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Français Libres et Républicains Espagnols contre le nazis

L’association24 Août 1944 – La Nueve a décidé de ré éditer : Les carnets de route d’un croisé de la France libre et l’hallali de Paris à Berchtesgaden, dans leur intégralité. Ces textes seront suivi des Chemins de la mémoire, afin de suivre la transmission de la mémoire de la Nueve de 1944 (à Paris) à nos jours. Cette mémoire ne s’est jamais effacée, elle a traversé les décennies pour parvenir jusqu’à nous. Beaucoup de protagonistes, d’historiens de militants se sont mobilisé à travers les ans pour qu’elle existe, coûte que coûte.

Rééditer les carnets de route du Capitaine Dronne, relatant son odyssée de Français Libre dès 1940 aux confins du Cameroun, jusqu’en Allemagne en 1945 pourrait paraître paradoxal pour une association mémorielle des républicains espagnols réfugiés en France.

Et pourtant, quand le capitaine Dronne rejoint Leclerc et remonte vers l’Afrique du Nord, la compagnie qui lui est confiée est majoritairement composée de républicains espagnols, réfugiés en Afrique du Nord.

Commence alors une épopée qui liera ce Français Libre de la première heure, à ces républicains espagnols antifascistes, d’avant l’heure, de façon indéfectible pendant les années de guerre et bien au-delà. Pendant des années Raymond Dronne et les survivants de la compagnie resteront soudés, telle une famille, dira Colette, la fille du Capitaine Dronne qui les a bien connus.

À un moment où les étrangers en général, prennent enfin la place qui leur revient dans la libération de la France et de l’Europe, rappeler qu’il y a 40 ans cette mémoire existait déjà n’est pas inutile.

Rappeler qu’en des moments historiques précis, des vies que rien ne semblait devoir réunir, se mêlent dans un combat commun supérieur à chacun d’entre eux, devrait nous enseigner pour aujourd’hui.

Et en rééditant la totalité de ces carnets de route, nous avons fait le choix de montrer l’ensemble des combats menés par le Capitaine Dronne pendant la seconde guerre mondiale. Et par là, nous faisons le choix d’inclure la « Nueve » dans un mouvement historique auquel ces républicains espagnols participent avec de nombreux autres étrangers.

De même que les hommes de la « Nueve » ont une histoire avant la deuxième guerre mondiale, nous le verrons dans l’introduction, ils en ont une après. Ce sera l’objet de la troisième partie de ce volume.

Rééditer ces carnets, c’est rendre hommage à Raymond Dronne, l’homme engagé dans la deuxième guerre mondiale, rédacteur d’un témoignage exceptionnel sur la « Nueve », à sa fille Colette éprise de vérité concernant « sa » famille de la Nueve et à ces hommes de la Nueve , qui sont, pour nous, l’emblème de l’engagement du peuple espagnol des deux côtés des Pyrénées contre la barbarie.

Afin de vous offrir une édition collector de cette mémoire, nous ouvrons une pré-vente.

Vous pouvez d’ores et déjà réserver votre ou vos exemplaires auprès de l’association

ATTENTION :

COMPTE TENU DU TEMPS PRIS PAR NOS RECHERCHES POUR SILLONNER LA MÉMOIRE DE LA NUEVE JUSQU’À NOS JOURS, L’OUVRAGE NE SERA DISPONIBLE QUE DÉBUT DÉCEMBRE (contrairement à ce qui est annoncé sur l’affiche, novembre)

P.-S : VOUS POUVEZ ENVOYER VOTRE COMMANDE À L’ADRESSE DE L’ASSOCIATION

24 AOÛT 1944

22 RUE MÉLINGUE

75019 PARIS

Présence de Caminar à la cérémonie du 80ème anniversaire de la Libération de Paris

Cette année, c’est l’association Retirada37, et plus précisément sa présidente Fernande LOPEZ, qui a représenté Caminar.

Du fait des jeux olympiques, la cérémonie s’est déroulée Place Denfert-Rochereau, une vingtaine de mètres au-dessus du lieu hautement symbolique, où se trouvait le QG du colonel Rol-Tanguy, commandant régional des Forces françaises de l’intérieur (FFI).

Les porte-drapeaux étaient situés à côté des chœurs de l’Armée Française.
« Ces hommes dont nous commémorons ici aujourd’hui le talent, le courage, la force, l’énergie, l’inspiration … ont marqué l’histoire européenne, l’histoire de nos libertés, c’est aussi ce que signifie cette commémoration », a déclaré lors de la cérémonie Anne Hidalgo.

L’hommage a eu lieu en présence de Bénédicte de Francqueville, dernier enfant encore vivant du général Leclerc, et de Claire Rol-Tanguy, fille du colonel Rol-Tanguy.

La veille, samedi, un hommage avait été rendu aux 160 hommes de la Nueve, la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, pour la plupart des républicains espagnols, qui ont été les premiers à pénétrer dans Paris au soir du 24 août. Ces derniers ont joué un rôle actif dans la libération de la capitale au sein de la « colonne Dronne », avant-garde de la 2e DB.

Rappelons qu’il a fallu attendre 2012 pour qu’ils soient pleinement célébrés, que le drapeau de la République espagnole flotte à côté des drapeaux français.

Le déroulement de la cérémonie ainsi que l’évocation historique ont été de grand niveau, et la place des Espagnols a été bien retracée.

A la fin de la cérémonie, tous les porte-drapeaux se sont mis devant pour le salut aux drapeaux.

Anne Hidalgo nous a chaleureusement remerciés pour notre participation, ainsi que la Secrétaire d’Etat au travail de mémoire nous a aussi largement salué et nous a demandé de poursuivre nos actions pour la reconnaissance de notre histoire.
Un passage des avions de la Patrouille de France dans le ciel parisien a conclu la cérémonie.

suite à l’article sur La Nueve des remarques que j’ai reçues de Mar y Luz Cariño Lopez fille de Angel Cariño Lopez, combattant de La Nueve


Merci pour l’article mais il comporte des informations totalement fausses concernant Rafael Gomez Nieto.  M-y-L

Déjà la date du 19 est fausse, c’est le 24 Août qu’une partie de La Nueve faisait partie de ceux qui sont arrivés à Paris et le Guernica n’y est  arrivé que le lendemain et si j’en suis sûre c’est que mon père lui était sur le Guernica.

Concernant la vie personnelle de Rafael, il était effectivement le dernier des hommes de la Nueve, il est décédé comme c’est écrit des suites du covid et vivait en Alsace pour le restant je ne peux rien en dire.

Je ne sais quelles sont les sources de la personne qui a écrit l’article mais il vaut mieux se fier au travail des historiens. 

Amitié

   Mar-y-Luz

Pour rétablir la vérité Luis propose de diffuser un podcast de Radio France sur La Nueve,chose qui sera faite

Je pense que ce serait plus juste. Tu sais cela me fait penser à la seconde guerre mondiale en France,tout le monde avait été dans la Résistance. 

Je ne nie pas que Rafael ait combattu dans la Nueve et même qu’il ait été sur le Guernica à un moment car les équipes des HT changeait en fonction des pertes.Mais en aucune manière le guernica était là le 24 Août.

L’histoire souhaite souvent avoir des héros quitte à enjoliver cette histoire, les personnes elles même d’ailleurs participant à cela surtout quand elles ont été oubliées et qu’il ne reste plus personne pour en dire autre chose. Cela n’enlève rien à leurs valeurs de combattants.

C’est pour cela que je tiens à ce que l’on parle de mon père en ces termes: Combattant mais pas héros.

Les historiens ont tout de même travaillé sur ce sujet depuis.

Je peux au moins te donner les noms des half-tracks qui sont entrés le 24 Août au soir:Infos historienne celles-là.

-Section hors rang: Les Cosaques et Rescousse

-2ème Section Résistance,Teruel,Libération,Nous Voilà et l’Ebre

-3ème Section Tunisie 43,Brunete,Amiral Buiza,Guadalajara (qui est conservé au Mont Valérien) et Santander

Je pense que le journaliste pour écrire son article, sûrement voulant bien faire, a pioché un peu partout. Il n’a pu faire que cela compte tenu de la date de décès de Rafael.

Mar-y-Luz

Rafael Gomez Nieto, de la guerre civile espagnole à la libération de Paris

Rappel sur qui était Rafael Gomez Nieto

Les Espagnols de la Nueve, vétérans de la guerre face à Franco et combattants acharnés de la liberté, furent les premiers soldats de Leclerc à entrer dans Paris, la veille de sa libération. Parmi eux, Rafael Gomez Nieto, mort à Strasbourg des suites du coronavirus covid-19.

Aurélien Soucheyre

Le soir du 24 août 1944, Rafael Gomez Nieto fut l’un des tout premiers membres de la 2e division blindée de Leclerc à entrer dans Paris. Il faisait partie de la Nueve, la neuvième compagnie, presque entièrement composée de républicains espagnols, déterminés à en découdre avec le fascisme, en Espagne ou ailleurs. « Comme toujours, on était en première ligne. On était un bataillon de choc. On a reçu l’ordre de prendre la mairie. Je conduisais le half-track qu’on avait appelé Guernica. On est entré par la porte d’Italie, et on a foncé vers l’Hôtel de Ville. Je me suis garé devant. Les hommes sont entrés. Moi, je suis resté avec l’autochenille, car j’étais chauffeur », se souvient le vétéran. Suivront des jours d’ivresse, de joie et de liesse populaire. Et des milliers de baisers. « Quand on entre dans une ville opprimée, le libérateur, les filles lui sautent dessus ! »  s’amuse-t-il. La Nueve eut ensuite l’honneur d’ouvrir le défilé sur les Champs-Élysées, et de protéger en personne le général de Gaulle. Point d’orgue d’une épopée qui, pour beaucoup, avait commencé en 1936, en Espagne, et allait s’achever, pour les derniers survivants, dans le nid d’aigle d’Hitler, à Berchtesgaden, en 1945. « Je suis né en 1921, à proximité d’Almeria, en Andalousie. Mon père, carabinier, avait fait partie de la garde du roi Alphonse XIII dans sa jeunesse. C’était un militaire de carrière, fidèle aux institutions de la Seconde République dès sa proclamation, en 1931. Il l’a défendue jusqu’au bout, sans état d’âme. » En 1939, les franquistes remportent la guerre civile. La famille de Rafael fuit de l’autre côté des Pyrénées, où elle se retrouve parquée par les autorités françaises dans d’immondes camps de concentration, avec des milliers d’autres réfugiés. « Oh, c’était bien ! La plage ! En plein hiver ! On a passé de bonnes vacances ! » ironise, le regard dur et la voix tendue, celui qui a connu les coups de crosse, la faim, la vraie faim, le froid et les poux.
 
Une compagnie de choc à la solide réputation,  toujours en première ligne Avec des faux papiers, Rafael et son père se font passer pour deux frères, et sortent du camp de Saint-Cyprien, réclamés par un oncle basé à Oran. « Je suis devenu apprenti cordonnier et puis, sur un coup de tête, je me suis engagé dans les Corps francs d’Afrique après le débarquement allié. » Le jeune homme prend les armes, et retrouve de nombreux vétérans de la guerre d’Espagne, chahutés par le destin, qui convergent vers les troupes de Giraud puis de Leclerc pour en découdre avec les nazis. « Ah ! On a passé du bon temps avec les Allemands ! Et eux avec nous… La guerre… », gronde Rafael, un éclair dans le regard, avant de baisser les yeux.
 
« Il fallait bien continuer. En finir avec les nazis » 
 
La Nueve fut constituée en 1943, au Maghreb. armée par les Américains, cette compagnie française comptait 160 hommes, dont 146 Espagnols, pour la plupart socialistes, communistes ou anarchistes. Les soldats furent autorisés à arborer le drapeau de la République espagnole sur leur uniforme, et à peindre sur leurs véhicules des noms aussi évocateurs que Teruel, Madrid et Guadalajara. « On est parti en Angleterre, puis on a débarqué en Normandie. Ensuite, on était toujours en tête. Les combats étaient très durs, avec des pertes, surtout à Écouché et à Colmar. Il y avait des tanks, des flammes, mais on ne reculait pas. Jamais. Je crois qu’on a été très utile. » 
 
La compagnie se taille rapidement une solide réputation, s’avère décisive et fait de nombreux prisonniers. « Après Paris, il fallait bien continuer. En finir avec les nazis. À ce moment-là, moi, je conduisais le Don Quichotte. Entre nous, il y avait des rumeurs de retour. On voulait aller en Espagne avec les armes et le matériel. Certains pensaient que les Alliés nous aideraient. Mais à la fin, on n’était plus qu’une dizaine en état de se battre. On a été démobilisé. Chacun est parti de son côté », se rappelle, avec pudeur, ce libérateur qui allait rester en exil. « Je suis retourné à Oran et je suis redevenu cordonnier. Pendant la guerre d’Algérie, on m’a mobilisé. Je devais faire des gardes, des rondes tous les deux ou trois jours devant les édifices publics et les usines, au cas où. En 1958, j’en ai eu marre, j’ai fermé mon magasin, et j’ai rejoint un oncle à Strasbourg, un anarchiste qui avait fait le maquis dans le Vercors. » Rafael vit toujours en Alsace aujourd’hui. À quatre-vingt-treize ans bien portés, il profite d’une retraite amplement méritée. Une retraite cachée, loin des honneurs qu’il fuit le plus possible. Mais pour les soixante-dix ans de la libération de Paris, le vétéran est revenu à la capitale, où il représentait,  seul, la Nueve. Le 23 juillet, il a connu un nouveau bain de foule, entouré, salué et embrassé par les spectateurs
d’une pièce de théâtre consacrée à sa compagnie et mise en scène par Armand Gatti. Le lendemain, il était l’invité d’honneur d’une cérémonie présidée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, où il fut de nouveau ovationné. « Ah ! On n’oublie pas. Non, on n’oublie pas, qu’on est entré les premiers. La Nueve ! » s’émeut-il.

Rafael Gomez Nieto : l’antifranquiste de la Nueve et libérateur de Paris

Combattants de la première heure contre le général Franco, les républicains espagnols ont été les premiers à entrer dans Paris et à prendre l’Hôtel de Ville le 19 août 1944, jour de la libération de la capitale.

Publié le 21 août 2024
Article Humanité
Aurélien Soucheyre

Au volant de son autochenille baptisée Guernica qui fonce vers l’hôtel de ville de Paris, Rafael Gomez Nieto pense-t-il déjà à une future libération de Madrid ? En cette soirée du 24 août 1944, les membres de la 9e compagnie de la 2e division blindée de Leclerc font irruption dans la maison du peuple de la capitale française.

La voici officiellement délivrée du joug nazi. La plupart des soldats qui accompagnent Rafael Gomez Nieto sont comme lui, des républicains espagnols qui ont combattu Franco. Ils sont si nombreux que leur troupe, armée par les États-Unis et dirigée par des Français, est surnommée la « Nueve ».

Après la défaite de 1939, de nombreux républicains espagnols traversent les Pyrénées pour poursuivre la lutte

Défaits chez eux en 1939 par les franquistes soutenus par Hitler et Mussolini, Rafael et ses camarades ont franchi les Pyrénées pour poursuivre la lutte partout en Europe. D’abord Paris, puis Berlin, avant de revenir à Madrid ?

« Il fallait en finir avec les nazis bien sûr. Mais, entre nous, il y avait aussi des évocations de retour. On voyait plus loin. On voulait aller en Espagne avec les armes et le matériel. Certains pensaient que les Alliés nous aideraient »,racontait en 2014 Rafael Gomez Nieto, dernier membre de la Nueve encore en vie lors de la célébration des 70 ans de la libération de Paris.

« Je suis né en 1921, en Andalousie. Mon père avait fait partie de la garde du roi Alphonse XIII dans sa jeunesse. C’était un militaire de carrière, fidèle aux institutions de la seconde République dès sa proclamation, en 1931. Il l’a défendue jusqu’au bout, sans état d’âme », témoignait-il alors auprès de l’Humanité.

De l’internement en camp de concentration à l’engagement dans les corps francs d’Afrique

Engagé à 17 ans dans l’armée républicaine espagnole, Rafael participe à la bataille de l’Èbre, funeste affrontement décisif de la guerre d’Espagne. Avec 500 000 républicains, hommes, femmes et enfants, vaincus, il fuit vers la France, lors de la Retirada, et se retrouve parqué par les autorités dans d’immondes camps de concentration.

« Oh, c’était bien ! La plage ! En plein hiver ! On a passé de bonnes vacances ! » ironisait-il, le regard dur et la voix tendue, au sujet de son internement à Argelès-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales, durant lequel il a connu l’humiliation et la faim.

Il n’en perd pas pour autant sa boussole antifasciste. Réclamé par un oncle basé à Oran, il est libéré et voit la France s’incliner à son tour face aux armées hitlériennes. « Sur un coup de tête, je me suis engagé dans les corps francs d’Afrique après le débarquement allié », se souvenait-il.

La Nueve, véritable « bataillon de choc »

Le voilà qui reprend les armes, intégrant en 1943 la Nueve. Cette compagnie compte alors 160 hommes, dont 146 Espagnols qui rêvent de libérer l’Europe. Lui et ses frères sont même autorisés à arborer le drapeau de la République espagnole sur leur uniforme et à peindre sur leurs véhicules des noms aussi évocateurs que Teruel, Madrid, Don Quichotte et Guadalajara.

« On a débarqué en Normandie. Ensuite, on était toujours en tête. Les combats étaient très durs, avec beaucoup de pertes. Il y avait des tanks, des flammes, mais on ne reculait pas. Jamais. Je crois qu’on a été très utile », mesurait celui qui a rendu coup pour coup à ses ennemis. « Ah ! On a passé du bon temps avec les Allemands ! Et eux avec nous… La guerre… » grondait-il, un éclair dans le regard, avant de baisser les yeux.

Véritable « bataillon de choc », la Nueve reçoit dans les derniers jours de la bataille de Normandie l’ordre de se précipiter sur la mairie de Paris.

Un vent de liberté en Europe souffle mais n’inquiète pas Franco

« Les hommes sont entrés. Moi, je suis resté avec l’autochenille, car j’étais chauffeur », relatait le vétéran. Suivent des jours d’ivresse, de joie et de liesse populaire. La Nueve a même l’honneur d’ouvrir le défilé sur les Champs-Élysées et de protéger en personne le général de Gaulle.

Son épopée se poursuit avec la libération de Strasbourg et s’achève avec la conquête du nid d’aigle de Hitler, à Berchtesgaden, en 1945. « À la fin, on n’était plus qu’une dizaine d’Espagnols en état de se battre. On a été démobilisés. Chacun est parti de son côté », se rappelait Rafael, avec pudeur et une forme de désillusion.

Un vent de liberté souffle alors sur l’Europe. Hitler et Mussolini sont morts. Pétain est emprisonné à vie. Mais ce souffle ne franchit pas les Pyrénées. Les Alliés ne vont pas plus loin. À Madrid, Franco reste au pouvoir. Rafael Gomez Nieto fait alors partie de ces soldats espagnols qui, d’une capitale à l’autre, porte soit l’uniforme du vainqueur, soit le cœur du vaincu.

Mais ce combattant endurci a finalement survécu au général Franco, mort en 1975. Rafael n’en est pas moins resté vivre à Strasbourg, ville qu’il a contribué à libérer. C’est en 2020 qu’il s’est éteint, emporté par l’épidémie de Covid, à l’âge de 99 ans. Quelques jours avant de succomber, il était encore capable de conduire sa voiture sans problème. Comme au temps de la libération de l’Europe.

1936: Barcelone, des «jeux olympiques populaires» contre ceux de Berlin

1936. L’année est olympique. Berlin a été choisi pour accueillir les Jeux Olympiques d’été. Un triomphe pour Adolf Hitler, au pouvoir depuis 1933… En cet été 1936, moins d’un mois avant, des contre-jeux avaient été organisés à Barcelone. Ils devaient y réunir des milliers d’athlètes, mais ils ont été été empêchés par le coup d’Etat du général Franco. Retour sur cette «Olimpiada Popular».

Article rédigé par
Pierre Magnan
France Télévisions

En 1931, le CIO (comité olympique international) donne les jeux olympiques d’été à Berlin. L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et les premières lois racistes de Nuremberg en 1935 ne modifient pas cette attribution. Décision est prise d’organiser des «contre-jeux» à Barcelone en juillet 1936. Le 19 juillet, les premiers coups de feu du coup d’Etat empêchent la tenue de ces Olympiades populaires.

Dans les années 30, les organisations sportives sont souvent politisées. A gauche, où il existe une tradition socialiste d’organisations de mouvements sportifs populaires, on n’hésite pas à dénoncer les Jeux olympiques comme des «olympiades bourgeoises, chauvines et nationalistes». Avec la prise du pouvoir en Russie par les bolcheviks et la naissance de l’URSS, ce «sport rouge» se divise : la réformiste Internationale Sportive de Lucerne (ISL) se sépare de l’Internationale Rouge Sportive (IRS) fondée à Moscou. «A l’époque, il y avait une coupure idéologique dans le sport», confirme André Gounot, professeur d’histoire du sport à l’Université de Strasbourg.

Arrive la victoire nazie de 1933 en Allemagne. Moscou décide de changer de politique et abandonne en 34 la stratégie «classe contre classe», consistant à interdire aux communistes de s’allier aux sociaux-démocrates, au profit du «front uni contre le fascisme» qui aboutit à la victoire des Fronts populaires en France et en Espagne en 1936.

Barcelone perd les JO au profit de Berlin 

Réunifié, le mouvement sportif ouvrier décide d’organiser une «olympiade populaire» à Barcelone, qui fut candidate malheureuse contre Berlin en 1931. «La ville comptait d’importantes infrastructures sportives », note André Gounot. De plus, la ville était très ouvrière. Une façon aussi de revenir sur l’échec de Barcelone face à Berlin. Echec qui avait une raison politique. Une partie des décideurs olympiques avaient, en effet, peu apprécié la chute de la royauté espagnole au profit de la république au point que «les représentants du CIO espagnols ont refusé de défendre la candidature de Barcelone», précise André Gounot, auteur d’un livre sur Les mouvements sportifs ouvriers en Europe (1893-1939) (Presses universitaires de Strasbourg).

«Un comité international pour le boycott des jeux fascistes est créé : le Comité international pour le respect de l’idée olympique. En France, la nouvelle fédération sportive de gauche (FSGT) lance le slogan: « Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin! »», rappelle le site educpopdebout. Après la victoire du front populaire en Espagne, début mai, la Generalitat de Catalogne fixe le programme de l’«Olimpiada Popular» et le Comité d’organisation de Barcelone envoie en juin les invitations officielles. La cérémonie d’ouverture est fixée au 19 juillet 1936.
 
6000 athlètes sont au rendez-vous. Les délégations les plus importantes sont espagnoles et françaises, mais les sportifs viennent du monde entier, URSS et USA compris. La plupart des sportifs sont membres d’associations et de clubs sportifs syndicaux ou bien de partis de gauche. Peu appartiennent aux comités sportifs publics ou olympiques. En France, quelques fédérations sportives autorisent néanmoins leurs membres à participer à ces contre-jeux comme celle d’athlétisme, de rugby ou de lutte.

Des Jeux olympiques pris dans la tempête

L’époque est à la confrontation idéologique. «Monsieur» Hitler est alors considéré comme fréquentable par une partie de la classe politique de droite qui craint par dessus tout la montée du communisme symbolisée par l’image de l’homme au couteau entre les dents. Pas étonnant dans ce contexte que les Jeux Olympiques soient pris dans la tempête. 

La tendance des socialistes au pouvoir est bien sûr de soutenir les jeux de Barcelone alors que la droite, les ligues fascistes et Coubertin prennent fait et cause pour Berlin. Côté communistes, on a un discours clair: «Les Jeux olympiques de Berlin ont le but de propager l’esprit du national-socialisme, de l’esclavage, de la guerre et de la haine raciale. L’Olympiade populaire de Barcelone, au contraire, veut défendre le véritable esprit olympique qui reconnaît l’égalité des races et des peuples et estime que la paix est la meilleure garantie pour l’éducation saine des sportifs et de la jeunesse de toutes les nations», écrivait plein d’enthousiasme l’Humanité du 12 mai 1936. 

Pour le gouvernement de Front populaire de Léon Blum, qui est entré en fonction début juin 36, la question n’est pas majeure. Mais début juillet, le 9, le gouvernement consulte l’Assemblée qui doit se prononcer sur le sujet. Un député communiste résume le débat: «Aller à Berlin, c’est accepter une sorte de complicité avec les bourreaux, c’est river les fers aux pieds des victimes, et c’est couvrir leurs plaintes que de chanter en chœur, avec le maître du Reich, l’hymne à la gloire du sport». Pas de quoi ennuyer la droite qui vote en faveur de la participation aux jeux de Berlin. En revanche, la gauche s’abstient, y compris le PCF. La France participera donc aux JO de Berlin. Finalement, le gouvernement accorde 600.000 francs pour les jeux de Barcelone et un million pour ceux de Berlin. Un seul député s’est opposé à cette participation aux JO officiels, Pierre Mendès France.

Des jeux stoppés par le coup d’Etat de Franco

Des trains avec à leur bord des athlètes partent à la mi-juillet pour Barcelone. Leurs passages donnent lieu à des fêtes et à des manifestations. Dans Barcelone, des hôtels abritent les délégations de sportifs étrangers venus de 34 pays. La cérémonie d’ouverture, qui doit être présidée par le responsable de la Catalogne (le nationalisme catalan est une composante forte de ces jeux sous couvert d’internationalisme), est prévue dans le stade de Montjuic.
 
Dans la nuit du 18 au 19, les premiers coups de feux éclatent à Barcelone. C’est le début de la guerre civile provoquée par le coup d’Etat du général Franco. Bien que la plupart des sportifs restent dans leurs hôtels dans la journée du 19, certains descendent dans la rue et participent aux combats contre les militaires. Quelques-uns sont blessés ou tués. Le calme revient sur la ville le lendemain. Mais le 23 juillet, Jaume Miravitlles, secrétaire du comité exécutif des Olympiades populaires de Barcelone, annonce l’annulation des jeux. «Les sportifs réfugiés juifs, antifascistes italiens, polonais, etc. sympathisent avec le peuple en armes. Ils affirment être venus défier le fascisme sur un stade. L’occasion leur fut donnée de le combattre tout court», rappelait  Pascal Boniface.

La plupart des sportifs quittèrent le pays, mais d’autres, notamment des athlètes venus d’Allemagne, décidèrent de rejoindre les forces espagnoles anti-franquistes. Moins de quinze jours plus tard, le 1er août 1936, Hitler déclarait ouverts les Jeux Olympiques de Berlin. Et en avril 1937 les avions nazis bombardait la ville espagnole de Guernica. En France, dominait alors la politique de non-intervention.


A écouter aussi
: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/1936-es-olympiades-populaires-de-barcelone-ou-les-contre-jeux-de-berlin-1236000