Tous les articles par Luis Lopez

Le massacre d’Atocha, un crime d’État en pleine transition

Traduction d’un article paru dans Público d’Adéla LOBO par mes soins

Dans la nuit du 24 janvier 1977, des nervis armés d’extrême droite ont fait irruption dans un cabinet d’avocats du travail situé au numéro 55 de la rue Atocha. Les assaillants ont tué cinq personnes. Quatre autres ont été blessés.

MADRID
24/01/2023 07:15 MISE À JOUR : 24/01/2023 07:24
ADÉLA LOBO
Le récit de la transition comme pacifique et exemplaire se poursuit dans l’imaginaire social malgré les meurtres commis alors que Francisco Franco était déjà mort. Les événements de ce qu’on appelle la Semaine tragique de la Transition en sont exemplaires.

Le 23 janvier 1977, un membre de la guérilla paramilitaire de Cristo Rey assassine l’étudiant Arturo Ruiz lors d’une manifestation pro-amnistie.

Le lendemain, lors du rassemblement pour sa mort, María Luz Nájera Julián est décédée des suites de l’impact d’un fumigène lancé par la police anti-émeute. Cette même nuit, un groupe d’ultra-droitiers a attaqué le cabinet d’avocats du travail situé au numéro 55 de la rue Atocha.

C’est arrivé le 24 janvier 1977. Trois fascistes armés ont fait irruption dans ce bureau. Ils cherchaient Joaquin Navarro, dirigeant du syndicat des transports des Commissions Ouvrières. Alors que le célèbre syndicaliste était parti plus tôt et n’était plus au bureau, les militants d’extrême-droite ont tiré sur les personnes présentes. Ils ont tué trois avocats du travail, un étudiant en droit et un agent administratif. Quatre autres personnes ont été blessées

Le chercheur Carlos Portomeñe a publié Le Massacre d’Atocha et autres crimes d’État, un ouvrage qui traite du terrorisme d’extrême droite à la fin du franquisme et pendant la Transition.

Le travail de recherche de Portomeñe montre que l’État et des groupes de l’extrême droite italienne qui faisaient partie de l’Internationale Noire ont été impliqués dans le massacre d’Atocha.

« Nous parlons d’Italiens qui ont commis les attentats les plus sanglants, qui étaient recherchés dans leur pays et qui vivaient tranquillement en Espagne sous la protection des services de renseignement et de l’État », a expliqué Portomeñe à Público.

L’enquête de Carlos Portomeñe indique que Stefano Delle Chiaie, le chef de l’Internationale Noire, a été impliqué dans les événements de Montejurra, un autre crime d’État, selon les documents auxquels ce journal a eu accès. Le fasciste italien a également participé au meurtre d’Arturo Ruiz. « Delle Chiaie faisait partie du groupe de cinq personnes qui étaient présentes lors de l’assassinat d’Arturo Ruiz.

Et dans ce groupe se trouvait Fernández Cerra, qui le lendemain est l’un de ceux qui assassinent les avocats d’Atocha », précise Portomeñe. Tout cela prouve que les événements de la semaine tragique n’étaient pas le fruit du hasard mais étaient fortement liés les uns aux autres.
La nuit du 24 janvier
L’œuvre de Portomeñe recueille le témoignage de Miguel Sarabia, blessé lors de la fusillade : « Nous étions assis dans le salon lorsqu’un individu qui tenait une arme nous a dit de nous lever et de mettre les mains en l’air. » Les assaillants ont demandé si Joaquín Navarro se trouvait ici et les avocats ont répondu qu’il n’était plus dans ce bureau. Mais les nervis fascistes étaient certains qu’il était à cet endroit. Malgré l’absence du syndicaliste, ils ont tiré à bout portant.

Carlos García Juliay, José Fernández Cerra sont les assaillants qui ont appuyé sur la gâchette. Un troisième, Fernando Lerdo de Tejada, n’a jamais pu entrer dans le bureau. « Il était derrière la cloison vitrée qui se trouvait dans le bureau d’Atocha, il n’avait pas de balles dans son arme, mais il portait un énorme pistolet », a déclaré Alejandro Ruiz-Huerta, le seul avocat qui a subi cette attaque et qui est actuellement toujours en vie.

Les trois mis en cause sont entrés en prison en mars 1977. « Tous les 24 janvier, ils célébraient leur séjour en prison et la mort qu’ils avaient causée en réclamant un plateau de fruits de mer », révèle Ruiz-Huerta. Les militants syndicaux ont appris cette nouvelle par l’intermédiaire de leurs avocats et des responsables de la surveillance pénitentiaire. « Ils ne l’ont pas regretté à cet instant et ne l’ont jamais regretté », dit-il.

Défense du mouvement ouvrier
Les avocats du travail étaient dans le collimateur des groupes d’ultra-droite. Non seulement en raison de ses liens avec le CCOO et le PCE, mais aussi en raison de leur engagement pour la démocratie et de leur travail inlassable pour améliorer les conditions de travail des travailleurs.
« La tension a été très forte en janvier, entre autres évènements, parce que la grève des transports a été organisée ce mois-là », explique Ruiz-Huerta. « Entre nous, nous avions l’habitude d’accompagner nos collègues en voiture chez eux et nous attendions jusqu’à ce qu’ils rentrent », raconte-t-il.

Le bureau contre lequel ils ont mené l’attaque dans la nuit du 24 janvier 1977 était l’extension d’un autre similaire situé au numéro 49 Rue Atocha, qui était resté un peu à l’étroit en raison de sa grande activité. Tous deux appartenaient à un réseau de cabinets créés dans les années 1960 par le PCE pour défendre le mouvement ouvrier.
Les avocats effectuaient les démarches avec les administrations, recevaient dans leurs cabinets et se rendaient aux procès.

L’un des nombreux exemples du travail acharné des avocats du travail est la consultation qu’ils menèrent depuis leur balcon du cabinet. « Au moment où on a dit « au suivant’ » tous les salariés d’une entreprise sont entrés, ils avaient tous été licenciés », raconte Ruiz-Huerta. « Nous avons dû mener la concertation depuis le balcon pour parler aux 250 travailleurs », poursuit-il. C’était toute une entreprise du secteur chimique dont les ouvriers n’avaient pas touché leurs salaires depuis 2 mois. Finalement, ils ont réussi à gagner le procès.
Ce 24 janvier, les nervis d’extrême-droite ont assassiné Javier Sauquillo Pérez del Arco, Luis Javier Benavides Orgaz, Enrique Valdelvira Ibáñez, Serafín Holgado de Antonio et Ángel Rodríguez Leal. Que leurs noms ne soient pas oubliés !

Matilde Eiroa: « Hemos cometido el error de vincular la República con las izquierdas »

En octubre del 2019 encontré a Matilde Eiroa en el Congreso internacional de Mujeres exiliadas de 1939 en el Instituto Cervantes en Madrid. Matilde con quien había hablado desde Francia representando la asociación Retirada37 nos había dado la oportunidad que podamos intervenir. Una prima mía contó la historia de su madre Anita en el exilio. Me alegré esta mañana al leer el diario Público donde se entrevistaba a Matilde .Este artículo muy interesante sobre lo que es una República que no siempre tiene políticas de izquierdas.

MADRID
13/04/2024 21:56
ANA MARÍA PASCUAL@ANMARIAPASCUAL
Diario Público
La profesora titular de la Universidad Carlos III de Madrid Matilde Eiroa San Francisco desmiente tajantemente un dato invocado hasta la saciedad por la derecha y la extrema derecha españolas: la Segunda República fue la causa de la guerra civil. La catedrática de historia niega tal extremo: « No es momento de denostarla ni de mitificarla, pero no podemos dejar de valorar como aciertos de la República el sufragio universal, la separación Iglesia-Estado o la labor educativa, entre otros logros ». Este aniversario de la proclamación de la Segunda República, el 93º queda enturbiado por las llamadas leyes de la concordia con las que Vox y el PP tratan de criminalizar el periodo republicano y limpiar la imagen del franquismo. 

Profesora, la propuesta de ley de concordia del País Valencià equipara las víctimas del terrorismo de ETA con las del franquismo. ¿Qué le parece esto? 

Esto es vergonzoso, por el desconocimiento que muestran los autores de estas propuestas de ley de concordia en València y en Castilla y León, porque las víctimas del terrorismo tienen su propia ley y son víctimas son muy protegidas, algo que está muy bien; pero no son víctimas iguales que las del franquismo. PP y Vox tratan de igualar a todas las víctimas y dicen que todas son víctimas independientemente del lugar donde cayesen. Pero esto hay que matizarlo. No es igual atacar que ser atacado; hay que saber por qué una persona se convierte en víctima. 
Las víctimas son víctimas pero hay que explicar dónde, cómo y por qué. Por ejemplo, dónde hubo más campos de concentración. Pues en Galicia y en Castilla y León, que fueron zonas donde no hubo guerra porque desde el principio se sumaron algolpe de Estado golpe de Estado. 
Me ha llamado la atención que en la propuesta valenciana se ofrecen  cifras sobre las muertes por terrorismo, pero no de la represión del franquismo, de los encarcelados, exiliados, fusilados, gente en campos de concentración, ni de los cuerpos ya exhumados de las fosas. Y esto es un sesgo ideológico muy importante. 
Para las derechas, 1931 es una fecha maldita, pero olvidan que hubo republicanismo de derechas.
Es que la propuesta de ley valenciana me ha sorprendido por su planteamiento simplista; es de un bajísimo nivel pero con una gran carga política. Ya en la exposición de motivos dice que el ámbito de la ley va desde 1931 hasta la actualidad, son casi 100 años de la historia de España. ¿Por qué desde 1931, es decir, el inicio de la Segunda República española y no, por ejemplo, desde 1923, desde la dictadura de Primo de Rivera? Pues porque lo que quieren es apartar a la Segunda República del hilo que la vincula con la democracia actual. 
La futura ley de la concordia valenciana reconoce el mismo régimen de protección y reconocimiento a las víctimas de la Segunda República y del terrorismo que a las víctimas del franquismo. ¿Quiénes fueron las víctimas de la República?
Pues no tengo ni idea. Me imagino que pueden referirse a las víctimas de Paracuellos o a las que provocaron los comités de vigilancia en Madrid durante la guerra, las llamadas checas. En cuanto a lo de Paracuellos, ocurrió en noviembre de 1936, durante el primer asedio fuerte sobre Madrid de las tropas sublevadas. Los prisioneros del bando golpista estaban en la cárcel Modelo, al lado del Ministerio del Aire, en Moncloa. Las tropas golpistas los habían llevado al río Manzanares. Los dirigentes de la República tuvieron miedo de que pudieran cruzar el río y llegaran a rescatar los presos de la Modelo. 

Por eso decidieron llevárselos a la retaguardia, hacia València. No sabemos quién dio la orden de pararlos en el pueblo de Paracuellos del Jarama y allí los fusilaron. Fue un episodio muy lamentable, que perjudicó a la imagen de la República. 

¿Y las checas?

Eran comités de vigilancia que no tenían ninguna vinculación con el aparato soviético, pero desde el bando golpista se les dio ese nombre para igualarlo con el sistema soviético, tal y como ha estudiado el historiador Fernando Jiménez Herrera. Hubo desmanes en alguno de esos comités, con las llamadas sacas de presos para fusilarlos. Pero otros comités se dedicaron a labores solidarias, como llevar comida a los soldados, atender a las familias… 

¿Qué pretenden PP y Vox con las leyes de la concordia?

Erigirse como los salvadores frente a unas leyes, las de memoria democrática, que según ellos dicen han perjudicado la convivencia y el entendimiento social. Cómo llegar a la concordia sin pasar por la memoria; es imposible. Estas leyes que se han propuesto en València y Castilla y León destilan una gran ignorancia y un sesgo ideológico alarmante. No es lo mismo luchar en una guerra que ejercer la violencia durante décadas. No olvidemos que durante toda la década de los 40 y principios de los 50 la dictadura ejerció una tremenda violencia en desigualdad de fuerzas.
 
Pasados 93 años de la proclamación de la República, ¿queda algo por  descubrir de este periodo histórico, desde el punto de vista de los historiadores? 

Sí, todavía desconocemos cosas, pero las investigaciones están muy avanzadas y conocemos la gran arquitectura de lo que fue la Segunda República y cómo el fracaso del golpe de Estado condujo a una guerra civil. Hay que tener en cuenta que hay archivos que desaparecieron, como el del general Mola, el de Serrano Suñer, el de Sanjurjo.
 
¿Cuál fue el gran error de la República?

La rapidez en poner en marcha algunas de las medidas. No se tuvo en cuenta que en política se puede cambiar de un día para otro por unas elecciones, pero de mentalidad no se cambia en un día, se necesita más tiempo. Hay que tener en cuenta que la República española fue un modelo típico de los democracias de los años 30 y tuvo sus errores, como la república francesa o la alemana.
Hay que tener en cuenta además otros factores muy particulares de España, como el analfabetismo tan extendido, los privilegios de una clase social que estaban muy arraigados. Se pensó, por ejemplo, que se podrían construir muchos colegios públicos como para prescindir de las congregaciones religiosas, pero no se pudo cumplir esa promesa.  

¿Por qué la derecha tiene ese problema con el pasado y no puede reconocer lo que hicieron sus abuelos?

Nosotros no somos responsables de lo que hicieron nuestros abuelos, ni para bien ni para mal. No tenemos por qué sentirnos concernidos. Hay que tener en cuenta que la represión fue ejercida durante la dictadura por mucha gente: jueces, empresarios, policías y también ciudadanos de a pie. Esa violencia quedó impune y así quieren que siga, viendo quiénes son los autores de esta legislación de la concordia. 
Hay que recordar que el PP nació siendo Alianza Popular (AP), que se constituyó en 1976, con figuras clave del régimen. Y no hay que olvidar que en marzo de 1977 los dirigentes de AP reivindicaron la figura de Franco, con 3.000 simpatizantes. En 1989 AP se refundó y nació el Partido Popular. Y Vox ya sabemos que viene del PP. 

Les 23 de l’Affiche rouge vont être honorés, et nous nous en félicitons.

Notre association RETIRADA37 a participé à de nombreux hommages en direction des antifascistes espagnols. Hier encore 18 février 2024 Juan Francisco Ortiz, à travers ses œuvres musicales à la guitare nous faisait vivre avec une profonde émotion les souvenirs de son père emprisonné dans le camp d’extermination de Mathausen.
En plus de ces 23, de nombreux étrangers ont participé aux combats de la Résistance, certains ont été emprisonnés, déportés et fusillés. D’autres ont pu témoigné de leurs luttes antifascistes comme tous ces Espagnols qui après la guerre d’Espagne ont rejoint la Résistance pour défendre la France, les valeurs de la République bafouées lors de leur entrée en territoire français dans les camps de concentration d’Argelès, de Septfonds, du Vernet….Malgré tout cela ils furent les premiers à entrer dans Paris avec La NUEVE, ils constituèrent dans la Résistance le noyau dur des combattants avec leur expérience de la « guerrilla », ils furent avec d’autres étrangers, « et nos frères pourtant » comme le dit Aragon, plus patriotes que beaucoup de Français.

Se souvenir de cette période devrait nous inciter à avoir un minimum de lucidité pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui. La montée des extrêmes droites en Europe devrait nous alerter. La lepénisation des esprits, la montée du FN appelé aujourd’hui RN devrait nous inciter à la réflexion. Comment un parti qui a été créé par d’anciens collabo proches de Déat ou Doriot, anciens membres de la Waffen SS, ex-membres de l’OAS (Organisation Armée Secrète, qui organisa de nombreux attentats en Algérie et en France), néofascistes de toutes variétés, et autres négationnistes et associé aujourd’hui à l’AFD au parlement européen, peut aujourd’hui être « dédiabolisé » et séduire autant de personnes.

Ce qui s’est passé pendant cette période ne peut être effacé d’un trait de plume. Les héritiers idéologiques, historiques qui se revêtissent d’ une tenue de camouflage les faisant apparaître comme présentables ne peuvent nous faire oublier ce qu’ils sont réellement. L’Histoire ne peut être malmenée, détournée, falsifiée. Les faits sont les faits. Ce qu’ont vécu les antifascistes espagnols doit être raconté et raconté.
Certains pensent aujourd’hui qu’il n’est pas utile de rappeler cette Histoire, que cela ne sert à rien, que dénoncer l’extrême droite sous cette forme serait contre-productif, qu’il faudrait seulement montrer que leur politique est libérale et contraire à l’intérêt des travailleurs, pour que les gens comprennent. En quelque sorte participer à leur « dédiabolisation » sous une autre forme, sans dénoncer le caractère fascisant de leurs orientations. Ayons le courage d’appeler un chat un chat ! Et cessons de tourner autour du pot en les dédouanant de leur passé ignoble qu’ils veulent faire oublier. Le danger est bien réel aujourd’hui, rassemblons tous ceux qui veulent vivre en paix, en liberté, en démocratie contre tous ceux qui sans se réclamer de ce passé immonde sont les héritiers directs de ces idéologues de la peste brune des années 30.
Se souvenir des 23 et de tous ces étrangers, « qui criaient la France en s’abattant » c’est aussi leur rendre hommage par notre combat antifasciste, de façon claire.
Luis

L’affiche rouge

Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon.​

Communication CAMINAR

​ Des FTP-MOI honorés à travers Missak Manouchian

​ Missak Manouchian entre au Panthéon
Le jour même de l’entrée de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée au Panthéon, le mercredi 21 février 2024, plus de 25 associations dont la Coordination Caminar,  l’Association des Parents de Familles Espagnoles Emigrées en France  et Terres de Mémoires et de Luttes, vont leur rendre un hommage à Bordeaux, à Paris et Montrouge.

Dans ces trois villes auront lieu des conférences de presse, des cérémonies et dépôts de gerbes, à Bordeaux, la projection du film « Ni Travail, Ni Famille, Ni Patrie » – suivi d’un débat – et des émissions radios.

Cet hommage sera aussi celui de tous ces milliers de combattants et résistants étrangers, qui ont lutté avec courage, les armes à la main, afin de défendre la République française et ses valeurs et ainsi de combattre le nazisme.

Alfonso Celestino (1916-1944)
Rappelons que le 21 février 1944, au fort du Mont-Valérien, les Allemands ont fusillé 22 membres du groupe FTP-MOI de Missak Manouchian, parmi lesquels figurait un Espagnol : Celestino Alfonso.
Originaire de la province espagnole de Salamanque, Celestino Alfonso arrive en France en 1927. En 1934, il adhère aux Jeunesses Communistes et en 1936, rejoint le combat des Républicains espagnols en s’engageant dans les Brigades Internationales. A partir du 27 août 1936, il est mitrailleur avec le grade de sergent dans la 3ème Brigade. Blessé en 1938, il a le grade de capitaine au moment de la Retirada. En février 1939, il est interné au camp de concentration d’Argelès-sur-Mer. Camp qu’il quitte en décembre 1939 pour être intégré dans une compagnie de Travailleurs Etrangers.
De retour à Paris en juin 1940, il est arrêté et passe un mois en prison avant d’être envoyé en Allemagne. Revenu en France, en juin 1941, il adhère au Parti Communiste clandestin. En juillet 1943, il intègre les FTP-MOI. Il participe à de nombreux attentats dirigés contre les forces d’occupation allemandes, jusqu’à son arrestation, le 17 novembre 1943, à Paris. Condamné à mort, il est fusillé le 21 février 1944
​ Liste des 23 membres du groupe Manoukian :
1. Alfonso Celestino, Espagnol, 27 ans
2. Bancic Olga, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
3. Boczov Joseph, Hongrois, 38 ans
4. Cloarec Georges, Français, 20 ans
5. Della Negra Rino, Italien, 19 ans
6. Elek Thomas, Hongrois, 18 ans
7. Fingercwajg Maurice, Polonais, 19 ans
8. Fontanot Spartaco, Italien, 22 ans
9. Geduldig Jonas, Polonais, 26 ans
10. Glasz Emeric, Hongrois, 42 ans
11. Goldberg Léon, Polonais, 19 ans
12. Grzywacz Szlama, Polonais, 34 ans
13. Kubacki Stanislas, Polonais, 36 ans
14. Luccarini Cesare, Italien, 22 ans
15. Manouchian Missak, Arménien, 37 ans
16. Manoukian Armenak Arpen, Arménien, 44 ans
17. Rajman Marcel, Polonais, 21 ans
18. Rouxel Roger, Français, 18 ans
19. Salvadori Antoine, Italien, 24 ans
20. Schapiro Willy, Polonais, 29 ans
21. Usseglio Amedeo, Italien, 32 ans
22. Wajsbrot Wolf, Polonais, 18 ans
23. Witchitz Robert, Français, 19 ans

Au mémorial de la Shoah : des documents inédits pour présenter Manouchian et tous les étrangers de la résistance

EXPOSITION : À l’occasion de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian,
le mémorial de la Shoah présente une exposition
pour célébrer l’engagement des étrangers dans la Résistance.

Au cœur du mémorial de la Shoah, au pied de l’escalier qui mène à l’exposition, gît la « tache de sang », comme l’appelait Louis Aragon. L’Affiche rouge, haute de près d’un mètre, accueille le visiteur. Les visages des combattants de « l’armée du crime » y sont présentés comme autant de cibles « terroristes » abattues par les nazis. Une propagande qui dès ses origines « n’a pas fonctionné », rappelle la commissaire d’exposition Renée Poznanski.

Placardée partout sur les murs de Paris et dans plusieurs formats, elle avait pour but de désigner les ennemis : tous des étrangers coupables d’attentats contre les Français. Faux, leurs actions étaient ciblées et ne tuaient que des occupants allemands. Leur assignation à résidence communautaire est « un anachronisme déjà pour l’époque ». « Ces résistants étaient traversés par une convergence ou une polyvalence identitaires. » Juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, Italiens, Espagnols, communistes… Ces identités ne rentraient pas en concurrence, ne se hiérarchisaient pas. Ce qui prévalait, c’était leur volonté de libérer la France. Le dénominateur commun de leur combat : l’idéal des Lumières contre le fascisme et le nazisme.
​ L’Arménien, apatride, aura vu par deux fois son souhait de devenir français rejeté
La présentation érudite, composée essentiellement d’archives de la préfecture de police et de textes façonnés par les historiens et commissaires de l’exposition, Renée Poznanski et Denis Peschanski, met en évidencela grande part prise par les étrangers dans la Résistance française alors que la majorité des Français n’ont choisi ni la Résistance ni la collaboration, mais plutôt l’inaction. La lumière est mise sur le groupe Manouchian, à l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak et de Mélinée. 

Le mémorial de la Shoah rappelle que la grande majorité de ces résistants immigrés étaient communistes et pour la plupart ouvriers, intégrés à l’organisation des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Le rôle du PCF dans l’accueil des étrangers dès les années 1920 et l’engagement des militants dans la lutte armée sont ainsi rendus à leur juste véracité historique.
Des documents inédits sont présentés. Comme la seconde demande de naturalisation de Missak Manouchian, « finalement trouvée dans les archives, il y a moins d’un an », précise Denis Peschanski. L’Arménien, apatride, aura vu par deux fois son souhait de devenir français rejeté, avant de mourir pour la France. Les actes produits par la police de Vichy, à laquelle l’occupant nazi avait délégué la traque des « communo-terroristes », provoquent des haut-le-cœur.

Méthodiquement, les brigades spéciales ont mené des opérations de filature pour démanteler l’ensemble du réseau des FTP-MOI. Pièces maîtresses de l’exposition, quatre graphiques correspondant aux différents groupes tissent la toile de leurs réseaux respectifs. Sur l’un d’eux, au milieu de traits reliant des noms de code figure celui de « Bourg ». Il renvoie à la fiche de renseignement numéro 18. Identification : Missak Manouchian. Ils étaient 23 face à 200 professionnels de la traque, 23 étrangers morts pour la France.
Article de Scarlett Bain
Paru dans l’Humanité du 7 février 2024 sous le titre « Vive les étrangers, Vive la France libre ! »
L’exposition peut se voir jusqu’au 20 octobre, au Mémorial de la Shoa, Paris(4ème)

Le 3 février, contre la Loi immigration on lâche rien !

Les fortes mobilisations des 14 et 21 janvier 2024 contre la loi immigration, loi raciste et xénophobe, ont permis le retrait des dispositions les plus nauséabondes par le Conseil Constitutionnel.
Ce qui en reste demeure l’une des pires loi anti-immigrés. Non seulement elle les précarise davantage mais de plus elle favorise le dumping social entre tous les travailleur.ses.
Elle facilitera grandement les conditions d’expulsions, sans respect des droits fondamentaux, rendra plus précaire l’accueil des réfugié.es et plus difficile les conditions de vie, pas seulement pour les sans-papiers, mais pour l’ensemble des personnes d’origine étrangère.
Nous dénonçons l’ouverture de nouveaux « Camps » de rétention administratif (CRA), qui sont des lieux d’enfermement et de privation de liberté pour des familles avant l’expulsion, comme celui qui vient d’ouvrir à Olivet (45).
En conséquence nous appelons à une nouvelle mobilisation le samedi 3 février à 15 h place de la Liberté à Tours pour l’abrogation de la Loi Immigration.
Contre le racisme, la xénophobie et pour défendre une politique migratoire d’accueil et de solidarité, pour une véritable égalité des droits humains et des papiers pour tous.tes.
Notre collectif s’inscrit dans les mobilisations unitaires nationales initiées depuis le 14 janvier jusqu’à l’abrogation de cette loi scélérate.
Collectif Interorga unitaire contre la Loi immigration.
Signataires :
Associations et collectifs : Action Féministes Tours, AMMI-Val d’Amboise, ATTAC 37, Chrétien Migrants,
CIMADE37, CIP 37, Collectif Notre Santé en Danger 37, Collectif Pas d’Enfants à la Rue, Convergence Services
Publics 37, Dernière Rénovation Tours, Emmaüs 100 pour 1, Entraide et Solidarité, Extinction Rébellion,
FEUTRE, ICEM – Pédagogie Freinet 37, Le CAT, LISTE, Organisation de Solidarité Trans Tours, Réseau
Féministe 37, RESF 37, Retirada 37, LDH 37, Le collectif des sports et loisirs pour les migrants chinonais,
Les Soulèvements De La Terre Touraine, Naya, Stop Harcèlement De Rue Tours, La Table de Jeanne Marie,
Tours Antifa, Utopia 56, Le Mouvement pour la Paix.
Syndicats : FSE, SET, SOLIDAIRES 37, Solidaires étudiant.es, USL 37, UD CGT 37.
Organisations politiques : CATDP, Les Ecologistes 37, GES 37, Les Jeunes Ecologistes 37, Les Jeunes.Insoumis.es 37, Jeunes Socialistes Touraine, LFI 37, MJCF 37, NPA 37, Parti des Travailleurs 37, PCF 37, PCOF
37, Parti de Gauche 37, POI 37, PS 37, UCL 37

Les archives de la Brigade Lincoln : « La civilisation doit être sauvée de la destruction d’un groupe de dégénérés »

En 1979, un groupe de membres des brigades internationales américaines de la guerre civile espagnole a lancé ses archives historiques. Aujourd’hui, il contient plus de 300 collections utilisées pour l’enseignement aux États-Unis.

Par Leire Ariz Sarasketa
Publico
4/11/2023
traduit par Luis

« Chère mère et cher père :
Je pense qu’au moment où vous recevrez cette lettre, je serai mort depuis plusieurs semaines. Évidemment, la guerre entretient la confusion et j’ai vu suffisamment de morts attestées pour savoir qu’il faut être quelque peu prudent, mais si vous recevez cette lettre accompagnée d’une annonce officielle, considérez-la comme définitive. »

Avec cette force teintée d’ironie qui imprègne le reste de sa lettre, commence l’annonce du décès écrite de la main de cet habitant de l’Ohio Sam Levinger, combattant international de la Brigade Abraham Lincoln pendant la guerre civile espagnole, blessé à Belchite et tué à La Puebla del Hijar par manque d’assistance médicale. Il avait 22 ans.
Cette lettre fait partie de la collection de documents, plus de 10 000 photographies et divers souvenirs des 2 800 membres de la brigade américaine stockés à la bibliothèque Tamiment de l’université de New York (NYU) depuis 2000.
La collection a été initialement mise en oeuvre à Boston par le bibliothécaire de l’Université Brandeis, Victor Berch, qui, en 1979, a dirigé et accompagné l’initiative des anciens combattants de la Brigade Abraham Lincoln (VALB) pour créer la Fondation des Archives de la Brigade Abraham Lincoln (ALBA). À ce jour, bien que l’association n’ait aucun lien juridique, elle entretient une relation en symbiose avec les archives de l’Université de New York (NYU)pour la collecte de nouveaux documents et de promotion de ceux existants.

Selon Sebastiaan Faber, écrivain, professeur hispaniste et président du conseil d’administration de l’ALBA depuis 2018, l’histoire de la collection « est fondamentalement une reconnaissance de l’importance de la guerre civile espagnole pour la gauche mondiale. Personne ne conteste l’importance de cet épisode, dont la portée dépasse largement les limites de l’Espagne.»
Parmi les premiers à prendre conscience de la nécessité de créer des archives historiques de la guerre, avant les membres de l’ALBA eux-mêmes on trouve les anarchistes et anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail et de la Fédération anarchiste ibérique, mieux connus sous le nom de CNT, qui, juste avant la fin de la guerre, en janvier 1939, réussirent à stocker leurs archives dans 43 caisses en bois, dites « les caisses d’Amsterdam», et à les envoyer à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam.
En réalité, elles n’arriveront à leur destination finale qu’en 1946. Car elles devaient d’abord passer par Paris et la succursale que l’institut néerlandais avait créée à Oxford, avec suffisamment de prudence pour éviter le pillage nazi en cas d’occupation allemande des Pays-Bas, comme ce fut le cas.

Au même moment, mais de l’autre côté de l’Atlantique, le bibliothécaire Herbert Southworth, mentor d’hispanistes comme Paul Preston et Ángel Viñas, « fut saisi par une furieuse obsession de collectionner des documents, des brochures pamphlétaires, des livres, des articles, notamment du matériel bibliographique. », selon les mots de Faber, et a fini par créer la plus grande bibliothèque privée du monde sur la guerre civile. Au début des années 1970, il vend ses archives à l’Université de Californie à San Diego.

Après la mort de Southworth en 1999, la chronique nécrologique du Guardian le définissait comme « le fléau intellectuel pour la dictature franquiste en Espagne », rappelant que son livre The Myth Of Franco’s Crusade avait amené le ministre de l’Information de l’époque, Manuel Fraga, à créer une section dédiée à moderniser l’historiographie du régime.

C’est dans ce contexte que les vétérans de la Brigade Lincoln ont commencé à parler de ce qu’ils devaient faire de leurs propres archives, alors qu’en Espagne, toute la documentation saisie pendant la guerre était conservée dans les services documentaires de la dictature, hébergés à Salamanque.
« Ces archives sont également pionnières », rappelle Faber, « mais elles sont nées comme faisant partie de l’effort de Franco pour la cause générale. Il s’agit en fait d’un cadre judiciaire pénal qui sert à cibler la soi-disant barbarie rouge.» En 2007, les Archives générales de la guerre civile espagnole ont été intégrées au Centre documentaire de la mémoire historique, dont le siège est à Salamanque.

Faber estime que les archives américaines s’expliquent par le dynamisme organisationnel des vétérans de la Brigade Lincoln, mais aussi parce que « compte tenu de l’énorme infrastructure académique et de la richesse économique des universités nord-américaines, il est beaucoup plus facile de financer et de mettre en place des projets comme celui-ci. »

Aujourd’hui, les archives de l’ALBA comptent plus de 300 collections individuelles comme celle de Sam Levinger, dont celles des 60 femmes qui ont rejoint la guerre depuis les États-Unis. Parmi elles, l’infirmière afro-américaine Salaria Kea, qui a quitté Harlem pour prodiguer des soins à Portbou et est décédée dans l’Ohio en 1991.
Avec une histoire similaire à celle de Kea, le Jamaïcain Canute Frankson a écrit une lettre à un ami le 6 juillet 1937, expliquant les raisons pour lesquelles il a rejoint la guerre : « Je suis sûr que tu attends toujours une explication détaillée sur ce qu’a à voir ce combat international avec moi. Il s’agit d’une guerre entre Blancs qui nous ont asservis depuis des siècles. […] Mais nous ne sommes plus un groupe minoritaire isolé luttant désespérément contre un immense géant, parce que, cher ami, nous nous sommes unis et faisons partie d’une force progressiste, sur les épaules de laquelle repose la responsabilité de sauver la civilisation humaine de la destruction planifiée d’un petit groupe de dégénérés qui sont devenus fous dans leur désir de pouvoir. »

James Lardner, correspondant à Paris du New York Herald Tribune depuis 1938, a écrit à sa mère une liste détaillée des raisons pour lesquelles il s’est enrôlé dans les Brigades internationales, dont la première était : « Parce que je crois que le fascisme est mauvais et doit être exterminé, et que la démocratie libérale, ou plus probablement le communisme est la bonne voie. »
A cela il en ajoutait d’autres aussi diverses comme : « Parce que dans ma recherche ambitieuse de connaissances dans tous les domaines, je ne peux pas me permettre, dans ce cas, de laisser la guerre de côté », « parce qu’il y a une fille à Paris qui devra apprendre que ma présence n’est pas nécessaire à son existence », ou « parce que j’ai besoin de quelque chose d’impressionnant chez moi pour compenser ma malheureuse timidité dans les relations sociales ».
« J’ai également examiné les quelques raisons pour lesquelles je ne devrais pas rejoindre l’armée, conclut-il. Je suis désolé pour toi mais elles n’ont pas suffi à me dissuader. » Le 23 septembre 1938, ce qui était censé être le dernier jour de combat des Brigades internationales, Lardner ne revint pas à la base après avoir patrouillé avec deux compagnons. Son corps n’a jamais été retrouvé. Selon le journaliste Vincent Sheean, qui était son compagnon, « Lardner fut le dernier Américain à s’enrôler et le dernier à être tué ».

« Ce qui motive les volontaires est très différent selon les personnes », explique Faber. « Certains n’ont que 20 ans, ils sont célibataires et c’est en partie une aventure. D’autres ont 35 ans, ont déjà une expérience de la guerre et partent parce qu’ils croient pouvoir aider à quelque chose de concret », explique-t-il.
« Il y a des gens du monde syndical. Il y a beaucoup de Juifs, enfants de migrants ou migrants eux-mêmes, qui reviennent essentiellement en Europe pour lutter contre le fascisme, ils savent que celui-ci harcèle leurs proches là-bas, en Allemagne, en Autriche… Il y a des Afro-Américains qui voient clairement les raisons de lutter contre le même fascisme qui les harcèle depuis des années et des siècles aux États-Unis. Et je pense que cette conscience de l’importance de l’expérience espagnole les rend très ouverts pour partager leurs documents à travers des archives publiques », explique-t-il.

Et à propos des efforts déployés pour préserver leur expérience, il ajoute : « Beaucoup de ces vétérans ont senti que leur expérience en Espagne constituait une sorte de moment d’exception dans leur propre vie. Ils ont appris des choses qui ont changé le cours de leur vie, qu’ils ne pourront jamais surpasser en termes d’intensité ou de pertinence. Ils ont fini par vivre une vie parfois dédiée à la mémoire, ou du moins à la tentative de rendre hommage à leur propre expérience en Espagne.
Aujourd’hui, l’ALBA produit également du matériel pédagogique pour les enseignants aux États-Unis et, selon Faber, « d’une part, l’intérêt grandit » – comme l’illustre l’annonce d’une mini-série télévisée du célèbre David Simon sur la Brigade – « et d’autre part, il existe d’autres courants qui s’opposent à l’existence de ces espaces et, notamment dans le domaine de l’éducation, les gouvernements des États tentent de limiter et de censurer ou du moins de façonner ce qui est enseigné. »

« Maintenant qu’ils sont tous morts, nous nous engageons à maintenir leur mémoire vivante, avec l’idée très claire que ce qui nous incombe est d’expliquer et de démontrer aujourd’hui la pertinence des idées qui les ont animés « , conclut Faber. « La solidarité internationale, une préoccupation très spécifique pour l’Espagne et son développement démocratique, la justice sociale aux États-Unis, le mouvement ouvrier aux États-Unis… Tout cet ensemble de questions qui étaient au centre de leurs inquiétudes et que nous pensons toujours importantes ou, qui peut-être, sont encore plus importantes à un moment où dans le monde et les États-Unis nous sommes confrontés à de très grands défis.

tiré de l’article de Publico du 4 novembre 2023​

El archivo de la brigada Lincoln: “Hay que salvar la civilización de la destrucción de un grupo de degenerados”
En 1979, un grupo de brigadistas estadounidenses de la guerra civil española pusieron en marcha su archivo histórico. Hoy, contiene más de 300 colecciones, utilizadas para dar clase en EEUU. 
04.11.2023  
Por Leire Ariz Sarasketa
Publico

“Queridos madre y padre:
Supongo que cuando recibáis esta carta, llevaré muerto varias semanas. Evidentemente, la guerra es una cosa confusa y he visto suficientes muertos certificados caminando por ahí para saber que hay que ser algo escéptico, pero si recibís esta carta junto con un anuncio oficial, dadlo por definitivo”.
Con esa contundencia irónica que impregna el resto de su carta, empieza el anuncio de muerte escrito de puño y letra por el ohioano Sam Levinger, combatiente internacional de la Brigada Abraham Lincoln durante la guerra civil española, herido en Belchite y muerto en La Puebla de Hijar por falta de asistencia médica. Tenía 22 años.
Su carta forma parte de la colección de documentos, más de 10.000 fotografías y diversa memorabilia de los 2.800 brigadistas estadounidenses alojada en la biblioteca Tamiment de la Universidad de Nueva York (NYU) desde el año 2000.
La colección fue originalmente puesta en marcha en Boston por el bibliotecario de la Universidad de Brandeis Victor Berch que, en 1979, lideró y organizó la iniciativa de los Veteranos de la Brigada Abraham Lincoln (VALB) para crear la fundación Abraham Lincoln Brigade Archives (ALBA). A día de hoy, si bien la asociación no tiene ningún vínculo legal con el archivo de NYU, mantiene una relación simbiótica de recopilación de nuevos materiales y promoción de los ya existentes.
Según Sebastiaan Faber, escritor, profesor hispanista y presidente de la junta de ALBA desde 2018, la historia de la colección “es básicamente un reconocimiento de la importancia para la izquierda mundial de la guerra civil española. No hay nadie que dispute la importancia del episodio, cuya trascendencia va mucho más allá de España”.
Algunos de los primeros en darse cuenta de la necesidad de generar un archivo histórico de la guerra, antes que los propios miembros de ALBA, fueron los anarquistas y anarcosindicalistas de la Confederación Nacional del Trabajo y la Federación Anarquista Ibérica, más conocidas como la CNT-FAI que, justo antes del fin de la guerra, en enero de 1939, consiguieron almacenar sus archivos en 43 cajas de madera, conocidas como “las cajas de Ámsterdam”, y enviarlos al Instituto Internacional de Historia Social de Ámsterdam. 
En realidad, llegarían a su destino final en 1946. Porque antes tuvieron que pasar por París y por la sucursal que el instituto holandés había creado en Oxford, con la previsión suficiente para evitar un saqueo nazi en caso de ocupación alemana de los Países Bajos, como así ocurrió.

Al mismo tiempo, pero al otro lado del Atlántico, el también bibliotecario Herbert Southworth, mentor de hispanistas como Paul Preston y Ángel Viñas, “fue preso de una obsesión furiosa por recoger materiales, panfletos, libros, artículos, sobre todo material bibliográfico”, en palabras de Faber, y terminó montando la mayor biblioteca privada del mundo sobre la guerra civil. A principios de los años 70, vendió su archivo a la Universidad de California en San Diego.

Tras la muerte de Southworth en 1999, el obituario de The Guardian lo definió como “el azote intelectual de la dictadura de Franco en España”, recordando que su libro The Myth Of Franco’s Crusade había provocado que el entonces ministro de Información, Manuel Fraga, estableciera un departamento dedicado a modernizar la historiografía del régimen.

Ese era el contexto en el que los veteranos de la Brigada Lincoln empezaron a hablar sobre qué hacer con su propio archivo, mientras en España toda la documentación incautada durante la guerra se almacenaba en los Servicios Documentales de la dictadura, alojados en Salamanca. 
“Ese archivo también es pionero”, recuerda Faber, “pero nace como parte del esfuerzo franquista de la causa general. Es un marco judicial criminal que sirve para documentar la llamada barbarie roja”. En 2007, el Archivo General de la Guerra Civil Española se integró en el Centro Documental de la Memoria Histórica, con sede en Salamanca.

Faber cree que el archivo de Estados Unidos se explica por el impulso organizativo de los veteranos de la Brigada Lincoln, pero también porque “dada la enorme infraestructura académica y la riqueza en términos económicos de las universidades norteamericanas, hace que sea bastante más fácil financiar y montar cosas así”.
A día de hoy, los archivos de ALBA cuentan con más de 300 colecciones individuales como la de Sam Levinger, incluyendo la de las 60 mujeres que se unieron a la guerra desde EEUU. Entre ellas, la enfermera afroamericana Salaria Kea, que dejó Harlem para ofrecer asistencia sanitaria en Portbou y murió en Ohio en 1991.
Con una historia similar a la de Kea, el jamaicano Canute Frankson escribió una carta a un amigo el 6 de julio de 1937 en la que explicaba sus motivos para unirse a la guerra:

“Estoy seguro de que aún esperas una explicación detallada de qué tiene que ver esta lucha internacional conmigo. Esta es una guerra entre blancos que nos han esclavizado durante siglos. […] Pero ya no somos un grupo minoritario aislado luchando desesperadamente contra un gigante inmenso, porque, querido, nos hemos unido y convertido en parte de una fuerza progresista, en cuyos hombros se eleva la responsabilidad de salvar la civilización humana de la destrucción planificada de un pequeño grupo de degenerados que se han vuelto locos en su deseo de poder”.

James Lardner, corresponsal en París del New York Herald Tribune desde 1938, escribió a su madre una lista detallada de razones por las que se alistaba en las Brigadas Internacionales, la primera de las cuales era: “Porque creo que el fascismo está equivocado y debe ser exterminado, y que la democracia liberal, o más probablemente el comunismo, está en lo correcto”. 

A esta le añadía otras tan diversas como: “Porque en mi ambiciosa búsqueda de conocimiento en todos los campos no puedo permitirme, en esta, era dejar la guerra de lado”, “porque hay una chica en París que tendrá que aprender que mi presencia no es necesaria para su existencia”, o “porque necesito algo que impresione de mí para compensar mi desafortunada timidez en las interacciones sociales”. 
“También he considerado unas pocas razones por las que no debería unirme al Ejército”, concluye, “siento por ti que no hayan sido suficiente para disuadirme”.

El 23 de septiembre de 1938, el que se suponía que iba a ser el último día de lucha para las Brigadas Internacionales, Lardner no volvió a la base después de un patrullaje con dos compañeros. Su cuerpo nunca fue recuperado. De acuerdo al periodista Vincent Sheean, que fue su compañero, “Lardner fue el último americano en alistarse y el último en ser asesinado”.

“Lo que motiva a los voluntarios es muy diferente según la persona”, reflexiona Faber. “Algunos solo tienen 20 años, son solteros y es, en parte, una aventura. Otros tienen 35, ya tienen experiencia bélica, y van porque creen que pueden contribuir a algo en concreto”, explica.
“Hay personas del mundo sindical. Hay muchísimos judíos, hijos de migrantes o migrantes ellos mismos, que vuelven básicamente a Europa para luchar contra el fascismo, que saben que está acosando a sus parientes ahí mismo, en Alemania, en Austria… Hay afroamericanos que ven claramente los problemas de luchar contra el mismo fascismo que les lleva acosando años y siglos en Estados Unidos. Y creo que esa conciencia de la trascendencia de la experiencia española hace que estén muy dispuestos a compartir sus materiales a través de un archivo público”, explica. 

Y sobre el esfuerzo para preservar su experiencia añade: “Muchos de estos veteranos sintieron que su experiencia en España constituía una especie de momento de trascendencia en su propia vida. Aprendieron cosas que cambiaron el curso de su vida, que nunca pudieron superar en términos de intensidad o de relevancia. Acabaron viviendo una vida dedicada a veces a la memoria, o al menos al intento de honrar su propia experiencia en España”.
A día de hoy, ALBA también elabora materiales educativos para profesores de Estados Unidos y, según Faber, “por un lado, el interés crece” -como ilustra el anuncio de una miniserie para televisión del célebre David Simon sobre la brigada-, “y por otro, hay otras corrientes que trabajan en contra de que haya estos espacios y, especialmente en la educación, hay intentos por parte de los gobiernos estatales por limitar y censurar o al menos moldear lo que se enseña”.
 “Ahora que todos han muerto, nos dedicamos a mantener viva su memoria, con una idea muy clara de que lo que nos incumbe es explicar y demostrar la relevancia de las ideas que les movieron hoy”, concluye Faber. “La solidaridad internacional, una preocupación muy específica con España y su desarrollo democrático, la justicia social en Estados Unidos, el movimiento obrero en Estados Unidos… Todo ese conglomerado de temas que les preocuparon a ellos y que nos parece que siguen siendo importantes o, quizá, son aún más importantes en un momento en el que el mundo y Estados Unidos estamos viéndonos enfrentados a desafíos muy grandes”.

Une Mémoire Démocratique pour une Démocratie en Danger

Le manifeste adopté à l’occasion des XIe Rencontres Transfrontalières des Associations de mémoire historique, démocratique et antifasciste se terminait sur l’engagement des participants aux groupes de travail à « agir au sein des sociétés dans lesquelles elles vivent et se développent » car « elles ne peuvent ni ne doivent rester silencieuses face à la dégradation de la démocratie dans leurs pays (tant en France qu’en Espagne) et dans le monde. » En ce sens, le manifeste souligne que la mémoire démocratique est « le vaccin qui immunisera notre société d’aujourd’hui contre le virus de la haine dont l’extrême droite a besoin pour grandir et triompher ».
En France les groupes d’extrême droite et nazis n’hésitent plus à se montrer, diffusent de la propagande antisémite et tentent de profaner les camps comme ce fut le cas pour le camp de Gurs. L’intervention de la gendarmerie a permis d’éviter la profanation. Les mesures adoptées par le gouvernement Macron affectent les couches les plus pauvres du pays y compris les classes moyennes ou la jeunesse étudiante, dont une grande partie est contrainte d’abandonner ses études ou, comme le démontrent les statistiques, doit se limiter à un seul repas par jour en raison de l’inflation (46 %). Tout cela constitue désormais un terreau favorable à la réception du discours de Marine Le Pen qui, avec 89 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée Nationale, s’affiche comme la seule personnalité capable de battre Emmanuel Macron aux élections pour la Présidence de la République de 2027. Cependant, alors qu’à l’intérieur elle adopte un discours trompeur et se présente comme une force respectable, modérée et au profil social, (sur la base cependant d’un État providence réservé aux seuls nationaux du pays) dans le but de susciter et de recueillir le vote des secteurs les moins politisés, habituellement abstentionnistes, à l’extérieur, au contraire, pour les élections au Parlement européen prévues en 2024, elle montre son vrai visage et cherche des alliances avec d’autres forces de l’extrême droite européenne telles la Ligue de Salvini dont elle partage le même discours xénophobe, raciste et anti-immigrés.
Parallèlement l’extrême droite prend le contrôle de publications et de médias audiovisuels et y installe des journalistes affidés chargés de vulgariser sa propagande révisionniste dans le but de neutraliser l’antifascisme.

L’Espagne, de son côté, si elle a enregistré quelques nouvelles positives avec un rapport du parquet favorable à l’admission de la plainte déposée par Carles Vallejo à la suite des tortures subies lors de sa détention au début des années 70, ou avec la première audition de Julio Pacheco par un juge sur les tortures dont il a été victime en 1975 après son arrestation par la police secrète de Franco, a vu malheureusement s’affirmer une forte présence électorale de l’extrême droite.
Et, ce qui est bien pire, l’extrême droite a réussi à contaminer une partie de la société avec son discours de haine et d’exclusion et à amener d’autres formations comme le P.P à calquer leur agenda et leurs propositions sur les siens jusqu’à s’associer à VOX pour gouverner de nombreuses communautés autonomes.
Heureusement, la mobilisation de la gauche lors des élections générales de juillet a empêché, au moins pour l’instant, qu’ils puissent gouverner ensemble le pays. Ils ont conclu des accords prévoyant des mesures, développées avant et après les élections, qui, en plus de vouloir restreindre les droits fondamentaux des femmes, nient la diversité sexuelle, favorisent les plus riches et les plus puissants à travers une politique fiscale qui réduit (et parfois élimine) les impôts qui taxent la richesse. Ils veulent récupérer ce qu’ils considèrent comme l’essence de l’hispanité. Ils veulent en finir avec la Mémoire Démocratique en abrogeant les lois promulguées en ce domaine ou en les laissant sans application, tout en prônant un discours qu’ils fondent sur ce qu’ils appellent la concorde et la réconciliation, mais qui n’est rien d’autre que l’oubli et le silence.
La Mémoire Démocratique ne peut être tributaire du gouvernement en place. Elle constitue un axe central de l’État lui-même, pour autant qu’il soit défini comme démocratique. Les politiques de mémoire publique sont une obligation dont le respect ne peut dépendre de la volonté de gouvernants car elles constituent une partie inaltérable de l’héritage démocratique de la société. L’élimination de la mémoire démocratique sape les fondations sur lesquelles l’État démocratique s’est construit et se soutient. Il ne s’agit pas, comme le prétend à tort la droite espagnole, d’imposer un récit historique partisan mais de transmettre une série de valeurs démocratiques apprises de nos expériences en tant que société et qui doivent être communes aux citoyens car elles constituent le noyau de la conscience démocratique nécessaire à la construction de celle-ci. En définitive, il s’agit de récupérer, réhabiliter et reconnaître le patrimoine commun et universel de tous ceux qui ont lutté pour la démocratie dans le passé.

Pour cette raison, au moment où la démocratie est menacée, la protéger implique de revendiquer la Mémoire Démocratique et, par conséquent, de défendre les groupes et les entités qui se consacrent à sa promotion et à sa diffusion. Ces derniers sont devenus des ennemis à abattre car, tant qu’ils résistent, l’extrême droite ne pourra imposer sa vision sociale et politique d’exclusion absolue. Notre rôle revêt par conséquent une importance particulière et, comme nous l’avons vu tout au long de ces XIIe Rencontres Transfrontalières des associations de mémoire historique, démocratique et antifasciste organisées à Villeneuve-sur-Lot (France), nous devons mettre en place une grande diversité d’ actions et propositions pour faire face au défi qui nous est posé, ce qui nécessite également que nous nous dotions des outils et des instruments qui nous permettent de toucher le plus grand nombre possible de nos concitoyens.
Comme l’a déclaré Enzo Traverso, qui a inauguré ces XIIe Rencontres, « nous sommes au milieu d’un processus de transition dont les résultats sont encore inconnus et ouverts soit à un New Deal du XXIe siècle, capable d’affronter le changement climatique et d’inverser les transformations produites par quarante ans de néolibéralisme soit à un virage à l’extrême droite qui jettera notre planète dans la catastrophe annoncée. Dans le contexte actuel, les deux résultats sont parfaitement possibles ».
C’est la raison pour laquelle les associations de mémoire et chacune des personnes qui s’y impliquent activement, constituent un barrage défensif contre cette marée noire et pestilentielle de haine et d’exclusion.
Mais nous devons aussi être des agents actifs dans la bataille pour l’hégémonie culturelle en opposant à sa conception du monde un modèle de société dans lequel les valeurs propres à notre Mémoire Démocratique assurent la liberté et la coexistence pacifique de tous ses membres. Car une société n’est démocratique que si elle garantit les droits fondamentaux de chacune des personnes qui la composent.
Cela étant dit, nous entendons affirmer :
PREMIÈREMENT : En matière éducative, il est essentiel de souligner les aspects positifs du changement de cadre légal qui oblige désormais à « la connaissance de l’histoire et de la mémoire démocratique espagnole et de la lutte pour les valeurs et libertés démocratiques », même si cela peut être affecté par la charge de travail administratif importante du personnel enseignant et des ratios par classe très élevés. Quoi qu’il en soit, l’étude de l’Histoire doit sans aucun doute se relier aux principes de vérité, de justice, de réparation et de garantie de non-répétition.

Pour y parvenir, la présence des entités et associations mémorielles est essentielle ainsi que la nécessité d’incorporer d’autres acteurs de la communauté éducative comme les associations familiales. Et cela non seulement dans les écoles publiques, ce qui est notre engagement sans équivoque, mais aussi en essayant d’atteindre les élèves des écoles sous contrat et privées tant qu’elles existeront.
D’autre part, nous devons nous intégrer aux réseaux académiques et chercher à les étendre au niveau transfrontalier, mais avec la volonté de favoriser les échanges, dans un dialogue enrichissant et permanent, afin que la contribution des entités et associations mémorielles soit effective et assure leur participation active à la tâche cruciale de l’éducation.
Mais la mémoire n’est éloignée ni du présent ni du futur et il ne faut donc pas oublier de lier l’apprentissage de l’Histoire et de la mémoire aux débats actuels sur les luttes des femmes, les droits sexuels, l’immigration, les réfugiés ou autres.
Concernant la terminologie utilisée, le débat lexical est ouvert et questionne l’utilisation du terme « guerre civile » qui ne reflète pas pleinement ce qui s’est passé en Espagne (persécutions politiques, répression et extermination). La terminologie « guerre civile ne prend pas en compte le contexte que fut le conflit contre le fascisme, prélude à la Seconde Guerre mondiale.
Enfin, la formation des enseignants universitaires doit inclure la Mémoire Démocratique dans ses programmes, comme cela se fait déjà, par exemple, en Navarre.
DEUXIÈMEMENT : Concernant l’actuelle loi 20/2022 du 19 octobre sur la Mémoire Démocratique, nous reconnaissons qu’elle contient des avancées importantes même s’il y a aussi certains aspects qui pourraient être améliorés.
Mais il est évident qu’elle va au-delà de la loi de 2007, en intégrant des éléments fondamentaux comme, par exemple, la condamnation affirmée du coup d’État ou la déclaration d’illégalité du régime franquiste. Cependant, nous sommes préoccupés par le retard opéré dans la mise en œuvre des nombreuses propositions contenues dans ce texte qui sont dans l’attente de l’approbation de la norme réglementaire correspondante. En effet, à l’heure actuelle, aucun texte réglementaire n’a été promulgué et le seul projet de texte qui avait été élaboré se trouve suspendu en raison des échéances électorales. Cela signifie qu’un non-respect des délais peut survenir générant des situations indésirables ou une perte de droits. Il est essentiel, en ce sens, de mettre en place un cadre institutionnel qui garantisse le respect des dispositions légales, afin que la loi ne se cantonne pas à être purement déclarative mais permette réellement de mener à bien des politiques et des actions concrètes sur lesquelles il ne soit pas possible de revenir ensuite.

Pour mettre en exergue cette problématique, il est proposé d’adresser aux forces politiques avec représentation institutionnelle un modèle de motion à approuver dans l’institution correspondante dans laquelle il est demandé le respect et le développement de la Loi dans tous ses aspects.
En outre, il est proposé que les associations et entités de mémoire, tant françaises qu’espagnoles, signent une demande d’inscription au Registre des entités prévu à l’article 59 de la loi, dont l’élaboration réglementaire est encore en attente, afin qu’elle serve de moyen de pression sur le gouvernement pour qu’il prenne les dispositions réglementaires adéquates et installe le Conseil de la Mémoire Démocratique.
Enfin, un appel est formé contre le risque de privatisation et de marchandisation de la mémoire, qui en ferait un business lucratif au lieu d’un outil de sensibilisation. En ce sens, l’État doit prévoir les mécanismes juridiques appropriés pour garantir que l’objectif prévu par la Loi de Mémoire soit atteint, en s’appuyant dans cette tâche sur les associations mémorielles.
TROISIÈMEMENT : Il est nécessaire que le travail des entités et associations mémorielles, avec toutes les ressources qu’elles ont pu générer, les documents qu’elles ont produits, ainsi que les expériences qui ont façonné leurs actions (travail avec les écoles, les ciné-clubs, les expositions, etc.), soit rendu public et valorisé. Pour ce faire, il est proposé de partager mutuellement tout ce bagage au travers d’une base de données dans laquelle seront répertoriés matériels, expositions, ressources pédagogiques… qui pourront ensuite être utilisés non seulement par les différentes associations, mais aussi par d’autres types de publics : chercheurs, membres de la famille, etc., afin de générer des dynamiques permettant la transmission efficace de la mémoire et l’incorporation de nouveaux membres. Ainsi, un groupe de travail permanent est créé afin de faire avancer le développement de la plateforme télématique qui sert d’outil pour réaliser cet objectif, en évaluant notamment comment assurer la conservation à long terme de ce matériel (transfert aux archives, numérisation …).
QUATRIÈMEMENT : Nous devons intégrer et reconnaître la trajectoire et la mémoire du féminisme tout au long du XXe siècle, dans sa lutte pour les valeurs démocratiques et l’égalité, d’autant plus maintenant que ses acquis et ses conquêtes sont en danger, menacés par les discours et les pratiques de l’extrême droite, suivis par ceux de la droite traditionnelle.

En outre, la montée de la violence contre les femmes nous oblige à chercher des solutions, en analysant, comme cela a été fait lors de ces XIIe Rencontres, la construction de politiques d’égalité et de luttes contre la violence de genre en France et en Espagne, et les risques actuels de régression. Le déni des violences sexistes ou la montée des violences sexuelles sont des réalités qui deviennent aussi des champs de bataille pour les entités mémorielles et les associations.

La fin de ces XIIe Rencontres Transfrontalières des associations de mémoire historique, démocratique et antifasciste coïncide avec le début d’une nouvelle période de défense d’une démocratie que l’extrême droite assiège et cherche à remplacer par un monde de rejet et d’exclusion dans lequel prédomineraient l’autoritarisme, le déni et le suprématisme. C’est la raison pour laquelle les associations mémorielles et leurs membres renouvellent, ici et maintenant, leur engagement en faveur de la Mémoire Démocratique et, avec elle, leur engagement sans équivoque en faveur de la tolérance, du respect et de l’inclusion de tous dans notre idéal d’un monde meilleur, authentiquement libre, égalitaire et fraternel, c’est-à-dire antifasciste.

Agen le 1er octobre 2023.

ENTITÉS SIGNATAIRES :

AFFNA 36, Ay Carmela, Brigadas Internacionales de Catalunya, Associacio Catalana Ex presos Politics del Franquisme, Caminar, Fundación 14 de abril, La Barranca, MER 47, MER 64, TML, Txinparta RMC, Instituto Navarro de la Memoria, Circulo Republicano Huesca, Amarres (Association Mémorielle Auvergnate Réfugiés Républicains Espagnols), MHRE 89, Asociación de Memoria Histórica “Los Barracones”, M.R.A.S.T (Mémoire Résistance en Ariège – Solidarité Transfrontalière), Fundación Domingo Malagón, Asociación Sobrarbense la Bolsa, Ateneu de Memoria Popular.

Jean Ortiz nous a quitté

Nous avons la tristesse d’apprendre le décès de Jean Ortiz. Ami de notre association Retirada37 il était venu à Saint-Pierre-des-Corps en février 2018 nous parler avec la passion qui le caractérisait des Brigades internationales et de bien autres choses. Il avait présenté en juin 2016 avec émotion son film Compañeras réalisé avec Dominique Gauthier. José Manuel Cano López touché par ce film, nous a raconté dans sa pièce de théâtre documentaire « Romancero des ombres » la vie de ces « femmes aujourd’hui âgées qui ont été plongées dans les horreurs de la guerre, ont connu la disparition d’êtres chers, l’exil vers la France. Ces témoignages bouleversants sont tirés du commentaire « Companeras » de Jean Ortiz et Dominique Gautier. »

l’Article dans l’Huma
Disparition : Jean Ortiz, rouge passion
Spécialiste de l’Espagne républicaine et de l’Amérique latine, l’ancien correspondant de l’Humanité à Cuba s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.
Publié le
Dimanche 23 juillet 2023
Patrick Apel-Muller314091.
«  L’ennemi s’est infiltré », disait-il de sa maladie et de ce « diable de scanner qui a marqué un avant et un après », rendant plus épisodiques ses textes sur son blog de l’humanite.fr. Mais, bien conscient de la « défaite à venir », Jean Ortiz était de ces « insomniaques qui guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche, chaque jour plus claudicante ». Pour ce « rojo, fils de rojo », une retirada n’interrompait pas le combat. Il s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

De l’histoire tragique de l’Espagne qui avait marqué sa famille, comme de la Résistance dans laquelle son père avait combattu dans l’Aveyron, Jean Ortiz tirait une leçon de courage et se faisait un devoir par ses livres d’enquêtes historiques et ses documentaires de rétablir l’ampleur du crime franquiste avec ses massacres, ses enfants volés, ses tombes effacées. En 2010, il avait vigoureusement appuyé le juge Garzon qui voulait que les crimes des partisans du Caudillo soient jugés, malgré la loi d’amnistie de 1977.

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine »

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine. » Cet enracinement de classe l’avait naturellement conduit à l’engagement communiste. Il fut même candidat du PCF à deux reprises, lors d’élections législatives dans ses terres tarnaises à Castres (1973), puis en 9 e position dans le Sud-Ouest lors des élections européennes de 2009.

« Être révolutionnaire, affirmait-il, c’est contribuer à faire de l’humanité le moteur d’une vie. » Il tissait son militantisme de tout ce qui faisait son être singulier – pouvait-il faire autrement ? –, de ses passions, de ses « provocations jamais gratuites », de son verbe enfiévré, de ses colères parfois injustes sur lesquelles il savait revenir, de ce sentiment d’urgence qui ne le quittait pas et qui le conduisait à téléphoner au beau milieu de la nuit au directeur de la rédaction de l’Humanité. Comment lui en vouloir de partager ses insomnies ? Sa sensibilité à vif mettait souvent le doigt sur une arête de l’actualité, sur le revers d’un fait ou une information incomplète.

Devenu correspondant de l’Humanité à Cuba de 1977 à 1981 – il succédait à José Fort et précédait Maité Pineiro –, Jean Ortiz réalise aussi de grands reportages en Amérique latine. Il est ainsi au cœur de la révolution au Nicaragua et accompagne une colonne de guérilleros sandinistes jusqu’à la prise de Managua. Épopée inoubliable.

Après un bref passage parisien comme collaborateur du comité central du PCF sur l’Amérique latine, il quitte le journalisme pour une carrière d’enseignant, même si l’écriture d’un « papier » le démangeait toujours et qu’il y revenait comme à une féconde addiction.

En 1982, Jean Ortiz soutient une thèse de troisième cycle et le jeune agrégé d’espagnol devient maître de conférences à l’université de Pau.

CulturAmerica, un festival devenu vite incontournable

Ses passions l’y accompagnent et il crée un festival, CulturAmerica, dont il fait un pont avec l’Amérique latine, accueillant les personnalités progressistes et les intellectuels du continent, questionnant les expériences citoyennes qui y naissent et nouant des amitiés, avec Evo Morales notamment.

Le rendez-vous devient vite incontournable pour les chercheurs comme pour les amoureux de cette région du monde. Devenu un spécialiste reconnu de l’Amérique centrale et du Sud, il produit plusieurs ouvrages – dont l’un consacré à Che Guevara (2) – et secoue les consciences sur les crimes de Pinochet avec l’avocat chilien, son ami, Eduardo Contreras.

Producteur d’articles universitaires, Jean Ortiz touche à de multiples domaines, scénariste et metteur en scène avec son ami Dominique Gautier (3), mais également aficionado averti. Dans l’Humanité, il rédige plusieurs articles de défense de la corrida et publie un ouvrage de référence, Tauromachie et représentation du monde en Amérique latine (éditions Atlantica, 2005).

Les équipes de l’Humanité expriment leurs condoléances et leur amitié à la famille de Jean et à ses proches.

(1) Lire notamment chez Atlantica : Mi guerra civil (2005) ; Rouges. Maquis de France et d’Espagne. les guérilleros (2006) ; Guérilleros en Béarn. Étranges « terroristes » étrangers(2007) ; chez la Librairie des territoires : Franco n’est pas mort culo al sol ! (2019). (2) Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999). (3) Rouge miroir(2005) ; Le Cri du silence (2007) ; Confidences cubaines (2007) ; Paroles d’anciens (2008) ; Fils de rojo (2009).

Poema a Jean Ortiz

Fallecido el 22 de julio de 2023.

Rojo camarada Juan Ortiz,

Rojo como la sangre de España.

Rojo como la solidaridad obrera,

La tuya, siempre con la mano tendida.

Con Eloi y el Comandante Robert

Quisiste echarnos una mano amiga,

Desde Pau hasta París.

Gracias, Rojo camarada indisciplinado Jean Ortiz.

Tu guerra civil fue la nuestra.

Rojos maquis de Francia y de España

Los Guerrilleros,

Rojas vidas, rojas memorias.

Rojo audaz de todos los combates,

Sindicales, universitarios,

Sociales, culturales, políticos

Sin olvidar al humilde obrero,

A tu padre Enrique, obrero,

Al mío, Daniel, obrero también,

Quienes en España,

En Francia soñaron con Lenin.

Tus nobles ideales : Cuba y el Che,

Chile, Evo Morales, Hugo Chaves,

Cecilio Gordillo, la reforma agraria en Andalucía.

Hijo de rojo, allez, allez !

Compañeras, Dominique Gautier.

La République est de retour

S í, como no, ya vuelve la Niña Bonita

Para tí, su gran paladín,

Para todos los rojos, para hombres nuevos, de ideales nuevos.

Rêvons, c’est pour bientôt, camarade Jean Ortiz.

Duerme en paz, camarada, amigo Juan Ortiz,

¡ Aquí, con nosotros, con la Tricolor,

Para siempre estás !

Rose-Marie Serrano

(Amis des Républicains Espagnols de RP, París 25/07/23).

Une vídeo de Jean Ortiz prise par Elizabeth Maugars lors de son passage à la bibliothèque de Saint-Pierre-des-Corps le 20 février 2018 à l’invitation de Retirada37 :

L’opération Bolero-Paprika

Un « Bolero » très anti-communiste
7 septembre 1950 , nom de code : « Opération Bolero-Paprika ». Une rafle du gouvernement Pleven, socialistes et « radicaux » entre autres, contre les « communistes étrangers » réfugiés en France… essentiellement espagnols.
Mercredi 8 août 2018
Jean Ortiz

Les guérilleros… A la Libération, nombre d’entre eux furent décorés pour leur contribution à la victoire sur le nazisme. Mais pour eux, guérilleros antifascistes espagnols, pas d’euphorie ; la guerre n’était pas terminée. La lutte frontale pour chasser Franco, ils la poursuivaient… Et seuls. Quasiment seuls. Le parti communiste d’Espagne, le front « Union Nationale » (UNE) et la « Agrupación de guerrilleros españoles (AGE-UNE-FFI)  », préparaient l’opération armée « Reconquista » (« Reconquête ») de l’Espagne. Bouter Franco à la mer ! Le contexte, celui de la victoire sur le fascisme, selon le PCE , s’y prêtait. L’initiative n’était donc pas insensée. Son échec a servi cependant à régler de nombreux comptes, internes et externes au PCE. « Il n’existe à ce jour, aucun document, aucun témoignage de l’époque, attestant du désaccord de quelque dirigeant communiste (espagnol) que ce soit avec l’opération»[1].
 
OPERATION « RECONQUISTA »
 
Du 19 au 29 octobre 1944, 3000 guérilleros espagnols pénètrent en Espagne, au Val d’Aran, qu’ils occupent. A « l’attentisme », à la « stratégie diplomatique » , les guérilleros opposent « le volontarisme ».
Les gouvernements français, anglais et américain, considèrent, eux, que « l’Espagne ne les concerne pas », et ils se drapent dans une sorte de nouvelle « non-intervention », en réalité tout à fait interventionniste. Les combattants antifascistes espagnols se retrouvent une nouvelle fois lâchés par les « démocraties occidentales » et même persécutés, des deux côtés de la frontière. Non seulement ils entrent au Val d’Aran dans de mauvaises conditions, mais on les abandonne, et on poursuivra même ultérieurement des militants qui ont pris pourtant leur part de sang à la Libération du pays qui les expulse. L’échec des « invasions » militaires provoque dans le PCE (et hors PCE) d’interminables controverses et manipulations.
 
Santiago Carrillo « en profite » pour écarter de la direction l’homme de la reconstruction autonome du PCE, dès le début de 1939, et artisan de l’Union Nationale Espagnole, Jesús Monzón. Deux ouvrages analysent cette période et notamment le rôle de Monzon…[2] La CIA jette de l’huile sur le feu. A posteriori, le 2 décembre 1948, elle le confirme en publiant un rapport dans lequel elle affirme que la direction du PCE aurait délibérément envoyé au casse-pipe les meilleurs des guérilleros »[3]. Des historiens avaient déjà plus ou moins suggéré cette hypothèse, non établie, propagandistique, et relevant plutôt d’une « littérature du ressentiment »[4].
La situation internationale a pesé dans l’échec… Dès mai 1944, un message de Churchill indiquait : l’ESPAGNE, affaire des Espagnols. Au moment où les guérilleros pénètrent, une note des RG indique que « Franco a le soutien de la presse occidentale et des Anglo-Américains »[5].
 
COMPRENDRE LE CONTEXTE
 
La résistance postérieure à 1945 était en Espagne majoritairement communiste ; (quelques groupes libertaires s’organisèrent en maquis surtout urbains), mais le PCE était le seul parti espagnol à porter cette ligne de lutte armée insurrectionnelle antifranquiste ; et il l’abandonnera en 1948. Sur « ordre » de Staline, a-t-on trop souvent écrit. Rien à ce jour ne permet de le fonder vraiment. Le PCE a « infiltré » des centaines de militants armés en Espagne, dans le cadre de sa stratégie de « Reconquista », d’insurrection nationale…
 
Dès l’automne 1944, les autorités françaises déclarent la frontière « zone interdite ». Le 27 juillet 1945, elles en éloignent les guérilléros, afin qu’ils ne puissent plus la franchir. Le capitalisme espagnol soutient plus que jamais son camp, qu’il a grassement financé : la dictature . Et Franco, « sentinelle de l’occident », multiplie les gages envers la France  (et vice-versa), pour un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
 
Les brigades de guérilleros, dissoutes le 31 mars 1945 par le  gouvernement provisoire de libération, pour s’en débarrasser, deviennent des « bataillons de sécurité ». Par la suite, De Gaulle invitera les guérilleros espagnols à partir combattre en Indochine, dans une sale guerre coloniale.
 
Au pied des Pyrénées, pour beaucoup d’ antifascistes espagnols d’alors, la « Guerre froide » commence dès l’automne 1944. Objectif principal des « Alliés »: isoler le PCE, consolider plus ou moins discrètement Franco. Le PCE a construit en France un appareil clandestin, (surveillé de près par la DST) pour soutenir ses « maquis » de l’intérieur : guérilleros, passeurs, agents de liaison, dépôts d’armes… Franco souhaite normaliser rapidement les relations avec Paris, à condition que la France « nettoie » le grand sud-ouest, en élimine les « rouges », présentés en Espagne comme exagérément influents en France. Depuis 1948, les rapports se dégèlent lentement entre la dictature franquiste et le gouvernement français. La « Guerre froide » va faire du communisme le mal absolu. « L’opération Boléro-Paprika  va porter un coup sérieux au PCE mais au-delà, aux autres organisations antifascistes, à la France progressiste et à la cause républicaine, qui n’avait pas besoin de cela…
Le gouvernement français (22 ministres) socialistes et radicaux, (on dirait aujourd’hui de « centre-gauche »), en place depuis juillet 1950 et présidé par René Pleven, réprime sans ménagement les grandes grèves ouvrières… Le gouvernement comporte 9 ministres MRP, 8 Radicaux dont Edgar Faure, 4 PRL (Antoine Pinay) trois UDSR Union Démocratique, socialiste, de la Résistance. (Pleven, Mitterrand (secrétaire d’Etat), Claudius Petit ), etc.
Le 7 septembre 1950, à 5h du matin, commence brutalement « l’Opération Boléro-Paprika » ; des portes volent en éclats. A l’aide de gros moyens, la rafle apparaît comme l’une des plus importantes de la « Guerre froide »[6] L’Opération Boléro-Paprika vise des dizaines de militants exilés en France, communistes espagnols (« boléro ») 13 Italiens, et quelques autres militants d’Europe de l’est : 59 Polonais, 4 Roumains, 14 Soviétiques (« Paprika »)… Au total la rafle, cette page noire, cette honteuse persécution de « héros », sépare des familles, accentue la dureté des conditions de vie de l’exil et des « doublement déportés » (une soixantaine en Corse)… Capturés, 288 militants (selon les archives policières) dont 177 communistes espagnols, sont déportés, placés en résidence surveillée, en Corse (61), en Algérie, et même en « Allemagne de l’Est », en Tchécoslovaquie, assignés à résidence, ou en France métropolitaine, par décret (toujours pas abrogé), loin de chez eux. Ces anciens guérilleros font valoir leurs états de service… Rien ne dissuade Paris. Les intérêts de classe priment sur tout le reste. La « Guerre froide » percute de plein fouet un exil très investi contre Franco…
La presse espagnole, « Arriba », « La Vanguardia »… exulte. Peu avant l’opération, le PCE et le PSUC (communistes catalans) et leurs organisations féminines, de jeunesse, syndicales… proches, leurs journaux et publications : « Mundo Obrero », « Lluita » (organe du PSUC), « Nuestra Bandera » (revue théorique), « El Obrero español », « Solidaridad española » avaient été interdits le 26 août et le premier septembre les organisations communisantes illégalisées.
 
La plupart des hauts dirigeants du PCE (Líster, Carrillo, Claudín, Mije, Uribe, Antón, Luis Fernández…)° échappent à l’arrestation. La direction communiste du puissant PCF parvint à les informer afin qu’ils puissent se cacher…
 
(fin de la première partie)
 
 
[1] « Rouges. Maquis de France et d’Espagne. Les guérilleros », coord Jean Ortiz, Biarritz, ed. Atlantica, 2006, p. 260
 
[2] AZCARATE, Manuel (ancien dirigeant communiste) « Derrotas y esperanzas… », Tusquets ed., Barcelona, 1994) et MARTORELL, Manuel, (journaliste et historien) Jesús Monzón, el líder comunista olvivado por la historia » (Pamiela ed., Pamplona, 2000)
 
[3] Rapport CIA, 2/12/ 1948, Barcelona, La Vanguardia, 17/11/2005
 
[4] ARASA, Daniel, “Años 40: los maquis y el PCE”, Barcelona, ed. Argos Vergara, 1984, MORÁN, Gregorio, “Miseria y grandeza del PCE, 1939-1985”, Barcelona, ed. Planeta, 1986
 
[5] Note des RG, Préfecture des Basses Pyrénées, 2 oct. 1944, n 5249, Pau, ADPA, 1031W237
 
[6] Archives nationales, Paris, F.7 161114

UN « BOLERO » TRÈS ANTI-COMMUNISTE . 2ème partie
Le général communiste Enrique Líster a joué un rôle de premier plan dans l’organisation et la direction des « maquis » espagnols.
Mercredi 8 août 2018
Jean Ortiz

L’opération « Reconquista de España» supposait également qu’un hôpital de l’arrière, en France et pas loin de la frontière, serve de « retaguardia » médicale (arrière-garde) aux guérilleros blessés. Le PCE et « l’Amicale des anciens FFI et résistants espagnols » aménagent à Toulouse, quartier Saint-Cyprien, un vieux bâtiment qui devient « l’Hôpital Varsovie », au 15 de la rue du même nom, un hôpital de qualité, solidaire, militant, qui peu à peu opère et soigne bien au-delà des guérilleros. La plupart des médecins sont militants du PCE ou proches de lui.
 
L’hôpital sera lui aussi, impitoyablement, victime du déploiement policier du gouvernement de « centre-droit et gauche », de l’ Opération de  « Guerre froide »  « Boléro-Paprika » ; « el hospital de los guerrilleros », véritablement décapité, et ses médecins espagnols arrêtés, déportés eux aussi, ou assignés à résidence, etc. Dans la journée même, des médecins communistes français prennent le relais, et l’hôpital prendra le nom de « Joseph Ducuing » en hommage à celui qui reprit la direction et le flambeau. La grande rafle suscite peu de réactions en France de l’époque. Plus il est gros et répété, mieux le mensonge passe… « L’Humanité », la CGT, le PCF, la Ligue des Droits de l’Homme… mènent une campagne de dénonciation et de solidarité. Le chef d’accusation finalement unique appliqué à tous les détenus, au-delà du grotesque : « intelligence avec une puissance étrangère », c’est l’accusation « d’appartenance communiste », et de surcroît étrangère.
 
Léon Blum vole au secours des « boléristes » et lance : « le communisme international a déclaré la guerre à la démocratie »[1].
 
Les militants espagnols, intégrés aux syndicats français, luttent avec leurs camarades. Les autorités françaises, de droite, gaullistes, socialistes, radicales, de « troisième force », haïssent ces « rouges espagnols » révolutionnaires, « bouffeurs de curés », et de patrons. Une belle « union sacrée » ! Le 29 octobre 1948, le président du gouvernement, en pleine grève minière, accuse « la foule criminelle des communistes espagnols » d’avoir « attaqué les forces de l’ordre… ». Il fait porter aux Espagnols la responsabilité des affrontements sanglants, fruits de sa terrible répression contre les puits d’Alès, de Saint-Etienne, du Nord… et les mineurs grévistes. A partir de 1947, la France tourne le dos totalement aux Républicains espagnols et se place ouvertement sous la tutelle des Etats-Unis.
 
La presse française, « Le Figaro » en tête, accusent, eux-aussi, « la cinquième colonne » qui préparerait une « invasion soviétique » du sud de la France. Un danger mortel, totalement fantasmé, mais matraqué jusqu’à plus soif. Une telle parano , il faut le faire ! Ces propos sont repris par le très référentiel « Le Monde », et même « Le Populaire », journal du PS, « France Soir »… « L’Humanité » s’insurge contre l’arrestation de 300 antifranquistes, et le gouvernement qui cède aux pressions de Madrid[2], maltraite des héros de la Résistance, veut « nettoyer » de leur présence le grand sud de la France.
 
Peu à peu, la lutte des classes reprend ouvertement son cours normal. « Mieux vaut Franco que le ‘frente crapular’ ! ». Les socialistes jouent l’attentisme ; en septembre 1945, le plenum du PSOE condamnait l’organisation « de révoltes et d’incidents » qui pourrait légitimer, au plan international, l’existence d’un gouvernement de fait en Espagne »[3]. Le premier août 1950, le sénat nord-américain avait autorisé l’octroi d’un prêt de 62,5 millions de dollars à l’Espagne franquiste. Le 4 novembre 1950, l’ONU revient sur sa résolution du 12 décembre 1946 et autorise désormais ses membres à rétablir les relations diplomatiques avec l’Espagne. Décembre 1951, en ce qui concerne la France… Quelques semaines après « Boléro-Paprika ». Tout est là. Le 8 mai 1948, et le 14 juin 1949, la France et l’Espagne avaient déjà signé des accords commerciaux et financiers.
 
Le 23 septembre 1953, le président Eisenhower paraphe à Madrid avec Franco, en grande pompe, les « Accords de Madrid », en toute « cohérence » : reconnaissance diplomatique du fascisme espagnol contre soutien économique et militaire de Washington, et quatre bases militaires.
 
Comme Somoza, Franco était un « fils de pute », mais c’était « notre fils de pute », comme le déclara, un jour d’inhabituelle lucidité, le président nord-américain.
 
 
[1] DENOYER Aurélie, « Résonances françaises de la guerre d’Espagne », HAL, Archives ouvertes, ed. D’Albray, 2011, p. 295-312.
 
[2] Archives nationales, Paris, f 7/16114, Boléro-Paprika
 
[3] SERRANO Segundino, « Maquis », Madrid, ed. Temas de hoy, 2001, p. 145.

Les Brigades internationales : un « grand récit » fondateur, une épopée nécessaire aujourd’hui

Les BI (53 pays, environ 32.000-35.000 volontaires, la plupart jeunes et ouvriers) sont un patrimoine héroïque de l’histoire des communistes et de celle de tous les révolutionnaires, de tous les antifascistes, de tous les progressistes…
Les classes dominantes voudraient nous dépouiller de notre histoire, celle des combats émancipateurs de classe, des luttes populaires… Raison de plus pour la brandir, l’assumer, l’étudier, la faire vivre concrètement dans le monde actuel… En être fiers. Fiers de valeurs à réactiver, du travail de l’ACER, les Amis des combattants en Espagne républicaine présidée par notre chère Claire, fille de ROL et de Cécile, entourée d’autres internationalistes d’aujourd’hui, passionnés, généreux, et qui font honneur à la cause qu’ils portent et perpétuent.
Les BI ne sont pas « l’armée du Kominterm » mais « une armée et un  univers communistes », aime à répéter l’historien spécialiste Rémy Skoutelsky. Le contingent français était le plus nombreux (un tiers) et comptait entre 50% et 60% de communistes encartés. Pourquoi tant de bave aujourd’hui pour décommuniser les Brigades ? Pourquoi tant d’acharnement à les dénigrer : Brigadistes, tous « staliniens », donc tous mercenaires sanguinaires!! Les autres brigadistes non membres du PCF étaient des ouvriers antifascistes, des syndicalistes, des militants de gauche, des idéalistes, des républicains, une minorité d’anarchistes, de socialistes…
Les BI (53 pays, environ 32.000-35.000 volontaires, la plupart jeunes et ouvriers) sont un patrimoine héroïque de l’histoire des communistes et de celle de tous les révolutionnaires, de tous les antifascistes, de tous les progressistes…
La rentrée 2016 (septembre, octobre, novembre) marquera le 80e anniversaire de leur création par l’Internationale communiste et leur arrivée en novembre sur un front de Madrid sur le point de tomber… « No pasarán ! » Et les fascistes n’ont pas pris Madrid ! Ne nous loupons pas ! Ne nous laissons pas déposséder !
Un ouvrage collectif évènement politico-littéraire de rentrée, un documentaire (30 minutes), prêt fin septembre sur ce qu’il reste aujourd’hui de cette épopée, tourné à Albacete (base des BI), seront en plein dans le mille d’une célébration qui doit être vivante, historique, politique, festive, liée aux enjeux de 2016. Nous avons ô combien besoin des valeurs que portaient ces hommes : justice sociale ; solidarité internationaliste, socialisme, engagement total, désintéressé…
Il ne s’agit pas ici de rentrer dans l’analyse, les contradictions, les conflits, les motivations, la composition des BI… cela sera fait ultérieurement. Précisons seulement qu’avant la création des BI, dès que le « golpe » éclate, des centaines de militants anarchistes, communistes français, des socialistes, des trotskystes, des immigrés antifascistes réfugiés en France, traversent les Pyrénées, partent individuellement combattre aux côtés des milices antifranquistes…
Que se lèvent les internationalistes d’aujourd’hui ! « Vous êtes le mythe, vous êtes la légende » (Dolores). Douleur et fierté. « ¡Se siente, se siente, las Brigadas están presentes ! »
Jean Ortiz
12 AOÛT 2016