, avec une thèse de doctorat sur «L’Exil communiste espagnol en France et un URSS (1936-1950). Contribution a l’histoire d’une émigration ».». Il a été Maître de conférences à  Poitiers et Directeur du Département d’Etudes Slaves jusqu’en 2009, après avoir commencé comme lecteur de russe en 1969. Militant communiste, il a été expulsé du PCE en 1970 et a participé en 1973 à  la fondation du PCOE (Parti Communiste Ouvrier Espagnol). Il a été responsable de la Commission Idéologique du PCOE et a écrit de nombreux articles anti-eurocommunistes et deux livres « Carrillo, les deux faces d’une même pièce»1971 et « Léninisme et opportunisme »1976 et en 2008 « Prague, août 1968. Pages d’un journal personnel »

Enrique Lister Lopez est spécialiste de l’immigration républicaine en France, URSS et pays socialistes d’Europe de l’Est ».

De Virgile à Virgilio – un texte de Jean Ortiz

Virgile a désormais sa rue. Virgile a désormais sa rue, à Billère, ville collée à Pau. 

 

Son œuvre, ses « plusieurs vies en une », le méritaient. Virgile a fait malgré lui de « ses vies » un poème épique. Virgile n’est au premier abord ni poète ni écrivain… quoi que… Une vie pleine de militant peut accéder au rang de voyage, tragique et beau à la fois, de Cordoue à Pau, comme hier, pour le poète latin, de Troie jusqu’à Rome, sa Rome, sa création.

 

La plaque « porte écrit » : Virgilio (lio) Peña, républicain espagnol, antifasciste… Certes… Mais dans ces hommages ou commémorations, on oublie souvent les convictions, le potentiel critique de remise en cause, qui a porté ces hommes, de Cordoue à Buchenwald, en passant par Barcarès, Gurs. Et pourtant… ce n’est pas un gros mot, « communiste » ; comme d’autres étaient anarchistes, socialistes, poumistes…

 

A Buchenwald, me répéta souvent Virgilio, devant un verre de Montilla (son « pays »), « pour ne pas mourir, il fallait croire en Dieu ou en Staline ». A Buchenwald, le militant Virgilio Peña, sur place, nous raconta, pour un docu, son séjour, « à la Benigni ». Au cœur de l’abomination, il était « chez lui », près d’un petit ours en cage. Si mignon. Bons pères de famille, les nazis aimaient les animaux. Menuisier, Virgile travaillait à l’atelier, à quelques mètres du crématoire, et « l’odeur me nourrissait, comme lorsque tu cuisines un poulet chez toi ». Hilarante s’avéra la séquence où il mima « l’inspection des poux ». Eclats d’un rire complexe. Malaise. Mise à distance de l’horreur. Tout à la fois. Et nous, « fils de » (usurpation si l’on ne se le gagne pas), hier, à la manif, nous nous comptions…

 

Et puis, durant quelques secondes, il redevenait « sérieux ». « Ici, c’était ma maison ». Des caillasses, restes d’un “block” . En fait, sérieux, Virgilio le fut toujours… au-delà de son espièglerie naturelle. “Y no te olvides nunca, pajarraco, de que cuando uno lo pierde todo, es cuando más se necesitan los principios, cueste lo que cueste”. “Et n’oublie jamais, drôle d’oiseau, que c’est précisément lorsque tout fout le camp qu’il ne faut pas renoncer aux principes, quoi qu’il en coûte ». On le paie parfois cher… mais essayer d’être communiste a toujours un prix.

 

Sur les terres du « cortijo » (grande propriété en Andalousie), Dominique (l’homme à la caméra) et moi (l’homme au stylo), nous avions envie de maudire la terre entière lorsque Virgilio racontait son enfance esclave, de fils d’esclave. Comme son père, Virgilio passa très jeune son agrégation en servage : le lot des « jornaleros » (les ouvriers agricoles)… Alors, lorsque la République, en avril 1931, gagna les élections municipales, et le Roi « Alphonse XIII » mit les voiles, le jeune communiste Virgilio, membre d’un PCE groupusculaire à cette époque, proclama cette République du haut du balcon de la mairie de son village, ESPEJO (« miroir » en espagnol), vieux bastion « rouge ». « ESPEJO ». Miroir. Métaphore lumineuse pour traduire l’histoire de ce village rebelle et fier sur sa colline, au beau milieu d’une mer d’oliviers « patronaux », de los « dueños », (oliviers choyés par les « peones »), un village physiquement et symboliquement dominé par le château de Sa Saignerie la duchesse, pompe à sueur et à sang de ces forçats.

 

 Lorsque « éclate » la République, les riches, les « señoritos », « se cagan de miedo », « chient de trouille ». Dans les classes dominantes, et même chez de nombreux « hauts dirigeants » républicains, on a davantage peur de « la révolution » des masses rurales et du prolétariat madrilène, barcelonais, que du fascisme. Lutte des classes, quand tu nous tiens…

 

Virgile, l’autre, le poète et l’écrivain de « l’Eneide », raconte lui aussi ses « vies » et les « guerres civiles » des paysans contre leur dépossession par les gros… Lutte des classes, quand tu nous tiens… J’exagère un peu, je sais, mais « je ne suis pas un modéré » (Jaurès) Dépossession et exil, de Virgilio à Virgile, exil repris par le poète dans « les Bucoliques ».

 

ET PUIS, Virgilio … La frontière, les « camps de concentration » du Roussillon, de Daladier et de la « non intervention »… et le combat antifasciste qui continue…. Le 19 mars 1943, Virgilio « le rocher » (« peña ») tombe aux mains de la police « française », de Vichy, « française » , qui le chatouille avec toute la panoplie et le savoir faire des fachos, avant de le remettre aux Allemands pour « finir le travail ». Et puis le transit par Compiègne, et puis Buchenwald, et puis les chiens et les gardes qui aboient, et puis le supplice des heures sur la « place d’appel », debout, par des températures polaires, en « pyjama ». Et puis le triangle rouge des « terroristes ». Pour lui, le Résistant. Et puis, l’Enéide devenue un matricule, 40843. Septembre 1943. Buchenwald, les enfants gitans attachés comme des chiens à l’entrée du camp… Souvenons-nous du décret Daladier, de 1938, sur les « étrangers indésirables »… Les mêmes ? Dehors le « droit du sol » ! Et puis la Résistance dans le camp de la mort, organisé par « nationalités ». Malgré la mort partout. Peut-on imaginer ce que cela implique ? Résister dans cet enfer. Des « squelettes » libérèrent le camp le 11 avril 1945. En vers et contre tout. En vers et contre tout. En vers, comme Virgile le latin. Virgilio le cordouan n’a cessé, lui, de s’accrocher au souvenir de son village-miroir, et à « l’Armée rouge » qui avance… Lors des insurrections libertaro-communistes paysannes de 1918 en Andalousie, la « guardia civil » tabassa jusqu’au coma le père, autodidacte, ouvrier agricole, conscient. Les « fachas », les prétendus « libérateurs », brûlèrent les quelques livres du père de Virgilio, dont ceux de Virgile le latin, sur la place d’Espejo. Un autodafé… Miroir. Comme en septembre 1973 à Santiago. Et pourtant, Virgile n’a jamais plaidé pour la « reforma agraria ».

 

Commémorer, poser des plaques, travailler sur la mémoire, sur le passé, exige de se projeter vers un à venir meilleur, suppose de le garder en permanence comme « horizon d’utopie » pour aujourd’hui ; garder avec conviction et tendresse cet horizon d’un autre futur possible et nécessaire. Vite !

 

« Monté sur son âne » pour aller labourer, le « padre labrador », quasiment analphabète, lisait, lisait, lisait. « Andar y andar los caminos »… il parvint à dévorer « l’Eneide » et les « Bucoliques ». Il les aimait tellement qu’il appela l’un de ses fils Virgilio. Mort à Billère à 102 ans. Je l’aimais… Une plaque désormais rappelle son nom et sa « qualité d’antifasciste ». « Hommes, veillez », soyez vigilants, écrivit un autre poète. La poésie est « une arme chargée de futur » (Celaya).

Article de Jean Ortiz : La journaliste française Renée Lafont, assassinée par les franquistes, et la « guerre civile » à Cordoue.

Pourquoi la Guerre d’Espagne et la dictature franquiste constituent-elles, « le deuxième génocide » du 20ième siècle ? Pourquoi entre 110.000 et 150.000 corps de républicains, fusillés par les franquistes, gisent encore entassés dans des fosses communes, sans que l’Etat espagnol y remédie ? Pourquoi ce « cri du silence », cyniquement « oublié » ? Pourquoi la journaliste et romancière française Renée Lafont a-t-elle « disparu » à Cordoue, dans une fosse de 2000 corps, depuis le premier septembre 1936 ? Et sans quasiment de vraies réactions ni d’hommages en France? Le chef du gouvernement était alors Léon Blum. Journaliste et femme libre, engagée, romancière aux convictions républicaines, Renée dérangeait sans doute les partisans français de l’hypocrite « non intervention ». Renée n’est pas une anonyme. Le quotidien espagnol « ABC » du 17 mars 1914 met en avant « la spirituelle romancière française, très connue en Espagne par son travail « d’hispanophile » et par ses traductions d’éminents écrivains espagnols contemporains ». Dans quel environnement de « Guerre civile à Cordoue »[1] Renée Lafont exerçait-elle son métier de reporter pour « Le Populaire » (SFIO), avant d’être fusillée par les franquistes le premier septembre 1936 au cimetière San Rafael ?

Ces questions hantent toujours les consciences antifascistes, en Andalousie et au-delà, malgré le pilonnage du « tous coupables », du renvoi-dos-à-dos victimes-bourreaux, colporté jusqu’à plus soif par le révisionnisme massif. Les républicains espagnols n’étaient pour la plupart, on le sait bien, que des pions manipulés… Les révisionnistes, le vent « libéral » en poupe, s’en prennent à tous ceux qui ont voulu et/ou veulent « changer le monde ». Ils défendent bec et ongles leur système : le capitalisme. Quoi de plus normal ?

Le « golpe » militaro-civil des 18-19 juillet 1936 fut en Andalousie comme ailleurs, particulièrement violent ; un projet programmé, planifié, pour « limpiar » (nettoyer), débarrasser à tout jamais l’Espagne des germes de « la révolution »… qui ne menaçait guère par ailleurs.

L’Andalousie, proche du Maroc et de l’Afrique du nord (espagnols), voit, la première, déferler les terribles troupes coloniales franquistes, les « africanistes » (Légion et « Regulares »), les « colonnes de la mort »[2]. Poussées au viol, au pillage, elles se livrent aux pires horreurs, notamment de Séville à Madrid, pratiquant la « terre brûlée », sous l’emprise de la haine de classe et des discours radiophoniques « fous », « sadiques » (sur « Radio Séville »), de celui qui s’est proclamé commandant de toutes les « forces insurgées » d’Andalousie : Queipo de Llano. Ce dernier « repose » encore aujourd’hui, en toute gloriole et impunité, à l’entrée de la chapelle de la Macarena, à Séville. Insupportable provocation. Pour les factieux, il faut éradiquer avec la plus grande férocité, le plus vite possible et définitivement, le prolétariat agricole et industriel, les anarchistes, grande force populaire, les communistes, les «ugétistes », les miliciennes, les soutiens du Front populaire, les enseignants, ces « subversifs ». « Le petit peuple » ne doit jamais plus remettre en cause l’ordre dominant établi. Les femmes, surexploitées, abusées, et qui désormais fument et votent, commencent à se libérer, deviennent « visibles ». Elles ne sont pas épargnées.

La guerre à Cordoue prend d’emblée un caractère « d’holocauste », de « guerre d’extermination »[3], et de « guerre sociale ». Pour le cerveau et l’organisateur du « golpe », le général Emilio Mola, il faut tuer « tous ceux qui ne sont pas d’accord avec nous ». Des dizaines de milliers de « simples républicains » mourront à l’arrière-garde des combats… Des massacres délibérés de civils destinés à ce que règne la terreur « immédiate », la terreur d’Etat, se succèdent… Au moins 20.000 antifascistes seront exécutés après « la victoire ». Le prolétariat reste considéré comme « une race inférieure » à annihiler.

Dès la fin juillet 1936, Cordoue et les villages de « la Campiña » environnante paient un lourd tribut aux militaires sabreurs pour le compte de « la trame civile » du « golpe » : la grande bourgeoisie et l’oligarchie agraires, les « terratenientes » (grands propriétaires des oliveraies), les vieux aristos, les monarchistes, les politiciens de la Ceda (alliance d’extrême droite), l’Eglise, qui félicite les bourreaux[4]. L’oligarchie tire les ficelles en coulisses. Elle recrute des meutes de « lumpens » (ils se bousculent), de pègre, chargées du sale boulot. Les villages cordouans, la ceinture ouvrière anarchiste de Palma del río, Posadas, Hornachuelos, Almodóvar, Bujalance, Castro del río, Espejo et Santaella, zones ouvrières (communistes) résistent inégalement, et finissent majoritairement par céder face au déséquilibre des forces. Fernán Nuñez, le 25 juillet 1936, voit 80 des siens (dont deux femmes et des mineurs) martyrisés par les fascistes. Plus loin, le 28 juillet, la population ouvrière de Baena, saignée à blanc, massacrée place de la Mairie, pleure ses 1 200 morts (2 000 peut-être). Le sang coule dans les rues. Le « golpe » a surpris la plupart des dirigeants et des militants républicains, désarmés.

Le deux septembre 1936 à Cordoue, un citoyen français EDMOND PADOVANI, meurt sous les balles franquistes, accusé de « franc-maçonnerie ». On ne sait, pour l’heure, pas grand chose de plus sur lui.

La liste des victimes de la répression franquiste à Cordoue pendant les trois années de la Guerre d’Espagne (source : « Registre civil » -incomplet- de Cordoue et « livres d’enterrements » des cimetières cordouans de « San Rafael » et « Nuestra Señora de la Salud », de juillet à décembre 1936), s’élèverait à 2088. Un nombre très inférieur à la réalité. Il ne tient pas compte des victimes des bombardements, des exodes, des morts républicains sur d’autres fronts, ou des « rouges » exécutés, non « déclarés »  sur ces registres, tellement la terreur paralyse la population… On attribue -cyniquement- aux suppliciés que l’on fusille, une même adresse de domicile : « Arroyo del moro », le nom de l’un des murs d’enceinte du cimetière de la Salud contre lequel on fusillait par dizaines. Les prisonniers étaient souvent passés par les armes au cimetière de la Salud puis transportés pour inhumation à celui de San Rafael. Les bourreaux se moquaient des victimes, leur tenant des propos sarcastiques du type « tu vas aller rejoindre ta réforme agraire ». Et  ils utilisaient toute la gamme des supplices.

Selon les « données des cimetières » cordouans, le premier septembre 1936, les corps de « deux hommes et d’une femme, inconnus » apparaissent, au cimetière San Rafael et « sept hommes inconnus » au cimetière de La Salud[5]. Il est fort probable, par recoupements, et selon le témoignage d’un militaire en faction ce soir-là[6], au carrefour de la Victoria (il raconte avoir vu une femme sauter du camion des condamnés et tenter de s’enfuir) que le corps de femme « inconnu » soit celui de l’écrivaine et journaliste française Renée Lafont. Selon le journal « El Guión » du 1er septembre 1936, elle a été arrêtée « en tenue d’homme ». Cette femme ne pouvait donc être que de mauvaise réputation ; elle osa couvrir la guerre et de surcroît en tenue de soirée !! Le quotidien la présente comme une « Mata-Hari » au service des « rouges ».

Le lieutenant-colonel de la Garde civile Bruno Ibañez Galvez, un sadique, un tueur psychopathe, devient chef de l’Ordre public à Cordoue, le 22 septembre 1936. La répression redouble, avec un acharnement inouï… Arrestations, tortures, exécutions, prennent un caractère de terreur de masse « exemplaire ». Elle cible les petites gens, les ouvriers, les cheminots, les enseignants, victimes d’une « épuration » d’une rare violence, les femmes (120 fusillées à Cordoue en 1936). « Don Bruno » reçoit le soutien public de l’Eglise. En cette fin d’été 1936, chaque aurore, contre les murs des cimetières, les fascistes de la « brigade du petit matin » exécutent une cinquantaine de « rouges » ; le plus souvent coupables d’avoir voté pour la République ou sympathisé avec elle. Assoiffé de haine, don Bruno, le « boucher de Cordoue », interdit même la visite aux cimetières… afin d’éviter les bouchons !! Le bilan de l’extermination, sous toutes ses formes, des républicains de Cordoue, entre 1936 et 1939, s’élève à plus de 4 000 victimes, toujours selon les travaux d’archives de l’historien Moreno Gómez. Il estime que les registres -à trous- ne reflètent que le tiers de l’ampleur des massacres.

Envoyé sur place avec sa colonne, le général républicain Miaja, indécis, échoue à libérer Cordoue, malgré l’appui des résistances populaires. Après la guerre, Cordoue et ses environs abriteront de nombreux maquis ; longtemps, ils feront la nique aux fascistes.

Jean Ortiz

25 février 2018

Article de Jean Ortiz Mercredi, 14 Février, 2018 – Fosses communes, disparitions forcées, affaire « Renée Lafont »… : l’Espagne hors la loi. Une exception macabre, selon Amnesty International

SIGNEZ  LA PETITION

https://www.mesopinions.com/petition/politique/journaliste-francaise-fosse-commune-espagne-1936/39169

Selon les estimations actuelles, études, recherches, il reste en Espagne, dans 2052 fosses communes recensées, entre 115 000 et 150 000 suppliciés, victimes du franquisme, dont les squelettes s’entassent dans ces fosses communes, près ou dans les cimetières. Les phalangistes fusillaient le plus souvent contre les murs des cimetières.

Selon l’historien Julian Casanova, plus d’un million de personnes furent victimes de la répression (globalement de classe). De nombreuses villes possèdent des fosses communes de plusieurs milliers de corps : deux mille dans chaque cimetière de Cordoue. N’importe quelle province du sud-ouest de l’Espagne, compte plus de « disparus » que le Chili. Le franquisme ne fut pas un simple « golpe » suivi d’une dictature « comme les autres », mais l’application programmée, méthodique, systématique, d’un plan d’extermination de l’Espagne « Républicaine », incarnation du mal absolu. Des historiens de premier plan, comme Paul Preston, parlent même de « génocide ». Dans la zone cordouane, dans « la Campiña », la répression franquiste fut féroce et la violence structurelle. Tous les moyens furent utilisés pour « nettoyer », pour faire « disparaître »… L’historien Francisco Moreno Gómez y a consacré trente ans de recherches et d’écriture. On comprend donc pourquoi la journaliste française Renée Lafont gît dans une fosse commune de 2000 fusillés, oubliée de tous, alors que des bourreaux se promènent dans les rues et se pavanent aux terrasses des bistrots en toute impunité. Un « Etat de droit » est incompatible avec l’impunité. Pourquoi donc s’étonner si « la fondation Franco », financée par les deniers publics, cultive encore en toute « légalité », grâce à la loi d’amnistie de 1977 « el ideario » (la pensée) du dictateur. Elle échappe à l’illégalisation qu’elle mériterait.

Hier, le conseil municipal de Cordoue (majorité PSOE- Izquierda Unida ; et les voix de « Ganemos » (« Podemos »), en session plénière, a décidé de débaptiser 15 noms de rue qui renvoient au franquisme. Le PP et Ciudadanos s’y sont globalement opposés, dans un climat de grande tension, affichant sans vergogne, comme les autorités nationales (la « bande à Rajoy »), un mépris insupportable par rapport aux victimes et à leurs descendants, nombreux, présents dans la salle… C’est qu’il s’avère impossible d’honorer les morts sans dénoncer leurs assassins.

En soulevant « l’affaire Renée » nous mettons face à leurs responsabilités les autorités françaises et espagnoles. La législation internationale en matière de « crimes contre l’humanité » est contraignante. L’Etat espagnol ne l’applique pas. Depuis plus de 10 ans, plusieurs rapports de l’ONU (3 en 2009) ont accusé l’Espagne de prétexter de la loi d’amnistie pour ne pas enquêter sur les crimes contre l’humanité et ne pas entendre les victimes. Le droit international exclut de la possibilité d’amnistie les délits d’arrestations illégales et de disparitions forcées. Aucune structure n’a été mise en place à l’échelon national, notamment pour récupérer les corps. L’Espagne n’applique pas non plus les recommandations de la Convention européenne pour la défense des droits de l’homme, ni la loi de mémoire de 2007, ratifiée par IU-ICV, le PSOE, pourtant bien timorée et minimaliste. Une loi, considérée le 27 septembre 2008 par le Cardinal ultra-conservateur Rouco, archevêque de Madrid et président de la Conférence épiscopale, comme « non nécessaire ».

L’ouverture des fosses met en cause la « transition » que l’on nous a présentée comme « modélique », et dont toute l’architecture est aujourd’hui ébranlée, notamment par la crise catalane. L’ouverture des fosses gêne tous ceux qui voudraient « tourner la page sans l’avoir lue », tous ceux qui redoutent que demain l’Espagne redevienne républicaine, multiple, plurielle, sociale, une « Espagne de toutes les Espagne ».helon national, notamment pour récupérer les corps. L’Espagne n’applique pas non plus les recommandations de la Convention européenne pour la défense des droits de l’homme, ni la loi de mémoire de 2007, ratifiée par IU-ICV, le PSOE, pourtant bien timorée et minimaliste. Une loi, considérée le 27 septembre 2008 par le Cardinal ultra-conservateur Rouco, archevêque de Madrid et président de la Conférence épiscopale, comme « non nécessaire ».

 

L’ouverture des fosses met en cause la « transition » que l’on nous a présentée comme « modélique », et dont toute l’architecture est aujourd’hui ébranlée, notamment par la crise catalane. L’ouverture des fosses gêne tous ceux qui voudraient « tourner la page sans l’avoir lue », tous ceux qui redoutent que demain l’Espagne redevienne républicaine, multiple, plurielle, sociale, une « Espagne de toutes les Espagne ».