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Archives OFPRA : ouverture anticipée des fiches des exilés espagnols

La publication au Journal officiel de l’arrêté du 3 juillet 2025 marque une avancée décisive dans l’accès aux archives des réfugiés espagnols. Ce texte autorise la consultation et la reproduction par toute personne intéressée d’environ 200.000 fiches individuelles conservées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ces fiches concernent les ressortissants espagnols ayant sollicité la protection de la France entre le 30 mai 1945 et le 29 décembre 1978, date de l’entrée en vigueur de la Constitution espagnole, tournant symbolique de la sortie de la dictature franquiste.

Jusqu’à présent, une partie de ces fiches n’était pas communicable en raison de la présence d’informations administratives sensibles, notamment sur la délivrance de titres de séjour ou les engagements politiques des intéressés. Le droit français imposait un délai de cinquante ans à compter du dernier document présent dans chaque dossier, ce qui repoussait souvent l’échéance à 2031, voire au-delà. Il fallait obtenir une dérogation pour pouvoir les consulter.

Dès mars 2023, Aline Angoustures, cheffe de la mission Histoire et Exploitation des archives à l’Ofpra, évoquait dans une interview à la Revue française de Généalogie la nécessité d’une dérogation générale, soulignant l’absence de risques pour les descendants et l’intérêt mémoriel de ces documents. Elle rappelait que de nombreux réfugiés espagnols avaient participé à la Résistance, et que leurs parcours relevaient d’une mémoire démocratique européenne, au-delà de la seule histoire espagnole.

L’arrêté du 3 juillet répond ainsi à une double ambition : satisfaire une demande croissante d’accès à ces archives pour des recherches historiques, généalogiques ou universitaires, et s’inscrire dans le cadre de la loi espagnole du 19 octobre 2022 sur la mémoire démocratique. Ce texte garantit un droit d’accès libre, gratuit et universel aux archives relatives à la dictature franquiste et à l’exil.

L’ouverture des fiches françaises complète le vaste chantier lancé par l’OFPRA en partenariat avec le ministère de la Culture espagnol, dans le cadre d’une convention signée en juin 2024. Ce programme prévoit la numérisation, l’indexation et à terme la mise en ligne de milliers de dossiers constitués à l’arrivée des exilés espagnols en France. La consultation en ligne de de cette masse d’archives considérable sera possible avant la fin de l’année 2025, la numérisation étant toujours en cours.

Récemment, l’OFPRA a signé une convention avec les Archives de France qui l’autorise à conserver et à gérer ses archives, sans être obligés de les verser aux Archives nationales.

https://www.rfgenealogie.com/infos/archives-ofpra-ouverture-anticipee-des-fiches-des-exiles-espagnols?sfnsn=scwspwa&fbclid=IwdGRzaANa-yFjbGNrA1r7AWV4dG4DYWVtAjExAAEebzcLmanE_nM_t1zeG5kAyF8D26JBIrA78VvAWrjtUuQ1EsYxGlDaf-xtmRM_aem_HgYMDPuCkeumuWSDGXKKwQ&sfnsn=scwspmo

À Paris, un centre mémoire sur l’Espagne républicaine, antifasciste et libertaire va bientôt voir le jour

Ça y est les travaux ont débuté au 33 rue des Vignoles

Des travaux de grande ampleur ont commencé afin que les nouveaux locaux correspondent aux normes actuelles d’isolation thermique et phonique, d’accueil du public, de sécurité incendie etc.

Cette réhabilitation gardera la mémoire de l’Espagne républicaine, on y reviendra, mais aussi celle de ce quartier faubourien où les ateliers industriels étaient nombreux jusqu’aux années 70 du siècle passé. En effet les travaux menés par la Ville de Paris, propriétaire des lieux, en accord avec l’association Les Pas Sages, porteuse du bail, permettront de garder l’esprit du lieu, industriel, ouvrier, révolutionnaire.

En effet, l’état d’esprit sera conservé aussi parce que les anciens occupants reviendront. L’association Flamenco en France, les artistes, la CNT de France, les tout derniers exilés de Février 1939 et leurs descendants, seront renforcés par l’arrivée de l’association 24 Aout 1944, en charge de réaliser ce Centre mémoire.

La tâche est immense. Car si nous avons beaucoup de choses en tête, il va falloir les transformer concrètement, pour qu’un public large, néophyte ou connaisseur puisse trouver des informations, des textes, des photos, des objets, des personnages, des organisations et associations qui témoignent de la vigueur de cet exil exceptionnel par sa combativité et sa longévité forcée malgré les vents contraires permanents qu’il a dû subir entre 1939 et 1975.

Il s’agira surtout d’évoquer l’exil car le Centre est à Paris. Comme pour tout exil l’évocation du pays d’origine et les évènements qui y sont liés seront évoqués.

Paris, la libération de Paris, avec « La Nueve » sera inévitablement au centre de ce centre. Mais parce que les républicains espagnols ont participé au combat antinazi aussi dans la résistance et au camp de Mauthausen, une partie de l’espace devrait s’intituler : « Les républicains espagnols dans la Seconde Guerre mondiale ».

L’autre partie concernera la longue bataille inégale que les dizaines de milliers réfugiés livrèrent pour continuer le combat contre Franco de 1945 à 1975. Leurs organisations politiques et syndicales, leurs multiples activités culturelles et de solidarité, leur mémoire de la guerre d’Espagne et de la révolution libertaire, leurs efforts pour construire une nouvelle vie… et bien d’autres thèmes encore.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, notre ambition est importante. Nous ne pouvons à nous seuls entreprendre une telle démarche. Dans cette entreprise, nous sommes entourés par les nombreux amis de la mémoire de la Nueve et de l’exil républicain en général.

Mais dans le fond, vous, lectrice ou lecteur de ces lignes, avez peut-être des photos, des objets, des journaux, des affiches que vous verriez bien illustrer la vie de vos parents et grands-parents exilés et qui pourraient trouver leur place dans ce centre (originaux ou reproductions que nous pouvons réaliser). N’hésitez pas à rentrer en contact avec nous pour en parler.

Ce centre verra le jour vraisemblablement fin 2026. Il reste un peu plus d’un an pour aboutir à ce que la mémoire de l’exil républicain espagnol continue de vivre contre vents et marée.

Association 24 Aout 1944.

Les rendez-vous de l’histoire à Blois

Jeudi 9 octobre
10h45 – 12h30

Accueillir en France ? La situation des exilé.e.s espagnol.e.s après la Retirada
Zone Halle aux GrainsINSPÉ – Salle 23

Conférencier·ère·s

Carole ESPINOSA Carole ESPINOSA
Académie de MontpellierProfesseure d’histoire-géographie, chargée de mission et formatrice académique.
Marie-Laure PICARD Marie-Laure PICARD
Académie de Montpellier. Professeure d’histoire-géographie
Grégory TUBAN Grégory TUBAN
Mémorial du camp de Rivesaltes, Responsable scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes

Modérateurs·rices

Benoit FALAIZE
Centre d’histoire de Sciences Po/Mémorial du Camp de RivesaltesMembre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po, président du comité pédagogique du Mémorial du Camp de Rivesaltes/Insepcteur général
Du camp d’Argelès au camp de Rivesaltes, comment aborder l’histoire de l’accueil et de l’internement des exilé.e.s espagnol.e.s dans la France des années 1938-1941 ? Terre d’accueil ou terre des « indésirables » ? Il s’agira d’interroger le substantif « indésirable », introduit dans la loi le 12 octobre 1938 et de questionner les différentes formes de rupture et de continuité dans l’internement des étrangers en France.
La table ronde s’articulera autour d’une présentation scientifique et didactique conjointe. La question de l’accueil des Espagnols sera abordée par M.Tuban, spécialiste de l’exil et des camps de la Retirada et directeur scientifique du MCR. Son intervention éclairera la proposition didactique bilingue, pour une 1° bachibac et une 3°, dans le cadre de la classe, ou d’ateliers au MCR, élaborée par Mme Espinosa, professeure de bachibac et Mme Picard, professeure au Service Éducatif du MCR. L’activité proposée s’appuiera sur l’étude d’archives variées du camp de Rivesaltes.

10:45 – 12:15
Les Républicains espagnols et la Libération : les oubliés de la victoire ?
Zone Halle aux Grains / réservation
L’Atelier pédagogique

Cet atelier vise à articuler histoire et mémoire des Républicains espagnols dans la Résistance, combattants antifranquistes qui participèrent notamment à la Libération de la France. ll s’agit d’explorer l’engagement de ces femmes et ces hommes – environ 10 000 – ayant intégré les Forces françaises Libres ou les réseaux de Résistance entre 1940 et 1945. Quel a été leur rôle et pourquoi a-t-il été minimisé ? Quelles mémoires laissent-ils derrière eux dans la construction d’un récit national français ?

Conseil Départemental – Salle Capitulaire

Samedi 11 octobre
CAFÉ LITTÉRAIRE HALLE AUX GRAINS / SALON DU LIVRE, 2, place Jean Jaurès.

La cause des enfants espagnols

CÉLIA KEREN, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, vous êtes spécialiste de l’histoire des déplacements d’enfants en temps de guerre. Pourquoi avoir choisi de concentrer vos recherches sur l’enfance en particulier ?

Je voulais travailler sur l’impact des guerres sur les populations civiles. Mes premières recherches ont porté sur les violences pendant la conquête de l’Algérie, au XIX e siècle.
Mais dans le contexte colonial, la frontière entre civils et militaires était très floue, ne serait-ce que parce que les premiers colons étaient armés. À l’inverse, les enfants sont de « purs » civils. Tout le monde veut les exclure de la guerre et en même temps, ils en constituent un enjeu central. C’est ce paradoxe qui est fascinant.

Quels sont les acteurs mobilisés par la cause des 15 000 enfants évacués de la zone républicaine en France entre 1936 et 1939 et pourquoi sont-ils si nombreux ?

J’ai voulu comprendre pourquoi tant d’organisations, qui ne sont pas spécialisées dans l’hébergement d’enfants, s’investissent dans l’accueil des enfants espagnols : la CGT, le mouvement des coopératives, la franc-maçonnerie, des catholiques, y compris des évêques, mais aussi des intellectuels comme le philosophe Jacques Maritain, et même des féministes. A contrario, il y a des absents notables : le monde communiste est en retrait, de même que les chrétiens les plus à gauche. Pourquoi ? Si cette action est très populaire et médiatique, elle permet surtout de se placer sur un terrain humanitaire
supposément apolitique. Or, les groupes les plus engagés dans le soutien aux républicains ou aux franquistes n’ont pas besoin d’esquiver la politique.

La mémoire de ces évacuations est-elle encore vivace ? En France, en Espagne également ?

En France, c’est une histoire qui a été oubliée, car elle n’entre pas dans les récits canoniques de la guerre d’Espagne, de l’engagement antifasciste, de la révolution sociale, ou de la dénonciation de la non-intervention. Comme tout l’intérêt de l’aide à l’enfance était, à l’époque, de mettre ces questions brûlantes en sourdine, elle était et est restée une cause mineure par rapport à cette question majeure qu’était l’alternative entre la défense de la démocratie et la volonté illusoire de préserver la paix mondiale face aux politiques fascistes agressives. À l’inverse, en Espagne, depuis une vingtaine d’an-
nées, on parle beaucoup de l’histoire de la guerre civile et de ses victimes oubliées. Les « niños de la guerra », les « enfants de la guerre », comme on les appelle là-bas, entrent naturellement dans ce récit. Mais si le destin des 3 000 enfants envoyés en URSS sans leurs parents est bien connu, ce n’est pas le cas des 15 000 qui sont partis dans la France voisine. Ces derniers étaient pourtant bien plus nombreux, et pris en charge par la société et par des familles françaises ordinaires, contrairement à ceux envoyés en URSS, qui ont été confiés au Parti communiste.

10H15 – 11H15
LA CAUSE DES ENFANTS ESPAGNOLS.
HUMANITAIRE ET POLITIQUE

PENDANT LA GUERRE D’ESPAGNE
AVEC Célia KEREN et Jean VASSORT

18H30 – 19H30
SUR LES TRACES DES OUBLIÉS DE LA GUERRE D’ESPAGNE

Rencontre, en partenariat avec la revue L’Éléphant

MODÉRATION
Sophie DOUDET, de la revue L’Éléphant

INTERVENANTS
Léonor DE RÉCONDO, écrivaine,
Célia KEREN, maîtresse de conférences à Sciences Po Toulouse

DIMANCHE 12 OCT.

11H45-13H30

HOMMAGE À LA CATALOGNE DE FRÉDÉRIC GOLDBRONN

SALLE 3, CINÉMA LES LOBIS – GRATUIT

Documentaire, France, 2024, 1h08, Les Films d’Ici, Brouillon d’un rêve Scam, Grand Prix du Projet 2023, Sélection Cinéma du Réel 2025

À la poursuite de Georges Orwell et de son engagement dans la Guerre d’Espagne aux côtés des républicains en 1936-37, à travers les archives filmiques de la CNT, l’organisation anarchiste.

INTERVENANT

Frédéric GOLDBRONN,réalisateur

15h15-16h45

Site Chocolaterie de l’IUT, 15 Rue de la Chocolaterie

Quand l’internationalisme s’inscrit dans le paysage

Carte blanche

Depuis le XVIIIe siècle, des Français se sont engagés en faveur de mouvements politiques à l’étranger, et des étrangers se sont mobilisés dans notre pays pour défendre leurs idées. Ces solidarités par-delà les frontières ont laissé des traces dans l’espace public : noms de rues, bâtiments, monuments, plaques etc. qui rappellent que la France a été façonnée par des dynamiques transnationales. Mais que disent aux promeneurs d’aujourd’hui comme aux historiens ces traces d’engagements passés qui ont forgé nos identités collectives ? De quelles mémoires – ou de quels oublis – sont-elles porteuses ?

Notre but sera d’interroger l’histoire des traces des internationalismes politiques dans l’espace public, les reconfigurations mémorielles dont elles sont la marque et les processus de mémorialisation qu’elles catalysent. Nous prêterons notamment attention à ce qui est commémoré à travers ces traces: s’agit-il des internationalismes politiques, ou y a-t-il une nationalisation/patrimonialisation de la mémoire et de ses objets?

Les intervenants partiront de leurs terrains d’enquête et de leurs champs de spécialité: les solidarités royalistes et catholiques à travers l’Europe et l’Amérique au XIXe siècle; les femmes engagées dans la Première Internationale (1864-1876) et dans la Commune de Paris en 1871; les Brigades Internationales mobilisées en faveur de la République espagnole pendant la guerre civile de 136-1939; l’exil chilien en France à la suite du coup d’État de Pinochet en 1973.

Elisa MARCOBELLI
Maître de conférences
Université de Rouen-Normandie

Alexandre DUPONT
Maître de conférences à l’Université de Strasbourg
Université de Strasbourg/ IUF

Judith BONNIN

Maîtresse de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne
Université Bordeaux Montaigne

Lola ROMIEUX
Doctorante et ATER
Université de Strasbourg / Sciences Po Toulouse

Edouard SILL
Docteur qualifié en Histoire et science politique
Institut catholique de Paris / UMR SIRICE

« La dictature c’est du terrorisme » : 50e anniversaire des cinq derniers exécutés par Franco

Les survivants des derniers tribunaux militaires du régime franquiste, les avocats qui y ont participé et des militants antifascistes rendent hommage dans un livre collectif à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, « Txiki », le dernier exécuté par Franco, le 27 septembre 1975, il y a 50 ans.
Ces cinq jeunes hommes, âgés de 21 à 33 ans, militants du FRAP et de l’ETA, sont devenus des symboles historiques de la résistance antifasciste.

Ana María Pascual
Madrid
13/09/2025 20h15
Traduction Luis Lopez

« La dictature c’est du terrorisme », telle est la réflexion qui tourne autour de l’hommage rendu aux cinq derniers jeunes hommes exécutés par le régime franquiste, à l’occasion du 50e anniversaire de ces événements tragiques. L’autre devise est « La générosité de la résistance ». Le collectif de prisonniers de l’époque franquiste, de militants antifascistes, de survivants des quatre derniers tribunaux militaires, des avocats qui les ont défendus et des familles des personnes exécutées rend hommage à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, dit « Txiki ». Ces cinq jeunes combattants antifranquistes furent exécutés à l’aube du 27 septembre 1975, alors que Franco agonisait dans son lit, et qu’il décéda deux mois plus tard.
Pour commémorer un anniversaire aussi important, et à un moment politique où l’extrême droite siège au Congrès des députés et se permet en collusion avec le PP de tenter d’annuler des lois de mémoire historique et démocratique en lançant des mots d’ordre de haine camouflées en lois perverses de concorde, la Plateforme Ouverte ‘Al alba’ [en allusion au poème devenu chanson de Luis Eduardo Aute] croit quant à elle que l’histoire doit être réécrite, en démontrant qu’en réalité il y a eu une lutte antifranquiste active et nourrie qui a tenté d’écarter du pouvoir celui qui l’a détenu illégitimement depuis 1939 et qui n’a pas hésité à exercer toutes sortes de violence pour le conserver.
Le livre « 27 septembre 1975 : Les dernières exécutions de la dictature franquiste » (El Garaje), édité par la plateforme « Al Alba », est un ouvrage collectif majeur qui aborde toutes les circonstances dans lesquelles ont eu lieu ces exécutions et présente des témoignages cruciaux, comme ceux des familles, qui relatent des années de lutte pour rouvrir les dossiers ou « laver » leurs noms. Les voix des survivants, de ceux qui ont été graciés et de ceux qui ont survécu aux tortures dans les commissariats ou aux tirs lors des charges policière, se font entendre tout au long de cet ouvrage de 383 pages, dans ce nécessaire souvenir émouvant des jours qui ont précédé les exécutions.

Aucune garantie de défense
Le livre rassemble des photographies, des coupures de presse internationales de l’époque, de la correspondance et le témoignage éclairant des avocats de la défense, qui n’ont rien pu faire lors de ces procès truqués où les juges militaires ont refusé d’admettre la moindre preuve à décharge. Gerardo Viada, l’avocat de Ramón García Sanz, l’explique avec force détails dans le livre : « D’un point de vue juridique, l’enquête était une pure escroquerie, truffée d’actes nuls et non avenus, avec des déclarations obtenues sous la torture et sans les garanties les plus élémentaires. »

Cet anniversaire commence par une bonne nouvelle : l’annulation de la condamnation à mort de Xosé Humberto Baena Alonso, membre du FRAP galicien. En août dernier, le Ministère de la Politique territoriale et de la Mémoire démocratique a adressé à Flor, sœur de Baena, un document de reconnaissance et de réparation personnelle, prévu par la Loi de la Mémoire démocratique, qui déclare « illégal et illégitime » le tribunal qui l’a jugé et condamné.

Les cours martiales
Les quatre dernières cours martiales tenues en Espagne, entre fin août et septembre 1975, aboutirent à un nombre ahurissant de 11 condamnations à mort, dont six furent commuées in extremis. Le dictateur refusa de céder aux nombreuses demandes internationales de clémence et ne fit preuve d’aucune pitié envers les cinq jeunes hommes condamnés ni leurs familles. Deux cours martiales se tinrent à la caserne de Goloso (Madrid) pour les meurtres du policier Lucio Rodríguez et du garde civil Antonio Pose contre des militants du FRAP (Front révolutionnaire antifasciste et patriotique). Le second de ces procès condamna à mort deux femmes, Concepción Tristán et María Jesús Dasca, qui furent finalement graciées pour grossesse. Un autre procès en cour martiale a eu lieu au siège du Gouvernement militaire de Barcelone contre Jon Paredes Manot, militant politico-militaire de l’ETA, pour un braquage de banque ayant entraîné la mort d’un policier. Un autre procès en cour martiale a également eu lieu à Burgos pour la mort d’un garde civil. Ángel Otaegui et José Antonio Garmendia (de l’ETA politico-militaire) ont été condamnés à mort, mais finalement graciés.
Malgré tous les efforts diplomatiques, la mobilisation sociale en Espagne et à l’étranger, les appels à la clémence de l’ONU, les appels du Pape et le rappel de leurs ambassadeurs par plusieurs pays (le Mexique a même interdit l’entrée sur son territoire aux citoyens espagnols), la dictature a procédé aux exécutions, démontrant que malgré l’agonie du dictateur, le régime franquiste était en pleine vigueur.

Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla et Ramón García Sanz, membres du FRAP, ont été fusillés au champ de tir militaire de Hoyo de Manzanares, à Madrid, par des escadrons de volontaires. Les autres exécutions ont eu lieu à Burgos et à Barcelone. Le livre comprend plusieurs documents essentiels, tels que les lettres d’adieu de Xosé Humberto Baena, 24 ans, et de Txiki Paredes, 21 ans.

Contexte de la dictature
La dictature a appliqué la loi antiterroriste aux derniers exécutés pour les condamner à mort. « Dans une situation de dictature, c’est la dictature qui est terroriste, et la résistance à la dictature est la lutte antiterroriste du peuple. En situation de tyrannie, la tyrannie est du terrorisme, et lutter contre la tyrannie est lutter contre le terrorisme », écrivent les auteurs dans le livre, relatant une année 1975 terrible, où la police a continué de réprimer par la force les manifestations de rue et les grèves ouvrières dans les usines. Elle a également simulé des suicides, comme celui de Diego Navarro Rico, un ouvrier du bâtiment de Tarragone, abattu après son arrestation et retrouvé pendu dans sa cellule le 9 août 1975.
Un meurtre impuni.
« Pour toute personne honnête et politiquement lucide, pour tout membre d’une organisation antifasciste, lorsque l’un des membre des forces de sécurité de l’État torturait ou tuait, c’était tous ses membres qui torturaient ou tuaient, car aucun d’entre eux ne se rebella contre ces ordres ; tous obéissaient, recevaient leurs médailles et percevaient leurs salaires et primes parce qu’ils obéissaient », affirme le livre, qui sera officiellement présenté ce mercredi 17 à la Fondation Anselmo Lorenzo (FAL) à Madrid, accompagné d’une intéressante exposition de photographies, de tracts et de publications d’époque retraçant la lutte antifranquiste et les dernières exécutions du régime franquiste.

Ana María Pascual
Journaliste d’investigation, responsable des reportages judiciaires chez Público. Elle a travaillé chez Interviú, où elle a enquêté sur la corruption politique et donné la parole aux victimes de violations des droits humains. Lauréate du Prix de la Coordinatrice des Associations de Bébés Volés, elle a été correspondante pour l’agence de presse publique mexicaine, consultante en communication et scénariste pour 360 Grados sur ETB. Son email est apascual@publico.
Traduction par Luis Lopez de l’article publié le 13 septembre 2025 de Ana María Pascual
https://www.publico.es/politica/tribunales/dictadura-terrorismo-50-aniversario-cinco-ultimos-fusilados-franquismo.html

Non à l’hommage français au dictateur Franco — Pour la cohérence, la mémoire, et la justice universelle

Comme beaucoup, j’ai appris que Francisco Franco, dictateur espagnol responsable de dizaines de milliers de morts, de disparus et d’exilés, est encore aujourd’hui décoré de la Légion d’honneur, plus haute distinction de la République française.

Cinquante ans après sa mort, cette décoration est un affront.
Un affront aux victimes du franquisme.
Un affront à l’histoire démocratique de la France.
Un affront à la cohérence de notre République.

Honorer Franco, c’est honorer un criminel.
Son régime fut une dictature sanglante, alliée objective des fascismes européens, réprimant les opposants, réduisant au silence les peuples, étouffant la liberté.

Honorer Franco, c’est cautionner l’oubli.
Alors même que des familles espagnoles cherchent encore à exhumer leurs morts dans des fosses communes, la France maintient le dictateur dans son panthéon officiel.

Honorer Franco, c’est trahir nos principes universels.
Car aujourd’hui, la France garde le silence face à d’autres formes de colonialisme et d’apartheid — en particulier l’entreprise coloniale israélienne en Palestine. Ce double discours affaiblit notre diplomatie et nourrit les révisionnismes.

Les grands textes l’avaient pourtant affirmé :
– La Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 1948).
– La Charte des Nations unies et les Conventions de Genève.
– La Charte de l’environnement (Constitution française, 2005).

Toutes rappellent la nécessité de protéger la dignité humaine et de s’opposer à la colonisation, aux dictatures et aux crimes contre l’humanité.

En maintenant Franco décoré, la République viole l’esprit même de sa propre Constitution et de ses engagements internationaux.

Je m’oppose donc au maintien de la Légion d’honneur attribuée à Franco.

Par cette pétition, je demande :
– Son retrait immédiat ;
– Une réforme pour qu’aucun dictateur, criminel de guerre ou régime colonial ne puisse être honoré au nom de la République française ;
– L’ouverture d’un débat démocratique sur la mémoire coloniale et sur la cohérence de notre diplomatie en matière de droits humains.

Aujourd’hui j’écris seul·e, mais nous sommes des milliers à refuser que la République française continue à légitimer les dictatures d’hier et les colonialismes d’aujourd’hui.

Commission des affaires étrangères. S’inscrire ici : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3898


APRES LA DICTATURE FRANQUISTE EN ESPAGNE : LE SILENCE INSOUTENABLE !

« Après Franco, la peur a été remplacée par le silence » : rencontre avec les auteurs de la BD « l’Abîme de l’oubli »

Le bédéiste Paco Roca et le journaliste Rodrigo Terrasa signent « l’Abîme de l’oubli », roman graphique sur la quête des familles des victimes de la dictature franquiste encore ensevelies dans les fosses communes.

Paco Roca (l’illustrateur) et Rodrigo Terrasa (l’auteur), le 27 janvier 2025, à Paris, dans les locaux de la maison d’édition Delcourt.

Malgré un dédale d’obstacles, l’octogénaire Pepica Celda est parvenue à faire exhumer son père, exécuté par les franquistes en 1940 et jeté dans une fosse commune du cimetière de Paterna (Valence). Un demi-siècle après la mort de Franco, des milliers d’opposants politiques assassinés hantent encore l’Espagne. Dans un roman graphique touchant, le bédéiste Paco Roca et le journaliste Rodrigo Terrasa retracent la quête de Pepica dans un pays où la transition démocratique a confiné à l’oubli les victimes de la dictature. On y découvre également Leoncio Badia, condamné à être fossoyeur et qui prendra soin des dépouilles de ses compagnons d’infortune. L’Abîme de l’oubli est un îlot d’humanité et d’intelligence dans un pays qui n’a toujours pas soldé les crimes franquistes.

Votre ouvrage manie la microhistoire – Pepica Celda qui veut exhumer le corps de son père enfoui dans une fosse commune – et la macrohistoire, à savoir les crimes de la dictature franquiste. Comment êtes-vous parvenus à les faire cohabiter avec vos genres respectifs ?

Paco Rosa, bédéiste

Avec Rodrigo Terrasa, nous cherchions un projet qui puisse faire cohabiter les deux genres, le journalisme et la bande dessinée. La seule narration dramatique ne permet pas de nuances. Avec l’histoire de Pepica, tout s’emboîtait : émouvoir avec une narration et inviter à la réflexion grâce au discours journalistique qui nous permettait de développer les idées au-delà de simples dialogues.

Rodrigo Terrasa Journaliste

Ne touchez pas au 8 mai !

Le problème

Toucher au 8 mai en supprimant ce jour férié c’est contribuer à effacer des mémoires ce combat victorieux contre le nazisme, c’est dérouler le tapis à l’extrême droite, c’est être dans la lignée des traîtres qui signèrent le traité de Munich aux côtés d’Hitler, c’est enterrer la mémoire de tous les résistants français et étrangers , combattants et déportés qui sont morts par millions pour que nous puissions encore vivre libre aujourd’hui. Mobilisons nous pour empêcher la suppression du 8 mai comme jour férié créé pour commémorer la victoire sur le nazisme.

https://chng.it/SRr5wX47bz

La Maleta Mexicana

L’association 24 août 1944 vous invite

à la projection

du documentaire :

La Maleta Mexicana

Un film de Trisha Ziff (2011, 86’, VOST)

le jeudi 26 juin 2025

à 19h.

Pour notre dernière séance avant l’été :

La Valise mexicaine est le nom que l’on donne à un ensemble de trois boîtes contenant environ 4 500 négatifs de photographies de la Guerre civile espagnole prises par Robert Capa, Gerda Taro et David Seymour.

Les pellicules disparaissent à Paris en 1939. Elles ont vraisemblablement été rangées dans les trois boîtes avant le départ de David Seymour le 23 mai pour le Mexique à bord du SS Sinaia, un navire embarquant des réfugiés espagnols. En octobre de la même année, Capa lui-même part pour New York et laisse les négatifs dans son studio parisien du 37, rue Froidevaux, à la garde d’un compatriote hongrois, photographe également, Emérico Weisz alias Csiki. Dans une lettre de 1975, Weisz déclarera les avoir confiés à un Chilien rencontré dans la rue afin qu’il dépose le paquet à son consulat. Leur trace se perd alors pendant plus d’un demi-siècle.

C’est en 1995, à Mexico, lors d’une exposition consacrée à la Guerre civile espagnole, que le cinéaste Benjamin Tarver adresse à Jérald R. Green, professeur à Queens College, une lettre contenant la description détaillée de deux mille images figurant dans une collection de négatifs hérités de sa tante ; cette dernière les a elle-même reçus d’un parent, le général Aguilar Gonzalez, ambassadeur mexicain à Vichy en 1941-1942.

En 2006, l’espoir d’y retrouver le négatif de la célèbre photographie Mort d’un soldat républicain, dont l’authenticité fait polémique, pousse Richard Weelan, spécialiste de Capa, et Brian Wallis, conservateur en chef de l’International Center of Photography, à convaincre Tarver de les leur transmettre.

Le contenu des trois boîtes peut alors être inventorié : la verte et la rouge contiennent du film enroulé ; la troisième, brune, abrite des enveloppes refermant des pellicules coupées. La collection complète est rendue en 2007 au frère de Robert Capa, Cornell ; Cynthia Young, conservatrice des Archives Robert et Cornell Capa, l’a présentée au public dans une exposition internationale, The Mexican Suitcase. The Rediscovered Spanish Civil War Negatives of Capa, Chim and Taro, inaugurée à New York en septembre 2010.

Et bien sûr toujours notre petite table de presse pour vous présenter nos ouvrages, et susciter votre soutien à nos activités. Cette fois-ci nous aurons le grand plaisir de vous présenter le catalogue de notre exposition : Républicains espagnols, premiers déportés de France et la FEDIP

Le tout suivi d’un débat.

Le jeudi 26 juin 2025 à 19h

Paris’Anim ; Centre Place des Fêtes

2/4 rue des Lilas

75019 Paris

Entrée gratuite

Pour ceux qui ont assisté à la dernière projection sur Himmler, Didier, notre conférencier avait promis une liste d’ouvrages à lire sur le sujet. Vous la trouverez ci-joint. Même ceux qui n’étaient pas là peuvent la consulter : https://www.24-aout-1944.org/newsletter/Livres-sur-les-nazis.pdf

Les humiliations dans le patronage franquiste des femmes pour lesquelles l’Église demande pardon

Des survivantes et des chercheurs réclament justice et réparation de la part du gouvernement pour dénoncer les abus commis au sein d’une organisation, le Women’s Trust, du ministère de la Justice, qui a fonctionné entre 1941 et 1985.

Un groupe de femmes internées. Archives d’Andalousie.

« Ils m’ont mise là parce que je suis rouge », dit avec force Paca Blanco, la Brava, lors d’une conversation téléphonique. Elle est l’une des survivantes du Patronato de Protección a la Mujer, une organisation au nom sarcastique – dont la présidente était Carmen Polo, la Collares, épouse du dictateur – rattachée au ministère de la Justice et gérée par des ordres religieux, de religieuses, qui, de 1941 à 1985, date de sa dissolution, s’est consacrée à opprimer les femmes et à leur imposer les valeurs du catholicisme national dans un pays dévasté.

« Elle aurait pu être avocate, journaliste, présidente du gouvernement… Je ne suis pas croyante, et la vie que j’ai eue, ils l’ont reproché d’essayer de faire de moi ce que je n’étais pas. Je suis un idéaliste », ajoute La Brava.

Les méthodes utilisées dans de nombreux cas par les religieuses, sous la direction et les ordres de l’État franquiste – et même, à partir de 1978, de l’État constitutionnel – ont impliqué des humiliations que l’on appellerait sans doute aujourd’hui des violations des droits de l’homme, comme les survivantes l’ont exposé et comme l’ont confirmé différents chercheurs et universitaires dans plusieurs volumes.

« Heureusement, au cours des trois dernières années, nous avons fait beaucoup de progrès dans la recherche, dans les actions et dans la diffusion. Aujourd’hui, nous en savons assez pour savoir qu’il y avait une institution du ministère de la Justice, fondée sur des raisons d’application d’une morale sexuelle aux jeunes femmes, dans laquelle les adoptions forcées, le vol de bébés, [les naissances sans garanties de santé] une pédagogie correctionnelle était appliquée, il y a des manuels avec ce terme, [qui impliquait] l’humiliation, la punition et l’emprisonnement sans procès ni condamnation. dénonce Pilar Iglesias, auteur de l’ouvrage Policies of repression and punishment of women : The Laundries of the Magdalena of Ireland and the Patronato de Protección a la Mujer de España (Ed. Círculo rojo).
L’Église catholique, le bras armé de la dictature franquiste

Palau résume : « Il y avait de la violence institutionnelle. Tout dépendait du ministère de la Justice. Il y avait l’éducation religieuse, le travail forcé. Il a été cousu, tissé, des tapis ont été fabriqués. Il y avait aussi des entreprises privées qui bénéficiaient, expliquent Palau et Iglesias, du travail de ces femmes.

« Le mécénat vient d’avant, d’institutions qui contrôlent le corps des femmes et des attitudes dont on peut parler dans de nombreux contextes temporels et territoriaux », explique María Palau Galdón, auteure, avec Marta García Carbonell, du livre Indignas hijas de su Patria (Editorial Institució Alfons el Magnànim-Centre Valencià d’Estudis i d’Investigació).

Le Conseil d’administration a pour antécédent le Conseil royal pour la répression de la traite des Blancs, créé par décret royal du 1er juillet 1902 et lié au ministère des Grâce et de la Justice. Ce conseil d’administration a été dissous en 1931 et ses pouvoirs ont été temporairement transférés à une Commission centrale provisoire pour la protection des femmes. La même année, le Conseil de la protection de la femme est créé, qui est à son tour dissous en 1935, tous ses pouvoirs étant assumés par le Conseil supérieur de la protection des mineurs.

« Le patronage – explique Palau – est devenu l’un des nombreux outils de la dictature pour contrôler la population féminine, quiconque contredisait le modèle de l’épouse, de la mère et de la chrétienne exemplaire imposé par la dictature. Des personnes âgées de 16 à 25 ans sont enfermées, bien qu’on ait aussi vu des filles de 12 ans, [et c’est fait] pour les raisons [les plus bizarres] : marcher dans la rue en tenant la main d’un garçon, exprimer une idéologie contre le régime, être lesbienne ou avoir l’air de l’être, avoir des relations sexuelles hors mariage ou même être violée par un membre de la famille.

Consuelo García del Cid, qui, avec son œuvre Les filles bannies d’Eve, a donné l’un des premiers coups pour une enquête sur ce qui s’est passé dans les maisons de correction et dans le mécénat, se souvient que les menaces les plus typiques de ces années-là étaient : « Quand tu étais petite, le croquemitaine et quand tu étais adolescente, je vais t’emmener chez les religieuses, à une maison de correction. « Oui », ajoute-t-il. La Brava se souvient de la même chose :

« Dans de nombreux cas, ce sont les familles elles-mêmes qui ont dénoncé ces filles.
Dans certains cas, trompés, ils pouvaient croire qu’on allait leur apprendre un métier, ils n’étaient pas conscients de la réalité de ces maisons de correction et ils pouvaient perdre l’autorité parentale », ajoute Palau.

Ce fut le cas de Paca La Brava, que sa famille a essayé de redresser, surtout après la mort de son père, alors qu’elle avait 16 ans. Avant, « à 11 ans, je ne peux plus aller à l’école, parce qu’ils nous expulsent de San Cristóbal de los Ángeles et qu’il n’y a pas d’écoles. Je suis censée apprendre à broder, à frotter et à faire ces choses pour aider ma mère.

« Je me suis tout de suite impliqué, pas dans la politique professionnelle, mais j’ai été, se souvient La Brava, un rouge conséquent. Il a été dans toutes les grèves, Marconi, Telefunken, il y a participé. J’étais un rebelle avec une cause. Ma famille ne l’a pas bien vu. Entre la politique et la révolution musicale, entre le rock and roll et tout le reste, ma famille avait peur. Un jour, je suis allé aux fêtes de quartier, et je suis revenu à trois ou quatre heures du matin. C’était le déclic, il y avait des voitures à la porte. Ils m’ont emmené dans une maison de correction à Collado Villalba. Ma propre famille avait regardé l’établissement.

C’est là qu’a commencé un voyage qui l’a conduite à un centre de patronage, celui de Peñagrande, géré par les Servantes de la Vierge Douloureuse et plus tard par les Croisades évangéliques. Il est documenté qu’il y avait une salle d’accouchement où les détenues accouchaient et qu’elle était fréquentée, entre autres, par le gynécologue Eduardo Vela, lié aux adoptions irrégulières pendant la dictature.

La Brava, elle-même enceinte, se souvient d’un épisode terrible : les cris, la douleur, une femme qui meurt, la famille qui prend son cadavre : il y a ceux qui se souviennent aussi des suicides. « J’ai 77 ans et j’en avais 17. Ce qui m’horrifia le plus, c’était ceci. J’ai nettoyé un couloir, un couloir. Là-bas, nous avons été exploités misérablement, il y a eu des mauvais traitements, des insultes, des punitions physiques et psychologiques… Il a nettoyé le couloir qui menait aux salles d’accouchement, [il y avait] un Christ de dimensions énormes et un lit. Quand j’avais mal, les femmes étaient enfermées là-bas, on les traitait de pécheresses, de putes. C’était l’esprit qui nous a permis d’accoucher à 17 ans », raconte-t-elle à Público.

Pétition de pardon

Lundi prochain, la Confédération des religieux d’Espagne, qui regroupe 403 instituts de vie consacrée, fera une demande publique de pardon pour les abus, les humiliations et les barbaries commises. Consuelo García del Cid et son travail ont été décisifs pour la tenue de cet événement, prévu ce lundi.
Dans la déclaration, les religieux définissent le Conseil d’administration de la manière suivante : « Il s’agissait d’une institution publique espagnole créée en 1941 et encadrée par le ministère de la Justice (jusqu’en 1985). Son objectif officiel était la protection et l’éducation des femmes considérées comme étant moralement en danger. Cette institution a signé des accords avec des centres gérés, dont certains, par des congrégations religieuses.

Le pardon se présente comme suit : « Après avoir écouté l’expérience de nombreux survivants et fait des recherches dans les congrégations, la douleur et les blessures conduisent la [Confédération] à demander pardon pour les dommages causés. Nous savons qu’il y a beaucoup de femmes qui appréciaient ces centres, mais tant qu’une seule d’entre elles a été endommagée, les congrégations religieuses demandent pardon.
Puis, ils ajoutent : « Au nom de la vie religieuse, de l’Église, nous voulons promouvoir cet acte. Notre désir collectif est de reconnaître le passé, d’honorer la vérité et de construire un avenir basé sur la justice et le bon traitement.

Pilar Iglesias souligne : « L’expérience individuelle… Il y avait des filles qui ne savaient même pas comment signer qu’elles devaient mettre les empreintes digitales. Le monde de l’injustice [dans lequel les gens vivaient dehors] était tel que, de toute évidence, certains apprenaient à lire ou mangeaient un peu plus au centre. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’agissait pas d’une structure oppressive. Ils l’écrivent comme si c’était une minorité qui était touchée. Beaucoup de femmes ne vont jamais réclamer quoi que ce soit, certaines parce qu’elles sont déjà mortes et d’autres peut-être parce qu’elles n’osent jamais réclamer même si un plan de réparation est mis en place.

Pour Iglesias, il est très important de souligner ceci : le système de réparation. Et il rappelle que le Conseil d’administration n’est pas seulement une responsabilité de l’Église, mais fondamentalement de l’État. « Tout d’abord », dit le chercheur à Público, « je veux qu’il soit très clair que cela ne se serait pas produit si on n’en avait pas parlé et sans l’action de Consuelo et d’autres chercheurs [il y a, entre autres, Carmen Guillén Lorente, Andrea Momoitio…]. Cet acte aurait dû venir après l’essentiel : je suis très clair sur pourquoi ces processus s’appellent vérité, justice et réparation. [Il s’agit] de reconnaître les responsabilités.

« La première chose que les ordres religieux auraient dû faire avec l’État est d’offrir une collaboration maximale pour une enquête approfondie et de mettre en service toutes les archives. De là viennent les actes de réparation.

Il est essentiel que ce système de vérité, de justice et de réparation soit donné. Cela dépendra du ministère de la Justice. C’est une obligation de l’État d’assumer ce type de processus. Cela aurait dû commencer différemment. Cela dit, soit [l’acte de confédération], bien que cela dépende de la façon dont il se déroule. Cela n’enlève rien à la partie fondamentale que sont l’enquête, la justice et la prise de responsabilités. Les premiers doivent être les survivants.

Palau affirme : « Cette douleur s’est enracinée et complètement oubliée. Même pendant la transition, nous étions pressés de faire des milliers de choses. Il est important qu’ils obtiennent justice et réparation. Je pense aussi que nous ne savons pas quelles seront les paroles exactes de ce pardon, mais d’un autre côté, s’ils vous demandent pardon, c’est parce que vous n’avez rien fait de mal. Toutes ces femmes qui sont à la maison, peut-être qu’elles le voient et pensent tant d’années plus tard : « Je comprends que je n’ai rien fait de mal. Ce sont d’autres qui l’ont fait ». Il y a beaucoup de femmes derrière ce mouvement, que ce soit en tant que survivantes, en tant que membres de la famille ou en tant que chercheuses. Nous pensons que l’État doit également présenter des excuses et ouvrir une enquête.

Combien de femmes sont passées par le conseil d’administration ? « Il est très difficile de donner un chiffre, car nous manquons de beaucoup de documentation pour compléter le puzzle », explique Palau. « 1952, la plus sanglante, selon les souvenirs du Conseil d’administration, un total de 41 335 filles et adolescentes ont été enfermées. Ce chiffre n’a pas été atteint tous les ans. Ils ne commettaient pas de crimes, même selon la législation franquiste. Le conseil d’administration pourrait être leur premier arrêt ou non, de l’institutionnalisation, puis ils pourraient vous envoyer dans un hôpital psychiatrique. C’était le cas des lesbiennes ou de celles que les religieuses décidaient être lesbiennes : « Vous pourriez être considérée comme lesbienne à cause d’une démonstration d’affection avec un partenaire. »

« Si vous voulez écrire, je veux que vous mettiez ceci », dit La Brava. « Le fait », réfléchit-elle, « c’est que la famille appelle le conseil d’administration, parce qu’elle est convaincue que c’est son obligation si elle veut des femmes comme Dieu le veut. Dans ce maelström, comme vous n’avez pas d’aide dans la famille, vous la cherchez à l’extérieur et demandez à un petit ami de vous aider, et vous tombez enceinte.

À l’époque, nous n’étions pas des femmes préparées aux contraceptifs ou à quoi que ce soit d’autre et vous vous retrouviez dans une maison de correction qui est le musée des horreurs. Il y avait même des gens qui avaient été violés par leur père, et au lieu d’emprisonner le père, la fille a été emprisonnée. La plupart d’entre nous n’avaient commis aucun crime.

« Dans les années 60, ajoute La Brava, une révolution musicale et de liberté a éclaté. Cela effraie totalement les parents qui ont subi la guerre ou la répression : ‘que va-t-il arriver à ces filles, quel mauvais chemin elles prennent’ ».

Pour La Brava, il est important qu’ils soient reconnus comme des « victimes du franquisme ». Sur le pardon qu’elle demande à la confédération des religieux, elle est critique : « C’est mon opinion personnelle. C’est un lifting. Je n’oublie ni ne pardonne. Il y a des femmes qui ont été laissées dans la poussière, qui se sont suicidées, des femmes qui n’ont pas dit à leurs maris et à leurs filles qu’elles avaient été dans le Patronato. C’est encore en partie caché.

Raúl Bocanegra. Rédacteur en chef de Público en Andalousie depuis avril 2018. Professeur agrégé de rédaction journalistique à l’UOC. Séville-06/06/2025 in « Publico ».