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LA TUTELLE DES ENFANTS REPUBLICAINS EXPATRIES : « Qui exerce l’autorité parentale sur ces enfants ? »

La tutelle des enfants républicains expatriés pendant la Guerre d’Espagne :
dispositions légales et conflits internes, 1936-1938 1
Jesús J. Alonso Carballés
(Université de Bordeaux 3)

 

Programme ANR Enfance Violence Exil
enfance-violence-exil.net

 

Colloque
LES ENFANTS DE LA GUERRE D’ESPAGNE.
EXPERIENCES ET REPRESENTATIONS CULTURELLES
Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand
9-10 juin 2011

 

 

 

« Qui exerce l’autorité parentale sur ces enfants ? » s’interrogeait Matilde Huici dans un rapport adressé au Ministère d’État à propos de la situation des plus de 20 000 mineurs espagnols réfugiés à l’étranger dans le courant de l’année 19382. Plus de soixante ans après, nous voudrions apporter une première réponse à cette question révélatrice d’un important problème juridique et aborder globalement la question de la tutelle, légale et effective, des enfants expatriés en raison de la Guerre civile et avant le grand exode de 1939.
Soucieux des effets de la guerre sur les enfants les plus déshérités, le gouvernement de la République organisa, à partir de la fin de l’année 1936, l’évacuation vers la région du Levant des mineurs vivant près des zones de combat : Tolède, Madrid… Peu après, en raison de la saturation de certaines colonies d’enfants et grâce à l’initiative du Comité d’Accueil aux Enfants d’Espagne3, arrivaient en France les premiers enfants évacués vers l’étranger de manière organisée.
Le gouvernement de Valence souhaita expressément que ces petits, à peine quelques centaines, soient installés dans des colonies et confiés à un personnel éducatif républicain. Cette situation initiale caractérisée par un contrôle effectif des mineurs par les autorités espagnoles se vit complètement bouleversée au printemps 1937 lorsque l’offensive franquiste contre l’Euskadi autonome provoqua l’exode de plus de 32 000 enfants basques. À cette occasion, les enfants furent évacués en France (22 000) mais aussi en Belgique (3 250), en Grande-Bretagne (3 800), en URSS (1 610), en Suisse (250) et au Danemark (100)4.
Le gouvernement d’Euskadi, responsable de cette évacuation, organisa quelques colonies pour l’accueil des mineurs en France. Cependant, en raison de leur nombre élevé, la plupart fut accueillie par des organismes créés par des syndicats ouvriers, des organisations politiques, des ordres religieux et des associations humanitaires5.
La diversité de ces organismes d’accueil et l’énorme dispersion territoriale des enfants rendirent difficile le contrôle effectif des mineurs par les autorités basques et espagnoles. Et plus encore si l’on prend en compte que de juillet à octobre 1937 des milliers d’enfants en provenance de Santander, de León et des Asturies arrivèrent sur les côtes françaises.

 

 

Préoccupé par l’envergure de cet exode, le gouvernement de la République promulgue le 6 août 1937 un décret destiné à unifier les actions d’accueil, de tutelle et d’assistance aux petits réfugiés6. Quatre jours plus tard, le ministère de l’Instruction publique et de la Santé – chargé par décret des colonies d’enfants en Espagne et à l’étranger – annonce la création, sous la direction de Juan Comas, d’une Délégation Espagnole pour l’Enfance Évacuée (DEIE). Le but principal de cet organisme était de devenir « la seule entité responsable de tout ce qui a trait à l’installation, l’organisation, l’éducation et l’inspection des groupes espagnols résidant à l’étranger, quels que soient les organismes qui aient procédé à leur évacuation ou qui contribuent à leur entretien7 ». Un objectif complexe dans la mesure où, au moment de sa création, la majeure partie des enfants expatriés étaient déjà installés dans des colonies ou des familles adoptives disséminées dans la moitié de l’Europe. A quoi il faut ajouter les faibles ressources économiques dont disposait le gouvernement de la République pour mener à bien cette entreprise ainsi qu’on put le constater quelques mois après8.
Cependant, l’obstacle majeur à cette initiative d’unification entreprise par la Délégation Espagnole pour l’Enfance Evacuée provint des rangs républicains, divisés au sujet des critères définissant les responsabilités de tutelle sur les mineurs expatriés. Le délégué du Ministère de l’Assistance sociale, Amós Sabrás, chargé avant la création de la DEIE de coordonner la répartition et l’hébergement des enfants espagnols en France, refusa de renoncer à ses fonctions, approuvées en Conseil des ministres, au bénéfice de la nouvelle Délégation, laquelle était soutenue par le ministère de l’Instruction publique9. Une première solution consista à répartir la tutelle des enfants entre la Délégation Espagnole pour l’Enfance Évacuée, qui prit en charge les enfants en âge scolaire, entre 6 et 14 ans, et la Délégation du ministère de l’Assistance sociale, dirigée par Amós Sabrás, qui s’occupait des enfants qui n’entraient pas dans ce groupe d’âges. Mais, en dépit de cet accord formel, les divergences persistèrent entre les deux délégations. Au-delà de la question de personnes, cet affrontement, dont les causes profondes n’apparaissent pas clairement dans la documentation consultée – les rapports évoquent des « ressentiments et des jalousies » –, se transforma en un véritable conflit qui atteignit des sommets inouïs comme en témoigne la Conférence internationale du Comité International de Coordination et d’Information pour l’Aide à l’Espagne Républicaine qui se tint en décembre 1937 à Paris :
« Nous assistions à une conférence de coordination des activités internationales pour nos réfugiés et pourtant, nous, les délégués espagnols, éprouvions l’impression paradoxale de manquer complètement de coordination dans notre secteur. »
L’envoyé de l’ambassade relata avec une profonde amertume ce désaccord :
« En ce qui concerne les enfants en particulier, il n’existe pas seulement un manque de coordination mais une véritable discorde entre les Délégations de l’Assistance sociale et de l’Instruction publique. Pour sa part, la Délégation basque agit selon des critères et un point de vue particuliers et le résultat est un spectacle triste et révoltant dans lequel les représentations des deux ministères se disputent le leadership de l’enfance déshéritée. Tous veulent faire quelque chose des enfants ; les uns des catéchumènes de leur idéal social, les autres de leur pensée religieuse ; d’autres encore veulent en faire les sujets de leur juridiction administrative. Je me permets de penser que la seule chose qu’il faudrait vouloir pour eux est qu’ils soient moins malheureux ».10
L’absence de coordination et les affrontements entre organismes républicains provoquèrent un grave affaiblissement du contrôle, de l’installation et de la tutelle des enfants qui arrivèrent dans les ports français au cours de l’année 193711.
Ángel Ossorio y Gallardo, l’ambassadeur d’Espagne, essaya d’intervenir dans cette « lutte interne » et lança d’innombrables appels au gouvernement de Valence afin qu’il trouve une solution définitive à ce conflit de compétences : « Le conflit entre les deux délégations s’accentue et s’aggrave… J’insiste et je répète à nouveau qu’il faut absolument que le gouvernement mette un terme à cette situation. Si l’on ne parvenait pas à instaurer une autorité unique et efficace, il serait préférable d’emmener tous les enfants en Espagne quand bien même on ferait alors preuve d’une véritable cruauté. J’espère du gouvernement, en dépit de ses nombreuses et considérables préoccupations, la solution énergique que réclame la situation »12

 

 

Les résultats de ces appels furent plutôt maigres et la centralisation tant désirée ne dépassa jamais le stade du souhait. En septembre 1938, peu après sa nomination, le nouvel ambassadeur républicain en France, Marcelino Pascua, envoyait un rapport réservé au ministre d’État dans lequel il mettait à nouveau en cause le travail de la Délégation du ministère du Travail et de l’Assistance sociale13.

 

 

Quant au gouvernement basque – il ne faut pas oublier que la majorité des enfants réfugiés à l’étranger avant 1939 venaient du Pays basque – il agit de manière pratiquement indépendante par rapport aux enfants basques. Au départ ce fut autant par initiative propre que par nécessité, en raison de l’attitude de Sabrás qui était hostile au fait que le gouvernement du Pays basque prenne en charge les enfants évacués en France par l’exécutif basque 14. Et plus tard ce fut par opposition à l’unification proposée par la Délégation Espagnole à l’Enfance Evacuée, face à qui le gouvernement basque défendit sans cesse la légitimité de ses fonctions au sein de l’Espagne républicaine et à l’étranger en insistant sur le fait que la tutelle et l’instruction publique étaient des secteurs prioritaires de son action gouvernementale15. Comme nous l’avons dit précédemment, l’action indépendante de l’exécutif basque provoqua des difficultés sérieuses dans le contrôle des enfants par les autorités consulaires de la République. Le gouvernement du Pays basque déploya un réseau d’inspecteurs sur le territoire français qui lui permit d’avoir une idée approximative de la situation réelle des enfants réfugiés, sauf dans les régions Languedoc-Roussillon et Provence 16. Curieusement la plupart des mineurs accueillis dans ces régions ont été répartis par le consulat d’Espagne dans des familles d’origine espagnole installées à Sète avant la guerre 17. Que les autorités basques ne fussent pas au courant de cette répartition révèle l’ampleur des divergences dans le camp républicain entre les organismes ayant autorité sur les enfants réfugiés. Bien que les désaccords internes aient été importants et perceptibles dans d’autres secteurs de l’activité politique et militaire républicaine, ce furent toutefois les actions entreprises par l’ennemi commun en faveur du retour des enfants dans l’Espagne franquiste qui mirent en évidence l’envergure du problème de la tutelle légale des enfants réfugiés à l’étranger.
En mai 1937, la Junte Technique d’État, premier embryon du gouvernement franquiste, présidée par le général Fidel Dávila, avait désigné Antonio Maseda Bouso responsable de la Délégation Spéciale de la Protection des Mineurs dont l’objectif prioritaire allait être la localisation et le rapatriement des enfants espagnols. Leur séjour prolongé à l’étranger donnait une image clairement négative du camp franquiste, ce qui était manifeste dans le cas des enfants basques dont la condition catholique mettait en cause ouvertement la thèse qui faisait de la Guerre civile espagnole une « Croisade », image qui avait eu tant de succès auprès des milieux conservateurs catholiques un peu partout dans le monde.
Au début du mois d’août 1937, à l’époque de la création de la Délégation Espagnole pour l’Enfance Évacuée et un mois et demi avant le rétablissement des relations officielles entre le gouvernement de Burgos et le Saint-Siège, arrivait à Bilbao le Délégué apostolique de Sa Sainteté, Monseigneur Hildebrando Antoniutti avec un objectif précis :
« Je suis venu chargé par Sa Sainteté d’une mission de charité que j’accomplis avec grand plaisir et qui est de faciliter, en collaboration avec les autorités espagnoles, le retour des enfants expatriés et dispersés de par le monde »18 La venue du représentant du Vatican et l’ouverture d’un bureau de rapatriement à Bilbao comblaient les vœux des autorités nationalistes puisque leur initiative de rapatriement apparaissait ainsi soutenue par le Pape lui-même. Cette campagne reposait sur l’argument spécieux selon lequel les enfants avaient été évacués sans le consentement des parents et dans le seul but de servir la propagande républicaine à l’extérieur. Cependant c’étaient bien les autorités franquistes qui utilisaient le rapatriement à des fins de propagande, au bénéfice du régime, et sans se préoccuper outre mesure de questions humanitaires. Car s’il est vrai que le retour des enfants obéissait au désir réel de beaucoup de parents, il n’en demeure pas moins que derrière d’autres cas se cachait un véritable intérêt politique si l’on considère qu’il y eut de nombreuses réclamations concernant de faux rapatriements demandés au nom de parents introuvables, exilés, emprisonnés, voire décédés 19.

 

C’est ainsi que s’engageait une nouvelle bataille entre républicains et franquistes dont l’enjeu était de déterminer qui exerçait l’autorité parentale dans le cas des enfants réfugiés à l’étranger ou, en d’autres termes, qui représentait la légitimité en Espagne. D’une part, le maigre succès du rapatriement en 1937 – à peine un millier d’enfants retournèrent dans l’Espagne franquiste – servit politiquement Franco en le présentant comme une figure paternelle qui avait obtenu le retour « des enfants que les rouges avaient arrachés à leur patrie »20. D’autre part, et ce fut là son véritable succès, l’initiative franquiste révéla l’incapacité des autorités républicaines à contrôler le sort des enfants évacués sous leur propre responsabilité.

 

Sur le plan législatif et en réaction au retour indiscriminé des enfants revendiqué par les autorités franquistes, la présidence du Conseil des ministres de la République promulgua le 15 octobre 1937 un décret par lequel elle étendait la juridiction consulaire relative à la tutelle des mineurs en matière de justice, d’assistance et d’éducation 21. Quatre jours plus tard, le ministère de la Justice étendait le décret qui établissait les normes que devaient suivre les consuls pour faire face aux prétentions franquistes22. Le gouvernement de Valence et le gouvernement du Pays basque œuvrèrent en cette occasion de concert et sans failles, défendant leur position face aux objectifs franquistes car les périls qui avaient motivé l’évacuation persistaient – représailles, otages, enrôlement dans des organisations enfantines paramilitaires de type totalitaire – et car de fausses réclamations de parents obtenues sous la contrainte et les menaces n’étaient pas rares.
Dans le cadre de cette ligne d’action, le 14 mars 1938, le gouvernement du Pays basque promulgua un décret qui nommait Jesús María Leizaola conseiller à la Justice dudit gouvernement et qui, à ce titre, détenait désormais la responsabilité légale de la tutelle de tous les mineurs basques évacués hors d’Euskadi. Enfin, en septembre de la même année, le gouvernement de la République approuvait une série de dispositions légales qui régulaient « définitivement » la tutelle de tous les mineurs espagnols à l’étranger et qui, comme gage d’un nouvel esprit de collaboration, reconnaissaient la légalité de la tutelle exercée par les gouvernements autonomes :
« Les mineurs espagnols qui se trouveraient évacués à l’étranger et dont les parents ou tuteurs se trouveraient sur le territoire national ou qui manqueraient de représentation légale avant leur départ d’Espagne, sont déclarés en situation de tutelle légale. Cette tutelle est assumée par l’État espagnol qui l’exercera en application du Statut civil des mineurs, en vertu du principe contenu dans les articles premier et second de la Convention de La Haye du 12 juin 1902 […] S’agissant de mineurs originaires des régions autonomes, l’exercice de la fonction de tutelle auquel se réfère le paragraphe antérieur appartient aux gouvernements autonomes respectifs » 23
En dépit de cet appui légal, à peine ébauché dans les lignes qui précèdent, le nombre de mineurs rapatriés en 1938 augmenta considérablement par rapport à l’année antérieure et en particulier depuis les pays dont les organismes catholiques avaient activement participé à l’accueil des enfants24. Si en France le nombre d’enfants rapatriés par les autorités franquistes n’excéda pas les trois cents au cours des deux premières années de guerre, dans le cas de la Grande-Bretagne, révélateur en cela de l’important travail des organisations catholiques, le flux de retour fut considérable et affecta, pour la seule année 1938, 1 846 mineurs. De même, en Belgique, l’organisation catholique du cardinal Van Roey, L’Œuvre des Enfants Basques-Baskisch Kinderwerk, qui avait réparti dans des familles catholiques près de 1 300 enfants provenant d’Euzkadi, fut l’organisme le plus réceptif aux demandes franquistes et ignora complètement la légitimité du gouvernement républicain et sa législation25. Fin 1938, la moitié des enfants accueillis par cette œuvre, près de 640, avaient été conduits par l’organisation jusqu’à la frontière espagnole, ne faisant aucun cas de l’avis contraire émis par l’organisme catholique français qui avait servi d’intermédiaire lors de l’arrivée de ces enfants en Belgique26 ou des demandes du gouvernement basque27 qui allaient dans le même sens. Une situation qui met également en évidence la faible marge de manœuvre du gouvernement républicain28.

 

 

Avec l’appui du Vatican et sous couvert de répondre aux désirs des parents, les autorités franquistes parvinrent à ouvrir une profonde brèche dans l’autorité extérieure de la République. La tentative frustrée de réunir au sein d’un unique organisme tutelle des mineurs et représentativité extérieure – objet d’un décret tardif de 1938 – fut un grave obstacle pour les autorités républicaines qui ne purent exercer qu’une tutelle réduite sur les enfants expatriés, ainsi en attestent « les bons offices » des autorités franquistes29. Par ailleurs, les moyens économiques limités – ils obligèrent les autorités républicaines à confier les enfants à des organismes privés – et le retard accumulé entre l’arrivée des enfants dans les pays d’accueil et l’approbation et la mise en œuvre des décrets régulant la tutelle, fréquemment élaborés en réaction aux initiatives franquistes, donnèrent le coup de grâce aux prétentions de tutelle des républicains :
« Les mois passent et le problème demeure sans solution. Lors d’un récent voyage à Genève, j’ai eu l’occasion de constater que ni les consuls, ni la représentation diplomatique en Suisse n’ont pu ouvrir un dossier de tutelle pour les mineurs qui s’y trouvent réfugiés, ils ne savent pas lesquels sont des réfugiés ; c’est-à-dire que les enfants espagnols sont hors du contrôle du gouvernement espagnol »30

Loin des conclusions simplistes, il apparaît que les cas analysés sont de bons révélateurs des difficultés internes et externes que durent affronter les autorités républicaines pour exercer leur tutelle sur les enfants expatriés pendant la Guerre civile. Le dramatique exode de 1939, qui affecta plus de 60 000 enfants, et la défaite républicaine changèrent la donne, en particulier après le début de la guerre en Europe lorsque, au sein même des autorités républicaines, le retour des mineurs en Espagne apparut comme un « moindre mal » face à l’angoisse qu’impliquait pour ces enfants de devoir affronter un nouveau conflit armé.

 


 

1 Article publié initialement en espagnol sous le titre « En torno a la tutela de los niños republicanos expatriados durante la Guerra Civil: disposiciones legales y conflictos internos, 1936-1938 », in Francesc Bonamusa et Josep Puy (coord.), L’exili republicà: Actes del Vè Col•loqui República, Guerra Civil i Franquisme, Barberà del Vallès, Ajuntament de Barberà del Vallès, 2002, pp. 75-84. Traduction de Danielle Corrado et Didier Corderot.
2 Rapport relatif aux enfants espagnols évacués à l’étranger, 30-V-1938, Archivo del Ministerio de Asuntos Exteriores (AMAE) [Archives du ministère espagnol des Affaires étrangères], Fondo Renovado Leg. 1069 / Exp. 9.
3 Créé à l’initiative de la CGT, ce Comité était présidé par Léon Jouhaux, Secrétaire général de cette même CGT, et par Victor Basch, Président de la Ligue Internationale des Droits de l’Homme. Le gouvernement de la République était représenté par Amós Sabrás, délégué du ministère du Travail et de l’Assistance sociale, responsable espagnol de l’accueil et de la tutelle des enfants, ainsi que par Luis Rodríguez Guerra et A. Lumbreras, tous deux membres de la Ligue espagnole des Droits de l’Homme.
4 Plus de la moitié des enfants furent évacués sans tutelle familiale. En France, le refoulement des adultes ordonné par les autorités françaises en octobre 1937 entraîna le retour en Espagne d’au moins 11 000 enfants qui étaient sous la tutelle de leurs mères. Voir Jesús Alonso Carballés, Los niños vascos evacuados a Francia y Bélgica. Historia y memoria de un éxodo infantil, 1936-1940, Bilbao, Asociación de Niños Evacuados del 37, 1998, pp. 177-181.
5 Parmi les organismes d’accueil on signalera le Basque Children’s Committee en Grande-Bretagne, le Comité d’Accueil aux Enfants d’Espagne déjà mentionné et le Comité Catholique d’Accueil aux Enfants Basques en France. En Belgique on signalera le Comité pour l’Hébergement des Enfants Espagnols en Belgique (CHEEB), créé par les socialistes et L’OEuvre des Enfants Basques, organisation catholique créée par le cardinal archevêque de Malines, Monseigneur Van Roey. En France et en Belgique, la plupart des enfants – respectivement 7 000 et plus de 3 000 – furent répartis par ces organismes et par d’autres dans des familles soutenant la cause républicaine ou sympathisantes avec le peuple basque. Dans le cas de l’URSS, les mineurs furent hébergés dans des colonies et des résidences organisées par les autorités soviétiques.
6 Décret de la présidence du Conseil des ministres du 6-VIII-1937 (Gaceta de la República, 7-VIII-1937) : « L’état de dispersion dans lequel se trouvent actuellement, dans la plupart des pays, les services d’aide aux enfants espagnols évacués de notre territoire vers l’étranger et l’assistance apportée dans tous les secteurs et en particulier en matière d’éducation et d’enseignement, impose de doter impérativement ces services d’une direction unique. ».
7 Ordre du ministère de l’Instruction publique du 10-VIII-1937 (Gaceta de la República, 16-VIII-1937).
8 Télégramme de Juan Comas, 23-X-1937 : « La très grave carence de fonds couvrant les dépenses pour le personnel enseignant et les besoins de centaines d’enfants dans les colonies met la Délégation dans une situation intenable. Je sollicite des instructions concrètes afin de régler les impayés et d’éviter à l’avenir le lamentable spectacle du manque de sérieux dans le paiement à l’étranger. Il est impossible de continuer à diriger dignement la Délégation sans les 200 000 francs promis le 15 et la certitude de la concession d’un crédit extraordinaire de 4 millions jusqu’à la fin de l’année. Il faut également penser aux conséquences si nous devions rapatrier en Catalogne des milliers d’enfants et aux problèmes que poseraient leur éducation et leur alimentation. », AMAE R. Leg. 631 Exp. 182.
9 Plusieurs rapports du Département d’Assistance sociale du gouvernement basque, dirigé par le socialiste Juan Gracia et donc a priori peu suspect d’hostilité politique envers les représentants de la République, présentent Amós Sabrás comme un homme plus soucieux de revendiquer son autorité que d’organiser l’accueil des enfants. Voir note 14.
10 Lettre de Bernardino Valle y Gracia à l’ambassadeur d’Espagne, Ángel Ossorio y Gallardo, 14-XII-1937, Archivo General de la Administración (AGA), Sección de Asuntos Exteriores, Legajo 11.239. [Archives Générales de l’Administration section Affaires étrangères].
11 « Outre les organisations représentatives légitimes, ambassade et corps consulaire, fonctionnaient et fonctionnent encore avec une autonomie farouche, antagonique et souvent hostile, d’autres organes représentatifs soit de divers secteurs ministériels, de délégations de l’Assistance sociale et de l’Instruction publique, soit de régions autonomes comme la Délégation d’Euskadi. Le résultat était lamentable : des centaines d’enfants grands et petits, impossibles à localiser, de nombreux enfants en bas âge ne sachant pas dire qui ils étaient ; des petits séparés de leurs frères et sœurs et des mères de leurs enfants sans possibilité de les retrouver car nul ne savait où ils avaient été envoyés ; des enfants qui étaient admis à l’hôpital avec leur seul prénom et qui mouraient sans que l’on connaisse leur filiation ; des douzaines d’enfants nés à bord, sur le quai ou dans les maternités et de nombreux compatriotes morts dans les hôpitaux et dont les naissances et les décès n’ont pas été enregistrés dans les registres consulaires », ibidem.
12 Lettre de l’ambassadeur d’Espagne en France, Ángel Ossorio y Gallardo, au ministre d’État, 23-XII-1937. Ce même jour il s’adresse au ministre du Travail et de l’Assistance sociale en des termes similaires : « Une fois encore je dois dire à Votre Excellence et au gouvernement qu’il est imprudent et très dangereux pour l’Espagne de conserver ici deux délégations dont la principale occupation est de se combattre. Jour après jour, ces affrontements mettent en péril l’autorité morale de l’Espagne. », AMAE R. Leg. 631/ Exp 132.
13 Lettre de Marcelino Pascua, ambassadeur d’Espagne à Paris au ministre d’État, Julio Álvarez del Vayo, 5-IX-1938 : « Il conviendrait, à mon avis, que Votre Excellence fasse savoir dicrètement à son collègue du gouvernement, Son Excellence José Moix, qu’il existe des doutes sur le fait que la Délégation en question, dont a la charge M. Amós Sabrás, fonctionne ne serait-ce que de manière acceptable à en croire les rapports réguliers qui sont portés à ma connaissance », AMAE R. Leg. 1069, Exp. 44.
14 Rapport du Département d’Assistance sociale sur la manière de procéder et les difficultés rencontrées, XII-1937 : « La partie espagnole du comité (Sabrás, Guerra et Lumbreras) s’est installée au consulat d’Espagne et a commencé à accaparer les listes. Ces membres affirmèrent au Comité d’Accueil que le gouvernement basque n’avait pas à intervenir, que les enfants étaient tous espagnols et qu’ils étaient eux les seuls représentants du gouvernement de la République. Ils nous isolèrent, exigeant qu’on leur envoyât à eux une copie des listes d’enfants placés et pas à nous, et bien que M. Gracia demeurât au sein du Comité, ils nous écartèrent complètement. Au cours de réunions du Comité, lorsque les fonctionnaires de notre département revendiquèrent le droit de veiller aux intérêts des enfants basques, les Français étaient d’accord mais M. Sabrás, de manière systématique, excessive et violente, soutint qu’il était le seul habilité à veiller sur les réfugiés espagnols et exhiba à chaque fois sa nomination par le Conseil des ministres, et bien entendu les Français se rendirent à ses raisons car ils ne connaissent pas l’autonomie dont jouit le Pays basque… », Archivo del Nacionalismo Fundación Sabino Arana S. K.338 C. 7 (AN FSA) [Archives du Nationalisme, Fondation Sabino Arana].
15 Lettre du gouvernement basque au gouvernement de la République, 16-VIII-1937 : « La perte du territoire envahi au mépris du droit et de la justice n’entraîne pas la dérogation de la loi d’autonomie qui le régissait ni la perte de l’exercice des compétences qui lui étaient reconnues.
Les intérêts défendus par le gouvernement basque, y compris depuis la perte du territoire, relèvent de plusieurs secteurs et ont pour objet les besoins concrets et incontestables du peuple basque partout où il se trouve. Ces intérêts se situent soit en territoire étranger soit sur le territoire fidèle à la cause républicaine. Plus de 30 000 enfants se trouvent en territoire étranger et, en raison des circonstances, plus de 20 000 d’entre eux ne reçoivent pas une instruction suffisante. Le secrétariat à la Culture s’efforce de remédier à cette situation. Nous considérons que cette prérogative appartient aux organes de l’autonomie, non seulement en vertu des contenus de l’article 4 du Statut mais également en conformité avec la volonté explicite des citoyens de ce pays selon les dispositions de la Constitution. », AN FSA S. K.338 C. 7.
16 Rapport établi par le Dr Samperio à l’issue d’une visite d’inspection de cette zone, 21-IX-1937, AN FSA S. K.338 C. 7.
17 Rapport du consulat de la Nation à Sète correspondant à l’année 1937, 15-III-1938, AGA Sección de Asuntos Exteriores Leg. 11.074.
18 El Correo español, 7-VIII-1937.
19 Jesús Alonso Carballés et Miguel Mayoral, « La repatriación de los niños del exilio : un intento de afirmación del régimen franquista 1937-1939 » in Javier Tusell, Alicia Alted, Abdón Mateos (éd), El Régimen de Franco (1936-1975). Política y relaciones exteriores, T. 1, Madrid, UNED, 1993, pp. 341-349.
20 C’est dans ce but que la presse franquiste rendit compte des rares arrivées d’enfants à la frontière espagnole au cours de l’année 1937 à travers de longs articles abondamment illustrés de photos et sous le titre évocateur de « L’oeuvre du Caudillo ». Parmi les nombreux articles publiés en 1937 et destinés à exalter la figure de Franco, citons celui-ci, publié en première page du quotidien ABC de Séville, le 3-XII-1937 :
« Ces enfants espagnols que la haine marxiste dispersa à travers le monde sont rapatriés grâce à l’énergie et à la bonté du Généralissime […] C’est au Généralissime seul que l’on doit cette généreuse action. Soucieux et accablé par cette situation, il souhaite que, le plus rapidement possible, puissent revenir dans leurs foyers ces malheureux enfants qui, depuis leurs terres lointaines, pleurent leur patrie et le soleil de leur patrie… Si l’Espagne ne devait pas lui être reconnaissante de tant de choses, elle trouverait là un nouveau motif de gratitude. ».
21 L’article 1 de ce décret attribuait aux organes juridictionnels ordinaires de l’État espagnol à l’étranger les prérogatives qui correspondaient aux tribunaux de tutelle des mineurs et « faisant des consuls espagnols à l’étranger, ou des vice-consuls ou des personnes qui, en leur absence, les remplaceraient, des juges pour mineurs avec les mêmes attributions et soumis aux mêmes procédures, dans les cas de tutelle de mineurs, entre ou contre des citoyens espagnols », AMAE R. Leg. 1069 / Exp. 44.
22 Les deux décrets furent adressés aux représentants diplomatiques républicains avec une lettre où l’on peut lire : « Vous procéderez à toutes les actions de type politique ou diplomatique nécessaires auprès du gouvernement afin que les desseins des rebelles vis-à-vis des enfants
évacués se heurtent à la résistance et à l’opposition des autorités de ce pays », 25-X-1937, AMAE R. Leg. 629/11.
23 Législation relative à la tutelle des mineurs espagnols à l’étranger, Gaceta de la República, 8-IX-1938.
24 Le cas de l’URSS offre des particularités remarquables dans la mesure où les autorités soviétiques se refusèrent à tout rapatriement vers l’Espagne franquiste jusque dans le milieu des années 50.
25 Rapport de l’ambassadeur d’Espagne à Bruxelles, Mariano Ruiz Funes, relatif à l’envoi en Espagne franquiste d’enfants accueillis par l’archevêque de Malines, 28-I-1938 : « Faisant preuve d’une patience de bénédictin, j’ai tenté à de multiples reprises de me mettre en contact avec Son Éminence et n’ai reçu en retour qu’un dédain sans faille », AMAE R. Leg. 629 / Exp. 76.
26 Lettre du Secrétariat social du Sud Ouest à L’Oeuvre des Enfants Basques du Cardinal Van Roey, 29-IX-1937 : « Monsieur, au sujet du rapatriement d’enfants vers l’Espagne, je vous confirme formellement les termes de ma lettre adressée à votre oncle le père Bernaerts. Les enfants placés en Belgique vous ont été confiés par nos soins. De même que nous en sommes responsables vis-à-vis du gouvernement d’Euzkadi et de l’ambassade d’Espagne de Paris, vous en êtes responsables vis-à-vis de nous. Nous ne saurions admettre que des enfants soient dirigés sur l’Espagne sans notre accord et nous ne pouvons donner cet accord qu’avec celui de l’ambassade d’Espagne de Paris. Vous nous mettriez dans une situation infiniment délicate si vous passiez outre à ces recommandations. », Archives de l’Archevêché de Malines.
27 Lettre du gouvernement basque au cardinal Van Roey, IX-1937 : « Le gouvernement basque pense nécessairement que rien ne se trouve et rien ne peut être entrepris au nom de Son Éminence le cardinal Archevêque de Malines concernant le sort des enfants réfugiés, sans l’accord du gouvernement basque, qui a la responsabilité des enfants et doit conserver cette responsabilité », AMAE R. Leg. 629/Exp. 11.
28 Lettre de l’ambassadeur d’Espagne en France au ministre d’État : « L’ambassadeur d’Espagne en Belgique a effectué des démarches auprès du Comité cité afin que soit reconnue la tutelle indiscutable de l’État espagnol sur les enfants réfugiés en Belgique, mais ces démarches n’ont donné aucun résultat. », AMAE R. Leg. 629/ Exp. 76.
29 Télégramme de l’ambassadeur d’Espagne en Belgique au ministre d’État, 18-I-1938 : « Sont partis ce jour vers le territoire factieux 200 enfants remis par le gouvernement basque à l’archevêque de Malines et jamais contrôlés par cette ambassade », AMAE R. Leg. 629/ Exp.76.
30 Rapport de Matilde Huici relatif aux enfants espagnols évacués à l’étranger, 30-V-1938, AMAE R. Leg. 1069/ Exp. 44.

L’EXTRAORDINAIRE HISTOIRE DU SOUS-MARIN C-2

Historien, Patrick Gourlay a enquêté sur un épisode de la guerre d’Espagne à Brest : en 1937, un commando franquiste a voulu s’y emparer d’un sous-marin républicain. Un livre passionnant.

L’ouvrage de Patrick Gourlay ferait un excellent scénario de film. « Cela se lit comme un roman d’espionnage, commente son éditeur, Erwan Chartier, de Coop Breizh, mais tout est vrai ! » Professeur d’histoire-géographie et déjà auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire politique de la Bretagne, Patrick Gourlay s’est intéressé à ce sous-marin républicain arrivé dans le port de Brest le 29 août 1937.

« Je savais juste qu’il y avait eu un sous-marin espagnol à Brest. J’ai trouvé étrange cette histoire. J’ai commencé à creuser. » Et l’historien, originaire de Brest, est allé de surprise en surprise, avec cette rocambolesque expédition du commando franquiste.

« Mingua l’audacieuse »

La flotte de la République espagnole avait six submersibles nommés C-1, C-2, etc. Les Franquistes n’en avaient pas. Le C-2 avait fui l’avancée des nationalistes. Victime d’une avarie, le sous-marin et ses 46 hommes d’équipage étaient parvenus jusqu’à Brest. Son jeune commandant de 29 ans, José Luis Ferrando Talayero, entendait le faire réparer. Les autorités françaises surveillaient ce bâtiment amarré au 5e bassin.

« Début septembre, le commando franquiste, mené par le commandant Julian Troncoso, un maître-espion, et aidé de deux Français membres de la Cagoule, va commencer ses repérages », poursuit Patrick Gourlay. Le commandant du sous-marin a pris ses habitudes à Brest : après quelques parties d’échecs rue de Siam, il fréquente régulièrement l’Ermitage, le café-dancing de la rue Colbert.

L’Ermitage existe toujours, quasiment au même endroit. Il s’appelle désormais le Stendhal. Ses deux cogérants, René Guéguen et Pascal Artero ont ainsi appris que l’établissement, créé par leur grand-père en 1932, a été au centre de l’affaire. « On n’avait jamais entendu parler de cette histoire dans la famille », avouent les deux cousins. Ils ont retrouvé une photo de l’époque, qui figure dans le livre, et ont montré à l’historien la maquette de l’Ermitage réalisée par le père de l’un d’eux.

« Les franquistes voulaient retourner le commandant, poursuit l’historien. Et pour cela ils comptaient sur « Mingua l’audacieuse », une entraîneuse italo-espagnole et acquise à la cause des nationalistes. » Le commandant acceptera effectivement de rejoindre le camp franquiste. Mais l’attaque du sous-marin, le 18 septembre, échoua. Parce que les anarchistes espagnols de la CNT avaient dépêché leurs propres agents à Brest.

 

Photo de presse.

Le C-2 en rade de Brest (photo personnelle).

 

Des espions partout

« J’ai découvert, dans des archives aux Pays-Bas, qu’ils avaient infiltré le commando franquiste. La CNT avait deux espions qui lui rendaient compte de tout! » L’historien évoque aussi la mobilisation des communistes et anarchistes brestois pour protéger le sous-marin républicain arrivé dans un port qui avait déjà accueilli plusieurs navires chargés de réfugiés espagnols.

« Cette affaire a eu un énorme retentissement dans la presse française et même internationale. » D’autant que les membres du commando franquiste, dont un fut tué lors de l’assaut, furent arrêtés et jugés à Brest pour… transport et usage d’armes de guerre.

L’enquête dévoile aussi ce que devint le redoutable Troncoso une fois Franco au pouvoir. Et aussi l’étonnant parcours d’un des deux cagoulards qui devint un grand résistant, puis maire d’une commune du Finistère.

 

 

Nuit franquiste sur Brest, Patrick Gourlay, préface de Roger Faligot, 147 pages, avec carte, chronologie, sources, bibliographie, 12,50 €, éditions Coop Breizh.

Yannick GUÉRIN

 

Nuit noire sur Brest, roman graphique inspiré du livre de Patrick Gourlay, adaptation, scénario et dialogues de Bertrand Galic et Kris, Editions Futuropolis, 2016.

 

 

Source :

http://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/lextraordinaire-histoire-du-sous-marin-c-2-749247

“LOS BOMBARDEOS SOBRE SANTANDER FUERON CONTÍNUOS”

Le 1er août 1937, Pedro, 9 ans et son frère José Luis (« Cholo »), 11 ans, ont fui les bombardements de Santander vers la France. Après un séjour au Danemark ils intégrent l’école Freinet à Vence (Alpes-Maritimes) « pour nous la meilleure du monde ». Pedro et Cholo sont les deux premiers espagnols qui reçoivent l’enseignement de Célestin Freinet. Une institutrice espagnole complétera l’équipe pédagogique en 1937 pour accueillir un autre groupe d’enfants réfugiés.

Le Mouvement Coopératif de l’Ecole Populaire (MCEP) présente le livre de Pedro Morá « Un niño de la guerra en la escuela Freinet » (« Un enfant de la guerre dans l’école Freinet »). Pedro est aujourd’hui âgé de 89 ans.


 

El 1 de agosto de 1937, Pedro, de nueve años, y su hermano Cholo, de 11, huyeron de los ataques de la aviación franquista sobre la capital cántabra rumbo a Francia y, tras su paso por Dinamarca, acabaron recalando en la Escuela Freinet, “para nosotros, lo más grande que hay en el mundo”.

El Movimiento Cooperativo de Escuela Popular (MCEP) presenta el libro ‘Pedro Morán. Un niño de la guerra en la Escuela Freinet’, sobre la historia de aquel pequeño refugiado que hoy tiene 89 años.

Pedro Morán (con mochila) a finales de los años treinta en Vence, junto a varios compañeros de la Escuela Freinet | MCEP

 

Pedro Morán (con mochila) a finales de los años treinta en Vence, junto a varios compañeros de la Escuela Freinet | MCEP

 

Isidro Cicero ha destacado que los que se echaron al monte son ante todo víctimas del franquismo, como lo son los fusilados, los que trabajaron como esclavos en los campos de concentración, los que tuvieron que exiliarse… o los niños de la guerra. Una de estos últimos es Pedro Morán (Santander, 1928), que no se echó al monte pero se echó al mar, y es que en 1937 tuvo que alejarse de su ciudad natal junto a su hermano José Luis ‘Cholo’ y embarcar rumbo a Francia huyendo de las bombas que caían sin descanso sobre la capital cántabra. Pedro recuerda que “el primer bombardeo de los fascistas” sobre Santander se produjo un domingo por la mañana, que a partir de entonces los ataques de la aviación franquista fueron “continuos” y que muchos de ellos “castigaron los alrededores” de su barrio, San Martín. “Como los bombardeos de la aviación franquista sobre Santander eran bastante seguidos, mi padre dijo que teníamos que salir de allí, porque corríamos un grave peligro, y consiguió que nos evacuaran a Francia a mi hermano Cholo y a mí”, explica justo ochenta años después.

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‘Ploubazlanec’, el buque francés que trasladó a los niños desde Gijón hasta Pauillac

 

“Las autoridades danesas no hicieron nada, pero las organizaciones obreras se volcaron con nosotros”

Los hermanos Pedro, de nueve años, y Cholo, de 11, huyeron de Santander el 1 de agosto de 1937 y al día siguiente embarcaron en el buque francés ‘Ploubazlanec’ –que se alejó de Gijón escoltado por dos barcos ingleses encargados de disuadir a la armada franquista– junto con otros niños de la guerra vascos, cántabros y asturianos. El 3 de agosto atracaron en el puerto galo de Pauillac y en Francia recibieron tres semanas después la “malísima noticia” de que las tropas franquistas habían tomado Cantabria. “Todos lloramos recordando a nuestras familias, pues sabíamos que a muchos de los que cogían prisioneros los fusilaban sin más ni más, sólo por ser de izquierdas”, asegura Pedro. Un mes después, cada uno de aquellos niños de la guerra amaneció una mañana con un cartel a los pies de su cama donde se podía leer su destino definitivo. Parte de ellos fueron enviados a la URSS, y la otra parte –122 niños, entre los que se encontraban Pedro y Cholo–, a Dinamarca, hacia donde embarcaron una semana después. “En la escuela donde nos alojaron estábamos los chavales españoles a cargo de la gente del Sindicato Obrero de Dinamarca, que se portó maravillosamente con nosotros”, recuerda Pedro, que destaca que “las autoridades no hicieron nada, pero las organizaciones obreras se volcaron con nosotros”. Como se volcaron los periódicos daneses, que dedicaron numerosos artículos al día a día de aquellos pequeños refugiados.

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Cholo, su padre, León; Pedro y su amigo Laurence, en una visita de León a Vence  | MCEP

No habían pasado dos semanas cuando Pedro, Cholo y otros dos niños también cántabros fueron trasladados a las proximidades de la localidad francesa de Vence, donde les esperaba un centro educativo que cambiaría sus vidas para siempre: la Escuela Freinet. “Para nosotros, lo más grande que hay en el mundo”, asegura Pedro. Dirigida por los maestros franceses Célestin Freinet y su esposa Elise –padres del denominado materialismo escolar y referentes pedagógicos de categoría internacional–, la Escuela Freinet “era una escuela francesa, pero allí había de todo: polacos, daneses, argelinos, judíos, de Marruecos y 38 españoles”, entre ellos Pedro y Cholo. Los Freinet son autores de numerosos libros de pedagogía, libros que “no gustaron a la gente más reaccionaria, que hacía la vida imposible al matrimonio” sólo porque su pedagogía “defendía a las clases populares, a los trabajadores”, recalca Pedro.

El documental ‘Elogio del horizonte’ recoge la historia de aquellos pequeños refugiados

Aquel pequeño refugiado presentó el pasado 27 de abril en el Parlamento de Cantabria el libro ‘Pedro Morán. Un niño de la guerra en la Escuela Freinet’, un trabajo colectivo editado por el Movimiento Cooperativo de Escuela Popular (MCEP), coordinado por Sebastián Gertrúdix y prologado por la escritora Rosa Regás, que también fue alumna de Freinet. El MCEP, inspirado en la filosofía de Freinet, dio con Pedro gracias a la exposición ‘Los niños de la guerra cuentan su vida, cuentan tu historia’ que el propio Legislativo autonómico acogió en 2015. Allí se proyectó el documental de Iñaki Ibisate, narrado por Josefina Ceballos, ‘Elogio del horizonte. Los niños de la guerra evacuados a Dinamarca’ (2009) y se celebró una mesa redonda en la que Pedro trasladó a los presentes su inolvidable experiencia en la Escuela Freinet, que llegó a oídos de Enrique Pérez Simón, miembro del MCEP y seguidor de los métodos del maestro francés, que hasta entonces no había conocido personalmente a ningún alumno de su gran referente pedagógico. “Imagina lo que supuso encontrar un testimonio vivo”, apunta Pérez Simón –uno de los artífices de ‘Pedro Morán. Un niño de la guerra en la Escuela Freinet’– junto al propio Pedro, que lo escucha atentamente mientras asiente.

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Pérez Simón, Pedro Morán, Gertrúdix y la presidenta del Parlamento, Dolores Gorostiaga

En plena II Guerra Mundial, “Franco reclamó a los niños de la guerra y la URSS dijo que no, pero Francia nos devolvió a él”, por lo que en 1940 Pedro y Cholo dejaron la Escuela Freinet y regresaron a Santander, donde no encontraron “más que hambre”. Rechazados “por rojos” en varios centros educativos, sólo pudieron matricularse en las Escuelas Verdes del barrio de Entrehuertas, “el único colegio en el que un maestro nos admitió”. De aquel Santander Pedro recuerda la muerte del guerrillero antifranquista Pin Lavín ‘El Cariñoso’, abatido el 27 de octubre de 1941 en la calle Santa Lucía de la capital cántabra. “Iba a la zona a reunirme con unos amigos, pero aquel día no pudimos hacerlo, porque estaba todo cercado por la policía y no nos dejaron pasar”, rememora. Y los últimos días del Dr. Madrazo, cirujano y científico que “murió de pena” el 8 de noviembre de 1942, a los pocos días de abandonar gravemente enfermo la cárcel en la que había sido encerrado en 1937, a los 87 años de edad, acusado de anticlericalismo.

Viajando en moto de Santander a Bilbao pudo ver cómo “cantidad de guardiaciviles bajaban del monte con una cuerda” el cadáver de Paco Bedoya

Pedro dejó atrás su infancia, se hizo navegante –como su padre, León– y, como Pérez Simón, vio las “al menos dos grandes pintadas a brocha” con el lema JUANÍN VIVE con las que amaneció Santander tras la noche del 24 de abril de 1957 en que mataron al guerrillero antifranquista lebaniego, “una inmensa en Atarazanas, junto a la Catedral de Santander, y otra en la iglesia de los Pasionistas”. El 2 de diciembre de aquel mismo año mataron al también guerrillero antifranquista Paco Bedoya, y viajando en moto de Santander a Bilbao también pudo ver, a la altura de Guriezo, cómo “cantidad de guardiaciviles lo bajaban del monte con una cuerda”.

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Célestin Freinet

Célestin Freinet et son épouse Lise créent une école aux méthodes nouvelles à Vence (Alpes- Maritimes) d’ inspiration autogestionnaire et libertaire .

En français :

https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9lestin_Freinet

 

Pedro tampoco olvida a Jesús Revaque, director del colegio santanderino Menéndez Pelayo durante la II República, director del profesorado español desplazado a Dinamarca para encargarse de la enseñanza de los niños y exiliado finalmente en México. “Un referente de la enseñanza de Cantabria, aunque se escuche hablar poco de él”. Y sobre todo no olvida a Freinet, del que también se escucha hablar poco a pesar de que “acogió y enseñó a 38 españoles en Vence”, aunque “el Gobierno español no se lo ha reconocido nunca, nunca ha tenido ningún reconocimiento oficial”.

Pedro tiene 89 años y vive en su Santander natal. Cholo, de 91 y autor de dibujos –muchos de ellos, de temática antifascista– que un día asombraron a aquella su familia de Vence y a los lectores de los periódicos que los editaron, continúa residiendo en Francia, aunque su memoria ya apenas le permite recordar.

 

A Pauillac, dans le Médoc, le port de Trompeloup a joué durant cette période le rôle d’une fantastique plaque tournante, (86 059 réfugiés y ont transité), réfugiés venus d’Espagne et dirigés vers des camps de regroupement sur le territoire français. Au contraire d’autres réfugiés déjà en France qui embarquent sur des navires en partance pour l’Amérique latine.

Le Winnipeg en partance pour le Chili, à Pauillac, navire affrété par Pablo Neruda :

http://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/le-chili-celebre-le-winnepeg-bateau-parti-de-pauillac-pour-sauver-des-refugies-espagnols-grace-neruda-542234.html

 

Source :

http://www.eldiariocantabria.es/articulo/cantabria/bombardeos-santander-fueron-continuos/20170525112229030330.html

 

Solidarité internationale antifasciste

Solidarité internationale antifasciste, en espagnol Solidaridad Internacional Antifascista (SIA), est fondée en Espagne, le 27 mai 1937, par la Confédération nationale du travail (CNT) avec les autres organisations libertaires, la Fédération anarchiste ibérique (FAI) et la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL), composantes du Mouvement libertaire.

À la fois organisme humanitaire et politique en faveur de l’anarchisme, SIA est conçue comme une réponse à la mainmise des communistes et de leurs organisations (le Secours rouge notamment) sur la vie publique et politique lors de la guerre d’Espagne.

Pour compenser la faiblesse du mouvement libertaire hors d’Espagne et donc le manque d’appuis internationaux pour la CNT, la décision officielle de créer une organisation de solidarité internationale est prise par le plénum national de la centrale anarcho-syndicaliste à Valence le 15 avril 1937.

SIA est effectivement créée en juin2, après les affrontements des journées de mai 1937 à Barcelone qui opposent, d’une part les anarchistes et des groupes communistes anti-staliniens partisans de la Révolution sociale et d’autre part l’Etat républicain, la Généralité de Catalogne et des groupes politiques socialistes et communistes.

Conçue dès le départ comme une organisation humanitaire ayant pour but de soutenir le mouvement libertaire espagnol et la révolution sociale, SIA est pendant toute la guerre d’Espagne un moyen de diffusion des idées anarchistes.

Pour le Mouvement Libertaire Espagnol (Movimiento Libertario Español – MLE), cette structure doit permettre de combler le besoin vital qu’a la CNT de trouver des soutiens à l’étranger pour contrer politiquement l’Internationale communiste et améliorer son approvisionnement en armes, matériel médical, vivres, etc. Même si la CNT fait partie d’une organisation internationale, l’Association internationale des travailleurs, cette dernière n’a que très peu d’influence et de marge de manœuvre pour l’aider.

La création de la SIA, une fois votée et décidée par la CNT commence par la mise en place des sections locales, tout d’abord en Espagne. Dès le 5 juin 1937, des groupes sont constitués avec l’appui du mouvement libertaire.

En quelques mois, SIA va regrouper des milliers d’adhérents (plus de 150000 ?) et de groupes (plus de 400 en Espagne républicaine ?).

Actions humanitaires

Si la SIA est d’abord créée comme moyen politique au service du mouvement libertaire, elle est rapidement amenée à intervenir sur le terrain afin de pallier le manque d’efficacité des organismes déjà en place.

Entre juin 1937 et janvier 1939, les sections hôpital et sanitaire de la SIA sont présentes, tant au Front qu’à l’arrière. Reconnues par l’État-major républicain et le gouvernement de Valence, des brigades de sauvetage au Front assurent le transport des blessés des zones de combat à l’arrière, et apportent les premiers secours aux combattants. Elles sont composées de volontaires, médecins, infirmières, brancardiers. Cette action sur le Front, se double d’une action à l’arrière en faveur des combattants. Un hospice pour les blessés de guerre est créé et la SIA gère, en commun avec la CNT, quatre hôpitaux militaires en Catalogne. Leur approvisionnement est assuré par l’organisation.

En ce qui concerne l’aide des sections sanitaires et hospitalières aux civils, elle est surtout marquée par la constitution d’une brigade de volontaires équipés de matériel médical et de recherche pour porter secours aux civils victimes de bombardements. C’est le service d’action sociale de la SIA qui effectue la plus grosse partie du travail de solidarité : envoi de colis pour les combattants et les civils, ouverture et gestion de lieux publics (casa de dormir, qui correspondent à des foyers d’hébergement, restaurant du milicien, restaurants populaires, etc.), mais aussi distribution de nourriture, de vêtements, de repas. Cette action sociale est large et dépend des sections locales qui l’organisent selon les besoins et les forces disponibles. L’organisation gère également la distribution les dons venant de l’étranger.

Pour aider les enfants orphelins ou réfugiés, la SIA a ouvert trois garderies à Barcelone, un foyer à Badalone installé dans un ancien couvent et des colonies à Masnou, Rabos, Cervera, Beguda Alta, Esparraguera, Sabadell (Catalogne) et deux foyers pour enfants à Madrid.

Solidarité internationale

Organisation politico-humanitaire, ayant une action non négligeable en Espagne, la SIA est aussi une organisation internationale.

De sa création, en juin 1937, aux premiers mois de 1939, un certain nombre de sections étrangères voient le jour. Les premières sections à être créées, avant la fin 1937, sont les sections française, suédoise, britannique, portugaise et nord-africaine.

Le 30 octobre 1937, à Paris. Lors du congrès de l’Union Anarchiste, le Comité pour l’Espagne Libre créé par Louis Lecoin, Nicolas Faucier, Pierre Odéon et Pierre Le Meillour se transforme (à la demande de la CNT-FAI) en section française de Solidarité internationale antifasciste et édite, à partir du 10 novembre 1938, l’hebdomadaire du même nom SIA. La section française compte 15000 adhérents et son journal, 5500 abonnés, en février 1939. Elle organise l’envoi de vivres, d’argent et de médicaments au profit des libertaires espagnols. Le produit des souscriptions lui permet d’entretenir une colonie d’orphelins à Llançà non loin de la frontière française. Mais ses activités ne se limitent pas à ces actions d’ordre humanitaire, elle organise également l’expédition d’armes et de munitions à l’intention des anarchistes espagnols qui en manquent cruellement. Le journal est interdit par le gouvernement en avril 1939.

La section nord-africaine ne concerne que la partie espagnole du Maroc d’où une partie de la rébellion nationaliste est partie et est créée par des militants de la CNT entrés en clandestinité et qui se réfugient dans les territoires français pour échapper aux troupes nationalistes.

Dans le Portugal d’António de Oliveira Salazar, la section ne peut avoir qu’une activité clandestine. Même si elles existent sur le papier, la création de ces sections est donc plus un effet d’annonce qu’une existence et une implantation réelle.

Au Royaume-Uni, Emma Goldman, fait partie du conseil d’honneur de la SIA, est sollicitée pour constituer autour d’elle une section britannique.

En Suède, c’est la centrale anarcho-syndicaliste Sveriges Arbetares Centralorganisation qui fonde la section.

En janvier 1938, la section américaine est créée autour du syndicaliste et théoricien allemand exilé aux États-Unis, Rudolf Rocker.

Dans le premier semestre 1938, des sections sont créées en Argentine, au Chili, au Mexique et en Uruguay. Dans ces pays hispanophones, ce sont souvent des militants exilés de la CNT, informés par le biais de leurs anciens camarades, qui sont à l’initiative.

En Chine, c’est autour de Chang-Ching-Chiu, qui a effectué plusieurs séjours en Europe, que se forme la SIA locale.

Aux Pays-Bas, c’est Harm Kolthek, militant anarcho-syndicaliste, qui fonde la section hollandaise.

En Australie, ce sont d’anciens militants de la CNT et de la FAI, exilés après la répression de la grève dans les Asturies en 1934, qui créent des sections à Melbourne et Sidney en mars 1938.

En tout, il existe fin juin 1938 treize sections nationales de la SIA.

Le 1er novembre 1938, lors de la réunion internationale de la SIA tenue à Paris, est mentionné l’existence d’une section polonaise ainsi que de sections palestinienne, canadienne et japonaise en création auxquelles il faut ajouter celles de Cuba et Honolulu, qui ne fait pas encore officiellement partie des Ètats-Unis.

Au début de l’année 1939, en a peine plus d’un an d’existence, la SIA est une organisation qui revendique des sections dans une vingtaine de pays, réparties sur les cinq continents.

Renaissance en 1945

Après la Deuxième Guerre mondiale, mi-juin 1945, Solidarité internationale antifasciste (en exil) est reconstituée à Toulouse par des réfugiés espagnols.

La section belge est fondée le 18 mai 1946 et rassemble des anti-fascistes anti-staliniens (voir Anarchisme en Belgique). L’association organise la défense des demandeurs d’asile qui ont fui leur pays et les régimes autoritaires. Elle constitue un lieu de rencontre pour les immigrés dont les nombreux espagnols anarcho-syndicalistes de la CNT en exil.

Personnalités

En Espagne

En 1937, Lucia Sanchez Saornil, est secrétaire de presse et propagande de la SIA. L’année suivante elle est secrétaire du Conseil Mondial de SIA et en mai est nommée secrétaire national. Elle fait pendant toute cette période de fréquents voyages en France pour y recueillir vivres et aides.
En juillet 1937, Pedro Herrera Camareto est le secrétaire du Comité national de la SIA16.
En 1939, Mateo Baruta Vila (1901-1980), est le secrétaire national de SIA.
Renée Lamberet développe une intense activité au sein de la SIA, notamment avec la colonie d’enfant Spartaco organisée à Ajentona par le syndicat CNT des chemins de fer et la colonie organisée à Llançà pour accueillir des enfants réfugiés du Pays Basque, des Asturies et du front de Madrid4,.

En France

Edgar Morin : « Mon premier acte politique fut d’intégrer une organisation libertaire, Solidarité internationale antifasciste, pour préparer des colis à destination de l’Espagne républicaine. »
En 1937, Fernand Vintrigner, gérant du journal SIA, organe de la section française.
Nicolas Faucier, trésorier, en 1937, de la section française.
Jean Roumilhac, premier président, en 1937, de la section française
Louis Lecoin, secrétaire, en 1937, de la section française.
Henri Jeanson,.
Robert Louzon.
René Lochu
Paul Reclus participe, en 1937, à la Solidarité internationale antifasciste.
Fin 1944, Jean-René Saulière réorganise la SIA dont il devient le secrétaire général.
Émilienne Morin

En Belgique

Jean De Boë est parmi les fondateurs de la section belge.

Citation

« La SIA espagnole demande au peuple français solidarité complète pour aider à évacuer la population des zones d’opérations où l’armée de la liberté résiste héroïquement devant l’avalanche barbare. Nous prions la France républicaine, la France issue de 1789, de recevoir nos enfants, nos vieillards, nos femmes et de leur faire bon accueil. Ils le méritent. Mille et mille fois merci » – Télégramme envoyé par Mateo Baruta Vila et Lucia Sanchez Saornil au nom de la SIA, 26 janvier 1939.

Commentaire

Selon l’historien Valentin Cionini : « Émanation du MLE, la SIA est destinée à apporter un soutien politique et matériel aux anti-autoritaires espagnols sous couvert d’actions de solidarité. Pourtant, les réalités de la guerre amènent la SIA à évoluer. Que cela soit dans ses objectifs, ses méthodes, cette évolution laisse peu à peu au second plan l’idéologie, pour développer l’acte de solidarité. Mais même en recentrant son action sur la solidarité en faveur des victimes de la guerre, la SIA n’oublie pas que cette aide doit être apportée en priorité à son propre camp. A aucun moment des actions de secours en faveur des nationalistes ne sont envisagées. La SIA réserve ses activités au camp républicain. Cette sélectivité est importante dans la construction de la SIA. Pour des raisons matérielles, idéologiques, le refus de secourir ceux qui ne sont pas de son côté forge son identité. […] Construite par le mouvement libertaire en Espagne et dans les autres pays où elle a une section, la SIA ne se détache à aucun moment de celui-ci. Il lui est difficile de couper les liens qu’elle entretient avec un mouvement qui a tout fait pour la mettre sur les rails et l’imposer dans le paysage de l’aide internationale […] qui voi[en]t dans la SIA la structure internationale qui leur manque face au développement des organisations communistes. »

Les cheminements d’une histoire singulière

■ Guillaume GOUTTE
PASSEURS D’ESPOIR
Réseaux de passage du Mouvement libertaire espagnol 1939-1975
Saint-Georges d’Oléron, Les Éditions libertaires, 2013, 230 p
.

AU FOND de l’histoire, indiquait Lucien Febvre, il y a toujours des sentiments. Longtemps le récit de cette histoire-là – notamment celle de la résistance libertaire antifranquiste des années 1950 – fut raconté de manière sentimentale et avec l’idée qu’il fallait revendiquer le parcours tragique de ces quelques hommes qui marchèrent vers la mort au nom de leurs convictions. On était alors dans une double nécessité : la première relevait d’une dette morale envers ces combattants disparus et la seconde d’une mise en cause des instances du Mouvement libertaire espagnol en exil dans la gestion approximative et cahotante de la stratégie d’action armée contre l’État franquiste. Cette tâche, Antonio Téllez Solá (1921-2005) fut le premier à la mener à bien en consacrant partie de son existence à raconter cette histoire qui fut aussi la sienne. D’où le caractère indiscutablement affectif de ses récits, par ailleurs bien informés [1]. Avec le livre de Guillaume Goutte, qui assume clairement l’héritage de l’ « œuvre fondatrice » de Téllez Solá, nous entrons à l’évidence dans une autre dimension, celle qui tient à égale distance, et avec constance, l’histoire froide, antiquaire et dématérialisée, des universitaires à prétention objectiviste et l’histoire héroïque à vocation militante plus encline à manier l’émotion que le bilan. C’est sans doute le principal mérite de cette étude, fruit d’un travail universitaire transformé en livre, que de s’efforcer d’éviter ces deux écueils en tenant fermement le cap de l’histoire critique pour restituer sur le long terme – trois décennies et demie – les cheminements complexes d’une résistance libertaire.

CENTRÉ sur la figure du « passeur » – et plus largement sur la question de « l’organisation de la traversée de la frontière » –, le livre de Guillaume Goutte adopte, en effet, un angle de vision original par rapport à la production historiographique dominante sur le sujet. Il s’agit ici de comprendre, à ras de terre pourrait-on dire, comment fonctionnèrent ces réseaux de passage mis en place par les anarchistes espagnols, mais aussi de montrer comment ils évoluèrent, sur le long terme, en regard des conditions de la clandestinité et des changements de ligne stratégiques du Mouvement libertaire espagnol en exil. Sur cet aspect du problème, Passeurs d’espoir offre une vision globale bien documentée des conflits internes que suscitèrent, au sein de l’exil libertaire, les activités des groupes de la résistance intérieure tout en se gardant de les réduire, comme c’est souvent le cas dans la sphère de l’histoire héroïque, à une éternelle dichotomie entre une « juste ligne » (activiste) et les pesanteurs bureaucratiques visant à la paralyser. Ici, les évidentes sympathies de l’auteur pour l’activité de la résistance libertaire n’oblitèrent pas son jugement quant à ses faiblesses et ses contradictions, mais aussi quant à l’entêtement qu’elle manifesta à se maintenir, malgré son faible rendement, dans les pires conditions.

Indépendamment de son principal objet – « réévaluer l’intense activité antifasciste à laquelle se sont livrés les anarchistes espagnols » entre 1939 et 1975 –, Passeurs d’espoir peut induire, tant son champ est vaste, plusieurs niveaux de lecture. On y trouvera, au choix, une description fouillée de l’exil anarchiste espagnol en France, un exposé méthodique des motivations du passage clandestin de la frontière pyrénéenne dans les deux sens durant toute cette période, une analyse précise de l’organisation de l’activité des réseaux de passage anarchistes et un relevé circonstancié des politiques de répression que suscita, des deux côtés de la frontière, cette délictueuse activité. De quoi penser, en somme, les divers éléments configurant un dispositif complexe où le « passeur anarchiste » (ou « passeur de guérilla ») représente une « pièce maîtresse » de la résistance libertaire contre le franquisme.

Cet homme, qui est-il ? À la différence du passeur « classique » – ou encore du guide salarié par d’autres organisations antifascistes –, le passeur anarchiste fait intimement corps avec le projet qu’il sert. Cette adéquation entre son idéal militant et son activité constitue, sans doute, sa grande singularité. Il est un combattant conscient des risques qu’il encourt, risques qu’il partagera avec ses compagnons en cas d’échec – d’autant qu’il est parfois passeur et guérillero, comme c’est, par exemple, le cas de Ramón Vila Capdevila, dit Caraquemada. En clair, avant d’être « passeur », cet homme est d’abord un militant anarchiste qui met sa connaissance du terrain au service d’une cause qu’il fait sienne et qui, sans lui, ne pourrait pas prospérer. Le reste est affaire de circonstances et d’opportunités. Le moins qu’on puisse dire, c’est que, suivant le long cours de cette histoire, les conditions et les enjeux du passage changeront souvent.

On aurait tort, en effet, de voir dans cette résistance un continuum mythique de l’esprit de rébellion fondé sur le seul refus anarchiste de la dictature. Elle épouse, au contraire, jusque dans ses moments de recul ou d’hésitation, les mouvements, plus ou moins favorables, d’une histoire hésitante. D’où la nécessité de la saisir dans le détail en s’attachant aux ruptures d’approche qui la caractérisèrent d’une période à l’autre. La première saison de la résistance s’inscrit, de 1939 à 1945, dans le mouvement plus général de la lutte contre le nazi-fascisme et engage, très tôt, au sein du réseau Ponzán notamment [2], des anarchistes convaincus que l’issue de ce combat déterminera forcément l’avenir de l’Espagne. Atypique, cette phase reste marquée par le pragmatisme des réseaux libertaires qui s’y impliquent et n’hésitent pas à travailler pour des alliés provisoires en échange de certains avantages pour leur propre cause [3]. La deuxième saison se subdivise en deux périodes : l’une, qui va de 1946 à 1950, voit éclore des groupes d’action apparemment soutenus par l’exil mais fonctionnant plutôt de manière autonome ; l’autre, qui court de 1951 à 1960, se caractérise par la persistance de l’activisme armé des derniers groupes d’action malgré l’abandon de cette ligne par les instances de l’exil en 1951. La troisième saison (1961-1967) est liée à la fondation de l’organisme Défense Intérieur, puis à l’« insurgence » d’une nouvelle génération d’activistes des Jeunesses libertaires à travers les activités du Groupe 1er-Mai. Enfin, la quatrième et dernière saison, celle des années 1970, met en mouvement des groupes sans lien organique direct avec le Mouvement libertaire espagnol (ou ses dissidences), comme les GARI et le MIL.

LA LUTTE contre la dictature franquiste demeure, du début à la fin de cette histoire singulière, la principale raison d’être des passeurs anarchistes (de la France vers l’Espagne – pour y transférer des combattants, des fonds, des armes et de la propagande – ou de l’Espagne vers la France – pour y rapatrier des militants en danger). Chevilles ouvrières de la résistance, le succès des missions dont ils ont la charge repose essentiellement sur leurs épaules.

À la différences d’autres ouvrages où la question de la rémunération des passeurs se voit souvent reléguée aux oubliettes de l’idéalisme, le livre de Guillaume Goutte apporte, sur le sujet, quelques éléments d’information chiffrés intéressants, notamment sur la première saison de la résistance. On y apprend, par exemple, que le réseau Ponzán demandait de 2 000 à 3 000 pesetas aux services britanniques pour chaque personne passée à leur demande [4]. Pour ce qui concerne le transport de Juifs vers l’Espagne – que le réseau prit parfois en charge contre la volonté des services britanniques, qui n’en faisaient pas une priorité –, les tarifs exacts ne sont pas connus, mais il semble qu’ils n’aient rien eu à voir avec ceux – exorbitants – pratiqués par les passeurs classiques. Jusqu’en 1942, l’argent perçu par le réseau Ponzán était, nous dit Guillaume Goutte, « intégralement versé à une caisse commune » destinée à subvenir aux besoins de ses membres et de leurs familles, mais aussi à financer les activités proprement anarchistes du réseau [5] et ses infrastructures (hébergeurs, faussaires, imprimeurs, agents de liaison).

Les passeurs des années suivantes – dont certains exerçaient, pour leur propre compte, des activités de contrebande – n’étaient, semble-t-il, rémunérés que lorsqu’ils passaient, de l’Espagne vers la France, des « migrants “économiques” ou “familiaux” ». Cela dit, on peut penser, que, même s’ils travaillaient souvent pour la gloire, il leur arrivait aussi, à l’occasion, d’être défrayés par les groupes d’action de la résistance [6]. De même, sur les bases d’appui dont disposait la résistance des années 1950 – notamment, du côté français, le mas Tartas et le mas Graboudeille et, du côté espagnol, Can Moreno et Can Flaquer –, sur les itinéraires de passage clandestin et sur les expéditions elles-mêmes, Passeurs d’espoir fourmille de données fort utiles pour comprendre comment fonctionnaient, dans le détail, ces réseaux.

Essentiel dans les deux premières saisons de la résistance libertaire, le rôle des passeurs tend à décliner à partir des années 1960, date à laquelle, avec le début de la grande migration touristique, s’ouvrent d’autres voies, moins dangereuses, de passage vers l’Espagne. « Nombre de jeunes activistes anti-franquistes, nés en exil, [étant] de nationalité française », la plupart des entrées se font alors, indique Guillaume Goutte, « par les postes frontaliers, avec des papiers le plus souvent en règle ». Presque « légalement », en somme. Reste que, certaines traversées clandestines demeurant encore nécessaires, « notamment pour évacuer des militants recherchés par la police », les passeurs ne disparaissent pas complètement. En cas de besoin, ils reprennent le collier, en adaptant, il est vrai, leurs activités aux nouvelles formes de déplacement motorisées. Ce changement de méthode est ici évoquée par Jordi Gonzalbo et Jeanine Lalet, qui participèrent de près, dans les années 1960 et 1970, aux activités de passage liées au groupe des Jeunesses libertaires de Perpignan [7].

SI, D’UNE PHASE À L’AUTRE de la résistance libertaire au franquisme, perdure un même imaginaire réactivant les mêmes vertus combattantes, les différences sont évidemment nombreuses, comme le montre Guillaume Goutte, entre la résistance à mort des premiers temps, l’extrême solitude des maquisards des années 1950, l’activisme à vocation spectaculaire des années 1960 et l’illégalisme assumé des années 1970.

Guillaume Goutte accorde une attention particulière – et attendrie – aux maquisards des années 1950, seconde époque, dont le seul – mais vrai – mérite fut probablement de sauver symboliquement l’honneur des vaincus d’une déjà lointaine guerre civile. Ceux qui s’adonnèrent, en ces temps de désarroi, à cette résistance solitaire étaient en réalité de drôles de types incapables d’admettre d’autre manière de vivre – et de mourir – que celle-là. Porteurs de flamme côtoyant des fantômes, ils se battaient non pour vaincre, mais pour ne pas démériter. Cette configuration mentale si particulière d’une résistance ultra minoritaire, le franquisme la perçut comme un réel danger, non pour sa survie – elle était assurée au vu du déséquilibre des forces engagées –, mais parce qu’elle ravivait constamment la mémoire du peuple des ombres. D’où la constance qu’il mit à l’éradiquer. Qu’on entende bien : il ne s’agit pas, ici, de sur-valoriser la « dangerosité » anti-franquiste des Sabaté, Facerías et autres Caraquemada – au bout du compte, leurs clandestines activités n’eurent aucun effet déstabilisateur réel sur le régime –, mais d’insister sur l’exceptionnelle motivation individuelle de ces combattants solitaires que rien ne fit céder : ni l’adversité, ni le rejet dont ils furent l’objet de la part de leur organisation. C’est sans doute cette étrange prédisposition à l’entêtement et au refus qui les firent passer pour des aventuriers quand ils n’étaient que des irréductibles.

Au tournant des années 1960, les adeptes d’une nouvelle forme de résistance, moins lyrique et plus méthodique, critiquèrent, dans les rangs d’un mouvement libertaire en voie d’apparente réunification, la facture par trop improvisée de l’ancienne. Pour Guillaume Goutte, si l’on « peut assurément parler d’impasse de la lutte armée » à la fin des années 1950, cet échec s’explique surtout par la féroce répression qu’elle subit et par « l’inadéquation entre le soutien supposé de l’appareil confédéral de la CNT “apolitique“ à la lutte armée et la réalité des moyens qu’il était capable ou souhaitait mettre en œuvre pour l’assumer ». Il poursuit : « Cette dualité permanente entre les intentions et les actes induisit indubitablement, du côté des groupes d’action, autant de faux espoirs que de sourdes rancœurs ». Pour la nouvelle génération résistante, celle qui fit ses premières armes dans le cadre de l’organisme Défense Intérieur (DI), il s’agissait, en revanche, d’opérer un « saut qualitatif » – pour reprendre l’expression d’un de ses stratèges, Octavio Alberola [8] –, en rompant avec le côté « romantique » et « désorganisé » de la vieille garde. Pour un autre « jeune libertaire » de l’époque, Tomás Ibáñez, dont Guillaume Goutte rapporte les propos, les principales différences entre ces deux âges de la résistance étaient au nombre de quatre : la tactique d’action directe ne devait plus être « l’affaire d’individualités », mais engager « l’ensemble du MLE » ; les braquages devaient être exclus ; les opérations devaient être menées dans l’intention de susciter des « effets médiatiques » ; l’objectif essentiel de cette résistance devait être d’abattre Franco [9].

Au terme de deux années d’activités régulièrement contrariées par ceux-là mêmes dont la présence au sein du DI n’avait, depuis sa création, d’autre but que celui-là [10], un bilan honnête de la courte existence de cet organisme « conspiratif » impose de reconnaître, comme le fait Guillaume Goutte, que, malgré sa louable aspiration au « saut qualitatif », ses « lacunes » furent aussi évidentes que ses difficultés « à gérer correctement ses entreprises » [11]. Pour s’en convaincre, nous dit-il, il suffit de s’intéresser, « au-delà des imprévus que toute action clandestine peut connaître, [à l’] amoncellement d’erreurs [qui lui sont] directement imputables », notamment au moment de la confuse opération madrilène de l’été 1962 – qui deviendra la tragique « affaire Granado-Delgado » et « entamera définitivement son crédit » [12]. Par la suite, le flambeau fut repris par les seules Jeunesses libertaires qui persistèrent, à travers le Groupe 1er-Mai, à emprunter, pendant quelques années encore, la voie activiste avant qu’une nouvelle vague d’insurgés, plus proche de l’illégalisme armé post-soixante-huitard que de la résistance libertaire antifranquiste classique, n’occupe, au début des années 1970, le devant d’une scène où tout se décidait dans les coulisses – y compris le tempo d’une transition démocratique déjà programmée. Quelque dix ans après Francisco Granado et Joaquín Delgado, Salvador Puig Antich, militant du MIL, sera le dernier garrotté – mais non le dernier exécuté – d’un généralissime exterminateur qu’aucune résistance ne parvint, hélas, à éliminer.

S’IL CONVIENT de saluer le travail de Guillaume Goutte, c’est qu’il est rare que, sur un tel sujet, l’équilibre soit à ce point tenu entre l’évidente empathie ressentie pour les fantômes de cette résistance au long cours et la claire volonté d’en retracer l’histoire sans sombrer dans sa mythification. Centré sur la figure du passeur anarchiste, un des grands oubliés – notons-le – de cette longue épopée, le récit qu’il en tire nous replace au centre de cet entrelacs de passions et de refus qui poussèrent quelques hommes à poursuivre un combat bien trop inégal pour pouvoir être remporté. La première leçon qui se dégage de cette épopée, la principale peut-être, c’est qu’il existe, quelles que soient les circonstances, des individus – rares – qui se sentent portés par un défi nécessaire et que rien n’abat, pas plus la défaite que la solitude. La seconde, c’est que cette histoire leur appartient en propre, et non pas à l’organisation à laquelle ils étaient liés et qui, souvent, les lâcha sans jamais le leur dire clairement. Quant à supposer que cet abandon valut trahison, ce serait évidemment ignorer qu’aucune organisation, aussi libertaire fût-elle, ne pouvait lier son sort et ses intérêts à une stratégie qui risquait, à terme, de remettre en cause le statut légal qu’elle avait acquis en exil. Son grand tort fut de jouer sur les deux tableaux, et même de surenchérir dans le martyrologe, en laissant accroire, par pure démagogie, qu’elle était, encore et toujours, le centre névralgique d’une résistance qui la gêna plutôt aux entournures – double langage qui conduisit, au début des années 1960, à la création d’un organisme « conspiratif » dont les concepteurs firent tout pour qu’il ne conspire surtout pas.

Il n’est plus temps, cela dit, de se demander si la voie de la résistance armée contre le franquisme était possible. Ni même de savoir dans quelles conditions elle aurait pu l’être. Elle fut tentée, sous diverses formes, et elle échoua, quelles que fussent les méthodes employées, à atteindre la plupart de ses objectifs. Sauf un : maintenir vivante la mémoire des vaincus et, avec elle, ouverte la perspective qu’il n’était jamais vain d’arpenter les chemins d’insoumission. Au risque de s’y perdre en cherchant un passage. À l’heure des bilans, c’est sans doute ce qui demeure, et c’est bien comme ça.

José FERGO

[1] Deux livres de cet auteur sont disponibles en français : Sabaté. Guérilla urbaine en Espagne (1945-1960), Toulouse, Repères-Silena, 1990, et Le Réseau d’évasion du groupe Ponzán. Anarchistes dans la guerre secrète contre le franquisme et le nazisme (1936-1944), Toulouse, Le Coquelicot, 2008.

[2] Francisco Vidal Ponzán (1911-1944) demeure indiscutablement la figure dominante de cette « première résistance ». Ancien agent du Service d’intelligence spéciale périphérique (SIEP) de l’armée républicaine, cet anarchiste aragonais, instituteur de profession, fut, de 1939 à sa mort, au cœur d’un vaste réseau de passage de frontière travaillant de concert avec les services secrets britanniques.

[3] Dans une perspective parallèle, il faut noter que leurs commanditaires – ici, les services britanniques, mais il y en eut d’autres, notamment dans les rangs gaullistes – surent le plus souvent réutiliser, pour la cause résistante, les compétences particulières que des combattants anarchistes comme Ponzán – mais aussi Agustín Remiro ou Juan Catalá – avaient acquises, pendant la guerre d’Espagne, sur le front d’Aragon, en matière de renseignement, d’évasion et d’infiltration.

[4] Juan Catalá et Joaquín Baldrich touchaient, eux, 3 000 pesetas par agent ou aviateur transporté en Espagne, en 1943.

[5] Entré clandestinement en France en 1947, Cipriano Mera racontait que la vie d’un condamné à mort valait alors, en Espagne franquiste, 500 pesetas. Autrement dit, avec 500 pesetas on pouvait corrompre un fonctionnaire de prison. Partant de là, Mera, lui aussi pragmatique en diable, s’évertua à convaincre les instances dirigeantes de la CNT en exil qu’il était sans doute plus urgent, pour l’heure, de faire sortir un maximum de compagnons libertaires des geôles franquistes que de publier livres et journaux en quantité. Sans succès. L’anecdote vaut ce qu’elle vaut, mais elle restitue assez précisément une réalité que connaissaient Ponzán et ses camarades, qui réinvestirent dans cette tâche partie des prestations reçues des services britanniques.

[6] Les passeurs les plus célèbres de cette époque seront Francisco Denís Diéz, dit Catalá, et Ramón Vila Capdevila, dit Caraquemada – voir, à leur sujet, l’entretien avec Mariano Aguayo Morán publié dans ce numéro –, mais aussi Antonio Gónzalez Péres, dit Tono, Antonio Cereza Grasa et Antonio Cuesta Hernández.

[7] On lira, dans ce numéro, une recension du livre récemment paru de Jordi Gonzalbo : Itinéraires Barcelone-Perpignan. Chroniques non misérabilistes d’un jeune libertaire en exil.

[8] Dans l’entretien accordé à Guillaume Goutte, Octavio Alberola affirme curieusement que la situation internationale de l’époque – guerre froide, mouvements de décolonisation et, surtout, révolution cubaine – joua un rôle dans la réunification, en 1961, de la CNT. L’hypothèse est hardie mais sans fondement. Ce qui, en revanche, n’est pas discutable, c’est l’influence évidente que joua le processus révolutionnaire cubain sur Alberola, qui en fut longtemps un ardent panégyriste.

[9] Hormis les illusions d’époque sur une implication réelle – c’est-à-dire logistique et financière – des instances dirigeantes du MLE en exil dans ce genre d’activités et l’intérêt manifeste, lui aussi d’époque, porté aux impacts médiatiques de telle ou telle action, l’idée d’attenter à la vie du dictateur n’était pas, elle, à proprement parler originale, comme le prouve l’entretien avec Mariano Aguayo Morán que nous publions dans ce numéro.

[10] C’est ainsi que Germinal Esgleas et Vicente Llansola, représentants de la très immobiliste orthodoxie faïste, furent tout à la fois les inspirateurs et les fossoyeurs du DI.

[11] Sans parler des infiltrations policières qu’il subit et ne soupçonna pas. Sur ce chapitre, Goutte situe à ses justes proportions l’ampleur de la calamiteuse insouciance du DI, puis du Groupe 1er-Mai, vis-à-vis d’un indicateur qui sévit quatorze années durant dans le milieu activiste.

[12] Sur cet épisode, on peut se reporter, malgré ses lacunes, au livre de Carlos Fonseca, Le Garrot pour deux innocents : l’affaire Granado-Delgado – Éditions CNT-RP, 2004 – recensé dans le n° 16 – avril 2004 – de ce bulletin sous le titre : « De “l’innocentisme” et de ses limites ». Sur l’activisme des années 1960, on peut puiser, avec mesure, au livre de Salvador Gurucharri et Tomás Ibáñez, Une résurgence anarchiste. Les Jeunesses libertaires dans la lutte contre le franquisme : la FIJL dans les années 1960 – Acratie, 2012 –, dont l’édition espagnole fut longuement recensée dans le n° 39 – janvier 2011 – de ce même bulletin sous le titre : « Au temps des “Jeunesses” ardentes : l’histoire en héritage ».

Á PROPOS DES PHOTOS DU CAMP DE MAUTHAUSEN, ANTONIO GARCÍA ET FRANCISCO BOIX : QUELQUES VERITES.

Merci à Véronique Salou Olivares pour ces précisions en réponse à notre article :

PARÍS DARÁ EL MAYOR RECONOCIMIENTO AL FOTÓGRAFO DE MAUTHAUSEN

 

Juste dire qu’au-delà de tous les mérites et les risques pris par Francisco Boix pour collecter ce témoignage précieux de photos et les sortir du camp ou les cacher dans le camp, il n’était pas seul. Il a beaucoup oeuvré pour ce devoir collectif de résistance et de survivre. Mais son décès très jeune en a fait un martyr idéal pour ceux qui voulaient créer une figure « d’Épinal » pour la résistance du camp, et pour cause il ne pouvait plus rien dire.
Antonio Garcia Alonso par son fils Claude : (extraits)

Lorsque Boix arrive à L’Erkennungsdienst (labo photo du camp de Mauthausen) il y a déjà une résistance organisée au sein de ce Kommando:
« Six déportés travaillaient au labo photo en mai 1941 : un socialiste autrichien, Hans, était le Kapo; un jeune républicain espagnol, Antonio García Alonso, ( N°4665) travaillait depuis début mai au labo photo; Stefan Grabowski, le « Polonais rouge », qui avait combattu en Espagne dans les Brigades internationales, Miroslav Lastowka, un autre Polonais ; Johann Gralinski ; enfin un autre Espagnol, Ruiz.
Antonio García s’est vite rendu compte que Grabowski, responsable avant son arrivée du développement, tirait clandestinement un sixième exemplaire de certaines photos et cachait cette collection dans le labo. Il continua lui-même ce travail qui, découvert, leur aurait valu une mort atroce, et a probablement mis de côté quelques clichés de la visite de Himmler du 31 mai. Fin 1942, García demanda un assistant, étant donné la surcharge de travail due aux arrivées massives de déportés, et proposa à Paul Ricken (adjudant SS responsable du labo) un nom, choisi en fait par les dirigeants clandestins à Mauthausen du parti communiste espagnol : un autre Catalan, Francesc Boix Campo, appelé couramment Francisco Boix. en 1944, arriva dans le service photo un dernier Espagnol : José Cereceda.
Trois déportés étaient au courant de la collection secrète : Grabowski, mort fin 1944, García et Boix. Très malade, García fut hospitalisé au Revier (hôpital) de février à mars 1945. À son retour, la collection, d’environ 200 clichés, avait disparu de sa cachette. Boix, devenu dans l’intervalle Kapo du labo (mais il le nia au procès de Nuremberg), finit par dire à García l’avoir remise aux dirigeants communistes clandestins, qui l’avaient dispersée et camouflée dans le camp. Après le suicide de Hitler le 30 avril, annoncé à la radio le lendemain, le commandant de Mauthausen ordonna à Paul Ricken de détruire l’ensemble des négatifs et des photos de l’Erkennungsdienst, pour effacer les traces de l’esclavage et de la barbarie à l’oeuvre dans le camp. García et Boix réussirent alors à soustraire encore des négatifs et des photos.
L’organisation clandestine espagnole avait, quelques semaines avant, décidé de faire sortir du camp les clichés cachés depuis quatre ans, grâce à deux jeunes communistes catalans, Jacinto Cortés et Jesús Grau, qui portaient chaque jour ses repas à un Kommando d’Espagnols travaillant au village de Mauthausen. Ils avaient sympathisé au fil des mois avec Anna Pointner, une habitante voisine du chantier, qui accepta de dissimuler les photos dans une lézarde du mur de son jardin. Et le 5 mai, donc, le camp fut libéré.

Boix, apparemment, récupéra le lot de clichés et l’emporta en France où il travailla pour la presse communiste : le 1er juillet, l’hebdomadaire Regards publia 21 des photographies ; le 1er août, le quotidien Ce soir leur consacra un numéro spécial. En 1946, Boix s’attribua le mérite d’avoir sauvé 20 000 photos… Mais « sa » collection fut éclatée : García récupéra certains tirages, Boix en vendit à des agences de presse, notamment tchèques, avant sa mort survenue en 1951, à l’âge de 31 ans, de tuberculose – il est enterré au cimetière parisien de Thiais. Boix devint ensuite un héros porté par la mémoire du Parti communiste espagnol, clandestin sous Franco, et du PCF. García, lui, soupçonné de sympathies trotskystes, n’a pas bénéficié de la même valorisation. L’historien américain David Wingeate Pike, qui a très longuement interviewé García, décédé en 2000, a réhabilité aujourd’hui son rôle dans la soustraction et le sauvetage des photos.

NDLR : Les restes Francisco Boix seront tranférés au cimetière du Père Lachaise à Paris lors d’une cérémonie prévue le 16 juin 2017.

 

Antonio Garcia Alonso :

Né le 19 mai 1913, à Tortosa, province de Catalogne, décédé le 10 juillet 2000. Il écrivit sur le bulletin de la FEDIP sous le pseudonyme de « Juan de Portado ». Au camp il fut très actif dans son kommando le Erkennungdiens, service anthropométrique des prisonniers, pour collecter les preuves des assassinats. (informations données par sa femme Odette) Matricule N° 4665.
Des photos SS présentées comme preuves aux procès de Nuremberg et Dachau
Francisco Boix fut le seul Espagnol appelé à témoigner devant le tribunal militaire international de Nuremberg, les 28 – le même jour que Marie-Claude Vaillant-Couturier – et 29 janvier 1946. Six photos apportées par Boix furent projetées devant le tribunal et versées au dossier des preuves. Dans sa déposition, il certifia, par le biais des photos développées et tirées à l’Erkennungsdienst, la présence de Kaltenbrunner (en compagnie de Himmler) et de Speer (en mars 1943) lors de visites officielles de Mauthausen ou de l’annexe de Gusen – alors que les deux accusés niaient connaître le camp. C’était là la raison d’être de la comparution de Boix, cité comme témoin de l’accusation par Charles Dubost, procureur adjoint de la délégation française.
C’est à Dachau qu’eut lieu, du 7 mars au 13 mai 1946, le procès de 61 responsables, médecins, gardes et Kapos du camp de Mauthausen. Ils furent jugés par un tribunal militaire américain, bien que Mauthausen fît partie de la zone d’occupation soviétique : c’était en effet l’armée américaine qui avait libéré le camp. Francisco Boix témoigna de nouveau, le 11 mai, et fournit 30 photographies qui furent versées au dossier d’accusation comme preuves.

Mémoires Partagées, Association 1901
62 rue du 11 Novembre, 91600 Savigny sur Orge,

http://www.24-aout-1944.org/

 

 

PARÍS DARÁ EL MAYOR RECONOCIMIENTO AL FOTÓGRAFO DE MAUTHAUSEN

Le cercueil de Francisco Boix sera transféré du cimetière de Thiais (Val de Marne) à celui du Père Lachaise à Paris. Un hommage lui sera rendu en présence d’Anne Hidalgo et de Ramiro Santisteban dont le père fut sauvé de la mort à Mauthausen par Francisco Boix.

La cérémonie aura lieu le vendredi 16 juin à 13h30.

Sa reconnaissance officielle est tardive mais bien méritée. Il est méconnu en Espagne.

Photographe espagnol interné au camp de Mauthausen, Boix a réussi à sauvegarder 2000 clichés qui ont servi de preuves au procès de Nuremberg (il est le seul témoin espagnol au procès). Des photos montrent une visite de hauts responsables nazis dont le chef du Bureau de la Sécurité du Reich, Ernst Kaltenbrünner. Celui-ci avait  pourtant nié avoir visité le camp… Il avait probablement perdu la mémoire, mais les victimes, elles, ne peuvent oublier.

Au cimetière du Père Lachaise reposent  également Juan Negrín López dans la 88e division et, dans la 97e division, en face du Mur des Fédérés, sont inhumés plusieurs participants de la Guerre d’Espagne, espagnols et étrangers, notamment membres des Brigades Internationales, à proximité du tombeau de Francisco Largo Caballero.

Cette même 97e division accueille le Mémorial des Espagnols morts pour la Liberté (environ 35 000 dont 10 000 déportés, principalement à Mauthausen, de 1939 à 1945). Erigé à l’initiative de la Fédération Espagnole des Déportés et Internés Politiques, ce Mémorial est aujourd’hui la propriété de l’Etat Espagnol.

Il doit de ce fait être considéré comme un monument national espagnol.

 

Sa biographie en français :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Boix

 

París dará el mayor reconocimiento al fotógrafo español de Mauthausen
Los restos de Francesc Boix serán trasladados al Père Lachaise, el cementerio más conocido de la capital francesa

Al acto asistirá la alcaldesa de la ciudad y el deportado Ramiro Santisteban, a cuyo padre salvó Boix de la muerte en el campo de concentración de Mauthausen

El fotógrafo catalán organizó el robo de las fotografías que probaban los crímenes cometidos por los SS y testificó en los Juicios de Núremberg

Carlos Hernández

eldiario.es
07/04/2017

 

Francesc Boix fotografiado en Mauthausen / MHC (Fons Amical de Mauthausen)

MÁS INFO (véase eldiario.es)
• « Si los españoles terminaron en Mauthausen fue gracias al cuñadísimo Serrano Súñer »
• Un convoy de 22 españoles acabó en Mauthausen porque Buchenwald no era lo bastante duro

 

 

El viaje de Eugenio Sánchez a la cámara de gas nazi

 » Boix merece un monumento. Tenía la cara más dura que el cemento, pero ayudaba todo lo que podía en el campo de concentración ». Quien así habla es Ramiro Santisteban, un cántabro que sobrevivió a Mauthausen y que aún puede contarlo. A sus 95 años de edad la memoria a corto plazo le juega malas pasadas, pero lo que no olvida son los casi cinco años que pasó en el infierno de los campos nazis junto a su hermano Manuel y a su padre, Nicasio.
« Mi padre era mayor y si hubiera trabajado mucho tiempo en la cantera de Mauthausen habría muerto como tantos otros. Yo quería colocarle en la cocina, pelando patatas, y Boix lo hizo posible. Él tenía buena relación con algunos SS porque les conseguía cosas en el mercado negro del campo. Coincidió que sorprendieron a un cocinero alemán robando un salchichón; así que le mandaron a la cantera y mi padre cubrió su hueco pelando patatas. Eso le salvó la vida y fue gracias a Boix », recordaba Ramiro con los ojos enrojecidos por la emoción.
El viejo luchador de Laredo tiene previsto desafiar una vez más a sus achaques para asistir en primera fila al gran homenaje que París prepara al fotógrafo de Mauthausen. En el mediodía del próximo 16 de junio, los restos mortales de Francesc Boix serán trasladados desde su humilde tumba de la necrópolis de Thiais hasta un privilegiado sepulcro del Père Lachaise, el cementerio de las celebridades de la capital francesa.
Reposar en este lugar no es una posibilidad al alcance de cualquiera porque simboliza el más alto reconocimiento de la ciudad. Buena prueba de ello será la presencia de la alcaldesa, Anne Hidalgo, de la asistencia de representantes del Gobierno central y de los honores de Estado con que contará la ceremonia.
Este apoyo institucional no ha sido espontáneo, sino que es fruto del intenso trabajo realizado durante años por la Amicale de Mauthausen de París. Desde su sede central en la capital francesa, se realizó una colecta popular para sufragar los gastos del traslado y se negoció hasta la saciedad con el Ayuntamiento parisino para conseguir ayudas, permisos y hasta su implicación directa en el evento. « Es un mérito de toda la asociación », afirma una de sus dirigentes, que insiste en no ser identificada para no apropiarse de un éxito que, asegura, « tiene muchos nombres ».

Photos et vidéos. Sur la première vidéo, à 2’20“, on assiste à son témoignage – en français – au tribunal de Nuremberg. Des images peuvent choquer :

https://alchetron.com/Francisco-Boix-762703-W

 

Ramiro Santisteban estuvo casi cinco años compartiendo cautiverio en Mauthausen / Carlos Hernández

 

Olvidado en España, reconocido en Francia

Analizando el simbolismo del acto, Juan Ocaña, hijo de un deportado español superviviente de Mauthausen, afirma que este reconocimiento a Francesc Boix tiene dos lecturas: « En clave francesa es un paso extraordinario porque, tras la guerra, De Gaulle ocultó el decisivo papel que los republicanos españoles habían jugado en la Resistencia y también el sufrimiento de miles de ellos en los campos nazis. Si Boix fuera francés, tendría desde hace muchos años una estatua en París. Esa injusticia, poco a poco, se va corrigiendo y ahora este acto servirá para poner en primer nivel la figura de ese gran hombre. En clave española, el acto creo que dejará más en evidencia al Estado español que sigue ignorando a todos estos hombres y mujeres que lucharon contra el fascismo ».
Otros hijos y nietos de compañeros de Boix en Mauthausen también se preguntan por qué no tiene una estatua en Madrid, Sevilla o Barcelona. Su vida, que muy pronto se convertirá en película, atravesó dos guerras. En la de España trabajó como fotógrafo en las filas republicanas; en la europea apenas pudo hacer nada antes de ser capturado por las tropas nazis y deportado a Mauthausen. Fue en este campo de concentración donde el catalán escribió sus páginas más gloriosas.
Los SS aprovecharon su experiencia como fotógrafo para colocarle como ayudante en el laboratorio fotográfico. Allí, junto al también español Antonio García, empezaron a robar copias y negativos en los que se veían los crímenes cometidos en el campo. Boix organizó un plan para sacar del recinto ese material con la ayuda de tres jóvenes prisioneros españoles: Jacinto Cortés, Jesús Grau y José Alcubierre. El paquete acabó en las manos de una vecina del pueblo de Mauthausen, simpatizante antifascista, que lo guardó hasta el final de la guerra.
Tras la llegada de las tropas estadounidenses, Boix recuperó los negativos que acabarían siendo exhibidos en los Juicios de Núremberg en los que se juzgó a la cúpula del régimen nazi. El fotógrafo catalán fue el único español que testificó ante ese histórico tribunal, armado con sus fotografías.

 

Monumento a las víctimas de Mauthausen en el cementerio de Père Lachaise / Carlos Hernández

 

Además de todo tipo de crímenes, en las imágenes se veía a algunos de los jerarcas nazis recorriendo Mauthausen. Entre ellos estaba el Jefe de la Oficina de Seguridad del Reich, Ernst Kaltenbrünner, que había negado previamente haber visitado el campo de concentración. El general de las SS enmudeció al verse en las fotos exhibidas por Boix. Meses después pagaría sus crímenes en la horca.
Boix volvió a testificar en el juicio de Dachau en el que comparecieron algunos de los responsables nazis que dirigieron Mauthausen. La tuberculosis y otras secuelas que le dejó el campo le acompañaron hasta su fallecimiento, el 7 de julio de 1951. Estaba a punto de cumplir los 31 años de edad. Sesenta y seis años después, sus restos mortales realizarán un último viaje hacia el cementerio de las celebridades.

 

Morada de personalidades, lugar de conmemoraciones

Una de las calles del gigantesco Père Lachaise está dedicada a recordar a las víctimas de los campos de concentración nazis. En medio de un conmovedor silencio y entre los árboles, se alza un monumento por cada campo. Esqueléticas figuras de bronce arrastran un carro con un compañero muerto para conmemorar el sufrimiento en Auschwitz III; dos grandes manos, atadas, recuerdan a las mujeres cautivas y asesinadas en Ravensbrück; un agónica figura, acarreando una piedra por una inacabable escalera, representa el sufrimiento vivido por los deportados de Mauthausen.
Este cementerio es el más visitado del mundo y es la última morada de cientos de celebridades históricas como Molière, Georges Bizet, Frédéric Chopin, Marcel Proust, Oscar Wilde o más contemporáneas como Jim Morrison o Édith Piaf. El que fuera presidente de la República española, Juan Negrín, y la mítica fotoperiodista Gerda Taro, colega y compañera de Robert Capa, también descansan en un rincón de sus más de 40 hectáreas. Difícil imaginar un lugar mejor para que reposen los restos mortales del fotógrafo de Mauthausen.

 

Source :

http://www.eldiario.es/sociedad/Ciudadanos-Gobierno-Francesc-Boix-Mauthausen_0_634487443.html

« LES BASQUES ONT EUX-MEMES BRULÉ GUERNICA »

Publié par Alencontre le 25 – avril – 2017

 

Par Joseph Lang

Le soir du 26 avril 1937, la «Légion Condor» rencontre des conditions météorologiques claires (propices) à la destruction de la ville de Guernica, dans le Pays Basque. Les nouvelles de ce bombardement d’une durée de trois heures circulent rapidement.

En effet, quatre correspondants spéciaux de médias prestigieux – le Times de Londres, le New York Times et l’agence Reuters – se trouvaient par hasard dans la petite ville basque peu avant ou peu après l’attaque aérienne. Leurs rapports détaillés, basés sur des observations directes et de nombreux témoignages avec des survivants, soulèvent une vague d’indignation mondiale.

«Les Basques ont eux-mêmes brûlé Guernica»: seuls quelques titres de presse reprendront ce grossier mensonge. Parmi eux, le Vaterland de Lucerne, conservateur catholique, et la Neue Zürcher Zeitung(NZZ).

 

 

Un «épisode»

Dans un premier temps, ces deux journaux avaient pourtant donné une information correcte. Dans le cas de la NZZ, c’est grâce à son correspondant londonien, qui cite longuement le Times dans un article qui paraît le 29 avril. La rédaction de la NZZ présente elle-même le bombardement comme un fait, dans un article en première page de l’édition du 30 avril, avec pour titre «Guernica». Toutefois le texte vise surtout à relativiser l’événement en le qualifiant d’«épisode», déclarant que celui qui croirait «à une destruction intentionnelle par les avions allemands» serait dans l’erreur. L’utilisation de bombes incendiaires correspond «sans aucun doute aux considérations les plus élémentaires sur les nécessités militaires», écrit la NZZ.

 

 

La Nueva España.

 

Le texte articule en particulier une critique forte par rapport à l’Angleterre, qui entretiendrait «une polémique artificielle» contre l’Espagne de Franco et l’Allemagne. La NZZ soupçonne le gouvernement conservateur de Londres de mener une campagne contre le «bombardement d’une “ville sans défense”» dans le but de justifier ses propres efforts de «réarmement». Un argument qui sera repris et salué par les médias de l’Allemagne nazie.

Les Basques qualifiés d’incendiaires

Face aux réactions indignées, les généraux franquistes font des déclarations diverses et parfois contradictoires. Le soir du 27 avril, Franco commence par nier l’intervention d’une armée de l’air étrangère. Il affirme que ce sont les Basques qui auraient incendié la ville. Et que le lundi en question, les conditions atmosphériques n’auraient pas permis une attaque aérienne. Certaines des déclarations suivantes contestent le bombardement, arguant que le mardi et le mercredi, la bruine typiquement basque appelée «sirimiri» aurait empêché toute intervention aérienne.

 

 

Les Franquistes mettent plusieurs jours à se mettre d’accord sur le jour précis où ils n’ont pas détruit Guernica. En réalité, le bombardement du lundi a eu lieu dans des conditions météorologiques idéales. Ce n’est qu’à partir de mardi que le temps devient nuageux et pluvieux.

 

Jo Lang

 

Propagande autour de dépêches d’agences

Le 29 avril, la NZZ publie, sans commentaire aucun, deux de ces déclarations franquistes sous la forme de dépêches d’agence de presse fortement abrégées. Dans l’édition de midi, le journal cite une déclaration qui confond les dates mais donne correctement le temps qu’il faisait. L’édition du soir se réfère au même communiqué franquiste que le jour précédent, qui indique la bonne date mais falsifie les conditions atmosphériques. Malgré les contradictions évidentes de Franco, et la cohérence des articles des journalistes anglo-saxons, la NZZ remet en question le bombardement de Guernica dans son édition du 2 mai, accusant les «milices basques» de la destruction de la ville. Un nouvel article du 3 mai publie deux photos de ruines, avec un commentaire qui évoque les deux versions tout en présentant celle de Franco comme la plus crédible.

 

 

De son côté, le journal Vaterland est embarrassé: les Basques sont en effet les forces les plus catholiques d’Espagne. C’est probablement pour cette raison que l’édition du 1er mai n’impute pas la destruction de Guernica aux bons chrétiens que sont les Basques, mais aux «dynamiteurs asturiens», c’est-à-dire aux mineurs de gauche. Le 4 mai, le Vaterland fait une lecture fautive d’une dépêche de Reuters évoquant le type d’avion Heinkel 111, et avance ainsi le chiffre improbable de «155 avions» qui auraient participé à l’attaque.

Cette diffusion de «fake news» franquistes s’explique uniquement par un état d’aveuglement idéologique. Dans son édition du 4 mai, le Vaterland défendra la crédibilité du général Franco, expliquant qu’il serait connu pour être «un soldat et un homme d’honneur». Et le 7 mai 1937, le correspondant de la NZZ en Espagne raillera la «malheureuse république naine d’Euskadi».

En réalité, la volonté de détruire l’autonomie et la démocratie basque était le motif principal du bombardement de Guernica. (Article paru dans le quotidien zurichois Tages-Anzeiger du 18 avril 2017; traduction par Karin Vogt)

 

 

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PS. Joseph Lang: «Trois jours après la parution de ce texte dans le Tages-Anzeiger, la NZZ a publié un article intéressant de sa correspondante en Espagne, qui aborde le bombardement de Guernica et les événements de commémoration organisés quatre-vingts ans après les faits. L’édition sur papier ne dit pas un mot du traitement journalistique de Guernica par la NZZ de l’époque. La version en ligne donne quatre liens sur des éditions parues peu après le raid, en omettant celle du 2 mai 1937, qui impute la destruction de la ville aux “milices basques”, et celle du 7 mai, qui ironise sur la république basque. Ne sont pas non plus mentionnés les articles qui se félicitaient de la chute de Bilbao, dans un esprit très éloigné d’une attitude neutre.» (Traduction par Karin Vogt)

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• Joseph Lang avait publié dans Le Temps un article sur le même sujet, en date du 9 mai 2012.

• Joseph Lang a été de 2003 à 2011 membre des Verts et conseiller national. Il a milité, antérieurement, dans les rangs de la Ligue marxiste révolutionnaire (LMR/RML) et du Parti socialiste ouvrier (PSO/SAP). Il fut élu au Conseil communal de Zoug comme membre du PSO. Il sera, en 1986, un des fondateurs du SGA (Alternative socialiste verte de Zoug). Dès 1982, il est un des animateurs du Groupe pour un Suisse sans armée (GSSA). Il est historien de formation. Son intérêt pour la «question basque» date de longtemps. Sa thèse, présentée à l’Université de Zurich en 1980, a été publiée en 1983 par ISP-Verlag (et en 1988 dans une version amplifiée). L’ouvrage a pour titre: Das baskische Labyrinth. Unterdrückung und Widerstand in Euskadi. (Réd. A l’Encontre)

Source :

Histoire. «Les Basques ont eux-mêmes brûlé Guernica»