Archives de catégorie : Actualités

Antimilitarisme

Pour compléter mon article sur notre présence lors du 11 novembre à Tours auprès de plusieurs associations manifestant contre la guerre en général, je rajoute qu’une très belle chanson m’a inspirée dans ma jeunesse rebelle. Déjà, lorsque j’étais adolescente je disais que si j’étais un mec j’aurais refusé de faire le service militaire en préférant être objecteur de conscience, quitte à faire de la prison.

Quand ce fut le tour de mon fils, je me suis arrangée pour qu’il effectue un service civique, bien plus intéressant pour un jeune. Quand ma fille a essayé d’entrer dans l’armée, en tant que juriste, dès qu’on lui a dit qu’il fallait passer par la « case obligatoire » du maniement des armes elle a immédiatement refusé.

Cette chanson c’est Boris Vian qui l’a écrite, chanson qui a été censurée bien évidemment à l’époque car mal vue par ceux qui sont les protagonistes des guerres. Elle accompagne parfaitement bien la chanson de Craonne.

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer

Boris Vian, Le déserteur

ETRE PRESENTS LE 11 NOVEMBRE – Point de vue

Anti-militariste convaincue depuis de longues années, je trouve que la Retirada 37 a toute sa place le 11 novembre, aux côtés de plusieurs associations, dénonçant la Guerre en général.

Je  n’oublie pas que mon père s’est battu, pour que les valeurs de la jeune République perdurent dans son pays qu’était l’Espagne. Aujourd’hui je prends son relais « pour faire vivre les mémoires et les valeurs des Républicains exilés espagnols ».

Je ne suis peut-être qu’un petit pion sur l’immense échiquier planétaire mais si tous les petits pions du monde pouvaient, ne serait-ce qu’un 11 novembre, se donner la main en criant HAUT et FORT  HALTE au FASCISME, HALTE aux GUERRES. Ce n’est pas du domaine de la puérilité ou d’un quelconque folklore. N’allons pas trahir nos parents, surtout au lendemain d’un reportage si bien fait sur ARTE « Tragédie des brigades internationales ». Ce reportage nous a montré que la bête immonde peut arriver, même de là où on ne l’attend pas et comment elle tient les ficelles sans hésiter à massacrer des combattants de son propre camp (les purges !!!). On ne peut pas cautionner l’armée.

Qui sont ceux qui provoquent les guerres ?

Ce sont les gros nantis, fabricants d’armes en tous genres, pactisant avec nos gouvernants, ou l’inverse,

Ce sont les gros nantis, jamais ceux qui se trouveront sur les champs de bataille ou les civils à se faire massacrer,

Ce sont les gros nantis qui donneront des ordres aux pauvres bougres pour les envoyer à la boucherie,

Ce sont les gros nantis qui s’en sortiront avec encore plus de pognon,

Ce sont toujours les gros nantis qui n’ont rien à faire du peuple, qui ont un EGO surdimensionné…

J’ENRAGE quand je lis « l’Homme (avec un grand H, je souligne), étant ce qu’il est, il nous faudra toujours une armée. » Rien n’empêche à cet Homme de changer et rien ne nous empêche de lui rappeler que la guerre a toujours été effroyable, il faut que cela cesse.

Quand pourra t’on dire « la Femme étant ce qu’elle est, exécre la guerre, elle refuse que ses enfants servent de chair à canons pour de gros nantis pourris » ??? 

UNISSONS-NOUS pour aller dans ce sens plutôt que penser que c’est normal. Pour la plupart d’entre nous nos parents ont participé, d’une manière ou d’une autre, à cette horrible Tragédie d’une guerre civile à l’intérieur d’une guerre civile, nous leur devons le RESPECT.

Ma devise est NUNCA MAS GUERRA (plus jamais de guerres).

POURQUOI NOUS SERONS PRESENTS LE 11 NOVEMBRE – Point de vue

Notre association est signataire comme elle l’a fait l’an dernier pour appeler au rassemblement du 11 novembre devant l’Université. Pour dénoncer cette guerre infâme que fut la première guerre mondiale.

Retirada37 a été créée « pour faire vivre les mémoires et les valeurs des Républicains espagnols exilés » et parmi eux figuraient des militants de différentes causes républicaines, socialistes, communistes, militants démocrates et progressistes, anti-fascistes avant tout et parmi eux de nombreux anarchistes.

Ces militants anarchistes portaient effectivement ces messages antimilitaristes, qui n’étaient pas partagés par tous les Républicains combattant le fascisme, mais leurs pensées font partie de ces mémoires. C’est la raison pour laquelle notre association appelle à ce rassemblement, sachant que les valeurs portées par les Républicains étaient aussi contradictoires.

Une phrase de l’appel a choqué plusieurs adhérents qui m’en ont fait part « L’armée, quelle qu’elle soit, est l’école du crime. »

Je suis aussi de ceux qui pensent que toutes les armées ne sont pas « l’école du crime ». Que certaines l’ont été comme l’armée nazie, comme les militaires félons franquistes coupables de l’assassinat de la jeune République espagnole.

Mais je pense aussi à tous ces militaires qui ont combattu contre le fascisme, au premier détachement de la division blindée, de la Deuxième DB du Général Leclerc, commandée par le Capitaine Dronne, à être entrée dans Paris le 24 août 1944, avec La Nueve, composée de nombreux anarchistes espagnols, qui furent des combattants exemplaires.

Je pense à tous ces militaires qui ont payé de leurs vies pour la Libération de la France, après avoir combattu avec les Brigades internationales comme le Colonel Rol-Tanguy.

Non toutes les armées ne sont pas « l’école du crime » il y en eu de nombreuses qui ont permis de nous délivrer du joug fasciste.

Tout cela ne peut nous faire oublier la boucherie de la guerre 14/18,  avec la mobilisation de 70 millions d’hommes dans le monde, 10 millions de morts, 20 millions de blessés, 640 000 veuves, 760 000 orphelins, 740 000 mutilés. C’est contre toutes ces horreurs, contre les risques de guerre qui planent sur le monde, contre la bête immonde qui guette à nos portes, que notre association sera aussi présente le 11 novembre. La Chanson de Craonne pourra nous rassembler grâce aux paroles recueillies par Paul Vaillant Couturier.

A Tours le 26 octobre 2016
Luis Lopez
Président de Retirada37

La Chanson de Craonne

Paroles
Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé,
On va r’prendre les tranchées,

Notre place est si utile

Que sans nous on prend la pile.

Mais c’est bien fini, on en a assez,

Personn’ ne veut plus marcher,

Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot

On dit adieu aux civ’lots.

Même sans tambour, même sans trompette,

On s’en va là haut en baissant la tête.
Refrain

Adieu la vie, adieu l’amour,

Adieu toutes les femmes.

C’est bien fini, c’est pour toujours,

De cette guerre infâme.

C’est à Craonne, sur le plateau,

Qu’on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés

C’est nous les sacrifiés !
C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards

Tous ces gros qui font leur foire ;

Si pour eux la vie est rose,

Pour nous c’est pas la mêm’ chose.

Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées

Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,

Nous autr’s, les pauvr’s purotins.

Tous les camarades sont enterrés là,

Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
au Refrain
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,

Pourtant on a l’espérance

Que ce soir viendra la r’lève

Que nous attendons sans trêve.

Soudain, dans la nuit et dans le silence,

On voit quelqu’un qui s’avance,

C’est un officier de chasseurs à pied,

Qui vient pour nous remplacer.

Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe

Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,

Car c’est pour eux qu’on crève.

Mais c’est fini, car les trouffions

Vont tous se mettre en grève.

Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,

De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre,

Payez-la de votre peau !

GUERRE A LA GUERRE !

Les organisations SUD/SOLIDAIRES 37, SUD Rail 37, Les Amis de Demain Le Grand Soir, Retirada 37 , NPA 37, MJCF 37 appellent les Tourangelles et les Tourangeaux à se réunir le 11 novembre lors d’un rassemblement qui se déroulera devant le parvis de la faculté de lettres de Tours, rue de Tanneurs, à 10 heures (entrée Thélème).

capture

Ce monde, malgré les douloureux exemples des deux premières guerres mondiales, est toujours un monde en guerre. La France est malheureusement bien placée dans cette course à l’horreur : Elle s’évertue à être dans le leadership des marchands de canons.

Au nom de considérations diplomatiques douteuses, elle intervient dans telle ou telle partie de la planète développant un chaos mondial dont les fondamentaux restent, derrière les discours lénifiants, la recherche effrénée du profit.

Sur tous les continents la guerre sévit, au profit des mafias locales et/ou des Etats nationaux et toujours au détriment des populations et des salariés.

Le douloureux exemple des demandeurs d’asile qui viennent se réfugier, par centaines de milliers, en Europe est là pour nous le rappeler au quotidien.
L’armée, quelle qu’elle soit, est l’école du crime. Il faut inlassablement le dire, le répéter et la combattre. C’est ce que nous ferons, avec « nos armes » (la parole, l’humour, le cri, etc.), le 11 novembre prochain.

Premiers signataires : SUD/SOLIDAIRES 37, SUD Rail 37, Les Amis de Demain Le Grand Soir, Retirada 37, Alternative Libertaire 37, NPA 37, MJCF 37…

Almudena GRANDES

almudenas-grandes

Almudena Grandes est une écrivaine : que le mot sonne mal ! Je ne m’y ferai jamais mais il faut bien vivre avec son temps !

Almudena Grandes est une auteure : cela sonne mieux mais j’ai l’impression de faire une faute d’orthographe !

Que faire donc de ces femmes qui écrivent des livres ? Lire leurs œuvres tout simplement !

Almudena Grandes a écrit de nombreux romans et le premier que j’ai lu, c’est El Corazón helado paru en 2007 et traduit en français sous le titre Le Cœur glacé (2008). Alvaro, fils d’un homme d’affaires acquis au franquisme, s’étonne de la présence furtive d’une jeune femme lors des obsèques de son père. Et dans sa quête de cette jeune femme, c’est tout un passé trouble qu’il va voir remonter à la surface et le conduire à rompre avec sa famille dont il n’a jamais partagé vraiment les « idéaux » mais que dorénavant il rejette du plus profond de lui-même. La jeune femme, Raquel, est fille et petite-fille de Républicains exilés en France et le roman nous plonge dans la vie de ces Espagnols réfugiés en France. Deux volumes ou un seul volume de plus de 1200 pages, mais il ne faut pas se laisser décourager car le livre se dévore à belles dents !

Almudena Grandes se veut l’héritière des grands romans du 19° siècle, tant français avec Zola qu’espagnols avec Benito Pérez Galdós. Elle cherche à écrire des romans qui embrassent la vie entière d’un personnage à travers tout un contexte social, historique, psychologique. A partir du roman El Corazón helado, elle va se tourner vers le passé sombre de l’Espagne, de la Guerre Civile à la dictature de Franco. Elle fait là œuvre de mémoire et elle veut, à travers la trame romanesque, ressusciter le passé, lui donner vie alors même qu’on voudrait le condamner au silence. « La dictature a coupé les ailes de la mémoire » dit-elle à un journaliste français et elle entend bien faire revivre cette mémoire occultée pendant des décennies. Selon elle, c’est aux petits-enfants qu’il appartient de faire ce travail de mémoire.

Elle commence alors une série de trois romans qu’elle regroupe sous le titre Episodios de una guerra interminable, comme si cette guerre ne devait jamais finir ni dans le passé ni dans le présent !

Le premier volume s’intitule Inés y la alegría (2010) et il paraît en France en 2012 sous le titre Inès et la joie. Inés appartient à une famille franquiste qui ne supportant pas son goût pour l’indépendance et la liberté, pour la cause républicaine aussi, la retient prisonnière contre son gré. Elle écoute en cachette Radio Pyrénées, réussit à s’échapper de sa prison pour rejoindre en octobre 1944 les rebelles espagnols dans le Val d’Aran. Elle y rencontrera Galán, l’homme de sa vie. Mais n’allez pas croire que les livres d’Almudena Grandes sont des livres à l’eau de rose – en plus, dans ce roman-là, il y est beaucoup question de cuisine ! Certes il y a bien une histoire d’amour émouvante mais elle s’inscrit dans un contexte historique solidement documenté !

Le second volume de la série a pour titre El lector de Jules Verne (2012), paru en France en 2013 sous le titre Le Lecteur de Jules Verne ! Il met en scène Nino, un petit garçon de neuf ans, fils d’un garde-civil, qui vit dans une caserne dans un petit village de la sierra sud de Jaén. Au printemps 1947, la rencontre de Nino avec Pepe el Portugués, personnage étrange et fascinant, qui lui fera jurer de ne jamais devenir garde-civil comme son père, changera radicalement le cours de sa vie. Ce roman d’initiation d’un enfant, qui se déroule essentiellement sur une période de trois ans, passe aussi par la découverte des livres grâce à une maîtresse à la retraite, doña Elena. Ces trois années, 1947, 1948 et 1949, correspondent à une période très dure du régime franquiste qu’on a appelée « el trienio del terror » et le livre d’Almudena Grandes, rend bien compte de cette terrible période d’oppression vue par le regard d’un enfant. Nino, enfant sensible et observateur, comprend que les ennemis de son père ne sont pas les siens mais il comprendra aussi pourquoi son père tient tant à ce qu’il prenne des leçons de dactylographie !

Quant au troisième volume de ces Episodios de una guerra interminable, il a pour titre Las tres bodas de Manolita (2014), Les trois mariages de Manolita (2016) mais comme je suis en train de le lire, je ne vous en dirai rien, si ce n’est qu’il me plaît déjà ! Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est de la littérature féminine ! C’est de la littérature !

 

Emilio Marco et ses compagnons de lutte

9782915694901_1_75

¡ A Zaragoza o al charco !

Aragon 1936-1938. Récits de protagonistes libertaires

 

Les Giménologues et L’Insomniaque publient en 2016

« ¡ A Zaragoza o al charco ! » se lançaient les miliciens sur le front d’Aragon pour entretenir leur courage. Et cette formule [1], ils se la rappelèrent plus tard, dans les camps en France, nous disait un jour Emilio Marco, l’un des protagonistes de ce livre.

Le 18 juillet 1936, dans la capitale de l’Aragon, les jeunes libertaires comme Petra Gracia arpentent les boulevards en attendant de connaître l’attitude de la CNT-FAI face au soulèvement militaire prévisible. Le 19 juillet, Saragosse tombe aux mains des factieux.
La chute incompréhensible de la « perle anarchiste », encore retentissante de la motion sur le communisme libertaire adoptée au IVe congrès de la CNT en mai, est ressentie comme une catastrophe.
Le 24 juillet partent de Barcelone les miliciens de la « Primera columna », conduite par Buenaventura Durruti, puis ceux de la « Segunda columna », conduite par Antonio Ortiz, où Emilio Marco s’embarquera. Il combattra dans la centurie de Juan Peñalver, cénétiste de Sant Feliu de Llobregat.
Dans les quartiers ouvriers de Saragosse, les militants sont traqués et Florentino Galvàn se cache où il peut.

Alors que pour la plupart des libertaires, l’offensive pour reprendre Saragosse ne peut se dissocier de l’abolition du salariat et de l’argent, et de la mise en commun des terres, des outils et du travail, au niveau des Comités directeurs de la CNT et de la FAI on s’aligne sur l’antifascisme et l’on exige « que personne n’aille au-delà ».

Voilà le cœur de l’un des drames à plusieurs facettes qui se nouèrent dans la partie de l’Espagne restée républicaine. Mais avant que les mâchoires de la contre-révolution ne se referment sur les impatients du front et de l’arrière, une expérimentation aux dimensions historiques eut cours, un début de vie nouvelle fut savourée jusqu’à la dernière goutte, au sein de l’Aragon rural.

Miliciens catalans partant pour SaragosseAprès avoir accompagné les volontaires espagnols et internationaux de « la Durruti » dans le secteur de Pina, nous repartons en campagne au sud de l’Èbre, du côté de Belchite avec « la Ortiz ».
Et dans la continuité de À la recherche des fils de la nuit, nous tentons une fois encore d’articuler les histoires particulières et l’analyse des questions collectives.
Car cet ouvrage s’ancre dans les récits d’hommes et de femmes engagés dans les milices et dans les activités des collectivités aragonaises. Les rencontres qui se sont succédé après 2006 avec ces compañeros et compañeras – ou leurs enfants – représentent un petit miracle.

À Tours Engracia, fille de Florentino Galván [2], membre du Conseil d’Aragon, et Emilio Marco, milicien de la colonne Sur Ebro, ont sacrément animé notre soirée de présentation.
À Grenoble, Hélios se trouvait dans la même soirée que nous sur l’Espagne, et nous nous sommes « reconnus » au gré de nos interventions respectives. Il a lui-même rédigé l’histoire de son père Juan Peñalver [3], centurion d’Emilio (double surprise !).
Tomás Ibánez nous a dit un jour où nous étions au CIRA de Lausanne que sa mère Petra Gracia, fort âgée, n’arrêtait pas de lui parler (et pour la première fois) des terribles journées de l’été 1936 à Saragosse.
Après avoir lu l’édition espagnole des Souvenirs d’Antoine, Isidro Benet, un « ex » du Groupe international de la colonne Durruti, et son fils César, nous ont un jour contactés par mail depuis Valencia, histoire de savoir si les souvenirs du miliciano pouvaient nous intéresser…
Antoine et ses copains ont été un peu secoués en lisant dans « à la recherche des fils de la nuit » les noms de destacados anarchistes qu’avait bien connus son père, Manolo Valiña [4], lui-même ancien homme d’action de la CNT-FAI. Eux-mêmes avaient longtemps cherché à compléter son histoire.

Voilà que l’on pouvait encore approcher cette expérience de manière incarnée, avec des protagonistes du mouvement libertaire espagnol. Ce furent désormais les derniers témoins directs à nous avoir parlé aussi précisément, et avec toujours autant de passion, de ce moment fort de l’histoire.
Au fil des ans, nous avons régulièrement soumis à Emilio, Hélios, Petra, Isidro, Engracia et Antoine les nouvelles moutures des notices en cours de rédaction, jusqu’à la disparition des quatre premiers d’entre eux.
Nous saluons aussi au passage la mémoire de Josep Fortuny de Tarnac, et de Juan et María Gutiérrez de Banat, maintenant disparus.

Les récits de nos amis ont donc servi de matrice chronologique et événementielle que nous avons développée et recoupée à partir de ce que nous avons trouvé dans les centres d’archives, dans la presse des années trente, dans la documentation du mouvement libertaire espagnol, dans d’autres témoignages publiés ou non, et dans les travaux d’historiens ou de chercheurs amateurs.

Nous avons ajouté des développements de notre cru sur deux thèmes qui nous paraissent essentiels quand on se penche sur le processus révolutionnaire qui eut cours dans l’Espagne des années trente : le projet de société communiste libertaire, et la polémique, toujours entretenue aujourd’hui, sur une supposée cruauté spécifique des anarchistes espagnols.

Puisse cette mosaïque donner un peu à voir ce qui s’est joué au cours des luttes anticapitalistes dans les années trente en Espagne.

Le 24 avril 2016. Les Giménologues, Clermont-Ferrand, Lagarde, Marseille, Périgueux, Valbonnais.

 

 

[1« ¡ A Zaragoza o al charco ! » [À Saragosse ou à la mare !] est une expression célèbre tirée d’une historiette datant du XIXe siècle, destinée à illustrer l’opiniâtreté des Aragonais. Un Aragonais rencontre sur son chemin un curé qui lui demande où il se dirige. « À Saragosse », répond-t-il. Le curé rétorque « Si Dieu le veut », et l’autre lui répond : « Qu’il le veuille ou non, c’est à Saragosse que je vais. » Dieu apparaît à cet instant, et pour punir le récalcitrant il le transforme en grenouille et le jette dans une petite mare, où il croupit.
Longtemps après, il lui redonne sa forme humaine, et l’Aragonais reprend sa route.
Mais il croise à nouveau un curé qui lui pose la même question, et il lui répond : « Voy a Zaragoza… o al charco », car il n’est pas acceptable pour lui de dire « Si Dieu le veut. »
Devant une telle détermination, Dieu jeta l’éponge.
On comprend que cette fable au fond irrévérencieux à l’égard de la religion, et où l’individu s’affirme face à l’autorité suprême ait séduit les anarchistes, au point que, comme on le verra dans ce livre, l’un d’entre eux signait ses articles : « Uno del charco ».

[2Mort en 1966

[3Mort en 1983

[4Mort en 1976

emilio