« La dictature c’est du terrorisme » : 50e anniversaire des cinq derniers exécutés par Franco

Les survivants des derniers tribunaux militaires du régime franquiste, les avocats qui y ont participé et des militants antifascistes rendent hommage dans un livre collectif à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, « Txiki », le dernier exécuté par Franco, le 27 septembre 1975, il y a 50 ans.
Ces cinq jeunes hommes, âgés de 21 à 33 ans, militants du FRAP et de l’ETA, sont devenus des symboles historiques de la résistance antifasciste.

Ana María Pascual
Madrid
13/09/2025 20h15
Traduction Luis Lopez

« La dictature c’est du terrorisme », telle est la réflexion qui tourne autour de l’hommage rendu aux cinq derniers jeunes hommes exécutés par le régime franquiste, à l’occasion du 50e anniversaire de ces événements tragiques. L’autre devise est « La générosité de la résistance ». Le collectif de prisonniers de l’époque franquiste, de militants antifascistes, de survivants des quatre derniers tribunaux militaires, des avocats qui les ont défendus et des familles des personnes exécutées rend hommage à Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla, Ramón García Sanz, Ángel Otaegui Etxeberria et Jon Paredes Manot, dit « Txiki ». Ces cinq jeunes combattants antifranquistes furent exécutés à l’aube du 27 septembre 1975, alors que Franco agonisait dans son lit, et qu’il décéda deux mois plus tard.
Pour commémorer un anniversaire aussi important, et à un moment politique où l’extrême droite siège au Congrès des députés et se permet en collusion avec le PP de tenter d’annuler des lois de mémoire historique et démocratique en lançant des mots d’ordre de haine camouflées en lois perverses de concorde, la Plateforme Ouverte ‘Al alba’ [en allusion au poème devenu chanson de Luis Eduardo Aute] croit quant à elle que l’histoire doit être réécrite, en démontrant qu’en réalité il y a eu une lutte antifranquiste active et nourrie qui a tenté d’écarter du pouvoir celui qui l’a détenu illégitimement depuis 1939 et qui n’a pas hésité à exercer toutes sortes de violence pour le conserver.
Le livre « 27 septembre 1975 : Les dernières exécutions de la dictature franquiste » (El Garaje), édité par la plateforme « Al Alba », est un ouvrage collectif majeur qui aborde toutes les circonstances dans lesquelles ont eu lieu ces exécutions et présente des témoignages cruciaux, comme ceux des familles, qui relatent des années de lutte pour rouvrir les dossiers ou « laver » leurs noms. Les voix des survivants, de ceux qui ont été graciés et de ceux qui ont survécu aux tortures dans les commissariats ou aux tirs lors des charges policière, se font entendre tout au long de cet ouvrage de 383 pages, dans ce nécessaire souvenir émouvant des jours qui ont précédé les exécutions.

Aucune garantie de défense
Le livre rassemble des photographies, des coupures de presse internationales de l’époque, de la correspondance et le témoignage éclairant des avocats de la défense, qui n’ont rien pu faire lors de ces procès truqués où les juges militaires ont refusé d’admettre la moindre preuve à décharge. Gerardo Viada, l’avocat de Ramón García Sanz, l’explique avec force détails dans le livre : « D’un point de vue juridique, l’enquête était une pure escroquerie, truffée d’actes nuls et non avenus, avec des déclarations obtenues sous la torture et sans les garanties les plus élémentaires. »

Cet anniversaire commence par une bonne nouvelle : l’annulation de la condamnation à mort de Xosé Humberto Baena Alonso, membre du FRAP galicien. En août dernier, le Ministère de la Politique territoriale et de la Mémoire démocratique a adressé à Flor, sœur de Baena, un document de reconnaissance et de réparation personnelle, prévu par la Loi de la Mémoire démocratique, qui déclare « illégal et illégitime » le tribunal qui l’a jugé et condamné.

Les cours martiales
Les quatre dernières cours martiales tenues en Espagne, entre fin août et septembre 1975, aboutirent à un nombre ahurissant de 11 condamnations à mort, dont six furent commuées in extremis. Le dictateur refusa de céder aux nombreuses demandes internationales de clémence et ne fit preuve d’aucune pitié envers les cinq jeunes hommes condamnés ni leurs familles. Deux cours martiales se tinrent à la caserne de Goloso (Madrid) pour les meurtres du policier Lucio Rodríguez et du garde civil Antonio Pose contre des militants du FRAP (Front révolutionnaire antifasciste et patriotique). Le second de ces procès condamna à mort deux femmes, Concepción Tristán et María Jesús Dasca, qui furent finalement graciées pour grossesse. Un autre procès en cour martiale a eu lieu au siège du Gouvernement militaire de Barcelone contre Jon Paredes Manot, militant politico-militaire de l’ETA, pour un braquage de banque ayant entraîné la mort d’un policier. Un autre procès en cour martiale a également eu lieu à Burgos pour la mort d’un garde civil. Ángel Otaegui et José Antonio Garmendia (de l’ETA politico-militaire) ont été condamnés à mort, mais finalement graciés.
Malgré tous les efforts diplomatiques, la mobilisation sociale en Espagne et à l’étranger, les appels à la clémence de l’ONU, les appels du Pape et le rappel de leurs ambassadeurs par plusieurs pays (le Mexique a même interdit l’entrée sur son territoire aux citoyens espagnols), la dictature a procédé aux exécutions, démontrant que malgré l’agonie du dictateur, le régime franquiste était en pleine vigueur.

Xosé Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez-Bravo Solla et Ramón García Sanz, membres du FRAP, ont été fusillés au champ de tir militaire de Hoyo de Manzanares, à Madrid, par des escadrons de volontaires. Les autres exécutions ont eu lieu à Burgos et à Barcelone. Le livre comprend plusieurs documents essentiels, tels que les lettres d’adieu de Xosé Humberto Baena, 24 ans, et de Txiki Paredes, 21 ans.

Contexte de la dictature
La dictature a appliqué la loi antiterroriste aux derniers exécutés pour les condamner à mort. « Dans une situation de dictature, c’est la dictature qui est terroriste, et la résistance à la dictature est la lutte antiterroriste du peuple. En situation de tyrannie, la tyrannie est du terrorisme, et lutter contre la tyrannie est lutter contre le terrorisme », écrivent les auteurs dans le livre, relatant une année 1975 terrible, où la police a continué de réprimer par la force les manifestations de rue et les grèves ouvrières dans les usines. Elle a également simulé des suicides, comme celui de Diego Navarro Rico, un ouvrier du bâtiment de Tarragone, abattu après son arrestation et retrouvé pendu dans sa cellule le 9 août 1975.
Un meurtre impuni.
« Pour toute personne honnête et politiquement lucide, pour tout membre d’une organisation antifasciste, lorsque l’un des membre des forces de sécurité de l’État torturait ou tuait, c’était tous ses membres qui torturaient ou tuaient, car aucun d’entre eux ne se rebella contre ces ordres ; tous obéissaient, recevaient leurs médailles et percevaient leurs salaires et primes parce qu’ils obéissaient », affirme le livre, qui sera officiellement présenté ce mercredi 17 à la Fondation Anselmo Lorenzo (FAL) à Madrid, accompagné d’une intéressante exposition de photographies, de tracts et de publications d’époque retraçant la lutte antifranquiste et les dernières exécutions du régime franquiste.

Ana María Pascual
Journaliste d’investigation, responsable des reportages judiciaires chez Público. Elle a travaillé chez Interviú, où elle a enquêté sur la corruption politique et donné la parole aux victimes de violations des droits humains. Lauréate du Prix de la Coordinatrice des Associations de Bébés Volés, elle a été correspondante pour l’agence de presse publique mexicaine, consultante en communication et scénariste pour 360 Grados sur ETB. Son email est apascual@publico.
Traduction par Luis Lopez de l’article publié le 13 septembre 2025 de Ana María Pascual
https://www.publico.es/politica/tribunales/dictadura-terrorismo-50-aniversario-cinco-ultimos-fusilados-franquismo.html

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