L’EXIL COMMUNISTE ESPAGNOL EN FRANCE ET EN U.R.S.S. (1939-1950)

 

Vignette humoristique au début de la Guerre Civile.

Anthony Eden, dubitatif ministre des affaires étrangères de Grande-Bretagne (de 1935 à 1938).

On reconnait à gauche Franco, Mussolini derrière lui, Hitler en dessous. A droite Azaña en tenue militaire, Staline derrière lui et Léon Blum faisant contrepoids.

 

 

Résumé, par chapitre, de la thèse d’ Enrique Líster, fils du célèbre général communiste :

L’EXIL COMMUNISTE ESPAGNOL EN FRANCE ET EN U.R.S.S. (1939-1950) Contribution à l’histoire d’une émigration par Enrique LÍSTER LÓPEZ

 

Thèse de doctorat en études slaves soutenue à l’université de Poitiers, le 14 décembre 2002. Membres du jury : Annie Allain (président), Hélène Menegaldo, Marie-Aline Barrachina, Jean Breuillard, Lutz Winckler. 2 vol. dactylogr., t. 1 : p. 1-490 ; t. 2 : p. 491-958-LXI, bibliogr., index, 111.

 

 

 

Père et fils.

 

 

 

La thèse se compose d’une introduction, de quatre parties et d’une conclusion.

 

La Ire partie (p. 15-212), qui comprend huit chapitres, propose une reconstruction de l’exode des républicains espagnols en France (1939) ;

La IIe partie (p. 214-490), composée de trois chapitres, étudie l’émigration espagnole en U.R.S.S. (1939-1941) ;

La IIIe partie (p. 492-645), comprenant trois chapitres et une annexe, examine la question des Espagnols dans la « Grande Guerre patriotique » ;

La IVe partie (p. 647-786) s’attache à l’histoire des communistes espagnols dans l’après-guerre et à la question du départ des communistes espagnols de l’U.R.S.S., ainsi que l’interdiction du P. C.E. en France en 1950 et l’expulsion des cadres et dirigeants vers les pays de l’Est.

Au corps de la thèse s’ajoute un apparat critique composé d’une bibliographie raisonnée de sources en plusieurs langues (près de 600 entrées), un index des noms propres (1 194 entrées) et une importante iconographie composée de documents photographiques dont certains, inédits, proviennent de la collection de l’auteur.

 

 

INTÉRÊT DU SUJET

 

Herbert Rutledge South worth (1) écrivait en 1970 que la guerre d’Espagne fut l’événement qui, limité à ses frontières géographiques nationales, a produit jusqu’à nos jours le plus de travaux écrits : livres, articles, études, thèses, etc.

1 . Herbert Rutledge Southworth, historien américain, spécialiste de la guerre civile espagnole, auteur du Mythe de la croisade de Franco, Paris, Ruedo Ibérico, 1964.

Cet intérêt exceptionnel est, comme le note E. Témime (2), lié directement à la dimension internationale de ce conflit.

  1. Emile Témime, « Le devenir de la migration de 1939 », in Plages d’exil : les camps de concentration de réfugiés espagnols en France, 1939, Nanterre – Dijon, 1989, p. 205-211 = Hispanistica, n° 6.

 

Pourtant, le caractère international de la guerre d’Espagne, avec ses enjeux diplomatiques, l’aide massive de l’Allemagne nazie et de l’Italie mussolinienne à Franco, l’histoire des Brigades internationales, etc., n’est pas la seule raison qui motive cet intérêt. La guerre d’Espagne fut aussi – sans doute avant tout – le prélude à la Seconde Guerre mondiale : son ultime « répétition », le dernier « exercice » militaire des grandes puissances, qui y éprouvèrent, six mois avant le second conflit mondial, leurs armes et leurs techniques. Ainsi, nombre de combattants qui participèrent à la guerre d’Espagne, d’un côté ou de l’autre, se retrouvèrent face à face sur le sol de France ou dans les champs de bataille de Russie, ou encore dans les terres africaines au sein des troupes de la France libre. Pour comprendre nombre d’aspects de la Seconde Guerre mondiale, il faut, obligatoirement, commencer par une étude de la guerre civile espagnole. On a là une clé de l’intérêt permanent des historiens pour le sujet.

Mais la guerre d’Espagne est exceptionnelle aussi par un autre aspect, qui est sans précédent dans l’histoire du XXe siècle : la défaite républicaine provoqua l’un des plus grands exodes de l’histoire, dont le volume se compta par centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. En cela aussi, la guerre d’Espagne fut un événement précurseur : tous les conflits modernes, aussi bien en Afrique, en Orient, en Asie, ou, plus près de nous, dans les Balkans s’accompagnent de vastes mouvements migratoires de civils fuyant les zones de combat. L’exode républicain de 1939 fut un immense drame militaire, politique, culturel et, avant tout, humain. De cet exode naquit l’émigration espagnole, dont les composants se dispersèrent de par le monde, la plupart sur le territoire français, d’autres en Amérique latine, certains en U.R.S.S., quelques-uns en Angleterre, en Belgique, en Suisse, beaucoup aussi en Afrique du Nord.

 

 

Le port de la casquette est peu réglementaire sur le côté… Un brin de coquetterie ?

En compagnie de Malraux (béret), front catalan, fin décembre 1938, début janvier 1939. Photo Capa.

 

Ière PARTIE

L’EXODE DES RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS EN FRANCE (1939)

Or, curieusement et contrairement à la guerre civile espagnole elle-même, cette émigration ne suscita pas l’intérêt particulier des historiens. Certes, celle-ci se trouve presque occultée entre deux événements indiscutablement plus importants : la guerre civile espagnole elle-même et la Seconde Guerre mondiale. Il n’en demeure pas moins que le fait est là : le désintérêt pour ce sujet a été, jusqu’aux années quatre-vingts – quatre-vingts-dix, total en Espagne et en France, comme en Union Soviétique.

En France, il fallut en effet attendre la fin des années quatre-vingts pour que des spécialistes commencent à s’intéresser à l’exode républicain de 1939, à ce qu’il représenta pour des centaines de milliers d’Espagnols et à la question de savoir quelle place lui revenait dans l’histoire des deux pays voisins. Il faut, bien entendu, signaler les travaux de pionniers de plusieurs chercheurs français sur l’émigration espagnole de 1939 : ceux d’Emile Témime, de Geneviève Dreyfus Armand, de Bernard Vincent, de Marie-Claude Boj, d’Andrée Bachoud et d’autres, sans oublier les études remarquables de l’historien autodidacte Pierre Marques, auteur d’une somme sur l’histoire des enfants de la guerre accueillis sur le sol français. C’est à la reconstruction de cette émigration qu’est consacrée la première partie.

La France fut, en 1939, le lieu de passage obligatoire de tous les communistes espagnols qui arrivèrent en U.R.S.S. trois ou quatre mois après avoir franchi la frontière pyrénéenne. La quasi-totalité de ces réfugiés subit les rudes épreuves des camps de concentration du midi de la France. Et c’est en France qu’un nombre considérable de ces communistes qui avaient émigré en U.R.S.S. en 1939, se retrouvèrent en 1945, motivés par le désir de continuer le combat en Espagne, seul grand pays d’Europe où avait survécu un régime totalitaire, après la défaite du fascisme en mai 1945.

L’une des positions scientifiques et méthodologiques auxquelles nous nous sommes le plus attaché est le travail critique. Une grande part de notre effort a donc porté sur l’examen critique des travaux existants, parce que nous sommes persuadé que ce travail est en soi positif : non seulement utile, mais indispensable.

La perte de la Catalogne par l’Armée républicaine, à la fin de janvier 1939, déclencha un phénomène sans précédent. Un demi-million d’hommes, militaires et civils, de femmes et d’enfants sortirent d’Espagne par un passage extrêmement étroit – le Perthus -, et en un temps extrêmement court : pendant les journées qui vont du 27 janvier au 9 février. Un torrent continu de femmes et d’hommes, épuisés, hagards, démoralisés, se déversa en France. La réunion de ces trois facteurs (le nombre, l’étroitesse du passage, la rapidité) fait de cet exode un événement sans précédent dans l’Histoire.

Le gouvernement français ne fut pourtant pas surpris. Dès 1938, prévoyant l’arrivée massive des réfugiés espagnols, et donc sans illusion sur l’issue du conflit, il s’était doté d’un impressionnant arsenal de mesures réglementaires qui fixaient la conduite à tenir à l’égard de tous les futurs réfugiés et les modalités de leur accueil : décrets sur la situation juridique des étrangers résidant en France, décrets aussi prévoyant l’implantation de centres de résidence des indésirables. La presse de droite avait façonné efficacement une bonne partie de l’opinion publique en dénonçant à l’avance le « danger » représenté par les émigrés républicains espagnols.

Lorsque les réfugiés arrivèrent effectivement, cette même presse se déchaîna, poursuivant dans l’acharnement contre les vaincus la haine qu’elle avait manifestée envers les combattants républicains pendant les trois années précédentes. Il y a une continuité manifeste entre le discours de la presse de droite française pendant la guerre d’Espagne et la dureté avec laquelle furent reçus, dans les faits cette fois, les Espagnols, et en particulier les militaires.

Ceux-ci, immédiatement désarmés, traités de manière brutale et humiliante par les troupes françaises, furent rassemblés dans des lieux de haute surveillance : parqués sur le sable des plages dans des conditions d’hygiène indignes d’une démocratie.

La dénomination choisie par le gouvernement français était : « camps de concentration ». Nous avons constaté que celle-ci, curieusement, n’était que rarement reprise dans les quelques travaux historiques consacrés à l’accueil des militaires espagnols en France. La raison à chaque fois invoquée pour justifier  cette esquive fait référence aux accrétions sémantiques ultérieures que l’histoire (celle des camps d’extermination nazis) apporta à ce terme. Nous pensons qu’il n’est pas admissible d’esquiver le nom propre au nom de considérations qui sont en définitive dictées par le souci de se démarquer de la barbarie nazie. Nous avons voulu donner à cette discussion terminologique toute la place qu’elle mérite, non par un esprit vétilleux qui privilégierait la « lettre » sur ľ« esprit », mais par simple souci de garder les noms réellement utilisés dans l’Histoire, et donc, justement, chargés d’histoire. La dénomination « camp de concentration » pour réfugiés espagnols a son histoire, qu’il faut respecter. Une autre raison, plus immédiate, impose son maintien. La plupart de ces camps n’étaient pas destinés à la population civile, mais, principalement, aux militaires. Ce sont eux que le gouvernement français voulut « concentrer ». Et s’il voulut les concentrer, c’était pour les empêcher de revenir en Espagne, dans cette zone Centre-Sud (Madrid, Carthagène, Alicante, Valence) où les républicains continuaient de se battre vaillamment. Les militaires républicains cherchaient en effet à éviter la pire des issues possibles – la capitulation sans conditions – en négociant un armistice honorable. En « concentrant » les militaires espagnols, le gouvernement français manifestait au contraire clairement son intention de ne pas aider les républicains et d’en finir au plus vite avec le conflit. La prompte reconnaissance diplomatique (27 février 1939) du gouvernement de Franco par l’Angleterre et la France est la meilleure preuve de la volonté de ces deux pays d’en finir avec le conflit espagnol, même au prix du sacrifice que représenta l’abandon de la République.

Le chercheur qui s’attache à cette page d’histoire s’interroge inévitablement sur la mémoire collective, dont les témoignages multiples et pas toujours concordants lui posent à chaque fois des problèmes d’authentification. L’historien est confronté souvent aussi à la mémoire sélective. Il est remarquable, par exemple, que la plupart des historiens qui ont écrit sur le sujet posent le problème dans des termes évasifs, ce qui empêche d’apercevoir les véritables raisons de cet accueil désastreux. Une raison probable de ce relatif désintérêt est le conflit planétaire qui commence dès septembre 1939, et dont l’ampleur a relégué au second plan la fin de la guerre civile espagnole. L’horreur sans nom d’Auschwitz a occulté l’inhumanité du Vernet. Il a fallu attendre les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix pour que les historiens français commencent à s’intéresser à cette question. Toutefois, dans la plupart de ces travaux, les auteurs évitent de dégager le but réel poursuivi par les autorités françaises : empêcher le retour des combattants dans la zone Centre-Sud.

 

 

IIe PARTIE

L’ÉMIGRATION ESPAGNOLE EN U.R.S.S. (1939-1941)

L’émigration espagnole en U.R.S.S. fut l’une des plus modestes numériquement parlant, mais elle fut en revanche l’une des plus longues : il fallut attendre 1956 pour que les premiers réfugiés espagnols rentrent d’U.R.S.S. et regagnent leur pays natal, presque vingt ans après la défaite de la République et le début de l’exode. Si l’étude de l’histoire de l’exode et de l’émigration républicaine en France est un sujet étudié depuis une quinzaine d’années par des spécialistes français, l’étude, en revanche, de l’histoire de l’émigration espagnole en U.R.S.S. en est encore à son début. Seul le thème des enfants de la guerre a, pour le moment, attiré de façon sérieuse l’attention des historiens espagnols. Ici aussi, comme dans le cas des spécialistes français, nous nous devons de manifester notre reconnaissance envers des historiens espagnols tels qu’Alicia Alted Vigil, Encarna Nicolas Marin, Roger Gonzalez Martell, ainsi qu’aux pionniers dans le domaine, Enrique Zafra, Rosalia Crego, Carmen Heredia. Nous tenons à préciser que les désaccords que nous formulons dans notre travail, lorsque nous commentons certains passages de leurs travaux, ne visent qu’à contribuer à l’élucidation de ces problèmes.

Avant la fin de la guerre civile, à partir de 1937, de nombreux Espagnols avaient pris le chemin de l’Union Soviétique. Ces Espagnols n’étaient pas des adultes, mais des enfants. Nous avons, tout au long de notre travail, accordé une attention privilégiée au sujet général des enfants de la guerre d’Espagne. Ce sujet commence à peine à être exploré. Il est pourtant d’une importance considérable. Plusieurs raisons justifient cet intérêt. Une raison numérique, d’abord. De 1936 à 1938, pas moins de 30 000 enfants espagnols furent accueillis en France, ainsi que dans différents pays d’Europe (Belgique et Grande-Bretagne principalement). Contrastant avec la manière dont furent reçus plus tard les militaires espagnols, l’accueil que la France réserva aux petits Espagnols mérite tous les éloges.

La question des enfants de la guerre évacués en U.R.S.S. entre 1937 et 1939 a attiré notre attention pour plusieurs raisons. Il faut dire d’abord que les enfants de la guerre furent les premiers à peupler l’espace sociologique que l’on dénomme « émigration espagnole en U.R.S.S. ». Ils furent ensuite la catégorie sociale la plus nombreuse de cette émigration : trois mille enfants contre environ mille adultes. Dans les années de l’après-guerre, les anciens enfants de la guerre représentaient la partie la plus dynamique de l’émigration espagnole en Russie, la plus diversifiée du point de vue sociologique : ingénieurs, médecins, savants, artistes, techniciens, ouvriers (sans oublier quelques éléments déclassés, peu nombreux, et un nombre insignifiant de repris de justice).

Si nous accordons un espace privilégié au destin des enfants évacués durant la Seconde Guerre mondiale à Saratov (Moyenne Volga), cela est dû en outre à la chance qui nous a souri en nous permettant de découvrir dans les archives de cette ville des documents totalement inexplorés, concernant, précisément, les enfants de la guerre. Cette découverte, ce hasard aussi heureux qu’inattendu, nous ont imposé le devoir de communiquer ces données à la communauté scientifique. Nous avons pensé en effet qu’il était beaucoup plus utile de centrer notre attention sur ce point, plutôt que de gaspiller notre modeste savoir-faire en nous étalant sur des généralités ou encore en nous contentant de rassembler des faits déjà connus.

Nous reconstruisons l’histoire de l’évacuation des enfants vers l’U.R.S.S. à partir de 1937, principalement à partir du Pays Basque et des Asturies ; leur accueil dans des établissements spécialement affectés ; leur santé ; l’enseignement qui leur était dispensé. Nous nous sommes intéressé  aussi aux éducateurs, à l’effort pédagogique consenti pour traduire les manuels scolaires en espagnol. En 1940, une partie des enfants de l’exil fut séparée : les Maisons de jeunes [Casas de Jóvenes] accueillirent les adolescents (15-18 ans) ; les Maisons d’enfants [Casas de Niños] abritèrent les plus jeunes. Une question se pose : qui finançait tout cela ? Qui payait ces vacances choyées au camp de pionniers modèle de l’Artek ? d’Eupatoria ? dans les anciennes demeures de la noblesse russe reconverties en maisons de repos et lieux de résidence durant plus de deux ans ? Qui payait le personnel nombreux et qualifié, appelé à encadrer les 3 000 enfants répartis dans les seize maisons situées sur le territoire de la Fédération de Russie et en Ukraine ? La thèse selon laquelle les niños de la guerra étaient en fait entretenus par l’or de la République espagnole, déposé dans la Gosbank en 1936, ne peut, en l’état actuel de l’accès aux archives, être ni prouvée ni rejetée. Une chose est sûre : les conditions privilégiées dont jouissaient les petits Espagnols en U.R.S.S. cessèrent brusquement dès que fut consommée la défaite militaire des républicains.

Nous abordons ensuite le départ des communistes espagnols pour l’U.R.S.S., en avril et juin 1939. Une fois les républicains définitivement vaincus, le gouvernement français ouvrit les camps. Nous nous sommes intéressé à la constitution des listes de communistes espagnols admis à se réfugier en U.R.S.S. Nous démontons à ce sujet le mythe d’un prétendu « comité de sélection » dans lequel auraient opéré souverainement la Pasionaria, Enrique Lister, Jésus Hernández et autres dirigeants espagnols, ainsi que des dirigeants du Komintern, tels que P. Togliatti, M. Thorez et autres. Nous montrons que le NKVD se chargea prioritairement de ce travail, à partir des informations émanant des journalistes, diplomates et conseillers soviétiques qui avaient travaillé en Espagne pendant la guerre civile. Il s’avère que les Soviétiques retinrent pour l’essentiel des militaires, et en nombre restreint. Sur les 4 000 Espagnols environ qui prennent le chemin de l’U.R.S.S. en 1939, il faut en effet compter quelque 3 000 enfants. Parmi les adultes, il y avait un tiers environ de femmes. C’est donc un nombre de 700 anciens combattants communistes espagnols qui, en plusieurs expéditions, quitte Le Havre pour l’U.R.S.S. Nul ne sait au juste combien de bateaux ont appareillé. Nous avons mis en relief la dimension « initiatique » de cette traversée, au cours de laquelle aussi bien les dirigeants espagnols que les Soviétiques se sont employés à préparer psychologiquement les Espagnols (adultes et enfants) à affronter la réalité ingrate du « paradis socialiste », sans pour autant contredire le dogme marxiste-léniniste. En dépit des trésors de dialectique déployés à cette occasion, le choc fut rude.

Nous avons ensuite confronté les souvenirs laissés par différents témoins sur l’accueil reçu en U.R.S.S. et l’acclimatation aux « réalités » soviétiques. Ces témoignages, écrits des années après les événements et hors d’U.R.S.S., reflètent pour les uns une sympathie fidèle pour le pays d’accueil ; pour les autres, il faut parler de franche hostilité. Nous avons éclairé les conditions matérielles offertes par les centres d’accueil, les maisons de repos, les écoles politiques et autres structures. Un point essentiel concerne la méthodique « rééducation » politique et idéologique que durent suivre les Espagnols. Un bon nombre d’entre eux fut, dès l’automne 1939, orienté vers la vie professionnelle, ce qui entraîna un éclatement de la « colonie » espagnole entre ceux qui restèrent à Moscou et ceux qui furent dirigés sur Kiev et Kharkov.

N’ayant pas la prétention de retracer la totalité de l’histoire de cette émigration, nous nous sommes efforcé d’analyser certains aspects précis, en apportant à chaque fois de nouveaux éléments, en bousculant certaines idées reçues. Nous avons évité consciemment un certain nombre de questions qui représentent un intérêt majeur, mais dont le traitement aurait transformé notre thèse, déjà suffisamment volumineuse, en un ouvrage excessivement lourd. Cela explique que les questions liées au cadre de vie, aux études, aux conditions de travail, aux loisirs des Espagnols émigrés en U.R.S.S., ont été consciemment laissées de côté.

Nous ne nous attardons pas dans notre thèse sur les « luttes politiques » ou « luttes de tendance » au sein de l’émigration communiste espagnole en U.R.S.S. Et cela pour une raison très simple : contrairement aux affirmations des historiens franquistes, tels que Ruiz Ayucar, Comin Colomer ou d’autres, il n’y a jamais eu de quelconques luttes politiques au sein de l’émigration communiste espagnole en U.R.S.S. Les Soviétiques n’auraient évidemment jamais toléré sur leur sol pareilles « fantaisies ».

Un aspect intéressant du séjour des Espagnols concerne la tentative de discussion, en juin 1939, entre les dirigeants politiques et chefs militaires républicains d’une part et les représentants du Komintern d’autre part sur les causes de la rapide et désastreuse défaite républicaine. Nous attirons l’attention sur le fait que cette tentative tourna court. Les Soviétiques s’avisèrent rapidement qu’une analyse approfondie et détaillée de la politique de leur pays pendant le conflit mettrait inévitablement en évidence les graves lacunes de l’aide soviétique et l’écrasante responsabilité de l’U.R.S.S. dans l’issue du conflit.

Il a paru nécessaire d’éclairer le problème épineux des pilotes espagnols qui se trouvaient en formation en U.R.S.S. quand la guerre civile prit fin. Le refus des autorités soviétiques de les laisser sortir était une violation flagrante du droit des gens. Or les communistes espagnols exilés ne soutinrent pas, en cette occasion, leurs compatriotes, et approuvèrent docilement la décision des Soviétiques.

Une trentaine de militaires espagnols furent admis dans les académies militaires soviétiques. Nous avons accordé à ces « élèves » d’un type particulier une attention privilégiée. En fonction de leur formation théorique antérieure, les Espagnols furent inscrits dans deux académies militaires différentes. Ceux qui s’étaient formés « sur le tas », issus des milices, et dont l’art militaire avait été appris au feu des combats, entrèrent à l’académie Frounze. Notre père, le général Enrique Lister, ancien tailleur de pierres qui n’avait pas accompli son service militaire, est le type par excellence de ces stagiaires inscrits à la Frounze. Les Espagnols qui étaient au contraire des militaires de profession, furent inscrits à l’académie Vorošilov. En nous appuyant en partie sur les archives et les confidences de notre père, mais aussi sur bien d’autres témoignages écrits, nous avons reconstitué dans ses grandes lignes le quotidien de ces soldats valeureux mis dans l’obligation de retourner sur les bancs de l’école.

Enfin, il a paru intéressant d’analyser la scolarité elle-même des officiers espagnols dans les académies militaires. Nous avons relevé que ces combattants ont été extrêmement étonnés de découvrir, à leur arrivée, que le conflit espagnol avait été étudié en détail par les Soviétiques, qui avaient rédigé à cette occasion une vingtaine d’ouvrages conséquents dont la diffusion était strictement réservée au haut commandement. Ces combattants furent surpris de découvrir que toutes les batailles de la guerre d’Espagne, leurs actions et même la personne de certains d’entre eux étaient décrites de manière précise et explicite. En eux naquit le sentiment qu’ils avaient été objets d’observation.

 

 

IIIe PARTIE

LES ESPAGNOLS DANS LA « GRANDE GUERRE PATRIOTIQUE »

Quand la « Grande Guerre patriotique » (comme les Soviétiques appellent le conflit de 1941-1945) éclate, les Espagnols sont évacués (de Moscou, de Kiev, de Kharkov). Les premiers évacués furent les enfants, acheminés en Asie centrale, au Caucase, à Saratov. C’est dans cette dernière ville que nous avons trouvé, comme nous l’avons dit, les archives relatives à 1 500 enfants espagnols évacués dans le bassin de la Moyenne Volga. Nous livrons ici les premiers résultats de leur analyse.

Les adultes, quant à eux, voulurent immédiatement s’engager dans l’Armée rouge ; or on les refusa, sauf dans l’aviation, qui admit durant les quatre années de la guerre environ soixante-dix d’entre eux. Le discours officiel affirmait qu’ils étaient tenus en réserve pour la lutte ultérieure contre Franco. Cependant, une partie considérable fut incorporée dans le mouvement des Partisans, qui était entièrement dirigé par le NKVD. Les Espagnols combattirent donc comme maquisards dans les arrières des armées allemandes. Sous la direction du colonel Ilja Starinov, fut créée l’unité connue parmi les Espagnols sous le nom (officieux) de « Bataillon espagnol du NKVD » qui servit de base d’entraînement pour les maquisards espagnols engagés chez les Partisans.

Toutefois, l’utilisation des Espagnols dans ces missions de sabotage extrêmement coûteuses en vies humaines (200 Espagnols tués sur un total de 700 : le pourcentage est considérable et dépasse de loin celui de toutes les unités d’étrangers), forme l’une des pages les plus sombres de cette histoire. Nous dénonçons vigoureusement – rejoignant en cela l’avis de notre père, le général communiste espagnol Enrique Lister – l’utilisation criminelle de l’élite militaire espagnole, envoyée sciemment au massacre dans des opérations-suicides.

Nous abordons ensuite une question très importante, qui a déjà été posée, mais qui n’a jamais reçu de réponse cohérente: pourquoi Staline ne créa-t-il pas d’unité purement espagnole ? Il existait une unité française (l’escadrille Normandie-Niemen) ; il existait une armée polonaise ; une division tchécoslovaque; un bataillon yougoslave formé de Croates. Pourquoi n’y eut-il pas, dès lors, de division espagnole ? Nous avançons la conjecture suivante. L’escadrille Normandie-Niemen permettait à Staline de sauvegarder pour l’avenir de bonnes relations avec la France Libre et le général de Gaulle, dans ce qui serait l’Europe de l’après-guerre. L’armée polonaise était conçue comme le bras armé qui devait faciliter le basculement de la Pologne dans la sphère d’influence soviétique. Même chose pour la division tchécoslovaque. En ce qui concerne le bataillon yougoslave, on est fondé à supposer que Staline se ménageait ainsi un moyen de pression sur les partisans de Tito. Si notre hypothèse est juste, alors l’absence de division espagnole reçoit une explication simple : à cette étape de la guerre, l’Espagne n’entrait pas dans les projets géopolitiques de Staline. Celui-ci n’avait pas de visée stratégique sur l’Espagne dans l’Europe telle qu’il la voyait après la fin du conflit mondial.

Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, en revanche, Staline, soucieux d’empêcher la survie d’un régime franquiste en Espagne susceptible de devenir un allié des Anglo-américains, prit les mesures nécessaires pour développer, dès la fin de 1944, un puissant mouvement de lutte armée à l’intérieur de l’Espagne. Il chercha parallèlement à créer un organisme politique unitaire susceptible de regrouper les principales forces antifranquistes de l’exil républicain. C’est dans le but de promouvoir la lutte armée en Espagne que les généraux Cordon, Lister et Modesto furent dépêchés, en novembre 1944 en France, via la Yougoslavie.

 

 

IVe PARTIE

LES COMMUNISTES ESPAGNOLS DANS L’APRÈS-GUERRE ET LE DÉPART DES COMMUNISTES ESPAGNOLS DE L’U.R.S.S.

Nous attachons une attention particulière à un aspect très peu connu des relations entre le P.C.E. et les communistes yougoslaves. Pendant les deux années 1945 et 1946, la Yougoslavie servit de lieu d’entraînement et de passage aux anciens membres du bataillon espagnol du NKVD acheminés d’U.R.S.S. via l’Italie et la France, vers l’Espagne, pour grossir les rangs des guérilleros espagnols. De 1945 à 1948, en effet, la quasi-totalité des anciens stagiaires de la Frounze séjournèrent en Yougoslavie en qualité de conseillers militaires auprès de l’état-major de l’armée yougoslave. En février 1948, année où le mouvement des guérilleros en Espagne, faute de soutien logistique et technique, se voit confronté à des difficultés insurmontables, deux dirigeants du P.C.E., S. Carrillo et E. Lister entreprirent un voyage-éclair à Belgrade pour solliciter une aide militaire auprès des communistes yougoslaves. Cet épisode mal connu donna plus tard lieu à polémiques entre les deux hommes. En juillet de la même année, éclata au grand jour la rupture entre le Kominform et la Yougoslavie de Tito. Dès le mois d’août, le P.C.E., joignant sa voix au chœur unanime des détracteurs, se lança dans une virulente campagne de dénonciation de ceux qu’il devint d’usage d’appeler « Tito et sa clique ».

Après avoir rappelé quelle était la position de l’Espagne face aux autres puissances occidentales, nous abordons la situation du P.C.E. qui, après la guerre, s’engage dans une politique ambiguë consistant à la fois à participer au gouvernement républicain en exil et à développer la lutte armée. Cette ambiguïté se résout à sa manière quand, en 1947, les communistes espagnols quittent le gouvernement en exil. Les deux années 1947 et 1948 sont celles d’une véritable impasse politique du P.C.E. et nous montrons que celle-ci résulte directement d’une erreur d’appréciation de ses dirigeants. L’éclatement de la guerre de Corée, en 1950, précipite l’interdiction du P.C.E. en France, dont le gouvernement suit à cet égard docilement les demandes formulées par les États-Unis, soucieux d’assurer la sécurité des bases militaires qu’ils projettent d’implanter en Espagne.

 

Avec Hemingway (Photo Capa).

 

CONCLUSION

Comment caractériser l’aventure des émigrés communistes espagnols en U.R.S.S. ? On pourrait dire d’un mot que ceux-ci ont vu leur statut décroître inexorablement. Héros de la lutte contre le fascisme pendant la guerre civile, champions du courage et de l’intransigeance idéologique, les combattants espagnols sont, jusqu’en 1939, des symboles universellement admirés de tous les adversaires du fascisme. Réfugiés dans un pays qui les a certes aidés, mais dont ils comprennent vite qu’il a mesuré son aide, mis dans l’incapacité d’exprimer leurs reproches, ils eurent l’amertume de constater que pendant les années quarante, le renversement de Franco n’était pas l’objectif prioritaire de l’Union soviétique, soucieuse avant tout de consolider l’empire conquis sur une partie des ruines du IIIe Reich : le camp socialiste. Quant aux Occidentaux, guidés par le souci de préserver l’Europe du danger communiste, ils n’hésitèrent pas à opter pour une Espagne dictatoriale.

On peut affirmer que si les facteurs extérieurs (la diplomatie de la Grande-Bretagne et de la France) jouèrent un rôle de premier plan dans l’issue dramatique de la guerre civile, ce furent aussi des facteurs extérieurs (la guerre froide) qui déterminèrent le maintien du franquisme en Espagne, et avec lui l’existence durant quatre décennies d’une émigration communiste, dispersée de par le monde, répartie principalement en France, en U.R.S.S. et, à partir de 1950, dans les principaux pays de l’Est.

 

 

 

 

De gauche à droite : Vicente Rojo (chef d’Etat-Major de l’armée en 1937. Se réfugie en Argentine grâce au SERE *) ; Juan Guilloto (plus connu sous le nom de Juan Modesto. Général, fin stratège qui commande el Ejército del Ebro en avril 1938. Se réfugie en URSS) ; Juan Negrín ; Enrique Líster.

 

* SERE : (re)voir

http://retirada37.com/?p=589

 

 

Enrique Líster, Dolores Ibarruri, Santiago Carrillo. La cité Interdite, Pékin, 1956.

 

 

En savoir plus sur le père : Enrique Líster Forján (Teo – La Corogne 1907 – Madrid 1994).

Pur produit du stalinisme, valeureux militaire, il fut le bras armé de la destruction de la révolution sociale libertaire.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Enrique_L%C3%ADster

 

 

Source :

Lister Enrique. L’exil communiste espagnol en France et en U.R.S.S. (1939-1950). Contribution à l’histoire d’une émigration. In: Revue des études slaves, tome 75, fascicule 1, 2004. pp. 211-220; http://www.persee.fr/doc/slave_0080-2557_2004_num_75_1_6882

LES FEMMES DANS LES LUTTES ARMÉES AUJOURD’HUI – SOIRÉE CNP AU STUDIO 6 AVRIL 2017

Jeudi 06 avril à 20h :

Le CNP, Osez le féminisme 37 et Retirada 37 proposent :

LES FEMMES DANS LES LUTTES ARMEES AUJOURD’HUI

Film : Femmes contre Daech de Pascale Bourgaux ( 2016 – France – 53’) suivi d’un débat avec Edouard Sill doctorant.

 

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« Proti Větru« ,  « Marcher contre le vent » en langue tchèque.

 

Edouard sill

Edouard Sill, doctorant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), tourangeau d’origine, travaille depuis longtemps sur le volontariat féminin durant la Guerre d’Espagne, sujet qui a motivé l’écriture d’un livre bientôt terminé, et plus largement sur les engagements transnationaux combattants féminins contemporains. Il a réalisé un grand nombre de conférences sur ce sujet, la prochaine étant à Science Po Poitiers ce 8 mars prochain, sur la question des femmes dans les engagements armés transnationaux de l’Espagne au Kurdistan.
Son exposition numérique :

 

Son CV, ses champs de recherche :

https://ephe.academia.edu/Edouardsill

 

LES TAUPES

 

Torbado, Jesús, Leguineche, Manuel, Les Taupes, Paris, Balland, 1979, 310 p.

Traduit de l’espagnol [Los Topos, 1977].

 

Ce livre est un livre de témoignages. Une dizaine de témoignages, certains très détaillés, d’autre moins.

– Eulogio de Vega, ancien maire de Rueda (province de Ségovie) recherché par les phalangistes a alterné des cachettes pendant 28 ans, jusqu’en 1964 : dans un champ de maïs, trois ans dans une ferme, dans un puits (pendant plusieurs mois, jour et nuit, dans la galerie d’un puits)… il finit par revenir chez lui où il a passé de nombreuses années caché dans une chambre. Sa femme, devenue enceinte accouche loin de la maison familiale, chez sa sœur qui devient la mère adoptive. La mère biologique est appelée « ma tante ». Tombé malade, Eulogio a un besoin urgent de soins. Son épouse simule les symptômes au médecin afin d’obtenir des médicaments.

– Saturnino, de Ségovie a passé 34 ans dans le grenier de la maison familiale où il ne pouvait guerre s’asseoir ou se mettre debout. Il ne pouvait sortir, seulement un peu de ciel nocturne en dégageant quelques tuiles.

– un autre a passé près de 30 ans caché chez lui, mais lui peut sortir dans la cour et le jardin car la maison est entourée de murs.

– Manuel Serrano Ruiz, anarchiste, de Ciudad Real, s’est caché pendant 13 ans, la plupart du temps dans une chambre. Quand la garde civile se présente il se dissimule dans un trou creusé dans le sol que sa femme occulte avec une dalle.

– Miguelico « el perdiz », de Bailen (Jaén), grand braconnier, a passé la plus grande partie du temps dans la montagne à bivouaquer ou bien dans une grotte, parfois aussi hébergé dans des fermes amies.

……….

Point commun de ces reclus volontaires: la peur pour eux-mêmes et pour leurs proches. Durant toutes ces années, la garde civile fouille la maison à l’improviste, parfois plusieurs fois dans la même journée, on s’acharne sur leur famille pour leur faire avouer où la personne est cachée : passages à tabac, tortures, détention arbitraire jusqu’à plusieurs mois… Parfois  même des exécutions. La nécessité de discrétion est absolue, personne n’étant à l’abri d’une dénonciation… le prêtre, confesseur,  est souvent un indicateur de la police.

Autre point commun : hormis le braconnier, les autres sont entretenus par des tiers, la famille le plus souvent, parfois un ami. Ces personnes se chargent de les nourrir, de sortir les pots de chambre, de leur fournir lecture, occupation, petits travaux manuels si possible…
Malgré les différentes amnisties prononcées par Franco pendant toutes ces années, les gens se méfient car ceux qui se dévoilent sont emprisonnés, voire condamnés à mort. Celui qui a passé 12 ans caché avant d’être découvert a été condamné à 25 ans de prison, réduits à 7 ans pour bonne conduite… il a donc purgé 7 ans de prison après avoir été enterré vivant pendant 12 ans !

Ceux qui sont restés 30 ans sont sortis après la prescription générale pour les crimes commis pendant la guerre, prononcée en 1969. 1939 à 1969 : 30 ans. Et effectivement, après 1969, ils ont été bien traités : libérés, on leur a refait des papiers… une nouvelle vie ?

Des témoignages très émouvants.

 

 

Jesús Torbado est également l’auteur de « En el día de hoy », Premio Planeta 1976. Ce roman est un pastiche du communiqué de Franco déclarant la guerre terminée :

« En el día de hoy, cautivo y desarmado el ejército faccioso, han alcanzado las tropas republicanas sus últimos objetivos militares. La guerra ha terminado.

Madrid, 1 de abril de 1939. Manuel Azaña, Presidente de la República. »

Si seulement…