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Ay, Carmela !, le cri des républicains espagnols

Chant de résistance repris d’un air composé pendant la guerre d’indépendance espagnole, le titre prend son essor en 1938, lors de la grande offensive de l’Èbre. Il a été chanté par Francesca Solleville, Leny Escudero, Zebda…

Mercredi 20 Juillet 2022

Aurélien Soucheyre

journal Humanité

Les franquistes, pendant la guerre d’Espagne, chantaient Cara al sol, qui peut se traduire par « Visage au soleil ». Grand bien leur fasse. Mais ils avaient aussi pour cri de ralliement « Viva la muerte ! », soit « Vive la mort ! ». Donner sa vie pour une cause que l’on pense juste n’est pas le souci. Après tout, les révolutionnaires français de 1789 disaient bien « La liberté ou la mort », preuve qu’il n’y avait pour eux que deux chemins possibles, soit l’impérieux aboutissement de leur combat, soit le néant. Mais « Vive la mort »… Voilà qui n’a rien à voir. Jamais des assassins n’ont trouvé meilleur slogan. Il y a là une célébration de la mort pour elle-même, non pas au nom d’une cause, mais en tant que cause. Soit une passion de la destruction aveugle. Celle des autres, qui plus est, à savoir des adversaires des franquistes : les républicains. Eux clamèrent pour leur part «  Ay, Carmela !  », chant de résistance absolu, également connu sous le nom d’ El paso del Ebro, d’ El Ejercito del Ebro, ou encore de Viva la Quinta Brigada, dans la version adaptée par les volontaires des Brigades internationales.

«Une bonne raclée aux envahisseurs »

À chaque fois, la mélodie est la même, reprise d’une chanson populaire composée en 1808 pendant la guerre d’indépendance espagnole face aux troupes napoléoniennes. Elle fut très largement diffusée au moment de la bataille de l’Èbre, la plus grande offensive républicaine jamais lancée, le 25 juillet 1938. L’objectif : briser l’étau franquiste qui a séparé en deux le territoire républicain. Mais aussi montrer au monde que la guerre n’est nullement perdue, dans l’attente d’une jonction avec d’autres armées internationales, le chef du gouvernement, Juan Negrin, restant persuadé qu’une « guerre mondiale » contre le fascisme est sur le point d’éclater. En deux jours, les « rouges » reprennent 600 kilomètres carrés. Personne, alors, ne pensait la République espagnole capable d’une telle contre-attaque. Près de 100 000 combattants s’opposent des deux côtés pendant cent treize jours particulièrement meurtriers.

Que raconte la chanson ? « L’armée de l’Èbre une nuit passa le fleuve/Ay Carmela !/Et aux troupes d’envahisseurs, elle donna une bonne raclée/La fureur des traîtres abat ses avions sur nous/Mais les bombes ne peuvent rien, là où il y a plus de cœur qu’il n’en faut/À ces contre-­attaques enragées, nous devrons résister/Comme nous avons combattu, nous promettons de résister. » Tout au long de la chanson revient le « Ay, Carmela ! », qui prend à témoin une femme, voire l’allégorie de l’Espagne, et lui assure une détermination sans faille, malgré un « Ay ! » qui peut renvoyer à une douleur et une peine. La version en hommage aux Brigades internationales s’adresse, elle, à « Manuela » : « Nous luttons contre les Maures (les troupes marocaines de Franco – NDLR), les mercenaires et les fascistes/Notre seul désir est d’en finir avec le fascisme/Sur le front de Jarama, nous n’avons ni avions, ni tanks, ni canons/Et nous sortons d’Espagne, pour nous battre sur d’autres fronts, Ay Manuela ! »

Prélude à la seconde guerre mondiale

Mais les républicains, malgré leur héroïsme, vont perdre la bataille de l’Èbre et la guerre d’Espagne. La chanson devient un symbole de la lutte acharnée contre le franquisme et s’impose dans les familles d’exilés républicains. Elle sera chantée en France, notamment par Francesca Solleville en 1972, mais aussi par Leny Escudero en 1997. Puis par les membres du groupe Zebda et du collectif Motivés !, tout en étant reprise par plusieurs groupes anglo-saxons. Elle évoque aujourd’hui le destin des soldats républicains, pour beaucoup anarchistes, communistes et socialistes, en plus des volontaires du monde entier partis combattre pour un idéal, celui de la République espagnole, et contre un coup d’État franquiste très vite soutenu par les fascistes de Mussolini et les nazis d’Hitler. À coup sûr, l’avenir du monde, entre 1936 et 1939, se jouait en Espagne, dont la guerre civile fut un véritable prélude au conflit international qui suivit. « Ay, Carmela ! », trop nombreux sont ceux qui n’ont pas voulu le voir. Quant aux républicains espagnols, vaincus chez eux, ils ne furent pas les derniers à poursuivre la lutte, participant à la libération de Paris en 1944, avec la Nueve, et à la prise du nid d’aigle d’Hitler, en 1945. Preuve que ceux qui chantèrent Ay, Carmela ! sur les rives de l’Èbre avaient suffisamment de cœur pour tout un continent, à défaut que celui-ci en ait pour eux.

Ligue des champions. Le président oublié du Real Madrid

Militant communiste et républicain, Antonio Ortega a dirigé le club en 1937 et 1938. Un nom que le Real, longtemps lié au franquisme, a fait disparaître de son histoire officielle.
Publié le
Mardi 6 Mars 2018
Nicolas Guillermin
L’Humanité
Club le plus titré au monde et parmi les plus riches, le Real Madrid CF incarne à lui seul la version capitaliste globalisée du football. Toujours prompte à signer de juteux partenariats avec de nouveaux sponsors ou à recruter des joueurs « galactiques » pour des montants mirobolants, la Maison blanche, un de ses nombreux surnoms, est bien plus discrète lorsqu’il s’agit d’évoquer son histoire en dehors des terrains de football.
On connaissait le passé franquiste du club merengue (meringue), incarné par Santiago Bernabeu, ancien footballeur, combattant franquiste puis président qui sut utiliser sa proximité avec le régime dictatorial de Franco pour favoriser le Real durant son règne de 1943 à 1978. On savait moins que le Real Madrid avait eu à sa tête un président communiste en 1937 et 1938 issu du Front populaire, en la personne d’Antonio Ortega Gutierrez, condamné à mort après un procès sommaire dans une prison d’Alicante et exécuté le 15 juillet 1939 à l’âge de 51 ans.
Si l’information était connue en Espagne, elle s’est peu diffusée par-delà les Pyrénées durant toutes ces années. Il a fallu que Sapiens, un magazine catalan d’histoire, fasse sa une sur le dixième président du Real Madrid « assassiné par Franco » pour que l’information resurgisse via les réseaux sociaux. Dans leur enquête, l’historien Ramon Usall et le producteur de télé Frédéric Porta s’intéressent tout particulièrement à sa disparition de l’histoire officielle du club. D’Antonio Ortega, colonel communiste devenu président martyr, pas la moindre trace ne subsiste sur le site Internet du club. Juste un grand vide entre Rafael Sanchez Guerra, qui quitta la présidence au début de la guerre d’Espagne, et Adolfo Melendez, premier président après le conflit.
​ Le Real Madrid Club de Futbol, renommé Madrid Football Club
Originaire de la petite ville de Rabé de las Calzadas, dans la province de Burgos, rien ne prédestinait Ortega, né en 1888, à accéder aux plus hautes fonctions de ce club « royal ». Issu d’une famille modeste, Ortega commence sa carrière militaire en 1906 et grimpe les échelons. Lorsque la guerre d’Espagne éclate, il est lieutenant de carabiniers à Irun, au Pays basque. Peu de temps après, il devient gouverneur civil de Guipuzcoa et conduit les troupes républicaines dans le Nord. En mai 1937, le nouveau gouvernement républicain de Juan Negrin appelle ce militant communiste à Madrid, où il est nommé directeur général de la sécurité.
À cette époque, le Real Madrid Club de Futbol, renommé Madrid Football Club depuis 1931, date de la dissolution de la monarchie et de l’avènement de la Seconde République, a entamé sa mue. La couronne, symbolisant le titre royal accordé par Alphonse XIII en 1920, a disparu du blason et a été remplacée par une « bande de lilas » dont la couleur violette est une référence au drapeau républicain. En août 1936, quelques semaines après l’insurrection militaire, le club est saisi par le Front populaire, et la Fédération du sport ouvrier, représentée par Juan José Vallejo, prend la tête du conseil d’administration. C’est en sa qualité de directeur général de la sécurité qu’Ortega est désigné, peu après, comme président de transition afin de superviser le processus électoral qui doit mener Vallejo à la présidence.
Rapidement Ortega se prend au jeu. Dans une interview accordée au supplément de ABC, Blanc et Noir, le 15 novembre 1938, il dévoile sa vision du futur pour ce sport, loin du mercantilisme et centrée sur la formation : « Le football ne ressemblera en rien à celui qui était pratiqué avant le 18 juillet. Je veux parler de son organisation, bien sûr. Les joueurs ne seront plus échangés comme des jetons, ni les as, ni les jeunes. » Pour le club, Ortega voit grand avec la construction d’un nouveau stade : « Madrid doit obtenir le meilleur terrain de sport en Espagne, le stade le plus important. » Une idée qui sera ensuite reprise à son compte par Bernabeu avec l’inauguration d’une nouvelle enceinte en 1947 qui prendra le nom d’Estadio Santiago Bernabeu en 1955. C’est également durant cette période que le conseil d’administration entérina le principe d’« un socio, une voix » lors des élections à la présidence du club. Mécanisme toujours en vigueur.
Alors comment expliquer l’absence de Vallejo et d’Ortega dans les annales du club ? La direction du club s’est toujours retranchée derrière les mêmes arguments selon lesquels « pendant la guerre civile, le football était paralysé » (le club n’a disputé aucune compétition entre 1936 et 1939) et que ces deux présidents n’ont pas été élus. Durant l’ère Bernabeu, la direction « madridiste » ira même jusqu’à dire que le violet est la couleur de la Castille et, au fil des années, le ton changera jusqu’à devenir bleu aujourd’hui.
Avec le temps, ce déni n’a guère évolué. Comme Sapiens le rappelle, en 2002 déjà, l’historien du football espagnol Bernardo Salazar déplorait dans le quotidien sportif AS que « dans le livre officiel du centenaire pas un mot n’est écrit sur la saisie du club par la Fédération du sport ouvrier ou la nomination d’Antonio Ortega comme président du Madrid FC ». Durant leur enquête, les deux auteurs n’ont jamais pu consulter les archives du club, trouvant porte close malgré leurs demandes répétées. Le Centre du patrimoine historique du Real Madrid « ne peut être visité, n’est pas ouvert au public », leur a-t-on expliqué. Finalement, c’est le journaliste et écrivain de livres historiques Julian Garcia Candau qui dans Sapiens résume le mieux la vraie raison pour laquelle le Real Madrid a toujours refusé de reconnaître Ortega : « Parce qu’il est communiste, tout simplement. »
C’est avec le salut républicain que le Real Madrid se présente avant les matchs dans les années de la Seconde République avant la guerre civile. Avec l’État républicain et l’acquisition par le Front populaire, le club a été contraint de se débarrasser de son passé monarchique et a été rebaptisé Madrid CF. Bien que sous le régime franquiste, le Real Madrid en soit venu à être considéré comme l’équipe du Régime, il faut dire par curiosité que de cette époque républicaine, le Real Madrid conserve la bande violette de son bouclier.

Sur l’émigration économique espagnole dans les années 60

Documentaire Notes sur l’émigration – Espagne 1960
réalisé par l’Espagnol Jacinto Esteva Grewe et l’Italien Paolo Brunatto

Traduction par Luis d’un extrait de l’article du journal Nuevatribuna.es
https://www.nuevatribuna.es/articulo/cultura—ocio/memoria-documental-emigracion-espanola-prohibido-franquismo/20220507194125198332.html

Un documentaire sur l’émigration espagnole interdit par le franquisme

Santiago Alba signale qu’un pays sans mémoire est un pays soumis au gré du vent, et dans lequel tout peut arriver. Et notre Espagne, ou plus précisément nous les Espagnols oublions beaucoup.

Je vais essayer de rafraîchir notre mémoire, avec un évènement ponctuel d’il y a 60 ans. Il s’agit des vicissitudes dont a souffert un documentaire intitulé « Notes sur l’immigration. Espagne 1960 » (en français dans le texte), réalisé par Jacinto Esteva Grewe et l’Italien Paolo Brunatto, deux étudiants de l’Ecole d’Architecture de l’Université de Genève en Suisse. Ils étaient curieux de rechercher les causes de l’émigration espagnole vers l’étranger, avec l’objectif de faciliter leur insertion dans la société helvétique. Esteva demanda à son ami Juan Goytisolo dans quels endroits il pourrait tourner en Espagne pour connaître la situation socio-économique. Celui-ci lui prêta un exemplaire de « Campos de Nijar » et son son roman « La Resaca » se déroulant dans les bidonvilles et les quartiers miséreux de Barcelone. Et prenant beaucoup de risques avec une caméra 16 mm ils tournèrent un documentaire d’une vingtaine de minutes dans les quartiers d’Almeria, La Chanca, la Torrassa ; et dans les bidonvilles du quartier de Barcelone, que nous pouvons voir sur Youtube, Notes sur l’émigration – Espagne 1960 – La col-leccio del 2CR.
C’est un documentaire d’une technique rudimentaire, très expressif, dans lequel est dénoncée la situation socio-économique dans les villes espagnoles, où affluait une avalanche incontrôlable d’émigrés d’autres régions espagnoles. Il commence par une interview de quelques émigrants espagnols dans la gare de Genève, qui expliquent leurs difficultés d’adaptation en Suisse à cause de la langue et de l’hébergement. ; et à la question « pourquoi vous quittez l’Espagne ? La réponse est tranchante : la faim. Ensuite on voit la pauvreté et la misère de l’Espagne d’alors : des rues non goudronnées pleine de boue, sans électricité et sans eau courante, sans services sanitaires et services éducatifs ; des enfants faméliques se promenant nus, le ventre gonflé. Apparaît une corrida avec d’abondantes effusions de sang sur un taureau avant de mourir et une des tribunes pleine de gardes civils. La scène finale est très touchante et émouvante ; le départ du père sur le quai de la gare en présence de sa femme et plusieurs enfants en bas âge. Ces scènes de la vie courante semblent pour les Espagnols relever de la préhistoire ou du Tiers Monde.
L’objectif de ce documentaire courageux, engagé et imprégné de solidarité sociale envers ceux qui souffrent le plus, est de faire connaître et de dénoncer les très grandes difficultés d’adaptation des émigrants espagnols et de mettre en relief les carences dans les années 60 dans l’Espagne franquiste, qui sans ces devises n’auraient pu connaître le développement économique des années 1960/70…..
​ Un documental sobre la emigración española prohibido por el franquismo

CÁNDIDO MARQUESÁN MILLÁN
8 DE MAYO DE 2022, 9:18
Santiago Alba Rico señala que un país sin memoria es un país a merced del viento, en el que puede ocurrir cualquier cosa. Y esta España nuestra, o mejor, los españoles somos muy olvidadizos

Voy a tratar de refrescar nuestra memoria, con un hecho puntual ocurrido, hace unos 60 años. Se trata de las vicisitudes sufridas por un documental titulado “Notes sur l’émigration. Espagne 1960”, realizado por el español Jacinto Esteva Grewe y el italiano Paolo Brunatto, dos estudiantes de la Escuela de Arquitectura de la Universidad de Ginebra en Suiza. Estaban interesados en descubrir las causas de la emigración española hacia el extranjero, con el objetivo de facilitar su inserción en la sociedad helvética.
Esteva le preguntó a su amigo Juan Goytisolo en qué lugares podían rodar en España para conocer la situación socio-económica. Este le prestó un ejemplar de Campos de Níjar y su novela La resaca ambientada en las chabolas y barrios míseros de Barcelona. Y asumiendo muchos riesgos, Esteva y Brunatto con una cámara de 16 milímetros rodaron un documental de unos 19 minutos de duración en los barrios de Almería, La Chanca, La Torrassa; y en la aglomeración de chabolas del barrio de la Barceloneta, que hoy podemos visionar en YouTube, Notes sur l’émigration – Espagne 1960 – La col·lecció del 2CR.

 Es un documental técnicamente rudimentario, muy expresivo, y que denuncia la situación socioeconómica en las ciudades españolas, a donde acudían una avalancha descontrolada de emigrantes de otras regiones españolas. Se inicia con una entrevista a unos emigrantes españoles en la estación ferroviaria de Ginebra, los cuales muestran sus dificultades de adaptación en Suiza por el idioma y para el alojamiento; y a la pregunta. ¿por qué salen de España? La respuesta es contundente, el hambre. Luego se refleja la pobreza y la miseria de la España de entonces: calles sin asfaltar llenas de fango, casas sin luz ni agua corriente, sin servicios sanitarios y educativos; niños desnudos y famélicos con el vientre hinchado. Aparece una corrida de toros con un abundante derramamiento de sangre del toro antes de morir, y con uno de los palcos lleno de miembros de la Benemérita. La escena final es muy emotiva y conmovedora: la despedida al padre en el andén por parte de la esposa con varios hijos pequeños. Estas escenas a muchos españoles les parecen prehistóricas o del Tercer Mundo.
El objetivo de este documental valiente, comprometido e impregnado de solidaridad social con los que lo están pasado peor, es el dar a conocer y denunciar las extraordinarias dificultades de adaptación de los emigrantes españoles y reflejar la penuria de los años 60 en la España franquista, sin cuyas divisas no se hubiera llevado a cabo el desarrollo de la economía en los años 60 y 70.

Adios a Federico par la compagnie DIOTIMA de Jose Manuel Cano Lopez

La première de Adios a Federico a été présentée, devant une salle comble, au théâtre du Plessis à La Riche en Indre-et-Loire ce 28 avril 2022. Le grand-père de Jose Manuel fut compagnon de classe du jeune Federico à Fuente Vaqueros, petit village de la province de Grenade. Cette proximité sensible traverse chacun des propos de notre Andalou tourangeau, racontant les derniers moments de la vie de Federico à travers les textes du poète et dramaturge mais aussi dans les écrits de José, par les témoignages recueillis, retraçant avec minutie et fidélité ce qui tisse la trame de cette histoire, après deux années de recherches. Dans une sobre mise en scène, dans des décors minimalistes, à travers des éclairages écrasants et des musiques lancinantes, les comédiens nous font partager cette noirceur et cette atmosphère des ultimes instants du poète. Seule la jeune danseuse flamenca, qui ponctue le texte, avec le « taconeo » et « las palmas » donne une note d’espoir, de fraîcheur et de vie à cette tonalité angoissante du noir ambiant. Noirs sont les costumes stricts, noirs sont les éclairages sous des halos blanchâtres, noire est la musique anxiogène, noire est la dramatique qui nous transporte dans cet ultime voyage jusqu’au 19 juillet 1936. Cette création théâtrale préparée de longue date et diffusée quelques jours après un deuxième tour des présidentielles ne peut que nous alerter sur la dangerosité de toutes ces tenants de l’extrême droite, qui assassinent la culture, qui suppriment les poètes que ce soit Federico en les fusillant, Miguel Hernandez en l’emprisonnant à vie, ou Antonio Machado qui ne résista pas à l’exil en s’éteignant à Collioure quelques jours après avoir traversé la frontière. En tenue de camouflage, chacun de ces prédateurs, pour mieux faire passer la pilule, prend soin de soigner son image avec une feinte empathie, en caressant des chiens comme Hitler, dans des postures affectueuses avec ses petits enfants comme Franco ou en s’exposant avec des chats comme une autre personnalité plus locale, mais toujours avec cette obsession de proscrire la création culturelle au nom d’un nationalisme étroit.
Adios a Federico comme La résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht nous rappellent que le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde.
Retirada37 l’association tourangelle qui milite pour faire vivre les mémoires et les valeurs des Républicains Espagnols exilés est fière d’être partenaire de cette création théâtrale et remercie José et sa troupe pour cette émouvante prestation. A voir et à revoir !
Informations et réservations
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Le curé-bourreau d’Ocaña

Le curé-bourreau d’Ocaña

Le père Rodriguez était l’aumônier du centre pénitentiaire d’Ocaña, province de Tolède. Un village dans lequel on compta entre 1939 et 1959, 1300 victimes de la répression franquiste.

Texte de nuevarevolucion.es du 19 novembre 2020 de Maria Torres, Mémoire antifasciste.
Traduit par Luis

« Quand j’ai été dans le centre pénitentiaire d’ Ocaña on nous sortait dans la cour tous les jours pour assister à la messe. Tu sais ce que nous disait le père Rodriguez ? Un curé qui fut ensuite nommé à Tolède, un curé qui portait un gros pistolet et qui se devinait sous sa soutane. Il nous disait : vous les rouges vous savez ce à quoi vous avez droit ? Depuis la terre jusqu’au ciel vous n’avez droit à rien ! De la terre que vous foulez jusqu’en bas vous avez droit à quelques centimètres, de quoi vous enterrer. Ensuite, quand il fallait fusiller un peloton, ce curé te confessait la nuit précédente, le matin il assistait à l’exécution et se chargeait du coup de grâce…comment trouves-tu l’énergumène ? Tu parles d’un curé ! » (témoignage de Victorino F dans « Les conditions de vie dans la région de la Mancha Tolédane pendant la guerre civile et l’après-guerre » ouvrage de Isidro Cruz Villegas et Maria Dolores Cruz Villegas)
Le père Rodriguez était l’aumônier du centre pénitentiaire d’Ocaña (Tolède) un village où l’on compta entre 1939 et 1959 1300 victimes de la répression franquiste. A ce messager de Dieu sur la Terre le surnom de « bourreau d’Ocaña » lui fut donné ainsi que celui de « curé assassin ». Entre le réconfort spirituel et les confessions , il participait aux tortures des prisonniers et se chargeait du coup de grâce aux fusillés.
« Nous savions tous qu’il était le curé. Il participait aux tortures et après il prenait plaisir à prendre son pistolet et à donner le dernier coup de feu. Mais on savait peu de choses sur lui. Il ne se laissait pas voir dans le village et un beau jour il disparut de la prison. Je ne me souviens même plus de son nom. » (Teofilo Fernandez)
A part la mémoire orale de ceux qui survécurent pour le raconter, l’unique témoignage est dans ce poème écrit par Miguel Hernandez et ses compagnons prisonniers qui apprenaient à lire et à écrire avec lui dans les cours clandestins qu’il donnait dans la prison.

Le curé-bourreau d’Ocaña
Très tôt, et encore de nuit,
avant le son du clairon,
Tel un funeste présage
la noire soutane traversa la cour.
Plus noire, bien plus que la nuit
Moins noire que son âme
Le curé-bourreau d’Ocaña!

Il arriva dans le couloir des cellules,
quand on perçut ses pas
et des serrures s’échappèrent
des cris aigus de frayeur
Courage, mes fils !
Telle est la volonté de Dieu !
Lâche et cynique à la fois
à l’abri derrière les gardes civils
Plus noire, bien plus que la nuit
Moins noire que son âme
Le curé-bourreau d’Ocaña!

Les gardes civils nerveux
leur ligotèrent les mains dans le dos
pour éviter ces regards
acérés et incendiaires.

Sur le chemin de Yepes ils avancent,
Géants d’un peuple héroïque
Sur le chemin de Yepes ils avancent.
Faisant don de leur vie à l’Espagne
une chanson au bout de leurs lèvres
qui embrassent la Patrie.

Le curé marche derrière
souillant le matin de sa présence
Dix sept coups de feu
Déchirèrent l’aurore
et autant de coups de poignards dans nos poitrines
Les oiseaux des alentours
qui lissaient leur plumage,
se terrèrent dans les nids
puis cessèrent leurs aubades
La Lune spectatrice se cachait
Pour détourner son regard
du livre, de la croix
du pistolet déjà déchargé.
Plus noire, bien plus que la nuit
Moins noire que son âme
Le curé-bourreau d’Ocaña!
Poème traduit par Pierre et Luis

El cura verdugo de Ocaña

EL PADRE RODRÍGUEZ ERA EL CAPELLÁN DEL PENAL DE OCAÑA EN TOLEDO. UN PUEBLO EN EL QUE SE REGISTRARON ENTRE 1939 Y 1959, MIL TRESCIENTAS VÍCTIMAS DE LA REPRESIÓN FRANQUISTA.
Nuenarevolucion.es   19/11/2020 Opinión Artículos, María Torres, Memoria Antifascista,   Por María Torres

“Cuando estuve en el penal de Ocaña nos sacaban al patio todos los días para oír misa. ¿Sabes lo que nos decía el padre Rodríguez? Un cura que luego estuvo en Toledo, un cura que llevaba un pistolón debajo de la sotana y que se le notaba el bulto. Nos decía: vosotros rojos, ¿sabéis a lo que tenéis derecho? ¡De la tierra que pisáis hacia el cielo no tenéis derecho a nada! ¡De la tierra que pisáis hacia abajo tenéis derecho a unos centímetros donde enterraros!.

Luego este cura Rodríguez cuando tocaba fusilar a una saca, la noche antes te confesaba y por la mañana iba al fusilamiento y se encargaba de dar el tiro de gracia… ¿Qué te parece el pájaro? ¡Eso el cura!”. (Victorino F. en “Las condiciones de vida en la comarca de La Mancha toledana durante la Guerra Civil y Postguerra” de Isidro Cruz Villegas y Mª Dolores Cruz Villegas)
El padre Rodríguez era el capellán del Penal de Ocaña en Toledo. Un pueblo en el que se registraron entre 1939 y 1959, mil trescientas víctimas de la represión franquista.  A este mensajero de Dios en la Tierra le pusieron el apelativo de «el verdugo de Ocaña» y el «cura asesino». Entre consuelo espiritual y

confesiones,  participaba en las palizas a los presos y se encargaba de dar el tiro de gracia a los fusilados. Cuentan que a veces, los remataba a martillazos.

“Todos sabíamos que era el cura. Participaba en las palizas y después gustaba de coger su pistola y dar el último disparo. Pero poco sabíamos de él. No se dejaba ver por el pueblo y un buen día desapareció de la prisión. Ni siquiera recuerdo su nombre”. (Teófilo Fernández)
Aparte de la memoria oral de los que vivieron para contarlo, el único testimonio de los crímenes de este siniestro personaje, es el que recoge un poema escrito por Miguel Hernández y los presos a los que éste enseñaba a leer y a escribir e impartía clandestinamente clases de poesía en el penal de Ocaña.  

El cura verdugo de Ocaña
Muy de mañana, aún de noche,
Antes de tocar diana,
Como presagio funesto
Cruzó el patio la sotana.
¡Más negro, más, que la noche
Menos negro que su alma
El cura verdugo de Ocaña!
 
Llegó al pabellón de celdas,
Allí oímos sus pisadas
Y los cerrojos lanzaron
Agudos gritos de alarma.
¡Valor, hijos míos,
que así Dios lo manda!
Cobarde y cínico al tiempo
Tras los civiles se guarda,
¡Más negro, más, que la noche
Menos negro que su alma
El cura verdugo de Ocaña!
 
Los civiles temblorosos
Les ataron por la espalda
Para no ver aquellos ojos
Que mordían, que abrasaban.
 
Camino de Yepes van,
Gigantes de un pueblo heroico,
Camino de Yepes van.
Su vida ofrendan a España,
Una canción en los labios
Con la que besan la Patria.
 
El cura marcha detrás,
Ensuciando la mañana.
¡Más negro, más, que la noche
Menos negro que su alma
El cura verdugo de Ocaña!
 
Diecisiete disparos
Taladraron la mañana
Y fueron en nuestros pechos
Otras tantas puñaladas.
 
Los pájaros lugareños
Que sus plumas alisaban,
Se escondieron en los nidos
Suspendiendo su alborada.
 
La Luna lo veía y se tapaba
Por no fijar su mirada
En el libro, en la cruz
Y en la star ya descargada.
 
¡Más negro que la noche.
Menos negro que su alma
El cura verdugo de Ocaña!

Miguel Hernandez dans la mémoire.

Miguel Hernández en la memoria

Miguel Hernandez dans la mémoire.

Mar Campelo Moreno

Publico du 26 mars 2022

A Elvira Hernandez Gilabert, ma grand-mère.

Ma chère grand-mère :

Il y a plus de 25 ans que tu es partie et aujourd’hui c’est le 80ème anniversaire de ta dernière visite à ton frère Miguel en vie, mais je n’ai pas oublié les anecdotes que tu m’as racontées à maintes reprises depuis que j’étais toute petite fille jusqu’à cette maudite maladie qui a emporté tes souvenirs ; même quand tu avais perdu les capacités de t’exprimer, tu ouvrais les yeux et quelque chose remuait en toi en voyant une photo de ton frère.
De la même façon tu riais quand tu me racontais les remontrances que tu lui lançais chaque fois que son esprit s’égarait dans ses promenades dans la montagne d’Orihuela pour aller lire ou écrire et que tu devais te justifier avec une quelconque excuse ou quand tu clouas les volets pour qu’il ne les ouvrit pas aux heures de fortes chaleur.
Il riait aussi quand tu lisais ses poèmes et que tu lui demandais qu’il t’expliquât ce qui se cachait derrière chaque figure de rhétorique, sans te lasser jusqu’à ce que tu ais tout compris. Et quand tu le reprenais pour ses expressions d’une tonalité osée. Quand tu parlais de votre enfance et de votre jeunesse, toujours tu souriais, tes yeux s’illuminaient en revivant ces instants, et tu dessinais l’image d’un garçon joyeux, spontané, affectueux et plein de vie, avec une énorme empathie pour la souffrance d’autrui.
Vous avez été compagnons de jeux, toujours complices et amis. Il te parlait de ses lectures, de sa passion créatrice – tu fus la première lectrice de beaucoup de ses poèmes- de son fervent désir d’aller à Madrid, mais aussi de ses expériences, de ses amis, des femmes qu’il avait aimées…Avec cette précision du détail qui te forçait à te retenir en riant du bout des lèvres « Miguel ne me raconte pas de telles choses »

Avec ce sourire en coin, tu me racontais que ta mère et toi vous trayiez les chèvres par deux fois pour récupérer quelques sous que vous envoyiez à Miguel pour qu’il survive à Madrid.

Tu t’es mariée et tu es partie à Madrid avec ton mari et ta fille (ma mère) ; l’oncle Miguel retourna à Madrid à cette même époque et bien que vous habitiez dans une pension de famille, il venait presque tous les jours pour manger et faire laver son linge.

Quand tu lus l’élégie qu’il écrivit pour son ami Manolo, mort noyé, tu lui demandas de ne pas l’éditer parce qu’elle aurait causé plus de douleur encore et il te l’offrit pour que tu en fasses ce que tu voulais. Tu l’as gardée dans ton classeur des trésors, celui qui contenait toutes les coupures de presse où on parlait de lui ; ce classeur se remplit tout le reste de ta vie avec chacune de ses lettres, de ses photos, chacune de ses publications, tout ce qui concernait ton frère, pour la plus simple raison.

Pourquoi retourna-t-il à Orihuela à la fin de la guerre ? Pourquoi n’écouta-t-il pas votre père quand il lui dit « va-t-en Miguel, c’est maintenant que vont venir les exterminations » ? Parce qu’il voulait embrasser sa famille et qu’il se savait innocent. Et ils l’ont emprisonné dans le Séminaire, dans cette montagne où il aimait se perdre pour écrire, pour lire, pour s’imprégner de la nature.

Ses lettres de prison tentaient de transmettre l’espoir, et il se permettait même quelques plaisanteries ; il vous cacha qu’il avait été condamné à mort jusqu’à ce qu’ils commuèrent la peine à la prison à perpétuité. Ces lettres qui passaient par la censure ou cachées sur le rebord du pot à lait, écrites sur du papier hygiénique. Et toi tu écrivais ou rencontrais tous ceux qui pouvaient intercéder pour qu’il puisse être libéré.

Tu habitais déjà à Alicante quand ils le déplacèrent dans un établissement pénitentiaire pour adultes, là où devait être sa dernière prison. A pied tu allais le voir chaque fois qu’on autorisait un parloir et tu lui portais de la nourriture envoyée par tes parents depuis Orihuela et tout ce que tu pouvais obtenir par le marché noir ; ces pots à lait si difficiles à remplir et que les matons laissaient tomber. Le jour de Notre Dame de Mercédès, le 24 septembre, les enfants pouvaient rendre visite aux prisonniers ainsi pouvaient entrer son fils et les trois tiens. Ma mère, à sept ans était l’ainée et tu lui faisais mémoriser les messages à lui transmettre. A la sortie, tu la sollicitais pour qu’elle te répétât chaque parole de ton frère.

Tu m’évoquais ce jour où vous allèrent le voir avec Josefina : il n’avait plus la force de marcher et il s’appuyait sur deux de ses compagnons. Dès qu’il vous aperçut, il se redressa, gonfla le torse et sourit.
– Miguel, tu es en pleine forme ? Tu vas mieux ?
– Ils sont venus m’offrir de l’argent et la liberté si je me rétracte sur tout ce que j’ai écrit et que je mets ma plume au service du régime.
-Tu as répondu que oui !
– J’ai dit que non.
« Mon frère était comme ça » tu concluais.
Sa santé s’aggravait. Tu parcourais tout Alicante, d’un bout à l’autre, sans arrêt, cherchant un appui, pour que puisse être levée l’interdiction qu’un médecin puisse lui rendre visite, jusqu’à ce que tu l’obtiennes. Il l’aida à mieux respirer, sans les moyens suffisants, il ne pouvait faire plus. L’idéal aurait été de le transférer au Sanatorium pour tuberculeux de Porta Coeli, où à l’écart de l’insalubrité de la prison, il aurait pu se récupérer. Mais tant que ton frère n’acceptait pas de retourner au sein de l’église, cela était impossible.
Quand tu allais pour lui rendre visite à l’infirmerie où il s’étouffait parmi la crasse ça te brisait le coeur. Tu le lavais, tu l’habillais avec du linge propre et tu lui faisais sortir le liquide de ses poumons comme te l’avait montré le médecin.

Conscient que c’était bientôt la fin, il accepta de se marier à l’église, prostré dans son lit, pour protéger sa famille (les mariages civils étaient non valides). Quelques jours après le transfert à Porta Coeli fut accepté, mais c’était déjà trop tard.

La nuit du 27 mars tu lui rendis visite avec Josefina. Ta voix se brisait quand tu me racontas que tu le lavas et l’aidas à respirer pour la dernière fois. Il mourut au matin.

Arrivèrent les années de silence, de peur à prononcer son nom, de l’hypocrisie, des livres des éditions Losada qui arrivaient mystérieusement d’Argentine, des conversations à mi-voix. Tu étais indignée par l’injustice, par la haine et les mensonges, toujours les mensonges. Tu me parlais de l’oncle Miguel entre des murmures et tu me demandais de parler moins fort quand je te demandais des précisions. « Ne raconte rien » « Ne te fais pas remarquer » Et bien à présent je le raconte, grand-mère, ma mémoire est ta mémoire.

Au début de la démocratie, tu allais à toutes les réceptions et tu répondais à toutes les interviews. Tu étais épuisée, mais c’était ton « devoir » de rendre hommage et de faire connaître le nom et l’oeuvre de ton frère. Ce fut la travail de toute ta vie.

Tu aurais été ravie de savoir que 2017 fut « l’année Miguel Hernandez », toi qui étais inquiète qu’ils le fassent disparaître. Ravie de savoir que je donne des conférences sur cet héritage de souvenirs dont tu m’as fait cadeau, que j’ai publié l’élégie à Manolo, comme tu le souhaitais, que le lit de ton frère (qui t’accompagna dans tous les lieux où tu as habité) est maintenant dans dans ta chambre, dans la maison de la rue de Arriba, qui aujourd’hui s’appelle Miguel Hernandez, et que c’est une maison-musée. Il n’a pas été oublié grand-mère, même une gare porte son nom, un aéroport, une université et des écolee et centres culturels.

Repose en paix, grand-mère, la poésie de ton frère résonne dans le monde entier ; son nom est écrit en lettres de feu ; et je continuerai à partager cet héritage que tu m’as transmis jusqu’à le laisser graver dans ma mémoire. Miguel Hernandez est, indiscutablement, un grand poète ; mais pour moi il restera toujours l’oncle Miguel.

traduction de l’article de Publico du 26 mars 2022 par Luis

Miguel Hernández en la memoria
MAR CAMPELO MORENO
Publico 26 de marzo 2022
• A Elvira Hernández Gilabert, mi abuela
Querida abuela:
Hace más de 25 años que te fuiste y hoy se cumplen 80 de la última vez que viste a tu hermano Miguel con vida, pero no he olvidado las anécdotas que me contaste una y otra vez desde que era una niña hasta que la maldita enfermedad se llevó tus recuerdos; aunque, incluso cuando habías perdido la capacidad de expresarte, abrías los ojos y algo se removía dentro de ti si veías una foto de tu hermano.
Cómo te reías cuando me contabas las regañinas que le echabas cada vez que « se le iba el santo al cielo » en sus excursiones a la sierra de Orihuela para leer o escribir y tenías que justificarlo con cualquier excusa, o cuando clavaste las contraventanas para que no las abriera en las horas de calor.
También se reía él cuando leías sus poemas y le hacías que te explicara lo que se escondía en cada juego retórico, no descansabas hasta que lo entendías todo. Y cuando lo reprendías por sus expresiones subidas de tono. Siempre sonreías cuando hablabas de vuestra niñez y juventud, se te iluminaban los ojos reviviéndolo y dibujabas la imagen de un muchacho alegre, espontáneo, cariñoso y vital, con una enorme empatía con el sufrimiento ajeno.
Fuisteis compañeros de juegos y siempre cómplices, amigos. Te hablaba de sus lecturas, de su pasión creadora –fuiste la primera lectora de muchos de sus poemas-, de su deseo vehemente de ir a Madrid, pero también de sus vivencias, de sus amigos, de las mujeres a las que amó… Con esa atención al detalle que tenías que reprimir entre risas pudorosas: « Miguel, no me cuentes esas cosas ».
Con esa sonrisa tuya de medio lado, me contabas que tu madre y tú ordeñabais las cabras por segunda vez para sacar unas perricas que le enviabais a Miguel para que sobreviviera en Madrid.
Te casaste y te fuiste a Madrid con tu marido y tu hija (mi madre); el tío Miguel volvió a Madrid en esa misma época y, aunque vivía en una pensión, iba casi a diario a tu casa a comer y a que le lavaras la ropa.
Cuando leíste la elegía que le escribió a su amigo Manolo, que había muerto ahogado, le pediste que no la publicara porque causaría más dolor y te la regaló para que hicieras con ella lo que quisieras. Tú la guardaste en tu carpeta de los tesoros, la que contenía todos los recortes de prensa en los que se hablaba de él; esa carpeta que fue creciendo durante el resto de tu vida con cada carta suya, cada foto, cada publicación, cada referencia a tu hermano por mínima que fuera.
¿Por qué tuvo que volver a Orihuela cuando acabó la guerra? ¿Por qué no escuchó a vuestro padre cuando le dijo « vete, Miguel, que ahora viene el exterminio »? Porque quería abrazar a su familia y se sabía inocente. Y lo encarcelaron en el Seminario, en esa sierra en la que le gustaba perderse para escribir, para leer, para empaparse de naturaleza.
Sus cartas desde la cárcel trataban de transmitir esperanza, incluso se permitía alguna broma; os ocultó que lo habían condenado a muerte hasta que le conmutaron la pena por cadena perpetua. Esas cartas que llegaban censuradas o escondidas en el borde de las lecheras, escritas en papel higiénico. Y tú escribías o visitabas a cualquiera que pudiera interceder para su excarcelación.
Ya vivías en Alicante cuando lo trasladaron al Reformatorio de Adultos, la que sería su última cárcel. Caminabas hasta allí cada vez que se permitía una « comunicación » y le llevabas los alimentos que enviaban tus padres desde Orihuela y los que podías conseguir a través del estraperlo; esas lecheras que tanto costaba llenar y que los carceleros dejaban caer.
El día de las Mercedes los niños podían visitar a los presos y entraban su hijo y los tres tuyos. Mi madre, con siete años, era la mayor y le hacías memorizar los mensajes que querías transmitirle. Cuando salían, la interpelabas para que repitiera cada palabra de tu hermano.
Me hablabas de aquel día que fuiste a verlo con Josefina: no tenía fuerzas para caminar y se apoyaba en dos compañeros. Cuando os vio, se irguió, hinchó el pecho y sonrió:

• Miguel, qué bien te veo, ¿estás mejor?
• Han venido a ofrecerme dinero y la libertad si me retracto de todo lo que he escrito y pongo mi pluma al servicio del régimen.
• ¡Habrás dicho que sí!
• He dicho que no.
« Ese era mi hermano », concluías.
Su salud empeoraba. Recorrías Alicante de punta a punta sin descanso buscando una recomendación que traspasara el bloqueo para que lo visitara un médico, hasta que lo conseguiste. Lo ayudó a respirar mejor aunque, sin los medios suficientes, no podía hacer más. Lo ideal era trasladarlo al sanatorio para tuberculosos de Porta Coeli, donde, fuera de la insalubridad de la prisión, se recuperaría. Pero mientras tu hermano no accediera a volver al seno de la iglesia, era imposible.
Se te rompía el corazón cuando entrabas a visitarlo a la enfermería y lo encontrabas ahogándose entre suciedad. Lo lavabas, lo vestías con ropa limpia y le extraías el líquido de los pulmones como te había enseñado el médico.
Consciente de que se acercaba el final, accedió a casarse por la iglesia, postrado en la cama, para proteger a su familia (los matrimonios civiles habían quedado invalidados). Pocos días después se aprobó el traslado a Porta Coeli, pero ya era tarde.
La noche del 27 de marzo fuiste a visitarlo con Josefina, se te quebraba la voz cuando me contabas que lo aseaste y lo ayudaste a respirar por última vez. Murió esa madrugada.
Y llegaron los años del silencio, del miedo a pronunciar su nombre, de la hipocresía, de los libros de Losada llegados misteriosamente desde Argentina, de las conversaciones a media voz. Te indignaba la injusticia, el odio y las mentiras, siempre las mentiras. Me hablabas del tío Miguel entre murmullos y me pedías que bajara la voz cuando te pedía detalles: « No cuentes nada », « no te signifiques ». Pues ahora lo estoy contando, abuela, mi memoria es tu memoria.
Ya en democracia, ibas a todos los actos y accedías a casi cualquier entrevista. Te quedabas exhausta, pero era tu « deber » homenajear y propagar el nombre y la obra de tu hermano. Esa fue la labor de toda tu vida.
Te habría encantado saber que 2017 fue el « Año de Miguel Hernández », a ti que te preocupaba tanto que lo hicieran desaparecer. Que de vez en cuando doy una charla sobre ese legado de recuerdos que me regalaste. Que publiqué la elegía a Manolo, como tú querías. Que la cama de tu hermano (que te acompañó a todos los lugares donde viviste) está ahora en su cuarto, en la casa de la calle de Arriba, que ahora se llama de Miguel Hernández, y que es su casa-museo. No lo han olvidado, abuela, hasta la estación de tren lleva su nombre, y un aeropuerto, y una universidad, y colegios, y centros culturales.
Descansa en paz, abuela, la poesía de tu hermano resuena en todo el mundo; su nombre está marcado a fuego; y yo seguiré compartiendo este legado que me transmitiste hasta dejarlo grabado en mi memoria. Miguel Hernández es, indiscutiblemente, un gran poeta; pero para mí siempre será el tío Miguel.

« LA PLUS GRANDE FOSSE COMMUNE DE LA RETIRADA DÉCOUVERTE AU CIMETIÈRE OUEST DE PERPIGNAN

C’est le journal L’INDEPEDANT dimanche qui le révèle à travers un article de Thierry Bouldoire du 20 mars
Merci à Paco Ortiz pour nous l’avoir communiqué.

841 exilé républicains reposent dans le plus grand ossuaire de la Retirada de 1939.
Jusque-là oubliée dans un recoin du carré Obis du cimetière ouest de Perpignan, cette fosse commune a été mise au jour par trois historiens catalans . Ce 18 février 2022, une cérémonie a salué la mémoire de ces disparus des camps de Saint-Cyprien ou du Barcarès, dont l’exil résonne de nouveau aujourd’hui sur les routes de l’exode ukrainien.

Inhumation N°728 ; nom Gelercan Ubach, âge 19 ans ; date inhumation 27 mars 1939. Méticuleusement imprimées sur une vaste bâche beige, 841 références identiques dévoilent ces victimes oubliées de la Retirada, dans un coin du cimetière de l’ouest de Perpignan, à deux pas de la cité des Baléares. 841 mémoires retrouvées grâce au travail de trois historiens catalans Jordi Oliva, Marti Picas et Noemi Riudor. Grau, Guasch, Gonzales, Garcia et tant de patronymes espagnols et catalans ont ainsi droit à un vrai repos.
« C’est la plus grande fosse commune d’exilés républicains en France » précise Mithé Pull membre de la Xarxa Cebrianenca i Collectiu « Joves del Rosello ». « Les historiens évaluent à au moins 2888 les victimes non retrouvées dans les Pyrénées-Orientales. Ceux décédés dans les camps d’Argelès, au Barcarès ou Saint-Cyprien sont très souvent inhumés dans les cimetières de ces communes, mais les registres ne disaient rien jusque-là des victimes à l’hôpital de Perpignan, loin de leur famille. On mourrait beaucoup de maladies, de faim ou de blessures mal soignées dans ce camps de misère sur nos plages. C’est toute la qualité et la pertinence du travail des trois historiens catalans. Ils leur ont redonné une mémoire ici. »
Non sans mal. L’accès à tous les registres n’a pas été simple. Impossible même au consulat d’Espagne de Perpignan, compliqué à l’état civil de la ville de Perpignan. Ce 18 février 2022 date anniversaire du premier corps d’exilé enterré, celui de Manuela Garcia le 18 février 1939 – un hommage a donc enfin été rendu à ces victimes de l’exil. Une délégation d’une centaine de personnes , dont Quim Torra l’ancien président de la Generalitat, un temps successeur de Carles Puigdemont, et de nombreuses associations, a fléché, fleuri et réclamé la sanctuarisation du site. Aujourd’hui, un simple parterre de béton aux trop rares pensées fleuries.
« Il y a eu des témoignages très émouvants. Comme cette dame venue d’Alabacete (centre de l’Espagne) retrouver la trace de son père perdu en 1939. Jusque-là, elle pensait qu’il avait abandonné sa famille et refait sa vie en France au lendemain de la guerre, sans donner le moindre signe de vie. En fait il est décédé à l’hôpital de Perpignan dès 1939. Ses mots si forts et si pudiques » témoigne Pierre Rossignol, membre de l’association Les amis de la Retirada de Saint-Cyprien.
A Cerbère,, au Perhus, à Prats-de-Mollo, en Vallespir, plus de 250 000 exilés ont franchi les frontières à partir de février 1939, fuyant la répression de la dictature franquiste. « Ils étaient pourchassés pour avoir choisi le camp de la démocratie, comme les Ukrainiens aujourd’hui. »

17000 KM pour récupérer la bague et la montre que les nazis dérobèrent à un prisonnier espagnol

Article traduit
https://www.eldiario.es/sociedad/17-000-kilometros-recoger-anillo-reloj-nazis-arrebataron-prisionero-espanol_1_8838769.html

Le 13 novembre dernier je lançais sur ce site un appel suite au message reçu d’Isabel et Jesus de Madrid qui recherchait la famille de Gabriel Alvarez Arjona, déporté au camp de Neuengamme en Allemagne pour récupérer des effets personnels (une montre à gousset et deux bagues, dérobés par les nazis. Aujourd’hui cet article de Carlos Hernandez paru dans le diario.es nous révèle l’issue de cette histoire.
Article de Carlos Hernandez du 20 mars 2022
El diario.es
traduit par mes soins : Luis

Manuel et son fils veulent entreprendre un voyage en Espagne depuis l’Australie pour récupérer les effets personnels que des chercheurs ont sauvé et qui appartenaient à son oncle, survivant du camp de concentration de Neuengame.

Le carillon de la porte retentit avec insistance. C’est la maison d’une famille espagnole : Los Montes. Il y a 60 ans que Manuel et son épouse Herminia ont abandonné leur patrie pour ce pays où ils ont cherché à construire un avenir pour leurs enfants : Mari Trini et Manuel.

Ils ont fait partie de la fameuse opération « Kangourou » un accord entre le régime franquiste et les autorités australiennes. Le pays océanique avait besoin de main d’oeuvre et son gouvernement recherchait en dehors de leurs frontières des travailleurs qui devaient être « blancs et catholiques ». La précaire situation économique en Espagne incita près de 8000 compatriotes à faire les valises et à se déplacer pour toujours à l’autre extrémité de la planète.

Il s’est passé beaucoup de temps, trop de temps. Manuel a aujourd’hui 88 ans et vit seul depuis que son épouse Herminia est partie pour son dernier voyage. Il vit seul, mais ses enfants restent proches de lui. C’est pourquoi, il n’a aucun doute sur sur celui qui sonne à la porte, son fils ainé. La seule chose que Manuel n’imagine pas un instant est la nouvelle qu’il va bientôt apprendre.

Camp de prisonnier de Sandbostel, Allemagne, le 29 avril 1945.

Gabriel Alvarez Arjona continue sans croire un instant ce qu’il est entrain de vivre. Plusieurs véhicules militaires étasuniens viennent d’entrer dans le camp. Le cauchemar prend fin. Derrière il y a 24 mois d’emprisonnement et deux grandes guerres. Tout avait commencé 9 ans avant.

Le coup d’état franquiste l’avait surpris dans sa terre natale, Madrid. Gabriel n’hésita pas un instant à laisser le pinceau de peintre en bâtiment et à s’enrôler comme volontaire dans les MAOC, les Milices antifascistes ouvrières et paysannes, pour défendre la démocratie républicaine et empêcher que la capitale ne tombe entre les mains des rebelles. Trois années de combats plus tard, Gabriel se vit obligé de s’enfuir en France avec un demi million d’autres Espagnols.

Après être passé dans plusieurs camps de concentration français le madrilène put s’installer dans la ville du Mans, où il reprit son travail de peintre-décorateur. La paix ne dura pas plus d’un an, parce qu’en juin 1940 la ville fut occupée par les troupes nazies. Gabriel continua son métier de peintre jusqu’en mai 1943 où il fut arrêté par ordre des autorités de la collaboration française. Dans le rapport de police il fut accusé d’être le chef d’un groupe d’agitateurs, financés par le Mexique, dans lequel il y avait des communistes espagnols et des anarchistes de Paris.
Les témoignages et les documents présentés pour réduire les charges contre lui ne servirent à rien. Il fut considéré comme un ennemi et un danger pour le Reich. En novembre il fut envoyé dans un camp d’internement pour prisonniers politiques à Voves.

Une enceinte contrôlée directement par le gouvernement collaborationniste du régime de Vichy. Les conditions de vie n’étaient pas excessivement mauvaises et les prisonniers arrivèrent à organiser des activités culturelles, éducatives et sportives en plus de tisser des réseaux de résistance clandestine. Grâce à cela des évasions purent se produire avec un pic dans la nuit de 5 au 6 mai 1944.

42 prisonniers s’enfuirent par un tunnel de 148 mètres qu’ils avaient creusé pendant trois semaines. Gabriel n’était pas parmi les évadés mais paya le prix fort pour cela. Les SS s’emparèrent du camp, ils le clôturèrent et transférèrent les prisonniers vers les camps de Buchenwald et de Neuengamme. C’est dans ce dernier camp qu’atterrit Gabriel.

Là il lui enlevèrent toutes ses affaires personnelles, entre autres une montre et deux bagues. Après il reçut le costume rayé , un triangle rouge inversé qui le distinguait comme prisonnier politique avec le numéro 32 040. Les 10 mois suivants il souffrit de la faim, des mauvais traitements, du manque d’hygiène et dut travailler comme un esclave. Mais le pire était devant lui.

Devant l’imparable avancée des troupes britanniques, les nazis durent déplacer les 9500 déportés depuis Neuengamme jusqu’au camp de Sandbostel. Un tiers d’entre eux périrent dans cette marche de la mort et dans les jours suivants en arrivant à leur nouvelle destinée. Gabriel fut victime, témoin et survivant de ce terrible périple.

Madrid 2022
Jesus et Isabel depuis 2019 font connaître et installent les STOLPERSTEINE en souvenir et en hommage aux madrilènes déportés dans les camps de concentration nazis. Il s’agit de petits pavés, avec une plaque dorée où figurent les principales informations des victimes, qui se placent sur sur le trottoir, en face du dernier domicile connu.
Sachant que les Archives internationales Arolsen, les plus importantes sur la répression nazie, conservent des objets personnels de quelques déportés espagnols, Jesus et Isabel ont décidé de participer à la remise des effets personnels aux héritiers des prisonniers madrilènes. En coordination avec l’historien Antonio Munoz, ils ont pu localiser les adresses de certains d’entre eux. Arolsen avait deux bagues et une montre gousset que les nazis avaient réquisitionnées à leur arrivée à Neuengamme appartenant à un Espagnol Gabriel Alvarez Arjona.

Les recherches sur Gabriel arrivaient toutes à une voie sans issue. Ils savaient qu’il était mort en France, très probablement dans les années 60, mais comment retrouver les descendants directs. En 1939 le madrilène apparaissait dans les registres comme veuf sans enfant et rien ne prouvait qu’il avait eu des enfants et ils durent approfondir les recherches.

Gabriel avait deux sœurs ; l’une n’avait pas eu d’enfant et l’autre donna naissance à un garçon et deux filles. Le chemin commençait à s’éclaircir jusqu’à ce que les différentes archives révélèrent qu’aucun des trois neveux n’avait eu d’enfant. Tout paraissait perdu quand un des documents révélait qu’une des nièces avait adopté un enfant après la guerre, en 1940. Son nom était Manuel Montes Exposito et son existence ouvrait ainsi une nouvelle voie de recherche pour retrouver les descendants de Gabriel.

Les archives permirent de reconstruire la vie de Manuel. Il se maria avec Herminia Martinez et eu deux enfants. Par contre entre 1960 et 1965 la piste documentaire de la famille disparaissait. Au moment de jeter l’éponge, ils tirèrent du fil généalogique d’Herminia et tombèrent sur deux de ses sœurs. C’est elle qui leur apporta la clef « ils émigrèrent en Australie dans les années 60 »

Jesus et Isabel partagèrent leurs avancées avec deux chercheurs. L’un d’entre eux, Unai Eguia, connaissait un Espagnol qui résidait en Australie et qui avait été animateur dans un programme radiophonique en direction des migrants espagnols. Ce n’est que quelques jours après qu’Unai était interviewé dans l’émission « Pain et chocolat, l’émission de radio de Brisbane 4EB » Pendant plus d’une heure il apporta les précisions sur les informations dont il disposait, il évoqua Gabriel, les bagues et sa montre et lança un appel pour que les auditeurs collaborent à la recherche de Manuel.

Manuel Montes Exposito peut à peine croire ce que lui raconte son fils Manuel. Ils sont entrain de le rechercher en Espagne pour lui remettre les objets personnels que les nazis dérobèrent à son oncle Gabriel à Neuengamme. Il n’arriva jamais à le voir en personne parce qu’il grandit dans l‘Espagne franquiste pendant que son oncle demeurait dans son exil forcé en France. Malgré tout cela une forte relation s’installa entre les deux. C’est pour cela qu’il conserve avec beaucoup d’affection la dernière photo qu’il lui envoya du Mans en septembre 1960. Au verso, d’une main tremblante, Gabriel lui avait dédicacé « pour vous Herminia et Manolo avec tout mon coeur ». L’ex-prisonnier de Neuengamme avait seulement 62 ans, mais les séquelles de sa dure existence on peut les sentir dans ses mots d’adieu «  je ne l’ai pas envoyé avant car je suis paralysé »

« Je ne savais même pas que mon oncle avait été déporté dans un camp de concentration nazi » avoue Manuel fils au Diario.es. « Jamais mon père ne me le raconta ni me parla de cela jusqu’au jour où je reçus la nouvelle qu’il le recherchait depuis l’Espagne, à travers une émission de radio. » La vérité est que je ne savais même pas que des Espagnols avaient été renfermés dans ces camps. »
Manuel fils n’avait que deux ans quand il laissa l’Espagne avec sa sœur Mari Trini plus jeune de 6 mois. Tous les deux se sont élevés et ont été éduqués en Australie où contrairement à ce qui se passe dans notre pays, l’histoire contemporaine a toujours été étudiée. « A l’école on enseigne la participation des Australiens à la guerre. Ici il est très important de savoir. Il y a une journée par an où sont commémorées les victimes et les soldats qui sont tombés pendant la deuxième guerre mondiale. C’est un grand jour. Est-ce qu’il y a cela en Espagne. ? Non.
La mémoire lui joue des tours, mais malgré cela Manuel Montes Exposito est inondé d’une grande émotion en pensant que bientôt il va avoir entre ses mains les bagues et la montre de son oncle Gabriel. « ça lui fait un énorme plaisir et à moi aussi, affirme Manuel fils. Ces évènements ne peuvent s’oublier. Si la santé de mon père le permet nous voyagerons jusqu’en Espagne ces prochains mois. » 
La remise des objets personnels volés par les nazis ne sera pas l’unique motif de cette visite. Jesus et Isabel sont entrain d’organiser la pose des « stolperstein » en souvenir de Gabriel Arjona. Un pavé de la mémoire qui sera installé devant le domicile du combattant antifasciste et victime du nazisme qui vécut à Madrid avant d’entreprendre son dramatique périple en 1936.
Manuel père et Manuel fils parcourront 17000 km pour récupérer une montre gousset, deux bagues et se retrouver enfin avec leur oncle Gabriel.

La guitare au service de la mémoire que joue Juan Francisco Ortiz, fils d’une victime républicaine de l’Holocauste nazi

Avec un concert dans le Musée Séfarade de Tolède, le musicien franco-espagnol et son fils David ont rendu hommage aux victimes de la répression par Adolphe Hitler, le Jour International de la Commémoration des Victimes de l’Holocauste.

Tolède – Le guitariste franco-espagnol Juan Francisco Ortiz a voulu rappeler et évoquer son père, Francisco Ortiz, prisonnier 4252 à Mauthausen-Gusen (Autriche), dans le concert qu’il a offert jeudi au Musée Séfarade de Tolède, y qui s’est transformé en même temps en un hommage aux Espagnols qui furent déportés dans les camps d’extermination nazi.
« Que je sois invité pour rappeler l’histoire est un orgueil pour moi » faisait remarquer dans une interview à l’occasion de son concert à Tolède le jour de la Commémoration des Victimes de l’Holocauste.
Juan Francisco Ortiz a déjà une certaine expérience pour mettre sa musique « au service de la mémoire » il le fit en 2015 en jouant au Mémorial de Mauthausen pour le 70ème anniversaire du Camp, un an après le décès de son père, originaire de Santisteban del Puerto, un village de la province de Jaen.
Après sa mort, Ortiz se demanda ce qu’il pouvait faire avec le peu de chose que son père avait rapporté du camp de concentration – un drapeau signé par ses camarades prisonniers, un pull fait à la main et un pistolet qu’il déroba à un SS – pour les protéger de l’oubli ; il eut l’idée de les offrir au musée en échange d’un concert.
Son père, Francisco Ortiz, s’engagea à presque 16 ans dans l’Armée républicaine et une fois la guerre perdue, il partit en France pour continuer la lutte contre le fascisme avec l’idée qu’un jour ou l’autre il pourrait renverser le dictateur Francisco Franco, mais il fut capturé par les Allemands et déporté à Mauthausen, où il fut maintenu prisonnier pendant quatre ans « très difficiles » raconte son fils.
Un jour les nazis le matraquèrent jusqu’à le laisser pour mort et les amis de Francisco Ortiz, aussi prisonniers, le cachèrent dans la partie basse, appelée le camp des russes, où il y avait une infirmerie. Le natif de Jaen survécut à base de sucre, de lait et de pâtes, des aliments qu’il refusa de goûter durant tout le reste de sa vie.
Une fois libéré par les Alliés, sa seconde destination fut la France, mais il ne put retourner en Espagne, et là bas il se maria et éleva son fils, Juan Francisco, qui se retrouva depuis son enfance avec les amis de son père, ex-prisonniers, et il assure que l’émotion liée à ces histoires n’a jamais disparu.
« C’est un traumatisme qui se répercute chez mes proches. J’ai joué dans la prison de Carabanchel (Madrid) et dans le public qui est venu il y en avait qui avait eu un proche en prison ici. A la fin du concert ils se sont embrassés en pleurant. » affirme-t-il.

Juan Francisco n’a pu venir en Espagne qu’en 1961 avec un décret qui autorisait le retour des fils d’exilés. Ce fut lors d’un voyage d’été chez son oncle Aurelio pendant lequel il pu enfin connaître le village de son père, sa famille paternelle et même sa future femme. Et de plus il acheta une guitare.
L’art le fit voyager depuis son enfance, son père était chanteur de flamenco, mais quand il annonça officiellement qu’il voulait vivre de la musique, la réaction de la famille « fut un drame ».
« Mon père, après ce qu’il avait vécu, voulait que je sois médecin ou avocat, quelque chose de sérieux. Ma chance fut qu’à Paris arrivèrent beaucoup d’artistes fuyant le franquisme et je connus des maîtres de grande qualité qui m’enseignèrent la musique d’une très belle manière. » se rappelle Ortiz qui fut élève du virtuose Andrès Segovia.
Ortiz ne se prend pas pour « une vedette célèbre » mais il « a parcouru le monde » et a joué au Costa Rica avec Paco de Lucia et au Chili avec Manolo Sanlucar et avec Carmen Linares. « Quand je voyage dans un pays et que je rencontre un musicien, il n’est pas nécessaire de parler. Nous nous comprenons. La musique est universelle et d’un humanisme supérieur. »
Le guitariste, qui a exercé comme professeur pendant plus de cinquante ans, prend pour exemple un cours qu’il donna au conservatoire Ho Chi Minh au Vietnam dans lequel il put partager « sans aucun problème » malgré les barrières culturelles et linguistiques.
Il se souvient du musicien argentin et grand pianiste Daniel Barenboin qui réussit à rassembler dans un même orchestre des musiciens palestiniens et juifs, un « exemple grandiose de ce que représente la musique. » rapporte Ortiz pour qui il lui semble « incroyable » qu’aujourd’hui, il y a encore des gens qui nient ce qui s’est passé dans les camps, parce que selon lui « l’humanité n’a pas de mémoire et n’en tire pas les enseignements ».

Le guitariste qui a maintenant 75 ans, continue à se produire en concerts, alorq qu’il est à la retraite depuis 8 ans aujourd’hui même, accompagné sur scène par son fils David, et ce de façon gratuite en offrant un répertoire qu’il appelle son programme de la mémoire et ajoute qu’il faut lutter « pour la maintenir ».

Dans ce programme il évoque son père, le camp de Mauthausen avec l’Histoire d’un drapeau, une œuvre composée par lui-même inspirée par le fameux escalier de la mort, 190 marches que les prisonniers étaient obligés de monter avec des charges de blocs de pierre de plus de cinquante kilos « beaucoup d’entre eux périrent succombant à l’épuisement» rappelle Ortiz.
Il interprète également « El Emigrante » de Juanito Valderrama, un texte que son père « chantait beaucoup » en souvenir de l’Espagne ; une suite juive de trois morceaux et une en Yiddish ; une autre composition de sa création sur les Treize Roses « Que mon nom ne s’efface pas » ; un hommage aux poètes Lorca, Machado et Hernandez et pour terminer trois œuvres symboliques de la Résistance « La Liste de Schlinder », « El Cants dels Ocells » et il a clôturer avec ‘Bella Ciao »

Article traduit par mes soins

Luis

PROCHAINEMENT AU THEATRE DU PLESSIS, 37520 LA RICHE :

Vendredi 11 mars, à 20h :

Concert de Juan Francisco Ortiz « Concierto para la Memoria »
DÉSIRS PARTAGÉS avec l’association Retirada37

La guitare au service de la mémoire dont joue Juan Francisco Ortiz,
fils d’une victime républicaine de l’Holocauste nazi

La guitarra al servicio de la memoria que toca Juan Francisco Ortiz, hijo de una víctima republicana del holocausto nazi

​ La guitarra al servicio de la memoria que toca Juan Francisco Ortiz, hijo de una víctima republicana del holocausto nazi
Con un concierto en el toledano Museo Sefardí, el músico franco-español y su hijo David homenajearon a los represaliados por el régimen de Adolf Hitler con motivo del Día Internacional de Conmemoración de las Víctimas del Holocausto.

TOLEDO.- El guitarrista franco-español Juan Francisco Ortiz quería recordar y evocar a su padre, Francisco Ortiz, preso número 4252 en Mauthausen-Gusen (Austria), en el concierto que este jueves ofrecía en el Museo Sefardí de Toledo, y que se convertía a su vez en un homenaje a los españoles que fueron deportados a los campos de exterminio nazi.

« Que me inviten para recordar la historia es un orgullo », señalaba Ortiz en una entrevista con motivo de su concierto en Toledo el Día de Conmemoración de las Víctimas del Holocausto.
Juan Francisco Ortiz ya tiene tablas en poner su música « al servicio de la memoria »; ya lo hizo en 2015 tocando en el Memorial de Mauthausen en el 70 aniversario del campo, un año después del fallecimiento de su padre, natural de Santisteban del Puerto, un pueblo de Jaén.

Tras su muerte, Ortiz se preguntó qué podía hacer con las pocas cosas que su progenitor se había traído del campo de concentración -una bandera firmada por sus compañeros presos, un jersey hecho a mano y una pistola que robó a las SS- para protegerlas del olvido y se le ocurrió ofrecérselas al museo a cambio de tocar.
Su padre, Francisco Ortiz, se alistó con apenas 16 años en el Ejército republicano y, una vez perdida la guerra, partió a Francia para seguir luchando contra el fascismo con la idea de que, algún día, podría derrocar al dictador Francisco Franco, pero fue capturado por los alemanes y deportado a Mauthausen, donde estuvo preso durante cuatro años « muy difíciles », relata su hijo.


Un día, los nazis lo apalearon hasta darlo por muerto y los amigos de Francisco Ortiz, también prisioneros, lo escondieron en la parte baja, llamada el campo de los rusos, donde había una enfermería. El jienense sobrevivió a base de azúcar, leche y pasta, alimento que se negó a volver a probar durante el resto de su vida.

Una vez liberado por los Aliados, su siguiente destino fue Francia, pues no pudo regresar a España, y allí se casó y crió a su hijo, Juan Francisco, que se relacionó desde niño con los amigos expresos de su padre y asegura que la emoción de esas historias nunca se va.
« Son un trauma que también repercute a los familiares. Toqué en un concierto en la cárcel de Carabanchel (Madrid) y el público que acudió había tenido algún familiar preso ahí. Al final del concierto venían llorando, abrazándose entre ellos », asegura.
Juan Francisco pudo pisar España en el año 1961 por un decreto que consintió el regreso de los hijos de los exiliados. Fue un viaje de verano a casa de su tío Aurelio durante el cual, finalmente, pudo conocer el pueblo de su padre, a su familia paterna e, incluso, a su futura mujer. Y, además, se compró una guitarra.

El arte le viene desde pequeño, su padre era cantante de flamenco, aunque cuando a los 17 años le comunicó oficialmente que quería vivir de la música la reacción familiar « fue un drama ».

« Mi padre, después de lo que vivió, quería que yo fuera médico o abogado, algo serio. Mi suerte fue que a París llegaron muchos artistas huyendo del franquismo y conocí a maestros buenísimos que me enseñaron de una forma muy hermosa », recuerda Ortiz, que fue alumno del virtuoso Andrés Segovia.

Ortiz no se considera una « figura muy famosa » pero ha trotado « por todo el mundo » y ha compartido público en Costa Rica con Paco de Lucía y en Chile con Manolo Sanlúcar y con Carmen Linares: « Cuando viajo a un país y me encuentro con un músico, no hace falta hablar. Nos entendemos. La música es universal y de un humanismo mayor ».

El guitarrista, que ha ejercido como docente durante más de cincuenta años, lo ejemplifica con una clase que dio en el conservatorio Ho Chi Minh de Vietnam, que pudo impartir « sin ningún problema » pese a las barreras culturales e idiomáticas.
Rememora al músico argentino y gran pianista Daniel Barenboim, que consiguió hacer una orquesta juntando a palestinos y judíos, un « ejemplo magno de lo que representa la música », opina Ortiz, a quien le parece « increíble » que, a día de hoy, todavía haya gente que niegue lo ocurrido en los campos porque, a su entender, « la humanidad no tiene memoria ni aprende ».
El guitarrista, que ahora tiene 75 años, sigue dando conciertos a pesar de llevar ocho años jubilado y este mismo jueves, acompañado en el escenario por su hijo David, ofrece de manera gratuita al público un repertorio que él llama su programa de la memoria, que hay que luchar « por mantener », incide.

En él, evoca a su padre y al campo de Mauthausen con Historia de una bandera, una obra compuesta por él mismo inspirada en la famosa escalera de la muerte, 190 peldaños que los prisioneros eran obligados a subir cargando bloques de piedra de hasta cincuenta kilogramos, « muchos de ellos murieron desplomados de agotamiento », señala Ortiz.
También interpretaba « El Emigrante », de Juanito Valderrama, un tema que su padre « cantaba mucho » en memoria de España; una suite judía de tres piezas y una yidish; otra composición suya sobre las Trece Rosas, « Que no se borre mi nombre »; un homenaje a los poetas Lorca, Machado y Hernández, y para finalizar tres obras simbólicas de la resistencia: « La lista de Schlinder », « El Cant dels Ocells” y cerraba con « Bella Ciao ».