Mujeres Libres: les anarchistes qui ont révolutionné la classe ouvrière en Espagne

À la fin de la Deuxième République, quelque 21 000 anarchistes ont formé le premier mouvement féministe radical de base populaire authentique en Espagne. Un des groupes précurseurs des revendications de la libération de genre, qui plusieurs années plus tard, sont toujours d’actualité.

On dit de l’histoire que les vainqueurs l’écrivent, mais ce qui n’est pas dit, c’est que les gagnants, presque dans leur totalité, sont des hommes. Et, on ne dit pas non plus, qu’ils oublient souvent les femmes : si nous regardons en arrière et pensons aux grands moments de changement de l’humanité, ou aux grandes révolutions, aucun nom de femme ou presque ne vient à l’esprit.

L’histoire de l’ Espagne n’a pas été moins dure avec les femmes , enterrant pendant de nombreuses années le rôle qu’elles ont joué pendant la plus grande révolte du pays, la guerre civile. Cependant, les organisations sociales essaient constamment de faire un trou dans notre mémoire collective et de faire face à l’oubli. A titre d’exemple, CGT Espagnole et Mujeres Anarquistas à l’ Agrupación de Mujeres Libres , que ce 2017 soit 80 ans depuis sa fondation. Une organisation qui a ensuite été formée en tant que premier mouvement féministe radical de base populaire authentique et précurseur dans la lutte pour les revendications qui, de nombreuses années plus tard, sont toujours présents aujourd’hui.

Comment sont-ils nés? A la fin de la Seconde République dans une dynamique politique et culturelle qui a ouvert de nouvelles possibilités pour la participation des femmes dans la lutte sociale. CNT, la Confédération nationale du travail , était depuis 1910 le principal centre syndical orienté par l’anarchisme, dont la CGT Espagnole dériva plus tard. Un syndicat qui avait une forte présence de femmes et qui reconnaissait les droits fondamentaux du travail tels que la liberté économique ou l’égalité des salaires, mais dans lequel il y avait peu d’initiatives de luttes spécifiques.

Les femmes ont marqué leur propre voie dans l’anarchisme et en 1936 elles ont créé leur propre organisation

Avant cela, les femmes devaient marquer leur propre chemin. À Barcelone, le noyau principal du mouvement anarchiste, le Groupe Culturel Féminin a été fondé en 1934, un pionnier dans l’articulation des femmes au sein de l’union. Mais le déclenchement de la guerre civile a changé le rythme des formations, ils ont avancé et décidé de créer leur propre organisation. Le 2 mai 1936 plusieurs femmes ont publié le premier numéro de libre femmes qui, comme il l’ écrit Paula Ruíz Roa , chef de la femme du secrétariat CGT Espagnole « était la base de la création d’ un groupe libertaire et l’organisation de sa première premier et unique congrès qui pourrait avoir lieu en août 1937. » En peu de temps, ils ont compté avec 147 groupes locaux et21 000 femmes affiliées .
Le premier groupe autonome de femmes

Dès le début, Mujeres Libres a été formé en tant que groupe totalement autonome. La majorité des militants faisaient déjà partie d’autres organisations du mouvement libertaire – CNT, FAI, Juventudes Libertarias -, cependant, ils n’étaient subordonnés à aucune des structures précédentes.

Ce fut une bataille d’anarchistes dans le produit rejetant le mouvement libertaire une organisation que des femmes:  » Ce sont eux qui ne voient la nécessité d’ organisations distinctes toutes les organisations ouvrières des femmes pour différencier les revendications les deux, parce que dans la lutte de la classe ouvrière n’a pas eu l’importance qu’ils avaient  » , explique au publicl’actuel secrétaire de la CGT Espagnole, José Manuel Muñoz Poliz.

Ecrivain et historien américain Martha Ackelsberg a dit que la plus grande réussite de l’organisation était d’ être le « pionnier des organisations féministes » et « participer à la lutte contre l’ exploitation capitaliste l’ oppression patriarcale ». Ainsi, Mujeres était la ligne Libres idéologique du CNT, mais a développé son propre objectif: émanciper les femmes de l’esclavage triple , « l’ esclavage de l’ ignorance, l’ esclavage des femmes et l’ esclavage des producteurs ». Avec le début de la guerre, un autre objectif a été marqué, « fournir une aide ordonnée et efficace à la défense de la République ».

Réclamations toujours présentes aujourd’hui

« Ce qui attire le plus l’attention de ce groupe, c’est la façon dont ils posent le problème des femmes, surtout à l’époque, avec des problèmes allant de l’abolition de la prostitution, à l’éducation mixte, aux soupes populaires ou à l’amour libre. », explique l’historien brésilien Thiago Lemos Silva , qui a étudié l’histoire de ce groupe pendant plus de dix ans.

Dès le début, ils ont appelé à l’importance de l’ incorporation des femmes dans le travail rémunéré , en effectuant de multiples emplois, ainsi que des activités d’arrière-garde: de l’alphabétisation à la formation sur le tas dans tous les secteurs du travail. Et, pour que cette incorporation ne soit pas un double fardeau pour les femmes, elles ont exigé – comme elles le font aujourd’hui – et mis en place des soupes populaires et des garderies sur le lieu de travail.

Ils ont travaillé dans l’arrière-garde et dans les usines, enseignant l’alphabétisation et la formation à des centaines de femmes

Ils ont rompu avec l’idée que les relations familiales et intimes étaient privées: ils dénonçaient avec ferveur le contrôle au sein même du couple et de l’État et de l’Église catholique. Ils ont proclamé l’amour libre et dénoncé que le modèle familial traditionnel favorise les inégalités. D’une part, parce qu’il maintient les dépendances économiques sur lesquelles le patriarcat est basé. D’autre part, parce qu’elle protège la soumission des femmes aux hommes au sein de la famille, elles n’ont donc aucun droit de s’y exprimer.

Un autre sujet qui ressort le plus est l’ éducation des enfants . Ils ont assuré que dans les écoles une mentalité s’obtient encadrée par les valeurs bourgeoises par ce que il était essentiel que l’éducation donnât un tour total en promouvant une école pour la liberté. Dans le domaine de l’éducation, ils ont également revendiqué la nécessité de l’éducation sexuelle, soulevant des problèmes jusqu’alors tabous tels que les méthodes contraceptives ou l’avortement.

Comme avec presque tous les groupes révolutionnaires, la répression pendant la guerre par les troupes franquistes fut colossale. Plus avec des groupes de femmes comme celui-ci qui posait un double danger en ne se battant pas seulement pour l’émancipation de la classe ouvrière, mais aussi pour l’ émancipation des femmes .

Il semble impossible de documenter le nombre exact de femmes qui ont subi l’apaisement de la torture, des assassinats, des disparitions et des violences sexuelles . Mais nous savons que, comme la majorité des miliciens et des militants, les membres de Mujeres Libres ont fini en prison , en exil ou, dans le meilleur des cas, soumis à un silence absolu, niant avoir participé à cette organisation.. Ni de l’étranger ils ont réussi à maintenir des structures organisées dans la clandestinité, donc à trois ans, en 1939, Mujeres Libres a fini par se dissoudre. Bien qu’ils aient conservé un héritage: « a créé un grand désir chez les femmes de la liberté en chacun de nous », explique Ruíz Roa. Et, comme le souligne Thiago, « il faut connaître l’histoire de ces femmes pour pouvoir questionner le machisme ».

24/12/2017 – BEATRIZ ASUAR GALLEGO- Publico

Soirée conviviale

Pour marquer la fin de l’année 2017 et passer à celle de 2018 pour laquelle de nombreux projets sont en route, nous vous proposons une soirée conviviale qui a lieu :


VENDREDI 15 DECEMBRE à partir de 18 heures

Salle de la Medaille à St Pierre des Corps.

Nos estomacs se régaleront des divers mets et boissons que chacun d’entre vous apportera comme nous avons l’habitude de le faire.

Vos familles et amis sont les bienvenus. Nous les accueillerons avec plaisirs.

Pour tout renseignements nous restons disponible.

-Retirada 37, comme plusieurs autres associations a souhaité transmettre la pétition  » Vérité, Justice, Réparation « . Toutes les personnes étant d’accord avec cette démarche peuvent la signer et la faire signer autour d’eux.
Cette initiative existe depuis plusieurs années et toutes les signatures sont adressées aux autorités espagnoles.

Merci de transmettre les documents à Mme Carino Lopez Mar-y-Luz 12 Les Briquions 37600 FERRIERE sur BEAULIEU jusqu’ à la date limite du 15 Décembre.


« VERITE, JUSTICE, REPARATION »

Pour que soient reconnus, jugés et condamnés les crimes du franquisme.

Il y a quatre vingt un ans, un groupe de généraux factieux, alliés aux financiers, gros industriels et grands propriétaires terriens et soutenus par les dictatures nazie, fasciste et salazariste, se soulevait contre la Seconde République espagnole, pouvoir légitime, démocratiquement élu et espoir de tout un peuple.

Au terme de trois années d’une guerre impitoyable, le général Franco établissait un régime dictatorial qui devait durer trente six ans.

Certes, depuis 1978, la démocratie a été rétablie en Espagne. Mais quarante deux ans après la mort de Franco, les crimes du franquisme restent encore impunis grâce à des artifices légaux tels que la loi d’amnistie d’octobre 1977 (adoptée pendant la période dite de « transition ») qui protège juridiquement les responsables du régime franquiste de la commission de crimes contre l’humanité. En 2007, ce cadre d’impunité était complété par la « loi sur la mémoire historique » qui n’accordait que le droit à la mémoire individuelle et familiale mais non la reconnaissance par l’Etat des crimes de la dictature.

Les crimes commis contre des populations civiles par le franquisme (régime qualifié de « fasciste » par l’assemblée générale de l’O.N.U. dans sa résolution n° 39 du 12 décembre 1946) sont historiquement et juridiquement incontestables :

– on estime qu’entre 130 000 et 150 000 républicains espagnols ont été assassinés entre 1936 et 1945;

– des dizaines de milliers d’autres, hommes et femmes, parfois des enfants, ont connu les camps de concentration, la prison, les humiliations, la torture, les travaux forcés, la mort;

– jusque dans les années 1970, des dizaines de milliers d’enfants ont été volés à leurs mères pour être remis à des familles franquistes;

– il reste encore, à ce jour, plus de 115 000 républicains dans des milliers de fosses communes, pour beaucoup encore non identifiées.

Jusqu’aux derniers mois de la dictature, des opposants au régime ont été garrotés, exécutés.

En dépit des efforts d’un juge espagnol, Baltazar Garzon, pour faire reconnaître ces crimes comme des crimes contre l’humanité, les gouvernements et la justice espagnols n’ont rien fait pour qu’ils soient jugés et condamnés et le juge a été démis de ses fonctions.

Des familles espagnoles ont dû faire appel à la justice argentine afin que des procès puissent être ouverts contre d’anciens responsables franquistes.

En accord avec les associations espagnoles qui luttent pour que ces crimes soient reconnus et jugés et au nom des citoyens français qui ont eu un proche assassiné par le régime franquiste ( familles des Brigadistes internationaux et d’exilés espagnols), les soussignés réclament :

* l’abrogation de la loi d’amnistie de 1977 dans les alinéas qui permettent l’impunité des crimes franquistes;

* la ratification de la « Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité »;

* la création d’une Commission de la Vérité sur les crimes du franquisme auprès du Parlement espagnol;

* la localisation et la judiciarisation de toutes les fosses communes du franquisme, déclarant par la loi la responsabilité directe et inéluctable de l’Etat espagnol en ce qui concerne leur exhumation;

* la reconnaissance comme un problème d’Etat du vol massif et systématique de bébés , pendant des décennies et sur tout le territoire espagnol depuis 1936, la poursuite et le jugement des personnes coupables de ce crime qui doit être considéré comme un crime contre l’humanité;

* le retrait de la symbolique franquiste des espaces publics et privés et l’annulation des commémorations et des titres de reconnaissance aux personnes liées au régime franquiste en application de l’article 15 alinéa 1 de la loi de la mémoire historique du 26 décembre 2007.

Afin que »VERITE, JUSTICE, REPARATION »soient faites.
« L’avenir ne peut se construire en tournant le dos au passé ».

Nom

Prénom

Adresse

Signature

Pour un 11 novembre antimilitariste !

Rejetons les cérémonies des militaristes et impérialistes français et allemands qui ont
conduit au massacre de 10 millions de paysans et d’ouvriers. Aujourd’hui ils font la
guerre aux pauvres et aux libertés. Comme en témoigne le renforcement des lois antiterroristes
qui réduisent nos libertés. Combattons la propagande militariste surtout en ces
temps de lutte sociale !

Selon une instruction interministérielle de mai 2010, le ministère de la Défense prévoit de
déployer dans le cadre d’un plan spécial 10 000 militaires sur l’hexagone en « cas de crise
majeure ». Le SGDSN (Secrétaire Général à Défense et la Sécurité Nationale) dans la
revue Armées d’octobre 2010, définissant un « cas de crise majeure » comme « Un événement
– pandémie, attaque terroriste, catastrophe, crise d’ordre public – dont la gravité et
la portée conduisent les autorités gouvernementales à activer le dispositif interministé-
riel ».

En France, le business des marchands de canons ne cesse de prospérer : le quinquennat
Hollande a vu les livraisons d’armements français augmenter de près de 45%, à 8,3 milliards
d’euros en 2016, selon une étude du ministère de la défense. La France pourrait
même dépasser la Russie en 2018 !

Nous ne pouvons tolérer cette politique militariste !
Disons le haut et fort samedi 11 novembre, 10h30, parvis
de l’université François Rabelais, rue des Tanneurs, à Tours.

Rappelons que la France est toujours un pays en guerre !
Pour un 11 novembre antimilitariste !

Premiers signataires : SUD/SOLIDAIRES 37, Les Amis de Demain le Grand Soir, Alternative
Libertaire 37, Retirada 37…

L’exil des Anarchistes espagnols en Algérie.

Un aspect moins connu de la retirada, par Miguel Martinez.

Le 19 mars 1939, la victoire des troupes franquistes obligea mon père à fuir l’Espagne. Il était suivi par sa compagne et ses deux fils , fait exceptionnel puisque l’immense majorité des fugitifs avaient été forcés de partir seuls, obéissant par là à des consignes syndicales ou, plus rarement, à des motivations personnelles.

J’avais alors sept ans. La guerre qui se terminait avec la défaite des anti-franquistes s’estompe pour moi sur la toile de fond de mon enfance. Je ne garde en mémoire que quelques fulgurants éclats. Par contre, j’ai vécu le long exil qui s’en est suivi, entouré, tout le temps de mon enfance et de ma prime jeunesse, de compagnons qui avaient eux aussi débarqué d’un chalutier de fortune en mars 1939 à Oran, port colonial français à l’époque.

Avec le débarquement commence pour nous l’exil. La police française nous attendait sur le quai. Nous nous voyons traités, non pas comme des combattants contre des régimes fascistes, mais comme de vulgaires criminels. Nous sommes soumis à la fouille pour être répartis dans des camps de concentration, desquels certains ne devaient plus revenir. Colomb-Béchar, Boghar, Djelfa ne furent pas autre chose que des centres disciplinaires. Mon père resta six mois à Boghari, au bout desquels il fut transféré à Carnot où l’attendaient, depuis leur sortie de la prison d’Oran, sa femme et ses deux enfants. Carnot était un camp de regroupement familial qui, il faut le dire, n’avait rien de comparable avec ceux de sinistre mémoire évoqués plus haut. Mon père ayant fini par décrocher un certificat de travail chez un coiffeur d’Orléanville, on nous laissa sortir de Carnot, après un séjour forcé de plus d’un an. Fuyant le paludisme qui sévissait dans la plaine du Chéliff, nous rejoignîmes dans la capitale, Alger, une pléiade de compagnons qui s’y étaient également réfugiés.

C’est à Alger que j’ai grandi. Que j’ai partagé la vie des exilés, mes aînés, en butte aux difficultés de toute sorte réservés aux étrangers, et animés par un seul espoir : celui du retour en Espagne une fois celle-ci débarrassée de Franco. Cette espèce d’obsession expliquerait à elle seule leur mise à l’écart, en tant que groupe culturel, des évènements qui vont marquer l’histoire de l’Algérie. Mais il existe aussi des raisons d’ordre idéologique qui ont motivé l’indiscutable distanciation (des libertaires tout au moins) vis à vis d’une terre considéré par eux, jusqu’à la fin, comme uniquement de passage, et de ses habitants.

En effet, lorsqu’en novembre 1954 éclate, violente, la révolte des colonisés contre leurs colonisateurs, il s’ensuivra une guerre féroce de sept ans. Au cours de laquelle le terrorisme et sa suite de deuils, de haines et de désirs de vengeance seront érigés en pratique courante. Les libertaires  » réfugiés espagnols  » ne s’impliqueront pas dans le conflit, bien qu’ils considèrent dès le départ avec sympathie le fait que les opprimés aient fini par se rebeller contre le pouvoir colonial. Mais il conçoivent mal que leur lutte se limite à l’indépendance nationale pour créer un état algérien. Au cours des rares contacts avec les responsables locaux du Front de Libération, les compagnons s’efforcent de les convaincre que leur peuple n’aura fait alors que changer de maître, substituer l’exploiteur français par un homologue algérien. Ils critiquent également la complaisance avec laquelle le Mouvement traîne derrière soi le boulet de la religion musulmane. Et désapprouvent de surcroît la tactique adoptée par les rebelles, celle de l’attentat terroriste en tant que pratique de combat, ce qui les conduira à supprimer plus d’un de nos compagnons sous prétexte qu’il s’agissait d’un  » roumi « , d’un européen parmi tant d’autres. Expression d’une conduite bassement raciste, inhumaine, comme celle qui anime leurs adversaires colonialistes. Bref, les libertaires espagnols ne découvrent pas dans cette lutte le moindre objectif capable de les mobiliser. En Espagne, ils s’étaient battus pour en finir avec la société capitaliste et instaurer un régime de justice exemplaire pour tous les peuples de la terre.

D’autre part, dans l’hypothèse où ils auraient décidé malgré tout d’apporter leur aide d’une quelconque manière à l’insurrection, il s’agissait d’Espagnols, c’est-à-dire d’étrangers pour qui se mêler de la politique intérieure du gouvernement français restait absolument interdit. Enfreindre cette consigne revenait à commettre un délit d’ingérence, ce qui aurait mis en péril leur statut de résident privilégié leur donnant le droit de continuer à vivre en Algérie, autrement en dit en France.

Enfin, dernier mais incontestable facteur de désengagement envers le mouvement insurrectionnel, le fait déjà souligné que leur unique préoccupation restait le retour en Espagne. Après vingt années passées en exil, une illusion toujours vivace les poussait à consacrer tous leurs efforts à la réalisation de ce projet.

Tout cela explique sans doute qu’on ne trouve pas d’histoire de la guerre d’Algérie, à ma connaissance tout au moins, où soit mentionnée l’existence des réfugiés espagnols, ni envisagée leur attitude face aux événements algériens. Ceci n’implique pas pour autant qu’il faille les confondre avec la masse des  » Français d’Algérie  » ? difficilement admissible, s’agissant de  » réfugiés espagnols  » ? ni les assimiler à celle des pieds noirs . Car, si pour les raisons avancées, les libertaires n’ont pas adhéré à la cause de l’Algérie algérienne, il est également exact qu’ils ont opposé une résistance active aux agissements criminels de l’Organisation Armée Secrète. Certains au péril de leur vie, comme ce fut le cas pour le camarade Suria qui vendait la presse anarchiste dans un bar de Bab-el-Oued : il fut assassiné par les sbires de l’OAS et ses restes furent abandonnés dans un sac avec l’inscription  » ainsi finissent les traîtres « . Mais là encore, pour les libertaires, s’opposer à l’OAS qui avait trouvé des appuis en Espagne revenait à combattre le franquisme, et certainement pas à participer à la lutte de libération nationale du peuple algérien. Même s’il est d’autre part exact qu’ils ont toujours manifesté dans l’ensemble une franche hostilité à l’égard de la population coloniale, considérée par eux comme politiquement réactionnaire, leur attitude fut celle de la non-intervention. Cette lutte n’était pas la leur. Ni pro-Algérie française ni pro-Algérie algérienne.

Après la déclaration d’indépendance (accords d’Evian en 1962) la grande majorité des  » réfugiés espagnols en Algérie « choisit de s’exiler à nouveau en métropole.
En ce qui me concerne, ayant acquis la nationalité française, devenu instituteur, je suis resté en Algérie au titre de la coopération. Ce qui m’a permis d’assister à la naissance de l’état algérien, et de vérifier la justesse des analyses formulées jadis par les compagnons libertaires. Le peuple fellah de la Mitidja, ouvriers de Belcourt ou de Bab-el-Oued, adoraient toujours Allah, et connaissaient de nouveaux maîtres. Sauf que les uns et les autres étaient à présent citoyens d’une Algérie devenue algérienne.

Le Groupe des Amis de Durruti ( 1937 )

La salve d’honneur de la CNT ?

« Pour battre Franco, il fallait d’abord battre Companys et Caballero. Pour vaincre le fascisme, il fallait d’abord écraser la bourgeoisie et ses alliés staliniens et socialiste. Il fallait détruire de fond en comble l’Etat capitaliste et instaurer un pouvoir ouvrier surgi des comités de base des travailleurs. L’apolitisme anarchiste a échoué … » (Manifeste d’Union Communiste, juin 1937, in Bilan 10/18. Un extrait est aussi reproduit dans Lorenzo page 270, note 32.)

Au travers de ces quelques morceaux du livre d’Agustín Guillamón,  » Barricades à Barcelone « , nous saluons la résistance de la base anarchiste, de tous ceux qui continuèrent jusqu’au bout à marcher vers un monde meilleur.

Sam

Extraits :

« La Agrupación de los Amigos de Durruti est une organisation anarchiste fondée en mars 1937. Ses membres étaient des miliciens de la colonne Durruti opposés à la militarisation et des anarchistes critiques vis-à-vis de la CNT qui collabora au gouvernement central républicain et à celui de la Généralité.

En octobre 1936, le décret de militarisation des milices populaires provoqua un énorme mécontentement parmi les miliciens anarchistes de la colonne Durruti et sur le front d’Aragon. Après de longues discussions enflammées, en mars 1937, plusieurs centaines de miliciens volontaires, établis dans le secteur de Gelsa, décidèrent d’abandonner le front et de retourner à l’arrière. […] Une fois à Barcelone, avec d’autres anarchistes (défenseurs de la continuité et de l’approfondissement de la révolution de juillet et opposés au collaborationnisme confédéral avec le gouvernement), les miliciens de Gelsa décidèrent de constituer une organisation anarchiste, distincte de la FAI, de la CNT ou des Jeunesses libertaires, ayant pour mission de canaliser le mouvement anarchiste dans la voie révolutionnaire. […] C’est le comité directeur de cette nouvelle organisation qui décida de l’appeler Agrupación de los Amigos de Durruti, nom qui d’une part faisait allusion à l’origine commune des ex-miliciens de la colonne Durruti, et qui d’autre part, comme le disait très bien Balius, ne faisait référence aucunement à la pensée de Durruti, mais à sa mythification populaire.

Le siège central du Groupe était situé sur les Ramblas, à l’angle de la rue Hospital. Le nombre de ses membres augmenta très rapidement et de façon considérable. Avant mai 1937, il y eut entre 4 000 et 5 000 cartes d’adhésion au Groupe. […] La croissance du Groupe était due au mécontentement d’un large secteur du militantisme anarchiste par rapport à la politique défaillante de la CNT. Un autre facteur qui la favorisa avait été la lutte engagée contre l’application du décret de collectivisation, (…), par lesquels le gouvernement de la Généralité prétendait contrôler et diriger toutes les entreprises catalanes en les soumettant à un plan économique d’Etat très rigide. […] Les ouvriers de l’industrie convoquèrent de nombreuses assemblées dans les usines à Barcelone entre le mois de janvier et le mois de juillet 1937. Ces assemblées posaient la question, de façon plus ou moins claire et précise, de l’opposition entre socialisation et collectivisation, et débattaient du problème très grave de la baisse du pouvoir d’achat et des difficultés d’approvisionnement en aliment et en produits de première nécessité. Ces assemblées étaient souvent menacées par un fort dispositif policier. […]

Le Groupe déploya une activité frénétique, prit de nombreuses initiatives. Depuis sa constitution formelle, le 17 mars, jusqu’au 3 mai, il organisa plusieurs meetings (au théâtre Poliorama le 18 avril et au théâtre Goya le 2 mai), distribua plusieurs brochures et plusieurs tracts, sabota l’intervention de Federica Monstseny au meeting des arènes de la Monumental le 11 avril et tapissa les murs de Barcelone d’affiches qui expliquaient son programme. […]

Les porte-parole des Amis de Durruti les plus en vue furent Jaime Balius et Pablo Ruiz. Le dimanche 18 avril, le Groupe convoqua un meeting au théâtre Poliorama pour présenter son programme et pour se faire connaître publiquement comme organisation. Au meeting intervinrent Jaime Balius, Pablo Ruiz (délégué du groupe de Gelsa de la colonne Durruti), Francisco Pellicer (du syndicat de l’alimentation) et Francisco Carreňo (membre du Comité de guerre de la colonne Durruti). Le meeting fut un succès et les concepts exprimés par les orateurs furent largement applaudis. […]

Ils exposèrent leur programme par une affiche dont ils tapissèrent les murs de Barcelone à la fin du mois d’avril 1937. Sur ces affiches, ils affirmaient, avant que ne se produise l’insurrection de mai, la nécessité de remplacer le gouvernement bourgeois de la Généralité de Catalogne par une Junte révolutionnaire. On pouvait y lire :

« Agrupación de Los Amigos de Durruti. A la classe travailleuse :

1 – Constitution immédiate d’une Junte révolutionnaire formée par les ouvriers de la ville, de la campagne et par les combattants.

2 – Salaire familial. Carte de rationnement. Direction de l’économie et contrôle de la distribution par les syndicats.

3 – Liquidation de la contre-révolution.

4 – Création d’une armée révolutionnaire.

5 – Contrôle absolu de l’ordre public par la classe travailleuse.

6 – Opposition ferme à tout armistice.

7 – Justice prolétarienne.

8 – Abolition des échanges de personnalité. [N.D.T. : Echange entre Franco et la République de prisonniers antifascistes contre des prisonniers fascistes.]

Travailleurs, attention ! Notre regroupement s’oppose à l’avancée de la contre-révolution. Les décrets sur l’ordre public, soutenus par Aiguadé, ne seront pas appliqués. Nous exigeons la liberté de Maroto et des autres camarades déténus.

Tout le pouvoir à la classe travailleuse.

Tout le pouvoir économique aux syndicats.

Contre la Généralité, la Junte révolutionnaire. »

[…] Le programme politique exprimé par cette affiche, juste avant les Journées de mai, étaient sans nul doute le plus avancé et le plus lucide de tous ceux des groupes prolétariens existants, et faisait des Amis de Durruti l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat espagnol dans cette situation critique et décisive. Et c’est ce que reconnurent alors alors le POUM et la Sección bolchevique-leninista de Espaňa (SBLE) [Section espagnole de la IV° Internationale, dirigée par Manuel Fernández-Grandizo, dit Munis.]

Companys était décidé à casser une politique, toujours plus compliquée, de pacte avec la CNT et pensa que l’heure était arrivée, grâce à l’appui du PSUC et des Soviétiques, d’imposer par la force l’autorité et les décisions d’un gouvernement de la Généralité qui, comme les faits le démontrèrent, n’était pas encore assez puissant pour cesser de négocier avec la CNT. […] Pendant que les ouvriers luttaient les armes à la main, les Amis de Durruti essayèrent de les diriger et de les doter d’un objectif révolutionnaire. Mais ils rencontrèrent vite leurs limites. Ils critiquèrent les dirigeants de la CNT, qu’ils traitèrent même de traîtres, dans le manifeste du 8 mai, mais ils ne surent pas contrer leurs appels à abandonner les barricades. Ils ne se proposèrent pas non plus de déborder la direction confédérale, qui voulut stopper nette l’insurrection initiée par les comités de défense, lorsque les premiers matadors, comme Garcia Oliver, Federica Montseny et Abad de Santillan, essayèrent d’éteindre le feu. […] D’autre part, le Groupe était jeune, sans expérience et ne jouissait d’aucun prestige au sein de la masse confédérale.

[…] Le mercredi 5 mai, les Amis de Durruti distribuèrent sur les barricades le tract qui les rendit célèbre et qui disait :

« CNT – FAI Agrupación de Los Amigos de Durruti.

TRAVAILLEURS ! Une junte révolutionnaire. Exécution des coupables. Désarmement de tous les corps armés. Socialisation de l’économie. Dissolution des partis politiques qui ont agressé la classe des travailleurs. Ne cédons pas la rue. La révolution avant tout. Nous saluons nos camarades du POUM qui ont fraternisé dans la rue avec nous. VIVE LA REVOLUTION SOCIALE ! A BAS LA CONTRE-REVOLUTION ! »

Mais les discours radiophoniques des ministres et autres chefaillons anarchistes eurent un énorme pouvoir démobilisateur. […] Le jeudi 6 mai, les militants de la CNT, pour prouver leur bonne volonté et obtenir l’apaisement de la ville, abandonnèrent l’immeuble du central téléphonique, origine du conflit, qui fut immédiatement occupé par les forces de police, qui assurèrent la sécurité des militants de l’UGT à leurs postes de travail, afin que l’activité du service téléphonique [« Il est important de comprendre ce que signifiait la Telefónica aux yeux des ouvriers de Barcelone et pourquoi tant de mensonges grouillent autour de cet immeuble. C’est que ce bâtiment admirablement situé a été en quelque sorte l’axe de combat entre les militaires soulevés et les ouvriers de la ville à partir du 19 juillet. Les factieux qui l’avaient occupé donnèrent aux ouvriers l’ordre de couper les communications des centres de résistance ouvriers. Les techniciens avaient fait mine d’obtempérer, mais avaient en réalité coupé les relations entre les quartiers généraux des militaires soulevés (Capitania General, Comandancia Militar) et les différentes casernes. Sa prise avait été le signe de la victoire ouvrière et il avait été immédiatement placé sous le contrôle effectif – surveillance et écoute des communications – d’un comité CNT-UGT. […] Rien n’est plus instructif à cet égard que les récriminations des hommes politiques à propos du contrôle de leurs communications : elles émanent d’hommes pour qui n’existe qu’un seul pouvoir légitime : le leur. Joan Comorera l’exprime avec une franchise presque désarmante : « Tous les contrôle intérieurs de la Telefónica étaient au service, non de la collectivité, mais d’une organisation : ni le président Azaňa, ni le président Companys, ni personne ne pouvaient parler sans que l’oreille du contrôleur sache ce qu’ils disaient. Les ouvriers de la CNT, la classe ouvrière barcelonaise en général, considèrent de leur côté que le contrôle des conversations par eux est une conquête révolutionnaire et la reconnaissance de leur droit au pouvoir. […] Treball le reconnaît de façon tout à fait explicite quand il titre « Pas de dualité de pouvoirs » le discours de justification de Comorera sur mai. C’est bien la question du pouvoir qui était posée. » in Staline et la révolution, pages 240-241.] reprenne en toute normalité.

[…] Lorsque l’on sut que partait de Valence un contingent de troupes pour pacifier Barcelone, Balius proposa de constituer une colonne confédérale qui aille à sa rencontre. Formée à Barcelone, la colonne grossirait en chemin en comptant sur l’incorporation de nombreux miliciens du front d’Aragon : « On pouvait arriver jusqu’à Valence, et ensuite prendre le ciel d’assaut … ! » Des commissions se formèrent pour consulter les militants dans les syndicats et dans la rue, mais la proposition n’eut aucune répercussion. Elle était déjà totalement irréelle. Le vendredi 7 mai, à partir de 19 heures, les troupes de Valence défilèrent sur l’avenue Diagonal et le Paseo de Gracia. Quelques jours après, il ne restait plus que les barricades que le PSUC avait voulu conserver pour montrer et démontrer à tout le monde qui avait gagné.

[…] Le manifeste distribué le 8 mai par les Amis de Durruti, où apparaissait un bilan des Journées de mai, fut imprimé à l’imprimerie de La Batalla. Le Groupe, dénoncé par la CNT comme étant une organisation de provocateurs, n’avait pas d’imprimerie. Lorsqu’un milicien du POUM, Paradell, leader du Syndicat du commerce, connut la difficulté ainsi rencontrée par les Amis de Durruti, il en informa Josep Rebull, gérant de l’organe du POUM, qui, en accord avec le plus élémentaire devoir de solidarité révolutionnaire, sans consulter aucune instance supérieure du parti, mit l’imprimerie à la disposition des Amis.

[…] A aucun moment, mai 37 n’a été une insurrection ouvrière offensive et décidée, elle a été défensive et sans objectifs précis, même si se poursuivait le combat pour la socialisation contre la collectivisation et pour la défense des « conquêtes de Juillet. […] Une insurrection ouvrière vaincue peut ne pas abandonner les armes, mais elle ne peut espérer que la répression ne s’abattra pas sur les insurgés, comme ce fut le cas à partir du 16 juin. […] Le bilan de ces journées fut de 500 morts environ et de 1000 blessés. ».

D’un point de vue théorique, le rôle du Groupe des Amis de Durruti fut beaucoup plus remarquable après les Journées de mai, lorsqu’ils commencèrent à publier leur organe, qui emprunta le nom du journal publié par Marat au cours de la Révolution française : El Amigo del Pueblo (l’ami du peuple). La direction de la CNT proposa l’expulsion des membres du Groupe des Amis de Durruti, mais ne réussit jamais à ce que cette mesure fût ratifiée par une assemblée des syndicats. Le premier numéro d’El Amigo del Pueblo fut publié légalement le 19 mai avec des parties totalement censurées. La couverture de grand format en noir et rouge reproduisait un dessin où apparaissait un Durruti souriant, brandissant le drapeau noir et rouge. […] Pour éviter la censure, à partir du deuxième numéro, El Amigo del Pueblo fut édité clandestinement. Le numéro 5 est l’un des plus intéressants. En première page apparaît un article intitulé Una teoría revolucionaria. […] Dans cet éditorial, les Amis de Durruti attribuaient la montée de la contre-révolution et l’échec de la CNT, après son triomphe irréfutable et absolu en juillet 36, à une seule raison : l’absence de programme révolutionnaire, cause également de la défaite de mai 37. La conclusion à laquelle ils étaient arrivés est exprimée de façon très limpide :

« La trajectoire descendante [de la révolution] doit être exclusivement attribuée à l’inexistence d’un programme concret et au manque de réalisations immédiates. A cause de cela, nous sommes tombés dans les filets des secteurs contre-révolutionnaires juste au moment où les circonstances devenaient nettement favorables au couronnement des aspirations du prolétariat. Parce que nous n’avons pas laissé libre cours à l’éveil de Juillet, dans un sens clairement classiste, nous avons permis une domination bourgeoise qui n’aurait pas pu s’imposer si dans les milieux confédéraux et anarchistes avait prévalu la décision unanime de consolider le pouvoir du prolétariat à la direction du pays. […] en étant assez niais pour croire que le cœur d’une révolution à caractère social pouvait partager ses battements économiques et sociaux avec l’ennemi. […] En mai 37 s’est posé le même problème. A nouveau, la question de la direction de la révolution a été ignorée. Mais ceux qui étaient effrayés en juillet 36 par le danger d’une intervention étrangère tombèrent à nouveau durant les Journées de mai dans ce manque de vision qui aboutit au « cessez-le-feu » fatidique, qui plus tard s’est traduit, malgré la trêve convenue, à la poursuite du désarmement et à la répression impitoyable de la classe ouvrière. […] Il fallait écraser les partis petits-bourgeois en juillet et en mai. Nous pensons que n’importe quel secteur, s’il avait eu la majorité absolue que nous avions, se serait érigé en maître absolu de la situation. Dans le numéro antérieur de notre publication nous précisions un programme. Nous affirmions le besoin d’une junte révolutionnaire, de la prépondérance des syndicats dans le domaine économique et d’une restructuration libre des municipalités. […] La victoire dépend de l’existence d’un programme qui doit être appuyé, sans hésitation, par les fusils […]. Sans théorie, les révolutions ne peuvent aller de l’avant. Nous, Amis de Durruti, avons esquissé notre pensée, pouvant être l’objet de retouches appropriées aux grandes secousses sociales, qui se fonde sur deux points essentiels qui ne peuvent être éludés : un programme et des fusils. »

[…] Le numéro 12 d’El Amigo del Pueblo, daté du 1er février 1938, a été le dernier numéro de l’organe du Groupe des Amis de Durruti.

La brochure Hacia una nueva revolución fut éditée clandestinement en janvier 1938, bien que Balius ait commencé à la rédiger vers le mois de novembre 1937. […] Il est intéressant de souligner l’analyse profonde que les Amis de Durruti faisaient de la révolution du 19 juillet 1936 : « C’est le peuple qui s’est procuré les armes. Il les a gagnées. Il les a conquises de toutes ses forces. Personne ne les lui a données. Ni le gouvernement de la République, ni la Généralité n’ont donné un seul fusil. […] L’immense majorité des travailleurs était du côté de la CNT. La Confédération était l’organisation majoritaire en Catalogne. Que s’est-il passé pour que la CNT ne fasse pas la révolution qui était celle du peuple, celle de la majorité du prolétariat. […] Nous n’avions pas de programme correct. Nous ne savions pas où nous allions. Un grand enthousiasme, mais en fin de compte nous n’avons su que faire avec ces énormes masses de travailleurs, nous n’avons pas su concrétiser cette vague populaire qui s’en remettait à nos organisations … »

[…] « Lorsqu’une organisation a passé toute sa vie à défendre la révolution sociale, elle a l’obligation de la faire lorsque précisément l’occasion s’en présente. En juillet, la conjoncture y était favorable. La CNT devait se jucher jusqu’au sommet de la direction du pays, en donnant des coups de pieds qui en auraient fini avec tout ce qui était archaïque, avec tout ce qui était vétuste, et ainsi nous aurions gagné la guerre et nous aurions gagné la révolution. Mais c’est tout le contraire qui se produisit. C’est la collaboration avec la bourgeoisie dans les sphères étatiques qui fut choisie, au moment précis où l’Etat éclatait en mille morceaux. Cela fortifia Companys et sa suite. Un ballon d’oxygène fut apporté à une bourgeoisie anémique et terrifiée. […] D’autre part, nous affirmons que les révolutions sont totalitaires, et que beaucoup pensent le contraire n’y change rien. Ce qui se passe, c’est que divers aspects de la révolution se concrétisent peu à peu, mais avec la garantie que c’est la classe qui représente l’ordre nouveau qui en porte la plus grande responsabilité. Et lorsqu’on fait les choses à moitié, il se produit ce que nous venons de dire, le désastre de Juillet. En juillet s’est constitué un Comité des milices antifascistes. Ce n’était pas un organisme de classe. En son sein étaient représentées les fractions bourgeoises et contre-révolutionnaires. Il semblait que ce Comité s’était dressé face à la Généralité. Mais ce n’était que du vent. »

Source :

— Pages 109 à 156 de l’excellent livre de Agustín Guillamón : Barricades à Barcelone aux Editions Spartacus (2009). Profitons aussi de l’occasion pour remercier les membres des Amis de Spartacus qui depuis des années, avec une magnifique constance, proposent de bons textes variés !

Bibliographie complémentaire :

— A Contretemps, D’une Espagne rouge et noire – Entretiens avec Diego Abad de Santillán, Félix Carrasquer, Juan García Oliver et José Peirats, Les Editions Libertaires 2009 [Cf. les pages 64/ 68 – 88/ 89 – 155/ 174 – 208/ 216] ;

— ALBA Victor, Histoire du POUM, Ivrea, 2000, Cf. les pages 275-306 ;

— AMOROS Miguel, La Revolución traicionada : la verdadera historia de Balius y Los Amigos de Durruti, Virus editorial, Barcelone, 2003 ; José Pellicer, el anarquista integro, Virus, 2009 ;

— BROUÉ Pierre, Staline et la révolution – Le cas espagnol, Fayard, 1993 ;

— CCI, Les Amis de Durruti : leçons d’une rupture incomplète avec l’anarchisme ;

— CHRIST Michel, Le POUM – Histoire d’un parti révolutionnaire espagnol (1935-1952), L’Harmattan, 2006 ; Cf. pages 16 à 19 puis 37 et les nombreuses notices biographiques des staliniens, du POUM, du PSOE/ UGT et des anarchistes ;

— CHURCHILL Winston, Journal politique – 1936-1939, Tallandier, 2010 ;

— GODICHEAU François, Militer pour survivre – Lettres d’anarchistes français emprisonnés à Barcelone (1937-1938) :

« La persécution soufferte par le POUM est relativement connue (le parti est dissout, ses locaux fermés, ses journaux interdits, plusieurs centaines de militants emprisonnés, des dirigeants inculpés de haute trahison), le martyr de son dirigeant Andrés Nin, mort aux mains du NKVD, la police politique soviétique, en est le symbole. Le vaste mouvement d’arrestations qui jette en prison des milliers de libertaires entre mai 1937 et août 1938 est en revanche fréquemment oublié ; il touche le plus souvent de simples militants, des activistes des campagnes, des quartiers de Barcelone ou des miliciens de retour du front. Parmi eux, quelques centaines de militants étrangers venus s’engager dans les colonnes anarchistes ou dans la colonne du POUM, anarchistes français, italiens, allemands, communistes oppositionnels de tous les pays. Les lettres de Danon et de Kaplan, retrouvées à l’Institut International d’Histoire Sociale (IISH) d’Amsterdam, font partie d’un ensemble plus vaste de correspondance de ces « prisonniers antifascistes », ainsi qu’ils s’appelaient eux-mêmes, lettres collectives et individuelles, écrites depuis diverses prisons catalanes et aragonaises, et qui constituent une documentation précieuse à plus d’un titre. Elles sont une voix originale dans le concert politique de l’arrière républicain ; elles contribuent toutes à l’expression d’un courant politique qui ne prend quasiment jamais la parole de façon directe. Contre le cours des événements politiques, contre la remise en cause de la révolution de juillet 1936, elles parlent aussi contre les comités de la CNT, et contre la Commission juridique chargée par celle-ci de les défendre. Elles sont une voix qui n’est pas passée au tamis de l’organisation et de la discipline politique. » ;

— LORENZO César, Les anarchistes espagnols et le pouvoir, Seuil, 1969 ; Cf. pages 268-270 : « Un certain nombre d’anarchistes s’engagèrent à fond aux côtés du POUM et surtout de l’aile gauche de ce parti (la section bolcheviste-léniniste que pilotait le trotskyste G. Munis et dont le journal s’intitulait La Voz leninista) […] Les « Amis de Durruti » étaient en fait des anarchistes bolchevisés. […] démagogues obscurs, n’hésitaient pas dans un moment de surexcitation, de dépit violent, à l’affronter [la CNT] ouvertement en se mettant à la traîne du POUM. […] Si les « Amis de Durruti » eurent une audience fort limitée, ils n’en sont pas moins un exemple curieux de l’évolution de certains anarchistes face aux réalités politiques et à la collaboration de la CNT au gouvernement. » ;

— MUNIS Grandizo, Leçons d’une défaite, promesse d’une victoire, Editions Science Marxiste, 2007 ;

— NICOLAS Lazarevitch, A travers les révolutions espagnoles, Poche-Club « Changer la vie », 1972 ; Cf. pages 152-163 ;

— OLLIVIER Marcel et LANDAU Katia, Espagne – Les fossoyeurs de la révolution sociale, Spartacus, 1975 ; Cf. le récit complet « Les Journées sanglantes de Barcelone », pages 11-27 ;

— PECINA M. et MINTZ F., The Friends of Durruti, the Trotskyts and the May Events (manuscrit Hoover Institution, 88 pages dactylographiées in papiers Bolloten, note 9, page 304 du livre de Broué) ;

— VAN DAAL Julius, Le rêve en armes – Révolution et contre-révolution en Espagne 1936-37, Nautilus, 2001 ; Voir surtout les pages 84-85] ;

Faire vivre les mémoires et les valeurs des Républicains espagnols exilés

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