ESPAGNOLS EN BRETAGNE

APRES SEPTEMBRE 1939 – LA RESISTANCE ET LA LIBERATION

En fin de page un article sur  Ángel Rodríguez Leira alias Angel Cariño López personne chère à Mar-y-Luz, notre vice-présidente.

 

 

LE MUR DE L’ATLANTIQUE:

 

LA DEPORTATION

                

   Construction du Mur de l’Atlantique

 

La carrière de Mauthausen.

De septembre à décembre 1939, 1.307 réfugiés auront quitté le Morbihan. Restent essentiellement les hommes valides affectés aux Compagnies de Travailleurs Étrangers qui seront utilisés par l’organisation Todt pour construire le mur de l’Atlantique, les bases sous-marines. Par exemple, au fort Montbarey à Saint Pierre et Quilbignon près de Brest, ou ils sont prisonniers et ils sont amenés à construire de blockhaus et des bases soumarinnes comme celle des Quatre Pompes à Brest. Il y a plusieurs témoignages, notamment celui Emilio Pérez qui donne le chiffre de 1500 espagnols internés, ou d’ Antonio Muñoz (Almeria), tous les deux ont participé dans la résistance et furent déportés à Mauthausen.

Beaucoup d’espagnols arrivent dans les années 40 dans le Finistère. Par exemple, on sait que cent dix huit travailleurs furent embauchés par l’entreprise Dodin à Brest, soixante huit autres par l’entreprise du bâtiment Marc.

De nombreux espagnols furent également employés à la construction de la base de Lorient. Lors des bombardements qui détruisirent la ville et les localités voisines, parmi les nombreuses victimes civiles, citons les ouvriers espagnols, belges, hollandais du Camp Indochine à Beg er Men (Lanester): 80 d’entre eux succombèrent et furent enterrés dans des fosses communes au cimetière de Kérentrech (6-7 mai 1941.

Pour beaucoup d’autres, ce sera après un regroupement au camp de Montreuil-Bellay, comme l’atteste un document des Archives municipales de Vannes; le chemin de la déportation en Allemagne ou en Autriche à Mauthausen, camp de travail extrêmement dur où les déportés devaient travailler dans des carrières de granit et construire des usines souterraines; sur 7.000 espagnols, plus de 5.000 y perdront la vie.

Autre camp, celui de Buchenwald situé près de Weimar, la ville de Goethe, Bach, Beethoven … C’est là que fut interné Jorge Semprun alors âgé de 20 ans. Après sa libération en 1945, il milite au parti communiste espagnol dont il est exclu en 1964. Il se consacre alors à son travail d’écrivain et de scénariste. Il devient ministre de la Culture en 1988 dans le gouvernement de Felipe Gonzalez.

Un site estime à 53 le nombre d’espagnols déportés à partir de la Bretagne:

http://pagesperso-orange.fr/memoiredeguerre/deportation/espagnols.htm

Site amicale de Mauthausen: www.campmauthausen.org

6.737 espagnols ont été déportés, près de 60% d’entre eux ne sont pas revenus. Comme si cela n’avait pas suffit, de nombreux survivants, après avoir combattu dans les rangs de l’armée républicaine ou dans la Résistance, se retrouvèrent dans les goulags sibériens ou victimes des purges staliniennes; Staline poursuivant impitoyablement cette « guerre civile dans la guerre civile » qui fut l’une des causes de l’affaiblissement et de la défaite de la République.

 

LLUIS COMPANYS A LA BAULE

 

Lluis Companys en prison

 

 

Hendaye, livré aux fanquistes.

 

Affiche pour l’annulation de son  jugement.

 

Lluis Companys I Jover, avocat, fut président de la Généralité de Catalogne de 1934 à sa mort. Exilé en France après la Retirada, il s’installe à La Baule en 1939 avec quelques autres responsables catalans. Il résidait villa « Ker imor vad » (maison de la bonne humeur) sur la route de Ploermel. Plutôt que de fuir l’avancée nazi et de partir pour l’Irlande, il a pris le risque de rester car son fils gravement malade était soigné au Croisic.  Arrêté par la Gestapo le 13 août 1940 il est extradé vers l’Espagne et à l’issu d’un procès bâclé condamné à mort et fusillé le 15 octobre à Barcelone. Ses derniers mots furent « Per Catalunya!  » (« Pour la Catalogne ! »). Un mouvement est actuellement engagé dans le but d’annuler le procès qui a conduit à son exécution..

 

LES ESPAGNOLS DANS LA RESISTANCE

Les espagnols ont pris une part active à la Résistance.

L’Affiche Rouge, entre autres documents, en témoigne.

 

 

Roque Carrion

 

Ramon Garrido

 

Dans le Morbihan, signalons l’activité de Roque CARRION. En 1936, il est officier de l’armée de l’Air espagnole. Il se réfugie en France en 1939 après la défaite de la République espagnole et est interné dans différents camps du sud de la France. Embauché sur le chantier de construction de la base de sous-marins de Lorient, il y développe un réseau de sabotage. Contraint à la fuite, il rejoint le maquis de Ty Glas à Plouray. Son pseudonyme est Icare. Le 14 juillet 1944, la 2e compagnie du bataillon Koenig du commandant Icare défile dans le bourg de Kergrist-Moelou alors que les Allemands se trouvent toujours près de là, à Rostrenen. Ce bataillon FTP devenu 11e bataillon FFI du Morbihan commandé par Icare libère Rostrenen et Pontivy. Il meurt en 1995 et est inhumé à  Lanester.

 

Ramon GARRIDO est né à O’Grove en Galice (le port d’où partit le Novo Emden). Egalement passioné d’aviation, il participe aux combats contre les troupes franquistes.

Lors de la Retirada, en février 1939, Ramon GARRIDO franchit la frontière pour être aussitôt désarmé et interné dans le camp de concentration d’Argelès. En juin 1939, il est transféré à Barcarès où il est responsable clandestin de 4 baraques de prisonniers. Le 1er janvier 1940, il part avec la 211eme Compagnie de Travailleurs Etrangers (CTE) à St Médard en Jalles. Il est alors responsable clandestin de la compagnie. En juin 1940, il repart pour Argelès puis à Elne. Le 30 juillet 1941, la Compagnie est livrée aux allemands par les gendarmes français et se retrouve internée au camp de St Pierre à Brest pour travailler dans la base de sous-marins (organisation Todt). Ramon GARRIDO devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise aussi les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants.

En janvier 1942, il reçoit l’ordre de la Direction du PCE de s’évader et de rejoindre Lorient avec pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les espagnols de cette ville chargés des travaux dans la base de sous-marins. Ce qu’il fait, après avoir coupé les barbelés du camp, il rejoint Lorient à pied, sans argent ni papiers.

A Lorient, Ramon GARRIDO demeure au 73, rue Ratier, avec Inigo PORTILLO PASTHEUROS, fusillé dans les derniers jours de l’Occupation. Il y organise les premiers groupes de combat et de sabotage avec Juan SANCHEZ CASTILLO, Maurice THEUILLON, Georges LE SANT (Buchenwald), Albert Le BAIL (Mauthausen), Jean Louis PRIMAS, ancien combattant des Brigades internationales, fusillé le 7 septembre 1943 à Fresnes, et Roque CARRION MARTINEZ, futur chef du 2eme bataillon FTP de Lorient, puis du 11eme Bataillon FFI.

A la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de « Groupes d’Action » sont constitués. Ils ont pour responsables quelques jeunes lorientais qui ont combattu pendant la guerre 1939-1940 et des étrangers ayant combattu pendant la guerre d’Espagne. A partir du 15 mars 1942, les actions contre l’occupant se multiplieront à une cadence rapide. Les sources d’énergie électrique sont surtout visées; plus de dix transformateurs sont ainsi mis hors de service en ce 15 mars 1942.

Le 17 juillet 1942, Ramon GARRIDO s’enfuit de Lorient pour se réfugier à Rennes. Il était responsable des 450 Résistants espagnols des départements du Finistère, des Côtes du Nord, du Morbihan, de la Sarthe et de la Loire Inférieure, avec le grade de capitaine FTPF. Arrêté en novembre 1942, il est jugé par la Section Spéciale du Tribunal de Paris, avec 53 républicains espagnols dont beaucoup étaient originaires de la région de Nantes-St Nazaire. Il fut condamné à 2 ans de prison et à 1.200 F d’amende pour « activités communistes ».

Il est décédé le 14 janvier 1995 aux Lilas (Seine St Denis). Ses cendres reposent dans le cimetière municipal de son village natal, El Grove.

L’action des résistants espagnols en Bretagne est relaté sur le site du Bataillon FFI de la centrale d’Eysses retrace leur combat: http://bteysses.free.frcliquer sur « Le coin des espagnols ».

 

José Belisario MELON MARTINEZ, également galicien connut également la Retirada. D’abord interné au camp d’Argelès il gagna la Bretagne en 1940. Recruté de force sur le chantier de la base sous-marine de Lorient, il entra très tôt dans la Résistance.

A Nantes en novembre 1942, 88 espagnols sont arrêtés, lors d’un procès qui se déroule en janvier 1943, sur les 42 condamnés, 5 sont espagnols.

A Rennes:

Le 8 juin 1944, 32 résistants dont un morbihannais, Emile LE GREVELLEC de Baden et 9 espagnols avaient été sortis des geôles de la prison Jacques Cartier à Rennes pour être exécutés:

Antonio BARRIOS-UREZ, âgé de 29 ans environ, né à Madrid, Pedro FLORES-CANO, né le 2 février 1917 à Carolina, capitaine FFI, responsable des groupes armés espagnols pour la région Bretagne. A une rue à Hennebont. Dionisto GARCIA-RUBIO, né le 19 octobre 1918 à Don Pedro. Tomas HERNANDEZ-DIAZ, âgé de 24 ans environ, né à Badajoz. Léoncio MOLINA-CABRE, né le 17 avril 1915 à Pétroga. Lorenzo MONTORI-ROMEO, né le 10 août 1918 à Saragosse. Ramon NIETO-GRANERO, né le 14 mai 1914 à Oviala. Antonio SEBASTIAN-MOLINA, né le 20 février 1917 à Madrid. Téofilo TURCADO-ARENAS, né le 8 janvier 1917 à Tolède. (Antonio MORENO qui faisait parti du groupe de Brest, sera fusillé à Quimper en avril 1944.)

 

 BELLE ILE: LES TRACES DES ESPAGNOLS DANS LA CITADELLE

En août 2007, Madame Renée Le Hérissé a présenté une exposition « Mémoire de la Citadelle ». Elle a retrouvé les traces des espagnols qui y ont vécu, traces gravées dans les parois telles de dramatiques peintures rupestres …

« Je travaille surtout sur la mémoire, sur la trace, en particulier sur la trace écrite et aussi sur la trace au sol: labyrinthes, plans, cartes, itinéraires … J’ai travaillé effectivement sur les traces laissées par les réfugiés espagnols à la citadelle Vauban à Belle-Ile dans la cadre d’une exposition dans la poudrière de l’avancée qui avait pour thème la citadelle elle-même et en particulier les messages trouvés dans les cellules de la prison militaires qui existent toujours, contrairement aux écrits laissés par les Espagnols qui ont été détruits lors des travaux de restauration. Une employée du musée a pris des photos avant la destruction complète de ces témoignages et me les a confiées. Pour faire les gravures (17), j’ai respecté de mon mieux la forme même de l’écriture pour témoigner au mieux des messages.
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« Les traces laissées par les réfugiés espagnols qui ont séjourné dans la citadelle n’ont pas pu être conservées sur la surface tendre du plâtre. Le médium de la photographie les a sauvées de l’oubli,  on retrouve des noms, des dates mais aussi le comptage du temps qu’il faut bien occuper pour tenter de survivre. Ces signes dont les réfugiés n’ont pas pu assurer la pérennité, je les ai gravés sur des plaques de métal en m’efforçant de restituer fidèlement leur forme afin de redonner à voir (et peut-être à entendre) la force de leur désespoir ».

L’ensemble du travail de Madame le Hérissé peut être consulté sur son site http://reneeleherisse.canalblog.com

 

LA LIBERATION

 

 

  La participation des républicains espagnols dans les combats pour la libération fut décisive dans certaines régions de la France, dont l’Ariège, les Basses-Pyrénées, le Gers, le Tarn, les Pyrénées-Orientales et bien sûr la Bretagne. Ce sont les chars portant des noms ibériques et conduits par des Espagnols qui seront les premiers à entrer dans Paris libéré à la tête de la 9° Compagnie de Marche du Tchad commandée par le capitaine Raymond Dronne, composante de la 2e Division Blindée de Leclerc. Un livre de Evelyn Mesquida retrace leur épopée.

Parmi les nombreux combattants espagnols de la Résistance, nous pouvons également citer Manuel Ramos Escariz, natif de Saint Jacques de Compostelle, militant du syndicat des pêcheurs CNT du port de Cariño. Il participa à la lutte contre le coup d’état franquiste mais dû s’exiler à bord du bateau Arkale (Cf page « Boat people »). Il rejoignit l’armée républicaine, combattit dans les Asturies.

 

 

Un autre galicien connu un parcours extraordinaire. Ángel Rodríguez Leira, pêcheur de pousse-pieds de Cariño fût obligé de s’enrôler dans l’armée franquiste mais bien vite il déserta et rejoignit l’armée républicaine sous le nom de Angel Cariño López. A la fin de la guerre, à bord d’une patera il quitte Guardamar (Alicante) et rejoint Beni-Saf près d’Oran. Engagé dans la Légion étrangère, il part pour le Tchad et s’engage dans la division Leclerc. Il fit partie de la Nueve et participa à la libération de Paris ou il entre sur le blindé Guernica ce qui lui valu d’être décoré de la Croix de guerre avec palme par le général de Gaulle. Puis ce fut la bataille d’Allemagne, la prise du « nid d’aigle » d’Hitler le 5 mai 1945 avec les troupes du général Patton. La guerre achevée, il vécut en France, simple ouvrier d’usine et mourût en 1975 quelques jours avant Franco sans avoir revu sa patrie. Son histoire est rapportée sur le site de la commune de Cariño : http://carinho1978.blogspot.com/

A la fin de la guerre, leur espoir de libérer aussi l’Espagne du fascisme et de rentrer au pays, s’effondrent, devant la reconnaissance par les alliés du régime franquiste. Un exil qu’ils croyaient bientôt fini, allait encore durer jusqu’à la mort de Franco en 1975 et pour beaucoup d’entre eux allait être définitif.

 

Source :

https://sites.google.com/site/espagnolsenbretagne19371939/LE-CONTEXTE/les-boats-peoples-de-1937/la-premiere-vague—1937/1939—la-retirada/1939-la-grande-vague-d-arrivees/finistere/cotes-du-nord/morbihan/ille-et-vilaine/loire-inferieure/apres-septembre-1939—la-resistance-et-la-liberation

 

 

Une réflexion sur « ESPAGNOLS EN BRETAGNE »

  1. Jean-Claude, cette histoire est un vibrant hommage à nos parents dont nous pouvons être fiers et de poursuivre parmi leurs idéaux un refus ferme du fascisme. Dans mes souvenirs, il me semble que mon père avait été envoyé à travailler dans ces chantiers de l’Atlantique. Respect total au papa de Marie-Luz qui a été d’une bravoure exceptionnelle ! Hélas ces hommes n’ont pas pu,comme il est dit à la fin de l’article, retourner dans leur pays et surtout ils ont dû sentir qu’ils étaient abandonnés par tous pour libérer l’Espagne du fascisme. Les alliés se sont rangés avec Franco, pourquoi donc avaient-ils peur d’un pays qui aurait été républicain ? Le pire qui me fait mal aux tripes est écrit dans l’article :
    « 6.737 espagnols ont été déportés, près de 60% d’entre eux ne sont pas revenus. Comme si cela n’avait pas suffi, de nombreux survivants, après avoir combattu dans les rangs de l’armée républicaine ou dans la Résistance, se retrouvèrent dans les goulags sibériens ou victimes des purges staliniennes; Staline poursuivant impitoyablement cette « guerre civile dans la guerre civile » qui fut l’une des causes de l’affaiblissement et de la défaite de la République ».
    Merci encore pour tes trouvailles si intéressantes.

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