La tragédie des Brigades Internationales

À travers de poignantes archives, Patrick Rotman retrace l’histoire des trente-cinq mille volontaires venus du monde entier combattre le franquisme dans la guerre civile espagnole.

( Diffusé sur ARTE le 25 octobre 2016 ).

Pendant la guerre d’Espagne (1936-1939), des volontaires affluent du monde entier pour défendre la jeune République, menacée par le putsch de Franco, lui-même soutenu d’emblée par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ouvriers parisiens, tchèques et britanniques, dockers new-yorkais, mineurs polonais ou anglais, militants antifascistes allemands et italiens… : en tout, quelque trente-cinq mille hommes, venus d’une cinquantaine de pays, vont combattre, souvent en première ligne et sans aucune formation, dans des batailles de plus en plus désespérées. Ils répondent à l’appel lancé sous l’égide de Moscou par l’Internationale communiste, alors que les démocraties occidentales ont décidé de ne pas intervenir. Ils ont entendu aussi les plaidoyers d’André Malraux et de George Orwell, engagés dès la première heure, l’écrivain français à la tête d’une escadrille aérienne, l’Anglais au sein du Poum (Parti ouvrier unifié marxiste, antistalinien) . Ils ont peut-être vu aussi les clichés incroyables qu’un couple de jeunes photographes, Gerta Pohorylle et Endre Friedmann, alias Gerda Taro et Robert Capa, expédient jour après jour du front. Comme eux, les écrivains Ernest Hemingway, John Dos Passos, Gustave Regler ou le documentariste Joris Ivens vont aussi contribuer à exalter la résistance héroïque du peuple espagnol, face à une armée franquiste bien supérieure en nombre et surarmée, qui multiplie les massacres au fil de ses victoires. À leurs côtés, le correspondant de la Pravda, Mikhaïl Koltsov, informe aussi le NKVD…

Entre deux feux

Dès 1937, les Soviétiques, affirmant leur emprise sur le camp républicain, agissent en effet en Espagne comme à domicile, arrêtant, torturant, exécutant tous ceux qui s’opposent au stalinisme. Les militants anarchistes et libertaires, parmi lesquels figurent nombre de brigadistes, se retrouvent pris ainsi entre deux feux totalitaires. Restituant à la fois destins individuels et complexité historique, Patrick Rotman retrace ces trois années d’un combat perdu, dont les faits d’armes continuent de nourrir, aujourd’hui encore, le romantisme révolutionnaire. Un récit intense et détaillé, porté par de poignantes archives, dont nombre des images magnifiques de Robert Capa et de Gerda Taro, qui mourra avant la défaite finale, à 27 ans, écrasée accidentellement par un char républicain. « Quand je pense à la quantité de gens extraordinaires que j’ai connus et qui sont morts dans cette guerre, avait-elle écrit peu de temps auparavant, j’ai le sentiment absurde que ce n’est vraiment pas juste d’être encore en vie. »

2 réflexions sur « La tragédie des Brigades Internationales »

  1. Ne dit-on pas que l’Espagne a servi de laboratoire à la future Guerre qui se préparait en sourdine. N’oublions pas que Staline a signé le pacte germano-soviétique. De quels intérêts se préoccupait-il ? Et son « ami » Mikhaïl Koltsov n’en a t’il pas payé le prix, n’a t’il pas subi une purge à son retour en Union Soviétique ? Quel rôle a t’il réellement tenu en Espagne ? J’ai été effarée en regardant ce documentaire comment les staliniens ont pu massacrer le peuple espagnol. C’est certain que ce combat ne pouvait être victorieux malgré le courage des républicains de toutes sortes et les brigadistes, tous mal armés, non préparés…Pas facile de gagner une Révolution quand certains activistes extérieurs mettent des bâtons dans les roues !

  2. Selon l’historien Miguel Vázquez Liñán :

    « La Seconde Guerre mondiale se prépare, et pour l’URSS un allié fidèle comme l’Espagne sera d’un grand secours. La machine à propagande soviétique se mêt en marche, et fait affluer les publications, les films, la littérature qui vont diffuser dans la République espagnole le modèle de construction soviétique. Les envoyés spéciaux sont une pièce maitresse de ce réseau de propagande. Ilia Ehrenburg et Mikhail Koltsov, envoyés spéciaux respectivement des Izvestia et de la Pravda sont les 2 professionnels les plus réputés que l’URSS de Staline envoie dans l’Espagne en guerre.

    Koltsov est le journaliste le plus important : il est le plus lu en URSS, il a un contact direct avec le Kremlin, il joue un rôle politique capital. Il voyage sans entraves sur tout le territoire de la république, et tous ses compagnons l’appellent « le chef ». Il définit les objectifs de la propagande soviétique en Espagne, collabore avec la presse républicaine espagnole, délivre des laisser-passers, se pose en directeur de la censure, intervient dans les opérations militaires. Tous ceux qui l’ont approché sont d’accord : il est indéfectiblement fidèle à Staline, et sera son meilleur propagandiste. »

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