FRAGMENTS DE MÉMOIRE 1

Sont reproduits ici les textes qui ont été mis en voix par la Compagnie Cano López le 20 novembre 2015 au Plessis-Théâtres  à  La Riche (Indre-et-Loire).

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Mon camarade José

Mon camarade José, vieux militant du PSOE (Parti Socialiste Espagnol), et de la CGT, a dû demander la nationalité française pour lui, sa femme, et ses enfants dès 1974, juste avant la mort de Franco.

C’était pour avoir le droit  d’obtenir des bourses pour les études, car ils n’avaient pas les moyens d’y subvenir, sa femme et lui. José était maçon, et, aujourd’hui comme hier, les salaires sont vraiment insuffisants, dans le bâtiment. Et les retraites aussi. Et puis, cela ouvrait des portes pour les emplois futurs, y compris dans la fonction publique. « Mais ce n’était pas de gaité de cœur », m’a–t-il dit avec l’accent qu’il n’a jamais perdu.

Même avec sa carte d’identité, originaire de Galice, il n’a jamais pu dire qu’il était français. Dès que possible, il a demandé (et obtenu) la récupération de sa nationalité espagnole.

Il a toujours été dubitatif en ce qui concerne la loi sur la mémoire historique votée en 2007. C’est un amendement de cette loi qui permet aux enfants et petits-enfants d’exilés de réclamer la nationalité de leurs ascendants. L’amendement concerne les émigrants en général.

José pense que « la loi profitera surtout aux enfants des émigrés économiques d’Amérique du sud… Je ne sais pas pourquoi ils ont voulu mélanger ça avec le loi sur la mémoire historique ».

« Les républicains exilés se sont sentis trahis quand la démocratie, puis la gauche se sont installées au pouvoir en Espagne » … Ceux qui, comme José, se sont battus les armes à la main pour défendre la jeune république du « Frente Popular » contre les miliciens du Général Franco « ont trouvé bien longue la transition démocratique ».

Dans le pays, des rues, des places, des monuments évoquent toujours la période franquiste … « La volonté de ne pas raviver les tensions était peut-être juste ( ?) mais nous l’avons souvent vécu comme une humiliation supplémentaire. » a conclu José, l’air soucieux, les sourcils froncés.

Jean-Louis Bargès

Une réflexion sur « FRAGMENTS DE MÉMOIRE 1 »

  1. Bonsoir Jean-Louis, bien intéressante l’histoire de José. Figures-toi que mes parents ont adopté la nationalité française en 1960 pour permettre à leurs 8 enfants de pouvoir accéder à l’instruction grâce à des bourses. Ce n’est pas de gaieté de coeur qu’il l’a prise cette nationalité française, à l’époque nombre de ses amis espagnols lui disaient qu’il reniait sa patrie. Mon père n’était qu’un simple bûcheron qui est devenu ensuite manoeuvre en maçonnerie. Comme il est décédé une dizaine d’années avant Franco, il n’a jamais pu remettre un pied dans sa chère patrie ni reprendre la nationalité espagnole. Quant à nous, les enfants, il nous est impossible de l’obtenir pour cause de mauvaise transcription de son état civil en Touraine (en effet, mon père a été mal enregistré, son prénom est devenu son nom).

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