SIX COLLÉGIENNES EN QUÊTE DE MEMOIRE

Elles enquêtent sur les réfugiés espagnols

21/03/2017  La Nouvelle République.

Les collégiennes, autour de Mar-y-Luz, et du drapeau des républicains espagnols.

Six collégiennes de Tours viennent de réaliser une enquête vidéo sur les traces de réfugiés espagnols hébergés à Noizay en 1937.

Au départ, il y a eu une découverte, dans le grenier de la mairie de Noizay. La bibliothécaire a mis la main sur une liste de noms de familles espagnoles hébergées sur la commune, au cours de l’été 1937. Trois petites feuilles administratives toutes grises, mentionnant un groupe d’une dizaine de jeunes femmes avec des enfants, et les frais engagés…

Des documents qui auraient très bien pu passer les prochaines décennies, dans un autre carton, jusqu’à un prochain rangement… C’était sans compter l’enthousiasme de la bibliothécaire, et la proximité du cycle « Exils », organisé à partir du 16 mars dans les bibliothèques du département (voir ci-dessous).
Une copie de la liste a été confiée à six collégiennes de troisième du collège Anatole-France à Tours. Six volontaires de 14 ans, prénommées Leobelsa, Clothilde, Rachel, Noée, Dünya et Elsy, qui étudient la guerre d’Espagne et la littérature espagnole avec leur professeur de français Adeline Robin.

Les archives sont tellement rares

Les six copines ont mené une enquête filmée sur les réfugiés de Noizay, découvrant le lieu où ils avaient été hébergés, les moyens qui avaient été déployés… « On a retrouvé des bons d’alimentation, explique Rachel. Des documents qui donnent envie d’enquêter encore plus. C’est passionnant. » Malheureusement, les collégiennes n’ont pu raviver les souvenirs des habitants. « Le dernier grand-père qui se souvenait de leur présence est décédé récemment… » 
L’enquête s’est poursuivie aux archives départementales. Les jeunes filles ont appris que 1.555 réfugiés espagnols avaient transité par Tours durant cet été-là, et avaient été répartis sur plusieurs communes. Elles ont aussi découvert un maigre détail qui les a comblées : « La trace d’une réclamation d’une de ces femmes pour un bagage perdu en gare de Tours. » Une plainte qui « humanise » cette femme.
« Ces documents peuvent fortement intéresser des associations ou des familles espagnoles qui sont aujourd’hui toujours à la recherche d’ancêtres ayant transité en France », les a averties Mar-y-Luz Cariño-Lopez, la fille d’un réfugié espagnol à Ferrière-sur-Beaulieu, qui, elle-même, a découvert bien tard, grâce à un historien, le parcours de son père (lire la NR du 24 mars). « Un prénom peut attirer l’attention. Les archives sont tellement rares que le moindre document est important. De très nombreuses personnes sont toujours dans l’ignorance de ce qu’est devenu un membre de leur famille. » 
Les réfugiés de Noizay avaient quitté le village quelques mois plus tard. Ils avaient été renvoyés par le train en Catalogne, l’année suivante, « pour des raisons financières ». Et Clothilde de tenter de se rassurer : « Aujourd’hui, on ne pourrait jamais renvoyer ainsi des réfugiés dans leur pays où ils seraient en danger… »

Le film des collégiennes sera diffusé le 31 mars à 19h, lors des portes ouvertes du collège Anatole France, et à 20h à la bibliothèque de Noizay, avec en prime l’intervention de Retirada 37 et de David Garcia sur les luttes des femmes espagnoles. Plus d’informations sur  http://retirada37.com

en savoir plus

Exils

Du 16 mars au 16 avril, la Direction du livre et de la lecture du Département organise le cycle « Exils, et si on en parlait ? », avec trente-trois bibliothèques d’Indre-et-Loire. Au programme : théâtre, lectures d’archives, concert, expositions, projections-débat, témoignages, rencontres d’auteures et de réalisateurs, ateliers d’écriture…

Plus d’infos sur www.lirentouraine.com

Cécile Lascève

 

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