LES TAUPES

 

Torbado, Jesús, Leguineche, Manuel, Les Taupes, Paris, Balland, 1979, 310 p.

Traduit de l’espagnol [Los Topos, 1977].

 

Ce livre est un livre de témoignages. Une dizaine de témoignages, certains très détaillés, d’autre moins.

– Eulogio de Vega, ancien maire de Rueda (province de Ségovie) recherché par les phalangistes a alterné des cachettes pendant 28 ans, jusqu’en 1964 : dans un champ de maïs, trois ans dans une ferme, dans un puits (pendant plusieurs mois, jour et nuit, dans la galerie d’un puits)… il finit par revenir chez lui où il a passé de nombreuses années caché dans une chambre. Sa femme, devenue enceinte accouche loin de la maison familiale, chez sa sœur qui devient la mère adoptive. La mère biologique est appelée « ma tante ». Tombé malade, Eulogio a un besoin urgent de soins. Son épouse simule les symptômes au médecin afin d’obtenir des médicaments.

– Saturnino, de Ségovie a passé 34 ans dans le grenier de la maison familiale où il ne pouvait guerre s’asseoir ou se mettre debout. Il ne pouvait sortir, seulement un peu de ciel nocturne en dégageant quelques tuiles.

– un autre a passé près de 30 ans caché chez lui, mais lui peut sortir dans la cour et le jardin car la maison est entourée de murs.

– Manuel Serrano Ruiz, anarchiste, de Ciudad Real, s’est caché pendant 13 ans, la plupart du temps dans une chambre. Quand la garde civile se présente il se dissimule dans un trou creusé dans le sol que sa femme occulte avec une dalle.

– Miguelico « el perdiz », de Bailen (Jaén), grand braconnier, a passé la plus grande partie du temps dans la montagne à bivouaquer ou bien dans une grotte, parfois aussi hébergé dans des fermes amies.

……….

Point commun de ces reclus volontaires: la peur pour eux-mêmes et pour leurs proches. Durant toutes ces années, la garde civile fouille la maison à l’improviste, parfois plusieurs fois dans la même journée, on s’acharne sur leur famille pour leur faire avouer où la personne est cachée : passages à tabac, tortures, détention arbitraire jusqu’à plusieurs mois… Parfois  même des exécutions. La nécessité de discrétion est absolue, personne n’étant à l’abri d’une dénonciation… le prêtre, confesseur,  est souvent un indicateur de la police.

Autre point commun : hormis le braconnier, les autres sont entretenus par des tiers, la famille le plus souvent, parfois un ami. Ces personnes se chargent de les nourrir, de sortir les pots de chambre, de leur fournir lecture, occupation, petits travaux manuels si possible…
Malgré les différentes amnisties prononcées par Franco pendant toutes ces années, les gens se méfient car ceux qui se dévoilent sont emprisonnés, voire condamnés à mort. Celui qui a passé 12 ans caché avant d’être découvert a été condamné à 25 ans de prison, réduits à 7 ans pour bonne conduite… il a donc purgé 7 ans de prison après avoir été enterré vivant pendant 12 ans !

Ceux qui sont restés 30 ans sont sortis après la prescription générale pour les crimes commis pendant la guerre, prononcée en 1969. 1939 à 1969 : 30 ans. Et effectivement, après 1969, ils ont été bien traités : libérés, on leur a refait des papiers… une nouvelle vie ?

Des témoignages très émouvants.

 

 

Jesús Torbado est également l’auteur de « En el día de hoy », Premio Planeta 1976. Ce roman est un pastiche du communiqué de Franco déclarant la guerre terminée :

« En el día de hoy, cautivo y desarmado el ejército faccioso, han alcanzado las tropas republicanas sus últimos objetivos militares. La guerra ha terminado.

Madrid, 1 de abril de 1939. Manuel Azaña, Presidente de la República. »

Si seulement…

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