Spanish Bombs
Spanish Bombs est une chanson du groupe britannique The Clash, parue en 1979 sur l’album London Calling. Le morceau composé par Mick Jones et Joe Strummer fait allusion à la guerre d’Espagne qui fit rage de 1936 à 1939. Il s’agit d’une des nombreuses chansons à teneur politique enregistrée par le groupe au cours de sa carrière.
Spanish Bombs traite de la guerre d’Espagne, un conflit important qui dévasta l’Espagne du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939. Elle a été écrite lors d’un trajet des studios Wessex jusque chez eux quand Joe Strummer parlait avec Gaby Salter de l’ETA, l’organisation armée séparatiste basque fondée en 1959.
La chanson loue l’héroïsme des républicains et des anarchistes en particulier, durant cette période.
Beaucoup de lieux et d’acteurs associés à la guerre civile espagnole sont mentionnés dans les paroles de la chanson :
l’Andalousie, qui fut une des premières régions de l’Espagne à être prise par les rebelles militaires en 1936, avec les lignes « Spanish songs in Andalucia, the shooting sites in the days of ’39 »,
Federico García Lorca, nommé dans « Federico Lorca is dead and gone », était un poète républicain originaire d’Andalousie qui a été tué pendant la rébellion.
la Garde civile (en espagnol « Guardia civil »), qui est une police militaire sous le contrôle tant du Ministère d’Intérieur que du Ministère de la Défense.
Le passage « They sing the red flag, they wore the black one » (Ils chantent le drapeau rouge, ils ont utilisé le noir) est une référence au drapeau rouge, symbole de la lutte des ouvriers, et au drapeau noir, celui des anarchistes. La confédération nationale du travail (CNT), le syndicat anarcho-syndicaliste grandement responsable du succès initial du côté républicain contre l’insurrection fasciste de général Francisco Franco, a aussi utilisé le drapeau rouge et noir de l’anarcho-communisme.
Combattants oubliés : volontaires anarchistes américains dans la guerre civile espagnole
Bien que beaucoup ait été écrit sur le bataillon Abraham Lincoln et les Brigades internationales (BI), un groupe de combattants volontaires dans la guerre civile espagnole a été presque entièrement négligé : les quelque 2 000 à 3 000 anarchistes étrangers qui ont rejoint les milices espagnoles ou les unités de l’IB. Parmi ceux-ci, entre 100 et 200 se sont rendus en Espagne en provenance des États-Unis, et ont souvent jamais regagné leur retour. Leurs motivations et leurs expériences différaient nettement de celles de la plupart des autres volontaires. Ils soulignent la nature multiforme du conflit espagnol ainsi que les réseaux transnationaux du mouvement anarchiste d’avant la Seconde Guerre mondiale.
Dans les années 1930, l’anarchisme – un mouvement socialiste anti-autoritaire qui visait à abolir à la fois le capitalisme et l’État – était en déclin dans une grande partie du monde, y compris aux États-Unis. En Espagne, cependant, il atteignait son apogée ; au déclenchement de la guerre civile, il y avait plus d’un million de membres enrôlés dans la confédération anarcho-syndicaliste de la Confédération nationale du Trabajo (CNT), la plus grande confédération ouvrière du pays. Lorsque les nationalistes ont lancé leur tentative de coup d’État en juillet 1936, des militants armés du CNT ont mené la résistance à Barcelone et dans d’autres parties du pays. Avec le gouvernement et l’économie espagnole dans le chaos dans les premiers mois de la guerre, les membres du CNT ont repris les usines et les fermes et les ont collectivés sous le contrôle des travailleurs, ont commencé à produire pour l’effort de guerre, ont formé et dirigé des milices pour freiner la marée fasciste. À Barcelone, en Aragon, et ailleurs, les anarchistes étaient de facto contrôlés. Ils ont tenté d’organiser à la fois l’économie et les milices de manière démocratique et horizontale, conformément à leurs idéaux.
Pour les camarades du CNT à l’étranger, il est apparu qu’en pleine guerre civile, l’Espagne subissait également une véritable révolution sociale. Beaucoup ont déclaré les deux entreprises inséparables, faisant valoir que le succès de cette révolution était la clé pour mobiliser les ressources et le moral nécessaires pour vaincre les forces de Franco. Les anarchistes aux États-Unis et ailleurs se sont précipités pour aider le CNT dans sa lutte contre le fascisme et son plaidoyer en faveur de la révolution – mais avec insistance à ne pas défendre le gouvernement espagnol du Front populaire, qu’ils considèrent comme au mieux incompétent, et au pire une menace pour la transformation révolutionnaire en cours.
Les événements dramatiques en Espagne ont revitalisé le mouvement anarchiste moribond de l’Amérique. L’anarchisme américain a toujours été un mouvement composé principalement d’immigrants. Il avait décliné depuis son époque du début du siècle face à la Première Guerre mondiale, à la peur Rouge d’après-guerre, aux restrictions à l’immigration et à la montée du communisme. Pourtant, il compte encore des milliers d’adeptes et de partisans, ont organisé environ des dizaines de groupes et des journaux multilingues dispersés dans tout le pays. Au début de la guerre civile espagnole, beaucoup de ces organes se sont réunis pour former les United Libertarian Organizations ou ULO, dans le but de soutenir les luttes des anarchistes en Espagne. (Le mot « libertaire » n’avait pas encore été approprié par les défenseurs de l’économie de marché de droite.) En août 1936, l’OLO a lancé le journal Spanish Revolution, avec un tirage qui a rapidement atteint 7 000 exemplaires, afin de collecter des fonds et de la connaissance des réalisations du CNT. Une « grande révolution libertaire est en préparation », écrit le journal ; « une révolution rompant avec tous les précédents et dépeignant une nouvelle voie pour l’humanité… La révolution espagnole prend rapidement une portée internationale. Son front de bataille s’étend à toutes les parties du monde. »
Au milieu de la Grande Dépression, l’OLO et des initiatives anarchistes similaires ont recueilli plus de 100 000 dollars pour le CNT. Ils ont également tenté d’aider les anarchistes espagnols à acquérir des armes désespérément nécessaires face au pacte de « non-agression » des puissances occidentales. La dernière cargaison d’armements pour quitter les États-Unis avant l’entrée en vigueur de l’embargo sur l’Espagne a été transportée à bord du Mar Cantobrico, qui a navigué le 6 janvier 1937. Sa cargaison comprenait également cinq immigrants anarchistes espagnols de retour. Cependant, la marine de Franco capture le navire et exécute l’équipage et les anarchistes à bord. Un autre effort a été entrepris par Bruno « l’americano » Bonturi, un anarchiste italien qui a vécu pendant de nombreuses années aux États-Unis et en Espagne. Après avoir servi dans une milice du CNT près de Grenade dans les premières semaines de la guerre, Bonturi est envoyé à New York pour tenter sans succès d’obtenir des armes des États-Unis. Certaines sources anarchistes, cependant, font allusion à des opérations à petite échelle qui ont introduit clandestinement des munitions d’Amérique à travers la France.
Pendant ce temps, des dizaines d’anarchistes se sont introduits clandestinement de l’autre côté de l’Atlantique et en Espagne. Mes recherches ont identifié 37 par leur nom, mais les sources indiquent qu’ils appartenaient à un groupe plus large de 100 à 200 volontaires. En Espagne, ils rejoignent des centaines d’autres combattants issus du mouvement anarchiste international. Les chiffres précis et les fichiers sont difficiles à établir, car ces volontaires ont voyagé en secret pour éviter d’éventuelles accusations en vertu de la loi sur la neutralité ou d’être empêchés de se réinstaller aux États-Unis. En outre, beaucoup ont évité les Brigades internationales contrôlées par les communistes en faveur des milices du CNT, au sujet desquelles il n’existe que peu de résultats. Néanmoins, le nombre de volontaires a été remarquable étant donné la détérioration de l’état des mouvements anarchistes de la plupart des pays et le fait que le CNT lui-même a découragé des volontaires étrangers de se joindre à la guerre, considérant qu’ils sont plus utiles en tant que défenseurs en son nom dans leur pays d’origine.
Les premiers volontaires anarchistes étrangers à arriver en Espagne étaient des exilés italiens en France, qui ont atteint Barcelone quelques jours après le soulèvement nationaliste et ont formé la section italienne de la colonne Ascaso du CNT. Parmi eux se trouvait Michele Centrone, âgé de 57 ans, un vétéran de la scène anarchiste de San Francisco avant sa déportation des États-Unis en 1920. Centrone est également l’une des premières victimes étrangères de la guerre civile espagnole, abattue lors du premier engagement de la section italienne le 28 août 1936, au Monte Pelado. Un éloge écrit par un autre volontaire et publié dans la presse anarchiste italienne a noté que Centrone n’était pas mort pour la défense de la République espagnole mais « était allé en Espagne pour se battre pour la Révolution sociale ».
Environ 50 anarchistes italiens américains ont suivi l’exemple de Centrone, y compris à la fois des résidents américains de longue date et des récents réfugiés d’Italie fasciste – de nombreux de ces derniers vétérans de la résistance armée à Mussolini. Un nombre inconnu, mais probablement similaire, d’immigrants espagnols, comme ceux à bord du Mar Cantobrico, sont également retournés dans leur pays d’origine (où ils sont pratiquement impossibles à distinguer des autres Espagnols dans les registres existants). Seulement deux douzaines de volontaires anarchistes « américains » étaient natifs, et la plupart appartenaient aux travailleurs de l’industrie du monde (IWW), un syndicat révolutionnaire qui tenait beaucoup en commun avec le CNT et, comme l’anarchisme en général, était très diminué par rapport à son ère de la Première Guerre mondiale. Un autre membre de l’IWW, l’immigrant irlandais Patrick Read, est devenu renommé au sein du bataillon Abraham Lincoln pour sa bravoure à la tête de son unité de transmissions.
Certains de ces volontaires sont arrivés quelques mois avant que les brigades internationales se soient matérialisées, y compris les Américains d’italien qui ont rejoint la colonne d’Asocho (Bruno Bonturi parmi eux). D’autres se sont joints au Groupe international de l’anarchiste Durruti Column, qui a pris part à la défense de Madrid. L’anarchiste de 19 ans, Douglas Clark Stearns, âgé de 19 ans, a été recruté par une unité organisée par le Parti travailliste indépendant alors qu’il suivait une école préparatoire en Angleterre, et a servi dans la même unité de milice que l’écrivain George Orwell avant de transférer au Batallin de la Muerte (battale de la mort) au sein de la colonne Ascaso du CNT, et a survécu à l’annihilation de cette unité. Au cours de l’hiver 1937, un groupe d’anarchistes italiens et espagnols dans l’État de New York a secrètement commencé une formation au vol en réponse à un appel du CNT pour les pilotes qualifiés, mais la moitié d’entre eux sont partis pour l’Espagne avant d’avoir terminé leurs leçons. Les informateurs du gouvernement italien ont également rapporté que Maria Giaconi, une anarchiste active dans la communauté minière italienne de Jessup, en Pennsylvanie, a passé plusieurs mois en Espagne à se battre avec une milice, ce qui ferait connaître sa seule Américaine à le faire.
Malgré leur aversion pour l’autoritarisme des communistes, d’autres anarchistes ont rejoint les brigades internationales, dont le recrutement était organisé par l’Internationale communiste, souvent parce que c’était leur seul moyen de se rendre en Espagne. Au moins cinq s’enrôlent dans le bataillon Abraham Lincoln, dont Patrick Read et le marin italien Guerrino Fonda, qui est parmi le premier groupe de volontaires de Lincoln à quitter New York en décembre 1936. Trois marins nés aux États-Unis se sont identifiés comme étant des anarchistes – Victorl Morris, Harry Owens et Raymond Elvis Ticer, tous membres de l’IWW – ont également signé. Les anarchistes italiens américains, en revanche, étaient plus confortables à s’inscrire dans le bataillon de Garibaldi, dont le commandant n’était pas communiste mais plutôt un antifasciste républicain qui entretenait de bonnes relations avec les anarchistes de son unité. Le bataillon Garibaldi participe également à la défense de Madrid, joue un rôle décisif dans la défaite des forces italiennes fournies par Mussolini à la bataille de Guadalajara, et combat dans la bataille de l’Ebre, où l’anarchiste italien américain Alvaro Ghiara est décoré pour bravoure. En outre, le marin anarchiste Giuseppe Esposito, qui a fui l’Italie fasciste aux États-Unis en 1925, a servi dans une unité médicale de l’IB, et un nombre inconnu de femmes anarchistes américaines ont servi d’infirmières sur les champs de bataille espagnols.
À certains égards, ces anarchistes ressemblaient aux volontaires américains du bataillon Lincoln. Les travailleurs maritimes, parmi lesquels l’anarchisme et le syndicalisme persistent dans les années 1930, ont été dominés par les deux groupes, et les travailleurs employés dans d’autres formes de travail mobile ou irrégulier étaient également bien représentés dans les deux. Mais la prépondérance des immigrants, y compris un certain nombre d’exilés antifascistes, parmi les anarchistes contrastait fortement avec le bataillon Lincoln, dont les membres étaient pour la plupart nés aux États-Unis. La domination des immigrants italiens et espagnols parmi les anarchistes a également fortement divergé de la démographie des Lincolns, parmi lesquels les enfants d’immigrants juifs d’Europe de l’Est étaient surreprésentés. Sans surprise, étant donné le succès du Parti communiste à attirer de jeunes radicaux, les anarchistes ont également faibli plus loin ; l’anarchiste moyen (entre ceux qui peuvent être identifiés) était dans son (ou son) à la fin de la trentaine et plusieurs étaient dans la cinquantaine. En revanche, près d’un cinquième des volontaires du bataillon Lincoln étaient des étudiants.
Les expériences des anarchistes en Espagne ont également considérablement divergé de celles d’autres volontaires américains. Les milices qu’ils préfèrent sont souvent jugées durement par les historiens pour leur désorganisation relative, leur manque d’expérience et de discipline, et un excès de démocratie apparent : il n’y avait pas de hiérarchie des officiers, pas de salutation, et les troupes ont élu leurs commandants et voté sur les tactiques à poursuivre (bien qu’une fois engagées dans la bataille, les miliciens étaient censés obéir aux ordres de leurs dirigeants élus). Cette structure était incompréhensible pour les observateurs militaires expérimentés et comportait un certain nombre de lacunes. Mais il a également incarné les idéaux du CNT en matière d’égalité, de liberté et de prise de décision collective de bas en haut, créant, comme George Orwell l’a observé dans Homage à la Catalogne, « une sorte de modèle de travail temporaire de la société sans classes ». Et quelles que soient leurs lacunes, ces milices étaient tout ce qui se situait entre Franco et la victoire pendant plus d’un an. Ce sont des milices anarchistes qui ont repris la moitié de l’Aragon pendant les premiers jours de la guerre dans ce qui était de prouver l’un des contre-offensives les plus réussis de l’ensemble du conflit.
Après que le gouvernement républicain s’est réaffirmé et a prescrit l’incorporation des milices dans l’armée régulière, avec une structure de commandement centralisée et une discipline militaire, les anarchistes étrangers étaient parmi ses adversaires les plus féroces, menaçant souvent de se retirer du front s’ils étaient soumis au nouveau système. Les étrangers avaient également tendance à être la plus critique vocale de la décision controversée du CNT d’entrer officiellement dans les gouvernements de Catalogne et de Madrid, abandonnant essentiellement son engagement en faveur de l’anti-statisme pour le bien de l’unité antifasciste, protégeant ses gains révolutionnaires et obtenant des armes adéquates pour ses troupes. La plupart des 200 membres italiens de la colonne Ascaso ont quitté le front pour protester en avril 1937 – mais seulement après avoir accepté de participer à une opération offensive au cours de laquelle neuf de ses membres ont péri et 43 blessés. La plupart étaient toujours prêts à se battre, mais selon leurs propres conditions. Après avoir atteint Barcelone, les membres de ce groupe forment une nouvelle unité anarchiste, le bataillon international de choc de la 26e thdivision (l’ancienne colonne de Durruti). Ses membres comprenaient Armando « Amerigo » Vecchietti, l’un des pilotes potentiels de New York, qui a été tué au combat en juin 1937 près de Teruel.
Au cours de l’époque de ce groupe à Barcelone, cependant, un conflit armé a éclaté au sein du camp républicain, dans une série d’événements connus sous le nom de May Days. Les tensions entre les anarchistes et le Parti communiste espagnol – qui augmentaient en taille et en influence en raison de l’aide de l’Union soviétique à l’Espagne républicaine – s’étaient rapidement intensifiées au cours de la première année de la guerre, tandis que le gouvernement de Catalogne s’est déplacé pour contenir l’influence du CNT. Lorsque les membres du CNT ont résisté à un effort de police pour les expulser du central téléphonique de Barcelone, les alliances intenables du Front populaire ont explosé dans les combats de rue, au cours desquels des anarchistes étrangers comme Vecchietti ont tenu les barricades dans un effort désespéré pour « défendre la révolution ». Les commandants du bataillon Garibaldi refusent même l’ordre de marcher sur Barcelone pour réprimer les anarchistes. Cinq jours de violence ont fait au moins 400 morts et sapé fatalement le CNT, dont les représentants ont été expulsés. Dans la vague de répression qui a suivi, les troupes de l’armée républicaine ont commencé à dissoudre les collectifs de CNT et des milliers de dissidents présumés et de provocateurs ont été arrêtés – certains volontaires américains parmi eux, y compris Bruno Bonturi. La révolution espagnole qui a suscité les espoirs des anarchistes à l’étranger n’est plus.
Les échos de cette purge ont atteint les brigades internationales, où les jours de mai ont été imputés aux agents fascistes parmi le CNT et ses alliés « trotskytes ». Patrick Read a été expulsé du bataillon de Lincoln pour avoir critiqué ses dirigeants communistes, et Virgil Morris a été discipliné à plusieurs reprises et emprisonné pour son attitude négative envers le commandement communiste et pour avoir tenté de déserter. Des rapports non étayés ont circulé aux États-Unis que d’autres anarchistes du bataillon Lincoln ont été exécutés ou tués après avoir été intentionnellement ordonnés dans des positions exposées. Cependant, Raymond Elvis Ticer, membre de l’IWW, anti-communiste, est promu sergent avant d’être blessé à Quinto.
Quoi qu’il en soit, la marée de la guerre s’était déjà retournée contre la République, et les anarchistes étrangers commençaient à quitter l’Espagne. Beaucoup ont été enfermés dans les camps de réfugiés français, plus tard pour être internés après l’occupation allemande. Au moins trois anarchistes italiens américains internés – Piietro Deiana, Alvaro Ghiara et Armando Rodriguez – ont été envoyés dans des camps de concentration nazis en Europe de l’Est, bien que tous les trois aient survécu jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, Rodriguez a dû fuir ses libérateurs soviétiques par peur de faire face au Goulag en tant qu’anarchiste et a fait son chemin vers l’Italie, tandis que Deiana a finalement fait son chemin vers les États-Unis.
D’autres, cependant, ont été empêchés de revenir en raison des statuts de l’immigration interdisant les anarchistes. Il s’agissait notamment de Bruno « l’americano » Bonturi, qui a été arrêté par les services de l’immigration et s’est finalement rendu au Chili avant de demander au gouvernement de Mussolini d’être autorisé à rejoindre sa femme et son enfant en Italie. Guerrino Fonda, l’un des premiers volontaires du bataillon Lincoln, s’échappe en interne en France et s’inclina sur un navire à New York en 1939, avant d’être détenu à Ellis Island pendant six mois avant de trouver refuge en Argentine. Quelques autres se sont introduits clandestinement par le Canada avec l’aide de faux passeports cubains fournis par des camarades. Mais même ceux qui le sont en retour n’ont pas nécessairement quitté le champ de bataille espagnol derrière eux ; le survivant de la Muerte Douglas Clark Stearns est retourné à New York en 1937, mais a souffert de dépression et d’anxiété qui a culminé avec le suicide.
Les luttes et les destin des volontaires anarchistes fournissent une perspective unique sur la guerre civile espagnole. Ils nous rappellent que le conflit n’a jamais été qu’il s’agit de combattre le fascisme ou de protéger la République espagnole, et que son contexte international, y compris les réseaux anarchistes transnationaux ainsi que la jockeion de l’Union soviétique et d’autres puissances dans la perspective de la Seconde Guerre mondiale. Le conflit espagnol s’est avéré être la dernière grande campagne du mouvement anarchiste américain, qui avait vu ses rêves d’un nouveau monde commencer à se matérialiser, même s’enfuyant, dans les champs d’Aragon et des usines de Barcelone, donnant à bon nombre de ses membres de bonnes raisons de risquer leur vie sur le sol étranger.
Par M. Kenyon zimmer
P.-S : Kenyon est professeur associé d’histoire à l’Université du Texas à Arlington et est l’auteur de « The Other Volunteers : American Anarchists and the Spanish Civil War, 1936-1939 », dans le Journal for the Study of Radicalism (Fall 2016) et le livre Immigrants against the State : Yiddish and Italian Anarchism in America (2015).
« Bluff », le dessinateur fusillé pour ses caricatures de Franco.
Le 28 juin 1940, le dessinateur Carlos Gómez Carrera « Bluff » a été fusillé, avec 30 autres condamnés, près du mur du cimetière de Paterna. Son crime : ses caricatures de Franco et ses dessins satiriques contre les insurgés.
Un auteur qui est aujourd’hui réhabilité (l’année dernière, une rue a été baptisée en son honneur à Valence), mais que la plupart d’entre nous continuons à ignorer. C’est pourquoi le livre « Bluff » est si intéressant. La mort d’un dessinateur (El Nadir), qui, en plus de retracer sa biographie, rassemble certaines de ses meilleures vignettes et caricatures. Son auteur, René Parra.
« Bluff » (1903-1940) était l’un des dessinateurs les plus remarquables de l’Espagne républicaine, raconte René. Il est l’auteur de célèbres caricatures contre Franco et le camp des insurgés, publiées dans l’hebdomadaire satirique La Traca.
À la fin de la guerre, il a été emprisonné et fusillé avec l’éditeur du magazine, Vicent Miguel Carceller. Depuis quelques années, le sujet a été étudié et diffusé, mais il me semblait qu’il restait des aspects de l’histoire de Bluff à expliquer et à clarifier.
« Avec cet essai », poursuit l’auteur, « je souhaitais retracer l’ensemble de sa carrière, contextualiser ses positions politiques et décrire en détail le processus judiciaire auquel il fut soumis, notamment la manière dont l’accusation fut fabriquée, le dépeignant comme un prisonnier subversif méritant d’être puni. Il me semblait nécessaire d’approfondir son cas particulier, la terrible injustice qu’il a subie, tout en justifiant son œuvre graphique, insuffisamment connue dans son ensemble. »
Il continua à écrire des blagues dans le journal de la prison.
En avril 1939, Bluff fut emprisonné et, dans le cadre du programme de rééducation des prisonniers, il publia ses blagues dans le seul journal accessible aux détenus, Redención, où il publia son personnage de Don Canuto, le citoyen Peso Bruto et d’autres caricatures qui devinrent très populaires auprès des prisonniers. Jusqu’à ce que l’une de ces caricatures faillisse lui coûter la vie.
« Le conseil de guerre qui le condamna à mort », raconte René, « le condamna pour ses caricatures contre Franco et les généraux de la “Sainte Croisade”, mais aussi pour ses bandes dessinées à double sens parues dans l’hebdomadaire de la prison, auxquelles il avait été contraint de contribuer après son arrestation. L’une de ces bandes dessinées représentait deux pêcheurs dont les hameçons étaient pris par le même poisson, et pour la possession desquels ils finissaient par se disputer.
Quelques semaines avant le procès, à la prison d’Alicante, deux informateurs avaient signalé que les détenus avaient donné une interprétation politique de la bande dessinée : les deux pêcheurs représentaient un Requeté et un Phalangiste en lutte pour le pouvoir ; il s’agissait d’une allégorie symbolisant « le triomphe des Rouges sur une Espagne nationaliste désunie ».
Casa del Pueblo Gijón
Javier Cercas et l’imposteur
Les rendez-vous de l’histoire à Blois
Jeudi 9 octobre
10h45 – 12h30
Accueillir en France ? La situation des exilé.e.s espagnol.e.s après la Retirada
Zone Halle aux GrainsINSPÉ – Salle 23
Conférencier·ère·s
Carole ESPINOSA Carole ESPINOSA
Académie de MontpellierProfesseure d’histoire-géographie, chargée de mission et formatrice académique.
Marie-Laure PICARD Marie-Laure PICARD
Académie de Montpellier. Professeure d’histoire-géographie
Grégory TUBAN Grégory TUBAN
Mémorial du camp de Rivesaltes, Responsable scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes
Modérateurs·rices
Benoit FALAIZE
Centre d’histoire de Sciences Po/Mémorial du Camp de RivesaltesMembre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po, président du comité pédagogique du Mémorial du Camp de Rivesaltes/Insepcteur général
Du camp d’Argelès au camp de Rivesaltes, comment aborder l’histoire de l’accueil et de l’internement des exilé.e.s espagnol.e.s dans la France des années 1938-1941 ? Terre d’accueil ou terre des « indésirables » ? Il s’agira d’interroger le substantif « indésirable », introduit dans la loi le 12 octobre 1938 et de questionner les différentes formes de rupture et de continuité dans l’internement des étrangers en France.
La table ronde s’articulera autour d’une présentation scientifique et didactique conjointe. La question de l’accueil des Espagnols sera abordée par M.Tuban, spécialiste de l’exil et des camps de la Retirada et directeur scientifique du MCR. Son intervention éclairera la proposition didactique bilingue, pour une 1° bachibac et une 3°, dans le cadre de la classe, ou d’ateliers au MCR, élaborée par Mme Espinosa, professeure de bachibac et Mme Picard, professeure au Service Éducatif du MCR. L’activité proposée s’appuiera sur l’étude d’archives variées du camp de Rivesaltes.
10:45 – 12:15
Les Républicains espagnols et la Libération : les oubliés de la victoire ?
Zone Halle aux Grains / réservation
L’Atelier pédagogique
Cet atelier vise à articuler histoire et mémoire des Républicains espagnols dans la Résistance, combattants antifranquistes qui participèrent notamment à la Libération de la France. ll s’agit d’explorer l’engagement de ces femmes et ces hommes – environ 10 000 – ayant intégré les Forces françaises Libres ou les réseaux de Résistance entre 1940 et 1945. Quel a été leur rôle et pourquoi a-t-il été minimisé ? Quelles mémoires laissent-ils derrière eux dans la construction d’un récit national français ?
Conseil Départemental – Salle Capitulaire
Samedi 11 octobre
CAFÉ LITTÉRAIRE HALLE AUX GRAINS / SALON DU LIVRE, 2, place Jean Jaurès.
La cause des enfants espagnols
CÉLIA KEREN, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, vous êtes spécialiste de l’histoire des déplacements d’enfants en temps de guerre. Pourquoi avoir choisi de concentrer vos recherches sur l’enfance en particulier ?
Je voulais travailler sur l’impact des guerres sur les populations civiles. Mes premières recherches ont porté sur les violences pendant la conquête de l’Algérie, au XIX e siècle.
Mais dans le contexte colonial, la frontière entre civils et militaires était très floue, ne serait-ce que parce que les premiers colons étaient armés. À l’inverse, les enfants sont de « purs » civils. Tout le monde veut les exclure de la guerre et en même temps, ils en constituent un enjeu central. C’est ce paradoxe qui est fascinant.
Quels sont les acteurs mobilisés par la cause des 15 000 enfants évacués de la zone républicaine en France entre 1936 et 1939 et pourquoi sont-ils si nombreux ?
J’ai voulu comprendre pourquoi tant d’organisations, qui ne sont pas spécialisées dans l’hébergement d’enfants, s’investissent dans l’accueil des enfants espagnols : la CGT, le mouvement des coopératives, la franc-maçonnerie, des catholiques, y compris des évêques, mais aussi des intellectuels comme le philosophe Jacques Maritain, et même des féministes. A contrario, il y a des absents notables : le monde communiste est en retrait, de même que les chrétiens les plus à gauche. Pourquoi ? Si cette action est très populaire et médiatique, elle permet surtout de se placer sur un terrain humanitaire
supposément apolitique. Or, les groupes les plus engagés dans le soutien aux républicains ou aux franquistes n’ont pas besoin d’esquiver la politique.
La mémoire de ces évacuations est-elle encore vivace ? En France, en Espagne également ?
En France, c’est une histoire qui a été oubliée, car elle n’entre pas dans les récits canoniques de la guerre d’Espagne, de l’engagement antifasciste, de la révolution sociale, ou de la dénonciation de la non-intervention. Comme tout l’intérêt de l’aide à l’enfance était, à l’époque, de mettre ces questions brûlantes en sourdine, elle était et est restée une cause mineure par rapport à cette question majeure qu’était l’alternative entre la défense de la démocratie et la volonté illusoire de préserver la paix mondiale face aux politiques fascistes agressives. À l’inverse, en Espagne, depuis une vingtaine d’an-
nées, on parle beaucoup de l’histoire de la guerre civile et de ses victimes oubliées. Les « niños de la guerra », les « enfants de la guerre », comme on les appelle là-bas, entrent naturellement dans ce récit. Mais si le destin des 3 000 enfants envoyés en URSS sans leurs parents est bien connu, ce n’est pas le cas des 15 000 qui sont partis dans la France voisine. Ces derniers étaient pourtant bien plus nombreux, et pris en charge par la société et par des familles françaises ordinaires, contrairement à ceux envoyés en URSS, qui ont été confiés au Parti communiste.
10H15 – 11H15
LA CAUSE DES ENFANTS ESPAGNOLS.
HUMANITAIRE ET POLITIQUE
PENDANT LA GUERRE D’ESPAGNE
AVEC Célia KEREN et Jean VASSORT
18H30 – 19H30
SUR LES TRACES DES OUBLIÉS DE LA GUERRE D’ESPAGNE
Rencontre, en partenariat avec la revue L’Éléphant
MODÉRATION
Sophie DOUDET, de la revue L’Éléphant
INTERVENANTS
Léonor DE RÉCONDO, écrivaine,
Célia KEREN, maîtresse de conférences à Sciences Po Toulouse
DIMANCHE 12 OCT.
11H45-13H30
HOMMAGE À LA CATALOGNE DE FRÉDÉRIC GOLDBRONN
SALLE 3, CINÉMA LES LOBIS – GRATUIT
Documentaire, France, 2024, 1h08, Les Films d’Ici, Brouillon d’un rêve Scam, Grand Prix du Projet 2023, Sélection Cinéma du Réel 2025
À la poursuite de Georges Orwell et de son engagement dans la Guerre d’Espagne aux côtés des républicains en 1936-37, à travers les archives filmiques de la CNT, l’organisation anarchiste.
INTERVENANT
Frédéric GOLDBRONN,réalisateur
15h15-16h45
Site Chocolaterie de l’IUT, 15 Rue de la Chocolaterie
Quand l’internationalisme s’inscrit dans le paysage
Carte blanche
Depuis le XVIIIe siècle, des Français se sont engagés en faveur de mouvements politiques à l’étranger, et des étrangers se sont mobilisés dans notre pays pour défendre leurs idées. Ces solidarités par-delà les frontières ont laissé des traces dans l’espace public : noms de rues, bâtiments, monuments, plaques etc. qui rappellent que la France a été façonnée par des dynamiques transnationales. Mais que disent aux promeneurs d’aujourd’hui comme aux historiens ces traces d’engagements passés qui ont forgé nos identités collectives ? De quelles mémoires – ou de quels oublis – sont-elles porteuses ?
Notre but sera d’interroger l’histoire des traces des internationalismes politiques dans l’espace public, les reconfigurations mémorielles dont elles sont la marque et les processus de mémorialisation qu’elles catalysent. Nous prêterons notamment attention à ce qui est commémoré à travers ces traces: s’agit-il des internationalismes politiques, ou y a-t-il une nationalisation/patrimonialisation de la mémoire et de ses objets?
Les intervenants partiront de leurs terrains d’enquête et de leurs champs de spécialité: les solidarités royalistes et catholiques à travers l’Europe et l’Amérique au XIXe siècle; les femmes engagées dans la Première Internationale (1864-1876) et dans la Commune de Paris en 1871; les Brigades Internationales mobilisées en faveur de la République espagnole pendant la guerre civile de 136-1939; l’exil chilien en France à la suite du coup d’État de Pinochet en 1973.
Elisa MARCOBELLI
Maître de conférences
Université de Rouen-Normandie
Alexandre DUPONT
Maître de conférences à l’Université de Strasbourg
Université de Strasbourg/ IUF
Judith BONNIN
Maîtresse de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne
Université Bordeaux Montaigne
Lola ROMIEUX
Doctorante et ATER
Université de Strasbourg / Sciences Po Toulouse
Edouard SILL
Docteur qualifié en Histoire et science politique
Institut catholique de Paris / UMR SIRICE
« La dictature c’est du terrorisme » : 50e anniversaire des cinq derniers exécutés par Franco
Les survivants des derniers tribunaux militaires du régime franquiste, les avocats qui y ont participé et des militants antifascistes rendent hommage dans un livre collectif à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, « Txiki », le dernier exécuté par Franco, le 27 septembre 1975, il y a 50 ans.
Ces cinq jeunes hommes, âgés de 21 à 33 ans, militants du FRAP et de l’ETA, sont devenus des symboles historiques de la résistance antifasciste.
Ana María Pascual
Madrid
13/09/2025 20h15
Traduction Luis Lopez
« La dictature c’est du terrorisme », telle est la réflexion qui tourne autour de l’hommage rendu aux cinq derniers jeunes hommes exécutés par le régime franquiste, à l’occasion du 50e anniversaire de ces événements tragiques. L’autre devise est « La générosité de la résistance ». Le collectif de prisonniers de l’époque franquiste, de militants antifascistes, de survivants des quatre derniers tribunaux militaires, des avocats qui les ont défendus et des familles des personnes exécutées rend hommage à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, dit « Txiki ». Ces cinq jeunes combattants antifranquistes furent exécutés à l’aube du 27 septembre 1975, alors que Franco agonisait dans son lit, et qu’il décéda deux mois plus tard.
Pour commémorer un anniversaire aussi important, et à un moment politique où l’extrême droite siège au Congrès des députés et se permet en collusion avec le PP de tenter d’annuler des lois de mémoire historique et démocratique en lançant des mots d’ordre de haine camouflées en lois perverses de concorde, la Plateforme Ouverte ‘Al alba’ [en allusion au poème devenu chanson de Luis Eduardo Aute] croit quant à elle que l’histoire doit être réécrite, en démontrant qu’en réalité il y a eu une lutte antifranquiste active et nourrie qui a tenté d’écarter du pouvoir celui qui l’a détenu illégitimement depuis 1939 et qui n’a pas hésité à exercer toutes sortes de violence pour le conserver.
Le livre « 27 septembre 1975 : Les dernières exécutions de la dictature franquiste » (El Garaje), édité par la plateforme « Al Alba », est un ouvrage collectif majeur qui aborde toutes les circonstances dans lesquelles ont eu lieu ces exécutions et présente des témoignages cruciaux, comme ceux des familles, qui relatent des années de lutte pour rouvrir les dossiers ou « laver » leurs noms. Les voix des survivants, de ceux qui ont été graciés et de ceux qui ont survécu aux tortures dans les commissariats ou aux tirs lors des charges policière, se font entendre tout au long de cet ouvrage de 383 pages, dans ce nécessaire souvenir émouvant des jours qui ont précédé les exécutions.
Aucune garantie de défense
Le livre rassemble des photographies, des coupures de presse internationales de l’époque, de la correspondance et le témoignage éclairant des avocats de la défense, qui n’ont rien pu faire lors de ces procès truqués où les juges militaires ont refusé d’admettre la moindre preuve à décharge. Gerardo Viada, l’avocat de Ramón García Sanz, l’explique avec force détails dans le livre : « D’un point de vue juridique, l’enquête était une pure escroquerie, truffée d’actes nuls et non avenus, avec des déclarations obtenues sous la torture et sans les garanties les plus élémentaires. »
Cet anniversaire commence par une bonne nouvelle : l’annulation de la condamnation à mort de Xosé Humberto Baena Alonso, membre du FRAP galicien. En août dernier, le Ministère de la Politique territoriale et de la Mémoire démocratique a adressé à Flor, sœur de Baena, un document de reconnaissance et de réparation personnelle, prévu par la Loi de la Mémoire démocratique, qui déclare « illégal et illégitime » le tribunal qui l’a jugé et condamné.
Les cours martiales
Les quatre dernières cours martiales tenues en Espagne, entre fin août et septembre 1975, aboutirent à un nombre ahurissant de 11 condamnations à mort, dont six furent commuées in extremis. Le dictateur refusa de céder aux nombreuses demandes internationales de clémence et ne fit preuve d’aucune pitié envers les cinq jeunes hommes condamnés ni leurs familles. Deux cours martiales se tinrent à la caserne de Goloso (Madrid) pour les meurtres du policier Lucio Rodríguez et du garde civil Antonio Pose contre des militants du FRAP (Front révolutionnaire antifasciste et patriotique). Le second de ces procès condamna à mort deux femmes, Concepción Tristán et María Jesús Dasca, qui furent finalement graciées pour grossesse. Un autre procès en cour martiale a eu lieu au siège du Gouvernement militaire de Barcelone contre Jon Paredes Manot, militant politico-militaire de l’ETA, pour un braquage de banque ayant entraîné la mort d’un policier. Un autre procès en cour martiale a également eu lieu à Burgos pour la mort d’un garde civil. Ángel Otaegui et José Antonio Garmendia (de l’ETA politico-militaire) ont été condamnés à mort, mais finalement graciés.
Malgré tous les efforts diplomatiques, la mobilisation sociale en Espagne et à l’étranger, les appels à la clémence de l’ONU, les appels du Pape et le rappel de leurs ambassadeurs par plusieurs pays (le Mexique a même interdit l’entrée sur son territoire aux citoyens espagnols), la dictature a procédé aux exécutions, démontrant que malgré l’agonie du dictateur, le régime franquiste était en pleine vigueur.
Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla et Ramón García Sanz, membres du FRAP, ont été fusillés au champ de tir militaire de Hoyo de Manzanares, à Madrid, par des escadrons de volontaires. Les autres exécutions ont eu lieu à Burgos et à Barcelone. Le livre comprend plusieurs documents essentiels, tels que les lettres d’adieu de Xosé Humberto Baena, 24 ans, et de Txiki Paredes, 21 ans.
Contexte de la dictature
La dictature a appliqué la loi antiterroriste aux derniers exécutés pour les condamner à mort. « Dans une situation de dictature, c’est la dictature qui est terroriste, et la résistance à la dictature est la lutte antiterroriste du peuple. En situation de tyrannie, la tyrannie est du terrorisme, et lutter contre la tyrannie est lutter contre le terrorisme », écrivent les auteurs dans le livre, relatant une année 1975 terrible, où la police a continué de réprimer par la force les manifestations de rue et les grèves ouvrières dans les usines. Elle a également simulé des suicides, comme celui de Diego Navarro Rico, un ouvrier du bâtiment de Tarragone, abattu après son arrestation et retrouvé pendu dans sa cellule le 9 août 1975.
Un meurtre impuni.
« Pour toute personne honnête et politiquement lucide, pour tout membre d’une organisation antifasciste, lorsque l’un des membre des forces de sécurité de l’État torturait ou tuait, c’était tous ses membres qui torturaient ou tuaient, car aucun d’entre eux ne se rebella contre ces ordres ; tous obéissaient, recevaient leurs médailles et percevaient leurs salaires et primes parce qu’ils obéissaient », affirme le livre, qui sera officiellement présenté ce mercredi 17 à la Fondation Anselmo Lorenzo (FAL) à Madrid, accompagné d’une intéressante exposition de photographies, de tracts et de publications d’époque retraçant la lutte antifranquiste et les dernières exécutions du régime franquiste.
Ana María Pascual
Journaliste d’investigation, responsable des reportages judiciaires chez Público. Elle a travaillé chez Interviú, où elle a enquêté sur la corruption politique et donné la parole aux victimes de violations des droits humains. Lauréate du Prix de la Coordinatrice des Associations de Bébés Volés, elle a été correspondante pour l’agence de presse publique mexicaine, consultante en communication et scénariste pour 360 Grados sur ETB. Son email est apascual@publico.
Traduction par Luis Lopez de l’article publié le 13 septembre 2025 de Ana María Pascual
https://www.publico.es/politica/tribunales/dictadura-terrorismo-50-aniversario-cinco-ultimos-fusilados-franquismo.html
Non à l’hommage français au dictateur Franco — Pour la cohérence, la mémoire, et la justice universelle
Comme beaucoup, j’ai appris que Francisco Franco, dictateur espagnol responsable de dizaines de milliers de morts, de disparus et d’exilés, est encore aujourd’hui décoré de la Légion d’honneur, plus haute distinction de la République française.
Cinquante ans après sa mort, cette décoration est un affront.
Un affront aux victimes du franquisme.
Un affront à l’histoire démocratique de la France.
Un affront à la cohérence de notre République.
Honorer Franco, c’est honorer un criminel.
Son régime fut une dictature sanglante, alliée objective des fascismes européens, réprimant les opposants, réduisant au silence les peuples, étouffant la liberté.
Honorer Franco, c’est cautionner l’oubli.
Alors même que des familles espagnoles cherchent encore à exhumer leurs morts dans des fosses communes, la France maintient le dictateur dans son panthéon officiel.
Honorer Franco, c’est trahir nos principes universels.
Car aujourd’hui, la France garde le silence face à d’autres formes de colonialisme et d’apartheid — en particulier l’entreprise coloniale israélienne en Palestine. Ce double discours affaiblit notre diplomatie et nourrit les révisionnismes.
Les grands textes l’avaient pourtant affirmé :
– La Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 1948).
– La Charte des Nations unies et les Conventions de Genève.
– La Charte de l’environnement (Constitution française, 2005).
Toutes rappellent la nécessité de protéger la dignité humaine et de s’opposer à la colonisation, aux dictatures et aux crimes contre l’humanité.
En maintenant Franco décoré, la République viole l’esprit même de sa propre Constitution et de ses engagements internationaux.
Je m’oppose donc au maintien de la Légion d’honneur attribuée à Franco.
Par cette pétition, je demande :
– Son retrait immédiat ;
– Une réforme pour qu’aucun dictateur, criminel de guerre ou régime colonial ne puisse être honoré au nom de la République française ;
– L’ouverture d’un débat démocratique sur la mémoire coloniale et sur la cohérence de notre diplomatie en matière de droits humains.
Aujourd’hui j’écris seul·e, mais nous sommes des milliers à refuser que la République française continue à légitimer les dictatures d’hier et les colonialismes d’aujourd’hui.
Commission des affaires étrangères. S’inscrire ici : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3898
1937, la Tchéka stalinienne à l’œuvre en Espagne
À la Prison modèle.
Le dimanche 28 novembre, nous allâmes à la Prison modèle de Barcelone, et présentâmes nos autorisations au directeur de la prison des hommes. Il fut très courtois et nous conduisit chez le médecin de la prison. On nous apprit qu’il y avait dans cette prison 1 500 prisonniers, dont 500 antifascistes, 500 fascistes et 500 délinquants de droit commun.
C’était dimanche, et l’heure des visites, aussi nous nous trouvâmes en présence de 500 à 600 visiteurs demandant à entrer afin de voir leurs amis. Comme il convient, c’était l’aile gauche de la prison qui était attribuée aux prisonniers de gauche !
Nous entrâmes dans une grande salle par une immense porte de fer de 6 mètres de large sur 3,5 mètres de haut. Les prisonniers avaient appris que nous allions venir et nous firent une chaude réception. La difficulté était que c’était à qui nous parlerait le premier des brutalités qu’il avait endurées de la part de la Tchéka avant d’être entré dans cette prison-ci.
Un prisonnier italien nous fit une remarquable description des tortures qui lui avaient été infligées dans une cellule souterraine. Il fut attaché au mur, les mains au-dessus de la tête, avec deux gardes à ses côtés, baïonnette au canon, pendant qu’un jeune officier de la Tchéka tenait des papiers de la main gauche et de la main droite un revolver dirigé sur sa poitrine.
L’officier de la Tchéka le soumit à un interrogatoire du troisième degré prétendant qu’il avait de faux papiers, le sommant de dire où certains de ses camarades pourraient être trouvés, le menaçant de le tuer et de jeter son corps dans un égout qui passait dans la cellule. Cet Italien fut soumis à cette torture, durant cinq à six heures chaque fois, avant d’être finalement transféré à la Prison modèle.
Challaye et moi-même interrogeâmes également un Français, qui appartenait auparavant à l’armée française, et qui avait abandonné sa situation pour venir en Espagne combattre le fascisme. Il avait été nommé officier dans l’armée espagnole gouvernementale et avait combattu sur le front de Madrid pendant plus de cinq mois. La seule raison pour laquelle il se trouvait dans la Prison modèle était qu’il avait franchement exprimé son opinion sur le Comintern et les méthodes de la Tchéka. Il me donna l’impression d’un homme splendide.
Il ressentait comme un outrage effroyable d’avoir été gardé en prison pendant plus de quatre mois ; il insistait sur ceci : « Qu’on me fasse un procès si j’ai commis quelque faute ; sinon qu’on me rende ma liberté ! » Il y avait également un bon nombre de ces prisonniers qui avaient été blessés au cours des combats contre Franco, et cependant on les gardait en prison sous le prétexte qu’ils étaient des alliés de Franco !
Notre délégation fut spécialement bien accueillie par les prisonniers du Poum, et nous passâmes une heure dans la cellule de Gironella. Plusieurs prisonniers étaient d’ailleurs incarcérés dans cette même cellule. C’était une véritable Internationale de prisonniers que cette prison.
Il y en avait de France, de Grèce, d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche, de Belgique, de Hollande, de Suisse et d’Amérique autant que d’Espagne. Tous ces prisonniers nous pressèrent de faire connaître les brutalités de la Tchéka, avec ses tortures, son troisième degré et ses meurtres des militants socialistes combattant en Espagne.
Lorsque nous décidâmes de quitter l’aile antifasciste de la prison, il y eut un rush spontané de tout le monde vers la porte. Les prisonniers chantèrent deux hymnes de la CNT, puis l’Internationale, et terminèrent avec des vivats à l’adresse de la CNT, de la FAI et du Poum.
Le délégué de l’ILP fut spécialement l’objet de la reconnaissance internationale ; enfin il y eut des cris de « À bas la Tchéka du Comintern ! » et, à son adresse, de violents sifflets. C’était une vue très émouvante que celle de ces 500 prisonniers antifascistes, la plupart jeunes, qui remplissaient les galeries, les escaliers et la grande salle, le poing fermé, l’œil brillant, la tête rejetée en arrière en une attitude de défi.
Notre dernière vision fut celle de centaines d’hommes applaudissant, de l’autre côté de l’immense porte de fer. Cette porte de fer était pour nous comme le symbole de la Tchéka du Comintern. C’est par des moyens pareils qu’elle entend supprimer le mouvement révolutionnaire en Espagne afin de substituer au mot d’ordre de « Pouvoir ouvrier » celui de « Démocratie bourgeoise ».
L’Internationale communiste et son organisation d’assassins sont en train de faire naître contre eux une haine formidable. Un jour, la tempête éclatera et détruira leur effroyable gangstérisme. Ce sera un désastre pour tous ceux qui y auront participé.
À la prison secrète de la Tchéka.
Notre dernière visite fut pour la prison secrète de la Tchéka à la place Junta : Adraine Bonanova. Nous avions été avisés de l’existence de cette prison par plusieurs bons camarades. Lorsque nous eûmes monté les marches qui mènent à la prison, nous trouvâmes le chemin barré par deux gardiens, armés de fusils et baïonnette au canon.
Nous présentâmes notre autorisation du directeur des prisons et du ministre de la Justice pour visiter les prisons et un mot fut envoyé à l’intérieur. Alors un officier apparut, qui regarda nos autorisations avec un mépris évident. Il nous informa qu’il ne recevait pas d’ordres du directeur des prisons ou du ministre de la Justice, car ce n’étaient pas là ses patrons.
Nous lui demandâmes alors qui était son patron, et il nous donna une adresse, celle du quartier général de la Tchéka. Son refus de nous permettre de visiter la prison et les prisonniers était total et définitif. Nous allâmes donc au quartier général de la Tchéka, Puerta del Angel 24.
Nous entrâmes dans une cour et par un couloir dans une pièce intérieure qui avait toute l’apparence d’un lieu de détention. Nous remarquâmes qu’il y avait sur la table un grand nombre de livres de propagande russes et de journaux communistes, et aucune autre sorte de livres ou de journaux. Après un court délai, une jeune femme entra, qui nous demanda ce que nous voulions. Elle ne nous cacha pas qu’elle savait qui nous étions, et qu’on l’avait prévenue, de la prison, que nous étions en train de venir. Elle prit les pièces qui nous autorisaient à visiter les prisons.
Ensuite apparurent deux jeunes hommes dont ni l’un ni l’autre n’étaient espagnols. Notre interprète, qui connaît un grand nombre de langues et de pays, fut convaincu par leur accent que l’un était Russe et l’autre Allemand.
Le Russe nous informa que nous ne pouvions ni voir l’intérieur de la prison ni causer avec les prisonniers. Je répondis que nous avions des autorisations du directeur des prisons et du ministre de la Justice, et nous demandâmes si notre interlocuteur était plus puissant que le gouvernement, en ajoutant que si on nous refusait l’entrée, nous serions obligés, comme de juste, d’en tirer des conclusions.
John Mac Govern
Le Monde libertaire n°228 (déc. 1976)
APRES LA DICTATURE FRANQUISTE EN ESPAGNE : LE SILENCE INSOUTENABLE !
« Après Franco, la peur a été remplacée par le silence » : rencontre avec les auteurs de la BD « l’Abîme de l’oubli »
Le bédéiste Paco Roca et le journaliste Rodrigo Terrasa signent « l’Abîme de l’oubli », roman graphique sur la quête des familles des victimes de la dictature franquiste encore ensevelies dans les fosses communes.
Paco Roca (l’illustrateur) et Rodrigo Terrasa (l’auteur), le 27 janvier 2025, à Paris, dans les locaux de la maison d’édition Delcourt.
Malgré un dédale d’obstacles, l’octogénaire Pepica Celda est parvenue à faire exhumer son père, exécuté par les franquistes en 1940 et jeté dans une fosse commune du cimetière de Paterna (Valence). Un demi-siècle après la mort de Franco, des milliers d’opposants politiques assassinés hantent encore l’Espagne. Dans un roman graphique touchant, le bédéiste Paco Roca et le journaliste Rodrigo Terrasa retracent la quête de Pepica dans un pays où la transition démocratique a confiné à l’oubli les victimes de la dictature. On y découvre également Leoncio Badia, condamné à être fossoyeur et qui prendra soin des dépouilles de ses compagnons d’infortune. L’Abîme de l’oubli est un îlot d’humanité et d’intelligence dans un pays qui n’a toujours pas soldé les crimes franquistes.
Votre ouvrage manie la microhistoire – Pepica Celda qui veut exhumer le corps de son père enfoui dans une fosse commune – et la macrohistoire, à savoir les crimes de la dictature franquiste. Comment êtes-vous parvenus à les faire cohabiter avec vos genres respectifs ?
Paco Rosa, bédéiste
Avec Rodrigo Terrasa, nous cherchions un projet qui puisse faire cohabiter les deux genres, le journalisme et la bande dessinée. La seule narration dramatique ne permet pas de nuances. Avec l’histoire de Pepica, tout s’emboîtait : émouvoir avec une narration et inviter à la réflexion grâce au discours journalistique qui nous permettait de développer les idées au-delà de simples dialogues.
Rodrigo Terrasa Journaliste