Historien, Patrick Gourlay a enquêté sur un épisode de la guerre d’Espagne à Brest : en 1937, un commando franquiste a voulu s’y emparer d’un sous-marin républicain. Un livre passionnant.
L’ouvrage de Patrick Gourlay ferait un excellent scénario de film. « Cela se lit comme un roman d’espionnage, commente son éditeur, Erwan Chartier, de Coop Breizh, mais tout est vrai ! » Professeur d’histoire-géographie et déjà auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire politique de la Bretagne, Patrick Gourlay s’est intéressé à ce sous-marin républicain arrivé dans le port de Brest le 29 août 1937.
« Je savais juste qu’il y avait eu un sous-marin espagnol à Brest. J’ai trouvé étrange cette histoire. J’ai commencé à creuser. » Et l’historien, originaire de Brest, est allé de surprise en surprise, avec cette rocambolesque expédition du commando franquiste.
« Mingua l’audacieuse »
La flotte de la République espagnole avait six submersibles nommés C-1, C-2, etc. Les Franquistes n’en avaient pas. Le C-2 avait fui l’avancée des nationalistes. Victime d’une avarie, le sous-marin et ses 46 hommes d’équipage étaient parvenus jusqu’à Brest. Son jeune commandant de 29 ans, José Luis Ferrando Talayero, entendait le faire réparer. Les autorités françaises surveillaient ce bâtiment amarré au 5e bassin.
« Début septembre, le commando franquiste, mené par le commandant Julian Troncoso, un maître-espion, et aidé de deux Français membres de la Cagoule, va commencer ses repérages », poursuit Patrick Gourlay. Le commandant du sous-marin a pris ses habitudes à Brest : après quelques parties d’échecs rue de Siam, il fréquente régulièrement l’Ermitage, le café-dancing de la rue Colbert.
L’Ermitage existe toujours, quasiment au même endroit. Il s’appelle désormais le Stendhal. Ses deux cogérants, René Guéguen et Pascal Artero ont ainsi appris que l’établissement, créé par leur grand-père en 1932, a été au centre de l’affaire. « On n’avait jamais entendu parler de cette histoire dans la famille », avouent les deux cousins. Ils ont retrouvé une photo de l’époque, qui figure dans le livre, et ont montré à l’historien la maquette de l’Ermitage réalisée par le père de l’un d’eux.
« Les franquistes voulaient retourner le commandant, poursuit l’historien. Et pour cela ils comptaient sur « Mingua l’audacieuse », une entraîneuse italo-espagnole et acquise à la cause des nationalistes. » Le commandant acceptera effectivement de rejoindre le camp franquiste. Mais l’attaque du sous-marin, le 18 septembre, échoua. Parce que les anarchistes espagnols de la CNT avaient dépêché leurs propres agents à Brest.
Photo de presse.
Le C-2 en rade de Brest (photo personnelle).
Des espions partout
« J’ai découvert, dans des archives aux Pays-Bas, qu’ils avaient infiltré le commando franquiste. La CNT avait deux espions qui lui rendaient compte de tout! » L’historien évoque aussi la mobilisation des communistes et anarchistes brestois pour protéger le sous-marin républicain arrivé dans un port qui avait déjà accueilli plusieurs navires chargés de réfugiés espagnols.
« Cette affaire a eu un énorme retentissement dans la presse française et même internationale. » D’autant que les membres du commando franquiste, dont un fut tué lors de l’assaut, furent arrêtés et jugés à Brest pour… transport et usage d’armes de guerre.
L’enquête dévoile aussi ce que devint le redoutable Troncoso une fois Franco au pouvoir. Et aussi l’étonnant parcours d’un des deux cagoulards qui devint un grand résistant, puis maire d’une commune du Finistère.
Nuit franquiste sur Brest, Patrick Gourlay, préface de Roger Faligot, 147 pages, avec carte, chronologie, sources, bibliographie, 12,50 €, éditions Coop Breizh.
Yannick GUÉRIN
Nuit noire sur Brest, roman graphique inspiré du livre de Patrick Gourlay, adaptation, scénario et dialogues de Bertrand Galic et Kris, Editions Futuropolis, 2016.
Source :
http://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/lextraordinaire-histoire-du-sous-marin-c-2-749247